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17/12/2021 | FRANCE | N°20VE01195

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 17 décembre 2021, 20VE01195


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat Émeraude a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise :

- sous le n° 1707306, d'annuler la décision implicite par laquelle le maire de la commune de Montlignon a rejeté son recours gracieux, d'annuler l'arrêté n° 2009P158 des 24 et 30 juillet 2009 pris conjointement par le président du conseil départemental du Val d'Oise et le maire de Montlignon, et de mettre à la charge de la commune de Montlignon la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justi

ce administrative ;

- sous le n° 1707307, d'annuler la décision implicite par ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat Émeraude a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise :

- sous le n° 1707306, d'annuler la décision implicite par laquelle le maire de la commune de Montlignon a rejeté son recours gracieux, d'annuler l'arrêté n° 2009P158 des 24 et 30 juillet 2009 pris conjointement par le président du conseil départemental du Val d'Oise et le maire de Montlignon, et de mettre à la charge de la commune de Montlignon la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

- sous le n° 1707307, d'annuler la décision implicite par laquelle le président du Conseil départemental du Val d'Oise a rejeté son recours gracieux, d'annuler l'arrêté n° 2009P158 des 24 et 30 juillet 2009 pris conjointement par le président du Conseil départemental du Val d'Oise et le maire de Montlignon, et de mettre à la charge du Conseil départemental du Val d'Oise la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1707306-1707307 du 27 février 2020, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté ces demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement les 24 avril 2020 et 8 septembre 2021, le syndicat Émeraude, représenté par Me Sur-Le Liboux, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler ces décisions implicites de rejet de ses recours gracieux ;

3°) d'enjoindre au maire de la commune de Montlignon et au président du conseil départemental du Val d'Oise d'abroger l'arrêté n° 2009P158 des 24 et 30 juillet 2009, dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de leur enjoindre d'exclure expressément les véhicules de plus de cinq tonnes utilisés pour la collecte ou le transport des déchets des ménages du champ d'application de tout nouvel arrêté d'interdiction, de restrictions ou de prescriptions particulières de la circulation ou du stationnement des véhicules de plus de cinq tonnes transportant des marchandises ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Montlignon et du conseil départemental du Val d'Oise la somme de 6 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;

- il est entaché d'erreurs de droit, d'erreurs de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- c'est à tort que le tribunal a jugé que ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté des 24 et 30 juillet 2009 étaient irrecevables en raison de leur tardiveté ;

- cet arrêté aurait dû être signé par les maires des communes de Domont et Bouffémont ;

- il méconnaît l'article L. 541-1 du code de l'environnement ;

- il viole le principe de proportionnalité ;

- il porte atteinte de manière injustifiée à la liberté du commerce et de l'industrie ainsi qu'à la liberté de circulation des marchandises ;

- il méconnaît l'article L. 2213-4 du code général des collectivités territoriales.

......................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Ablard,

- les conclusions de Mme Grossholz, rapporteure publique,

- et les observations de Me Sur-Le Liboux pour le syndicat Émeraude et de Me Goul, substituant Me Di Francesco, pour le département du Val d'Oise.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté conjoint n° 2019P158 signé les 24 et 30 juillet 2009, le président du conseil général du Val d'Oise et le maire de la commune de Montlignon ont interdit la circulation des poids lourds de plus de cinq tonnes transportant des marchandises sur une portion de la route départementale 909, située entre la route départementale 44 et la route départementale 144, afin de " sécuriser la traversée de la commune de Montlignon ". Par deux courriers du 4 avril 2017 adressés au maire de Montlignon et au président du conseil départemental du Val d'Oise, le syndicat Émeraude, établissement public de coopération intercommunale chargé du traitement des déchets, a demandé l'abrogation de cet arrêté. Ces demandes ont fait l'objet de décisions implicites de rejet. Le syndicat Émeraude relève appel du jugement du 27 février 2020 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de ces décisions et de l'arrêté susmentionné.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, si le syndicat Émeraude soutient que c'est à tort que le tribunal a jugé que ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté n° 2019P158 des 24 et 30 juillet 2009 étaient irrecevables en raison de leur tardiveté, c'est sans commettre d'erreur que les premiers juges ont relevé que l'arrêté dont s'agit a fait l'objet d'un affichage à compter du 31 juillet 2009, date à laquelle avait commencé à courir le délai de recours contentieux. Par suite, et sans que le syndicat requérant puisse utilement soutenir que le tribunal aurait dû donner un " effet utile " à ses écritures sur ce point, c'est à bon droit que les premiers juges ont rejeté les conclusions susmentionnées pour ce motif.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

