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04/01/2022 | FRANCE | N°20VE01883

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 04 janvier 2022, 20VE01883


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... A... veuve B..., Mme H... B..., tant en son nom propre qu'en qualité de représentante légale de sa fille mineure C... B..., Mme K... B..., Mme G... B..., tant en son nom propre qu'en qualité de représentante légale de son fils mineur N... J... B... et L... B..., ont demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise :

- de condamner le centre hospitalier Simone Veil à verser à Mme F... B... la somme de 193 237,36 euros, à O... H... B..., K... B..., G... B... et E... B..., la somme de 30 0

00 euros chacune, à Mme H... B..., la somme de 17 000 euros en sa qualité de r...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... A... veuve B..., Mme H... B..., tant en son nom propre qu'en qualité de représentante légale de sa fille mineure C... B..., Mme K... B..., Mme G... B..., tant en son nom propre qu'en qualité de représentante légale de son fils mineur N... J... B... et L... B..., ont demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise :

- de condamner le centre hospitalier Simone Veil à verser à Mme F... B... la somme de 193 237,36 euros, à O... H... B..., K... B..., G... B... et E... B..., la somme de 30 000 euros chacune, à Mme H... B..., la somme de 17 000 euros en sa qualité de représentante légale de Mme C... B..., à Mme G... B..., la somme de 20 000 euros en sa qualité de représentante légale de son fils N... J... B..., en réparation des préjudices subis du fait du décès de Célestin B... ;

- de condamner le centre hospitalier Simone Veil à verser la somme de 15 000 euros à O... F... B..., H... B..., K... B..., G... B... et E... B... en leur qualité de co-héritières de M. I... B..., en réparation du préjudice moral subi par ce dernier avant son décès.

Par un jugement n° 1800977 du 11 juin 2020, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 3 août 2020, Mme F... A... veuve B..., Mme H... B..., tant en son nom propre qu'en qualité de représentante légale de sa fille mineure C... B..., Mme K... B..., Mme G... B..., Mme E... B... et M. N... J... B..., représentés par Me Lecourt, avocat, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise ;

2°) d'annuler la décision du 12 décembre 2017 par laquelle le centre hospitalier Simone Veil a rejeté leur demande préalable d'indemnisation des préjudices subis du fait du décès de M. I... B... ;

3°) de dire et juger que le centre hospitalier Simone Veil a commis des fautes de service dans la prise en charge de M. I... B... aboutissant à son décès ;

4°) de condamner le centre hospitalier Simone Veil à verser :

- à Mme F... A... veuve B... :

- 30 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral lié à la perte de son époux ;

- 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral résultant de la déloyauté dans l'information donnée par le centre hospitalier ;

- 36 579,60 euros au titre des arrérages échus liés à la perte de revenus liée au décès de son époux ;

- 96 545,76 euros au titre de la perte de revenus future liée au décès de son époux ;

- 10 000 euros au titre de la perte de la contribution bénévole de M. I... B... ;

- 15 112 euros au titre des frais d'inhumation et de sépulture ;

- à O... H..., K..., G... et E... B... :

- 25 000 euros chacune à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice moral du fait du décès de leur père ;

- 5 000 euros chacune à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral résultant de la déloyauté dans l'information donnée par le centre hospitalier ;

- à M. N... J... B..., la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi du fait du décès de son grand-père ;

- à Mme H... B..., en sa qualité de représentante légale d'Ozanne B..., sa fille mineure, la somme de 17 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi du fait du décès de son grand-père ;

- à O... F..., H..., K..., G... et E... B... en leur qualité de co-héritières de M. I... B..., la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi par ce dernier avant son décès ;

5°) de mettre à la charge du centre hospitalier Simone Veil le versement à O... F..., H..., K..., G... et E... B..., d'une somme de 5 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- M. I... B... aurait dû être orienté en urgence véritable et non en urgence relative ; la surveillance de M. B... a été insuffisante ; une chirurgie viscérale entreprise à temps aurait permis de soigner M. B.... Ainsi, c'est à tort que le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a écarté l'existence de fautes du centre hospitalier, qui avaient été admises par l'expert judiciaire ;

- le décès de M. B... trouve sa cause dans les fautes commises lors de la prise en charge médicale à l'hôpital, qui ont abouti à lui faire perdre une très sérieuse chance de se remettre de l'affection dont il a souffert ;

- ils sont fondés par conséquent à demander l'indemnisation de leurs préjudices ainsi que le préjudice moral subi par M. B... avant son décès.

