Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Total Marketing Service (TMS) a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de condamner l'Etat à lui verser la somme de 23 316 597,50 euros, augmentée des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts, en réparation des préjudices ayant résulté pour elle de la résiliation du contrat de partenariat pour la mise en œuvre du projet d'écotaxe poids lourds.
Par un jugement n° 1507933 du 18 juillet 2018, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a prescrit une mesure d'expertise avant de statuer sur les conclusions de la société TMS et décidé que les frais d'expertise seraient avancés par l'Etat.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 18 septembre 2018, le ministre de la transition écologique et solidaire demande à la cour d'annuler ce jugement et de rejeter la demande présentée par la société TMS devant le tribunal administratif.
Il soutient que :
- le moyen tiré de l'illégalité de la décision de résiliation du contrat de partenariat est inopérant, un tiers à un contrat ne pouvant utilement invoquer la violation des stipulations de ce contrat ;
- en tout état de cause, la décision de résiliation est justifiée par un motif d'intérêt général tiré de l'existence de contestations fortes et durables au projet d'écotaxe se traduisant, dans certains cas, par de graves troubles à l'ordre public ; la reconfiguration du projet par la loi du 8 août 2014 prévoyant la mise en place d'un péage de transit a fortement diminué l'équilibre économique du montage juridique initialement adopté et la rentabilité du dispositif ; les conditions de collecte prévues au contrat de partenariat ne répondant plus aux exigences de l'intérêt général, le projet a été abandonné ;
- il n'existe pas de lien de causalité direct entre la faute prétendument commise par l'Etat et le préjudice subi par la société TMS ; son préjudice résulte de sa propre décision de retenir l'option 3 dans son contrat avec Ecomouv', cette option excluant son indemnisation en cas de résiliation du contrat de partenariat ; l'Etat n'avait aucun lien contractuel avec les sociétés habilitées de télépéage (SHT) dont la société TMS ; ces SHT ont souscrit des contrats avec Ecomouv' en retenant l'une des 3 options ouvertes par les contrats types annexés au contrat de partenariat ; selon l'option 3, la SHT fournissait un service européen de télépéage au moyen d'un dispositif technique élaboré par elle ; la société TMS a retenu cette option librement et en connaissance de cause ; ce choix n'a pas été fait par tous les opérateurs ; ce choix offrait des opportunités de développement en Europe et permettait de développer des fonctionnalités excédant celles exigées par le contrat de partenariat ; la société TMS a accepté l'aléa résultant de la souscription de l'option 3 ; cet aléa ne présente pas, contrairement à ce qu'elle soutient, un caractère extraordinaire dès lors que le risque d'échec de la mise en place de l'écotaxe et d'une résiliation du contrat était connu de la société et que celle-ci a délibérément accru le niveau de risque afin de maximiser ses profits ;
- les frais d'expertise doivent être mis à la charge de la société TMS ;
- en cas de censure des motifs du jugement attaqué, il est soutenu, à titre principal, qu'il n'existe pas de lien de causalité entre les agissements de l'Etat, à les supposer fautifs, et le préjudice de la société TMS qui résulte uniquement des stipulations du contrat qu'elle a librement souscrit ;
- à titre subsidiaire, aucun fait n'est de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;
- en ce qui concerne la responsabilité quasi-délictuelle de l'Etat, le protocole d'accord conclu avec Ecomouv' ne vaut pas reconnaissance de la responsabilité de l'Etat ;
- aucun retard à prendre les mesures nécessaires pour permettre l'entrée en vigueur de la taxe nationale sur les véhicules de transport de marchandises n'est imputable à l'Etat ; les dispositions législatives en cause ont été abrogées par la loi du 29 décembre 2016 ; l'arrêté fixant la date de mise en œuvre du dispositif technique nécessaire à la collecte de la taxe aurait pu intervenir jusqu'au 31 décembre 2015 ; la résiliation du contrat de partenariat ne peut être regardée comme la conséquence d'une carence fautive de l'Etat dans la mise en œuvre des dispositions législatives relatives à l'écotaxe ;
- l'Etat n'a commis aucune faute en excluant toute indemnisation des SHT option 3 ; l'Etat n'a pas commis de faute en prévoyant un contrat type pour les SHT ; l'Etat n'a pas abusé de la liberté contractuelle d'exclure toute indemnisation pour les SHT option 3 en cas de fin anticipée du contrat de partenariat ; il n'y a pas abus de position dominante et violation des règles de la concurrence ; il n'y a pas méconnaissance du principe d'égalité, les SHT option 3 se trouvant dans une situation différente de celles ayant choisi l'option 1 ;
- le principe de confiance légitime ne peut utilement être invoqué, la résiliation du contrat de partenariat ne pouvant être regardée comme se rapportant à une situation régie par le droit de l'Union européenne ; en tout état de cause, ce principe n'a pas été méconnu, l'Etat n'ayant jamais donné l'assurance aux SHT qu'il ne mettrait pas en œuvre son pouvoir de résiliation pour motif d'intérêt général et ces sociétés ayant été, en outre, en mesure d'anticiper une potentielle résiliation du contrat au vu des difficultés techniques et politiques rencontrées dans la phase de réalisation du projet ;