4. Il résulte des termes mêmes du jugement attaqué, et notamment de ses points 9 à 13, que le tribunal, qui n'était pas tenu de répondre à l'ensemble des arguments invoqués par le syndicat Émeraude, a suffisamment précisé les motifs pour lesquels il a considéré qu'aucun de ses moyens n'était de nature à établir que les décisions rejetant sa demande d'abrogation de l'arrêté n° 2019P158 des 24 et 30 juillet 2009 étaient entachées d'une illégalité justifiant leur annulation. Par suite, le moyen tiré d'un défaut de motivation du jugement attaqué doit être écarté.

5. Enfin, si le syndicat Émeraude soutient que le tribunal a commis des erreurs de droit, des erreurs de fait et une erreur manifeste d'appréciation, de tels moyens, qui se rattachent au bien-fondé du raisonnement suivi par le tribunal, ne sont pas de nature à affecter la régularité de ce jugement.

Au fond :

6. En premier lieu, d'une part, aux termes des dispositions de l'article L. 2213-1 du code général des collectivités territoriales : " Le maire exerce la police de la circulation sur les routes nationales, les routes départementales et les voies de communication à l'intérieur des agglomérations, sous réserve des pouvoirs dévolus au représentant de l'Etat dans le département sur les routes à grande circulation. (...) ". L'article L. 3221-4 du même code dispose que : " Le président du conseil départemental gère le domaine du département. A ce titre, il exerce les pouvoirs de police afférents à cette gestion, notamment en ce qui concerne la circulation sur ce domaine, sous réserve des attributions dévolues aux maires par le présent code et au représentant de l'Etat dans le département ainsi que du pouvoir de substitution du représentant de l'Etat dans le département prévu à l'article L. 3221-5 ". D'autre part, la police de la circulation sur une voie dont l'axe délimite les territoires de deux communes doit être exercée en commun par les maires de ces communes, la réglementation devant être édictée sous forme soit d'arrêtés concordants signés par chacun d'eux, soit d'un arrêté unique signé par les deux maires.

7. Le syndicat requérant soutient que l'arrêté 2019P158 des 24 et 30 juillet 2009 aurait dû être également signé par les maires des communes de Domont et Bouffémont, dès lors que son exécution a des conséquences pour ces deux communes en terme de circulation. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'axe de la route départementale 909 délimiterait le territoire des communes en question avec celui de la commune de Montlignon. Par suite, le moyen ainsi soulevé doit être écarté.

8. En deuxième lieu, le syndicat Émeraude soutient que l'arrêté dont il s'agit, en allongeant nécessairement le temps de parcours des camions chargés de la collecte des déchets, méconnaît l'article L. 541-1 du code de l'environnement, dans sa version alors applicable, aux termes duquel " I. - Les dispositions du présent chapitre et de l'article L. 125-1 ont pour objet : (...) 2° D'organiser le transport des déchets et de le limiter en distance et en volume ; (...) ". Toutefois, et comme l'ont relevé les premiers juges, l'arrêté 2019P158 des 24 et 30 juillet 2009, qui a pour objet de sécuriser la traversée de la commune de Montlignon, pouvait être pris en application des seules dispositions précitées de l'article L. 2213-1 du code général des collectivités territoriales, indépendamment des dispositions de l'article L. 541-1 du code de l'environnement, invoquées par le syndicat Émeraude et relatives à l'élimination des déchets et à la récupération des matériaux. Par suite, le moyen tiré d'une méconnaissance desdites dispositions doit être écarté.