.......................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Coudert,

- les conclusions de Mme Grossholz, rapporteure publique,

- les observations de Me Lecourt pour les consorts B..., et celles de Me Pereault pour le centre hospitalier Simone Veil.

Considérant ce qui suit :

1. M. I... B..., né le 6 avril 1934, a été victime de deux malaises avec perte de connaissance, à son domicile, le 15 décembre 2011 entre 22 et 23h. Le soir même un médecin de SOS Médecins a effectué une visite domiciliaire, pratiqué un électrocardiogramme considéré comme normal et prescrit une prise de sang qui a été réalisée à son domicile le lendemain matin. A la lecture des résultats de ces analyses de sang le cardiologue traitant de M. B... a prescrit une hospitalisation en urgence. Pris en charge par les services du SAMU, M. B... a été admis aux urgences du centre hospitalier Simone Veil d'Eaubonne-Montmorency le 16 décembre 2011 à 14h47. Il a été victime d'un premier arrêt cardiaque le 17 décembre 2011 à 8h15, puis d'un second à 11h, avant que son décès ne soit constaté à 15h18. Mme F... A... veuve B..., son épouse, O... H... B..., K... B..., G... B... et Céleste B..., ses filles, Mme H... B... en sa qualité de représentante légale de Mme C... B..., sa petite-fille, et M. N... B..., son petit-fils, relèvent appel du jugement du 11 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté leurs demandes tendant à la condamnation du centre hospitalier Simone Veil à les indemniser des préjudices qu'ils estiment avoir subis en raison du décès de M. I... B....

Sur la responsabilité du centre hospitalier Simone Veil :

2. Aux termes du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. (...) ".

3. Il résulte de l'instruction que le docteur D..., expert désigné par ordonnance n° 1207981 du 16 novembre 2012 du juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise, a estimé dans son rapport du 29 janvier 2014 que, d'une part, la prise en charge médicale de M. B... à la suite de son admission au service des urgences du centre hospitalier avait été tardive ; que, d'autre part, M. B... n'avait pas bénéficié d'une réelle surveillance médicale avant l'aggravation de son état clinique et qu'enfin, " l'errance diagnostique et l'absence de décision thérapeutique " n'avaient pas permis de " poser l'indication opératoire " pertinente. L'expert conclut que " le patient n'a pas eu toutes ses chances car les traitements délivrés étaient tardifs et inadaptés ". Le centre hospitalier Simone Veil conteste toutefois l'appréciation ainsi portée par l'expert judiciaire en faisant valoir qu'aucun diagnostic certain ne pouvait être posé, les causes du décès de M. B... demeurant inconnues ; que la prise en charge du patient a été diligente dès lors qu'il a été examiné par le médecin des urgences dès 16h38 et non 17h27 comme l'a relevé l'expert et qu'enfin aucun défaut de surveillance ne peut lui être imputé dès lors que M. B... a bénéficié dans la soirée du 16 décembre et la nuit du 17 décembre de plusieurs examens médicaux et a été placé sous la surveillance permanente d'une aide-soignante et d'une infirmière. Le centre hospitalier produit à ce titre un dire du docteur M..., chef de service des urgences médicochirurgicales. Les éléments ainsi avancés, en défense, par le centre hospitalier quant à la prise en charge de M. B..., sur lesquels le rapport du docteur D... ne se prononce pas, sont susceptibles de remettre en cause, en tout ou partie, les conclusions de son rapport.

4. Dans ces conditions, la Cour estime ne pas disposer d'une information suffisante pour statuer sur le litige. Il y a donc lieu d'ordonner avant-dire droit une nouvelle expertise afin de déterminer si les conditions de prise en charge de M. B... par le centre hospitalier Simone Veil ont été, ou non, conformes aux règles de l'art. Il appartiendra également à l'expert de donner son avis sur le point de savoir si le ou les manquements éventuels, compte tenu de l'état de santé de M. I... B..., ont fait perdre à ce dernier une chance de survie et donner également son avis sur l'ampleur (exprimée en pourcentage) de la chance de survie ainsi perdue par M. B....

