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16/12/2021 | FRANCE | N°20VE00302

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 16 décembre 2021, 20VE00302


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Free Mobile a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 14 septembre 2018 par lequel le maire de Noisy-le-Sec s'est opposé aux travaux faisant l'objet de sa déclaration préalable souscrite le 22 août 2018 en vue de l'implantation d'une station relais de téléphonie mobile sur un bâtiment situé 58, rue du Progrès ainsi que la décision implicite du maire de Noisy-le-Sec rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 1901793 du 20 novembre 2019, le tribun

al administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Free Mobile a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 14 septembre 2018 par lequel le maire de Noisy-le-Sec s'est opposé aux travaux faisant l'objet de sa déclaration préalable souscrite le 22 août 2018 en vue de l'implantation d'une station relais de téléphonie mobile sur un bâtiment situé 58, rue du Progrès ainsi que la décision implicite du maire de Noisy-le-Sec rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 1901793 du 20 novembre 2019, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 20 janvier 2020, la société Free Mobile, représentée par Me Martin, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté et la décision implicite rejetant son recours gracieux ;

3°) d'enjoindre au maire de Noisy-le-Sec de délivrer l'autorisation d'urbanisme sollicitée, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Noisy-le-Sec le versement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le signataire de l'arrêté litigieux ne peut être regardé comme compétent dès lors que la délégation dont il bénéficiait n'avait pas été transmise au contrôle de légalité et n'était donc pas exécutoire ;

- c'est à tort que le tribunal administratif a estimé que la réduction de l'impact visuel prévue pour le type d'installations en cause par l'article UB 11-1-3 du plan local d'urbanisme constitue une obligation, alors qu'elle n'est prévue que dans la mesure du possible ;

- compte tenu des diverses installations, cheminées, antennes et autres présentes sur les bâtiments environnants, c'est à tort que les premiers juges ont estimé que l'installation de fausses cheminées pour dissimuler les antennes du projet ne s'intègrent pas dans l'environnement proche de la construction ;

- c'est à tort que l'arrêté litigieux s'est fondé sur l'absence de précision relative à la distance entre le lieu d'implantation de la station projetée et l'établissement scolaire voisin, alors que le code de l'urbanisme ne prévoit pas cette information dans la liste des éléments devant être joints au dossier de demande préalable ;

- c'est à tort que le maire de Noisy-le-Sec a mis en œuvre le principe de précaution en l'espèce, alors qu'aucun danger scientifiquement identifié n'est démontré et que la présence d'un groupe scolaire à proximité ne suffit pas à démontrer l'existence d'un tel danger, aucun risque pour la santé des populations vivant à proximité d'antennes relais de téléphonie mobile ne pouvant être retenu.

.....................................................................................................................

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- la Constitution, notamment la Charte de l'environnement à laquelle renvoie son préambule ;

- le décret n° 2002-775 du 3 mai 2002 pris en application du 12° de l'article L. 32 du code des postes et télécommunications relatif aux valeurs limites d'exposition du public aux champs électromagnétiques émis par les équipements utilisés dans les réseaux de télécommunication ou par les installations radioélectriques ;

- le code des postes et des communications électroniques ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Colrat,

- les conclusions de Mme Bobko, rapporteure publique,

- et les observations de Me Bajn, substituant Me Burel, pour la commune de Noisy-le-Sec.

Considérant ce qui suit :

1. La société Free Mobile fait appel du jugement du tribunal administratif de Montreuil du 20 novembre 2019 rejetant sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du maire de Noisy-le-Sec du 14 septembre 2018 s'opposant aux travaux ayant fait l'objet de la déclaration préalable du 22 août 2018 en vue de l'implantation d'une station relais de téléphonie mobile sur un bâtiment situé 58, rue du Progrès.

2. Aux termes de l'article UB. 11.1.3 du règlement annexé au plan local d'urbanisme de cette commune : " Les éléments techniques doivent être intégrés de façon harmonieuse au site et à la construction, le cas échéant, de manière à en réduire l'impact visuel depuis les espaces ouverts à l'usage du public et notamment : (...) les édicules techniques (voir article UB 10.1) (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article UB. 10.1 de ce même règlement : " Sont admis en dépassement des hauteurs maximales fixées, dans la limite de 2 mètres, les édicules techniques suivants, non-inscrits dans le prolongement des façades : / (...) / antennes (...) / à conditions qu'ils soient regroupés au maximum pour être le moins visible depuis le domaine public (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier que l'immeuble sur lequel la société Free Mobile envisage d'implanter les antennes de téléphonie mobile en cause n'a pas d'intérêt architectural particulier, que cet immeuble est situé au sein d'un secteur urbain peu dense, sans grande qualité architecturale ou paysagère, où se trouvent de nombreux poteaux soutenant des fils électriques non enterrés, des mâts élevés portant des installations éclairant des équipements sportifs et où la plupart des immeubles sont surmontés d'antennes râteaux ou d'antennes paraboliques visibles depuis les espaces publics. Ainsi, l'implantation litigieuse de trois antennes relais dissimulées dans deux fausses cheminées de 3,50 mètres de hauteur, réalisées dans la même teinte que celle des murs du bâtiment sur lequel elles doivent être installées, même si elles sont visibles depuis la voie publique, ne peut être regardée comme méconnaissant les dispositions précitées du règlement du plan local d'urbanisme de la commune. Par suite, la société Free Mobile est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont, par le jugement attaqué, rejeté sa demande.

4. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société Free Mobile devant le tribunal administratif de Montreuil.

5. En premier lieu, il ne ressort pas des dispositions de l'article R. 431-36 du code de l'urbanisme que le plan de masse qui doit être joint au dossier de déclaration préalable de travaux doive mentionner la distance séparant l'installation des antennes projetées du groupe scolaire Langevin. Par suite, le maire de Noisy-le-Sec ne pouvait se fonder sur le défaut de cette mention sur le plan de masse produit par la société Free Mobile pour s'opposer aux travaux déclarés par cette dernière, alors même que le dossier d'information, remis par la société lors du dépôt de sa déclaration préalable en application de l'article L. 39-9-1 du code des postes et des communications électroniques, précisait que le groupe scolaire Langevin était situé à 60 mètres de l'installation projetée.

6. En second lieu, aux termes de l'article 5 de la Charte de l'environnement à laquelle le préambule de la Constitution fait référence en vertu de la loi constitutionnelle du 1er mars 2005 : " Lorsque la réalisation d'un dommage, bien qu'incertaine en l'état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l'environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d'attributions, à la mise en œuvre de procédures d'évaluation des risques et à l'adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage ". Ces dernières dispositions, qui n'appellent pas de dispositions législatives ou réglementaires en précisant les modalités de mise en œuvre, s'imposent aux pouvoirs publics et aux autorités administratives dans leurs domaines de compétence respectifs. Au demeurant, l'article R. 111-26 du code de l'urbanisme prévoit que le permis de construire ou la décision prise sur la déclaration préalable de travaux doit respecter les préoccupations définies par l'article L. 110-1 du code de l'environnement qui se réfère au principe de précaution " selon lequel l'absence de certitudes, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment, ne doit pas retarder l'adoption de mesures effectives et proportionnées visant à prévenir un risque de dommages graves et irréversibles à l'environnement à un coût économiquement acceptable ". S'il appartient, dès lors, à l'autorité administrative compétente de prendre en compte le principe de précaution lorsqu'elle se prononce sur l'octroi d'une autorisation délivrée en application de la législation sur l'urbanisme, les dispositions de l'article 5 de la Charte de l'environnement ne permettent pas, indépendamment des procédures d'évaluation des risques et des mesures provisoires et proportionnées susceptibles, le cas échéant, d'être mises en œuvre par les autres autorités publiques dans leur domaine de compétence, de refuser légalement la délivrance d'une autorisation d'urbanisme en l'absence d'éléments circonstanciés faisant apparaître, en l'état des connaissances scientifiques, des risques, même incertains, de nature à justifier un tel refus.

7. Il ne ressort des pièces versées au dossier aucun élément circonstancié de nature à établir l'existence, en l'état des connaissances scientifiques, d'un risque pouvant résulter, pour le public, de son exposition aux champs électromagnétiques émis par les installations projetées et justifiant que, indépendamment des procédures d'évaluation des risques et des mesures provisoires et proportionnées susceptibles, le cas échéant, d'être mises en œuvre par les autorités compétentes, le maire de Noisy-le-Sec s'oppose à la déclaration préalable litigieuse. En particulier, il ressort des pièces du dossier que l'estimation du niveau maximum de champ électromagnétique reçu est de 3% de la valeur limite d'exposition retenue par le décret susvisé du 3 mai 2002 relatif aux valeurs limites d'exposition du public aux champs électromagnétiques émis par les équipements utilisés dans les réseaux de télécommunication ou par les installations radioélectriques. Par suite, c'est à tort que l'arrêté litigieux repose sur le motif tiré de la mise en œuvre du principe de précaution prévu par l'article 5 précité de la Charte de l'environnement.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la société Free Mobile est fondée, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du maire de Noisy-le-Sec du 14 septembre 2018.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

9. Eu égard aux motifs d'annulation de la décision attaquée ci-dessus retenus, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement que le maire de Noisy-le-Sec procède au réexamen de la déclaration préalable souscrite par la société Free Mobile. Il y a lieu, dès lors, d'enjoindre au maire de Noisy-le-Sec de se prononcer sur la déclaration préalable de la société Free Mobile dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt sans qu'il y ait lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société Free Mobile, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la commune de Noisy-le-Sec demande à ce titre. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de la commune de Noisy-le-Sec la somme de 2 000 euros à verser à la société Free Mobile sur le fondement des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montreuil n° 1901793 du 20 novembre 2019 et l'arrêté du maire de Noisy-le-Sec du 14 septembre 2018 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au maire de Noisy-le-Sec de réexaminer la déclaration préalable souscrite par la société Free Mobile, dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : La commune de Noisy-le-Sec versera à la société Free Mobile la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de la commune de Noisy-le-Sec présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

2

N° 20VE00302


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20VE00302
Date de la décision : 16/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Nature et environnement.

68 Urbanisme et aménagement du territoire.


Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: Mme Sophie COLRAT
Rapporteur public ?: Mme MARGERIT
Avocat(s) : DLA PIPER FRANCE LLP

Origine de la décision
Date de l'import : 11/01/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2021-12-16;20ve00302 ?
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