9. En troisième lieu, le syndicat Émeraude soutient que l'arrêté dont il s'agit viole le principe de proportionnalité des mesures de police. Il a fait à cet égard valoir qu'il édicte une interdiction générale et absolue qui n'est en tout état de cause pas justifiée, dès lors qu'aucun élément ne permet de caractériser un risque avéré pour la sécurité publique lié à la circulation de poids lourds sur la route départementale 909. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que cet arrêté, qui a pour objet ainsi qu'il a été dit de sécuriser la traversée de la commune de Montlignon, ne vise que la circulation des poids lourds de plus de cinq tonnes sur une portion de la route départementale 909. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que cette mesure est justifiée par la circonstance que la portion de la voie concernée, bordée d'habitations, se caractérise à plusieurs endroits par une faible largeur et la présence d'un stationnement en écluse entraînant un rétrécissement de la chaussée et imposant pour cette raison une circulation alternée. Il résulte de ces caractéristiques que des mesures moins contraignantes que celle prévue par l'arrêté litigieux n'auraient pas permis d'atteindre le but poursuivi. Dans ces conditions, et nonobstant les circonstances que cet arrêté n'opère pas de distinction entre les différents types de véhicules poids-lourds de plus de cinq tonnes et ne prévoit pas d'aménagement horaire permettant d'en atténuer les effets, ledit arrêté ne peut être regardé comme édictant une interdiction générale et absolue et comme étant dépourvu de caractère nécessaire.

10. En quatrième lieu, si le syndicat Émeraude soutient que l'arrêté en cause porte atteinte à la liberté de circulation, dès lors que l'utilisation de la route départementale 909 constitue la seule voie permettant l'accès des camions chargés de la collecte des déchets au centre de tri Val'Horizon, il ne l'établit pas par la seule production de photographies aériennes issues du site Google Maps. En outre, si le requérant invoque une atteinte excessive à la liberté du commerce et de l'industrie, celle-ci n'est établie par aucune des pièces versées au dossier, ainsi que l'ont relevé les premiers juges.

11. Enfin, aux termes de l'article L. 2213-4 du code général des collectivités territoriales, dans sa version alors applicable : " Le maire peut, par arrêté motivé, interdire l'accès de certaines voies ou de certaines portions de voies ou de certains secteurs de la commune aux véhicules dont la circulation sur ces voies ou dans ces secteurs est de nature à compromettre soit la tranquillité publique, soit la qualité de l'air, soit la protection des espèces animales ou végétales, soit la protection des espaces naturels, des paysages ou des sites ou leur mise en valeur à des fins esthétiques, écologiques, agricoles, forestières ou touristiques. Dans ces secteurs, le maire peut, en outre, par arrêté motivé, soumettre à des prescriptions particulières relatives aux conditions d'horaires et d'accès à certains lieux et aux niveaux sonores admissibles les activités s'exerçant sur la voie publique, à l'exception de celles qui relèvent d'une mission de service public. Ces dispositions ne s'appliquent pas aux véhicules utilisés pour assurer une mission de service public et ne peuvent s'appliquer d'une façon permanente aux véhicules utilisés à des fins professionnelles de recherche, d'exploitation ou d'entretien des espaces naturels ".

12. Si le syndicat Émeraude soutient que le département du Val d'Oise et la commune de Montlignon auraient nécessairement dû faire application de l'article L. 2213-4 précité du code général des collectivités territoriales, et en particulier de son dernier alinéa, il ressort des pièces du dossier, ainsi qu'il a été dit, que l'arrêté en cause a été pris en vue de prévenir un risque d'atteinte à la seule sécurité publique et non, comme le prévoit l'article L. 2213-4, à la tranquillité publique, la qualité de l'air, la protection des espèces animales ou végétales, la protection des espaces naturels, des paysages ou des sites ou leur mise en valeur à des fins esthétiques, écologiques, agricoles, forestières ou touristiques. Par suite, le moyen tiré d'une méconnaissance des dispositions précitées ne peut qu'être écarté.

13. Il résulte de tout ce qui précède que le syndicat Emeraude n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande. Il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter ses conclusions à fin d'injonction.

Sur les frais liés à l'instance :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Montlignon et du département du Val d'Oise, qui ne sont pas les parties perdantes, la somme demandée par le syndicat Emeraude au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge du syndicat Emeraude la somme de 1 500 euros, à verser au département du Val d'Oise.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du syndicat Emeraude est rejetée.

Article 2 : Le syndicat Emeraude versera la somme de 1 500 euros au département du Val d'Oise au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

N° 20VE01195 5


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20VE01195
Date de la décision : 17/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: M. Thierry ABLARD
Rapporteur public ?: Mme GROSSHOLZ
Avocat(s) : SCP URBINO ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 28/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2021-12-17;20ve01195 ?
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