DÉCIDE :

Article 1er : Il sera, avant de statuer sur la demande des consorts B..., procédé à une expertise médicale. L'expert, spécialisé en médecine d'urgence, aura pour mission :

1°) se faire communiquer tous documents relatifs à l'état de santé de M. I... B... que lui communiqueront les parties et, notamment, tous documents relatifs au suivi médical, aux actes de soins, et aux diagnostics pratiqués sur lui lors de ses prises en charge par le centre hospitalier Simone Veil d'Eaubonne-Montmorency ; convoquer et entendre les parties et tous sachants ; procéder à l'examen sur pièces du dossier médical de M. I... B... ;

2°) décrire l'état de santé de M. I... B... et les soins et prescriptions antérieurs à son admission au service des urgences du centre hospitalier Simone Veil d'Eaubonne-Montmorency ; décrire l'état pathologique de M. I... B... ayant conduit à son admission au service des urgences du centre hospitalier Simone Veil d'Eaubonne-Montmorency ;

3°) déterminer les causes du décès de M. I... B... le 17 décembre 2011 ; en cas de multiplicité de causes, déterminer la cause la plus probable ;

4°) déterminer les conditions de prise en charge de M. I... B... au sein du service des urgences du centre hospitalier Simone Veil et notamment si un retard dans cette prise en charge peut être imputé au centre hospitalier ;

5°) donner son avis sur le point de savoir si les diagnostics établis, les traitements et les soins prodigués et leur suivi ont été consciencieux, attentifs, diligents et conformes aux données acquises de la science, et s'ils étaient adaptés à l'état de M. I... B... et aux symptômes qu'il présentait ; donner son avis sur la pertinence des diagnostics des équipes médicales du service des urgences du centre hospitalier Simone Veil ;

6°) de manière générale, réunir tous les éléments devant permettre de déterminer si des fautes médicales, des fautes de soins ou des fautes dans l'organisation des services ont été commises lors de l'hospitalisation de M. I... B... ; rechercher si les diligences nécessaires pour l'établissement d'un diagnostic exact ont été mises en œuvre ; rechercher si les interventions et actes médicaux pratiqués ont été exécutés conformément aux règles de l'art ;

7°) le cas échéant, déterminer si les manquements reprochés à l'établissement sont en lien direct et certain avec le décès de M. I... B... ;

8°) donner son avis sur le point de savoir si le ou les manquements éventuellement constatés ont fait perdre à M. I... B... une chance de survie ; donner son avis sur l'ampleur (exprimée en pourcentage) de la chance de survie ainsi perdue par M. I... B..., compte tenu notamment de l'état de santé antérieur du patient et d'éventuels manquements commis par d'autres intervenants avant son admission au service des urgences du centre hospitalier Simone Veil ;

9°) décrire les préjudices subis par M. I... B... et ses proches résultant du ou des éventuels manquements dans la prise en charge du patient par le centre hospitalier Simone Veil et de son décès.

L'expert disposera des pouvoirs d'investigations les plus étendus. Il pourra faire toutes constatations ou vérifications propres à faciliter l'accomplissement de sa mission et éclairer la cour.

Article 2 : L'expertise sera menée contradictoirement entre les consorts B..., le centre hospitalier Simone Veil et la caisse primaire d'assurance maladie du Val d'Oise.

Article 3 : L'expert sera désigné par le président de la cour. Il accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative. Le rapport d'expertise sera déposé en deux exemplaires dans un délai de trois mois à compter de la date de notification du présent arrêt. L'expert en notifiera des copies aux parties intéressées.

Article 4 : Les frais d'expertise sont réservés pour y être statués en fin d'instance.

Article 5 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'à la fin de l'instance.

N° 20VE01883 5


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20VE01883
Date de la décision : 04/01/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: M. Bruno COUDERT
Rapporteur public ?: Mme GROSSHOLZ
Avocat(s) : LECOURT

Origine de la décision
Date de l'import : 11/01/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2022-01-04;20ve01883 ?
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