- le moyen tiré de la méconnaissance du principe de sécurité juridique n'est pas opérant ; en tout état de cause, en l'espèce, à la différence de l'arrêt Kloppenburg, les reports successifs de la date d'entrée en vigueur du dispositif n'ont pas eu pour effet de revenir sur une entrée en vigueur effective qui n'avait pas pu avoir lieu ; les délais dont se plaint la requérante étaient soit prévisibles soit non imputables à l'Etat ;
- aucune incitation fautive n'est imputable à l'Etat ; il n'a pas incité les SHT à engager des frais supplémentaires ; il leur a seulement été demandé d'assurer le fonctionnement du dispositif pour lequel elles s'étaient engagées contractuellement ; la société TMS a été indemnisée pour la période de " marche à blanc " par le protocole du 4 avril 2014 ; elle a renoncé à toute contestation ; les délais dont elle se plaint étaient connus ; elle a elle-même contribué aux retards compte tenu des dysfonctionnements des interfaces permettant l'enregistrement des redevables ;
- la responsabilité sans faute pour rupture d'égalité devant les charges publiques ne peut être invoquée compte tenu du risque prévisible affectant ce projet complexe et contesté et dont la mise en œuvre reposait sur un dispositif contractuel très innovant ; en outre, la société a engendré son prétendu préjudice en choisissant l'option 3 qui n'offrait aucune indemnité en cas de résiliation et en surinvestissant par rapport aux besoins de l'Etat afin de gagner des parts de marché ;
- la responsabilité quasi-contractuelle ne peut être invoquée en l'absence d'enrichissement de l'Etat et d'appauvrissement de la société TMS ; en tout état de cause, l'enrichissement de l'Etat, qui résulterait du jeu des clauses contractuelles souscrites par la société, ne serait pas sans cause ;
- aucun élément ne permet d'invoquer la responsabilité contractuelle de l'Etat en l'absence de tout contrat entre la requérante et l'Etat et alors qu'Ecomouv' n'a pas agi en qualité de mandataire de l'Etat ;
- à titre plus subsidiaire, le préjudice doit être ramené à de plus justes proportions ; il n'est pas établi que les dépenses d'investissement sont directement liées au projet d'écotaxe ; les dépenses de développement et de production de badges constituent un atout pour le développement de l'entreprise ; la société TMS ne s'est engagée à fournir que 120 000 équipements embarqués ; une expertise est nécessaire.
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 2006-10 du 5 janvier 2006 ;
- la loi n° 2006-1171 du 30 décembre 2006 ;
- la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 ;
- la loi n° 2014-891 du 8 août 2014 ;
- la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Camenen,
- les conclusions de Mme Sauvageot, rapporteure publique,
- et les observations de Me Schmitt, pour la société TMS.
Une note en délibéré, présentée par la ministre de la transition écologique, et une note en délibéré, présentée pour la société TMS, ont été enregistrées le 3 décembre 2021.
Considérant ce qui suit :
1. Il résulte de l'instruction qu'en application de l'article 153 de la loi du 27 décembre 2008 de finances pour 2009, l'Etat a conclu, le 20 octobre 2011, un contrat de partenariat avec la société Ecomouv' ayant pour objet de confier à cette dernière le financement, la conception, la réalisation, l'exploitation, l'entretien et la maintenance du dispositif technique nécessaire à la mise en œuvre de l'écotaxe poids lourds nationale et de la taxe expérimentale alsacienne résultant de l'article 27 de la loi du 5 janvier 2006 relative à la sécurité et au développement des transports. La société Ecomouv' a lancé une consultation en vue de conclure avec les sociétés habilitées un contrat définissant les conditions dans lesquelles ces dernières devaient proposer un service de télépéage pour l'acquittement des taxes. Six entreprises, dont la société TMS, ont conclu avec la société Ecomouv' un contrat conforme au contrat type annexé au contrat de partenariat. La société TMS ayant choisi de fournir un service de télépéage au moyen d'un dispositif élaboré entièrement par elle, le contrat a été conclu le 19 avril 2012 selon l'option n° 3 prévue par le contrat type annexé au contrat de partenariat. L'article 37 de ce contrat stipulait que la fin anticipée du contrat de partenariat entraînait sa résiliation à moins que l'Etat ne décide de le reprendre.
2. L'entrée en vigueur de l'écotaxe, initialement prévue, selon l'article 22 du contrat de partenariat, le 20 juillet 2013 pour la taxe nationale, a été reportée à deux reprises au cours de l'année 2013 puis, à la suite d'un mouvement de contestation qui s'est développé à partir de l'été 2013, le Premier ministre a décidé de suspendre la mise en œuvre de cette réforme le 29 octobre 2013. Un protocole d'accord entre la société TMS et la société Ecomouv' relatif à la suspension de la taxe poids lourds a été conclu le 4 avril 2014. La société Ecomouv', l'Etat et les parties financières ont eux-mêmes conclu un protocole d'accord pour définir les conditions de cette suspension le 20 juin 2014. Ultérieurement, le champ d'application de la taxe a été fortement réduit par l'article 16 de la loi du 8 août 2014 de finances rectificative pour 2014, qui a fixé, au 31 décembre 2015 au plus tard, la date d'entrée en vigueur des dispositions du code des douanes relatives à cette taxe. Le 9 octobre 2014, la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie et le secrétaire d'Etat chargé des transports, de la mer et de la pêche ont décidé de suspendre sine die le dispositif de l'écotaxe. Puis, par un courrier du 30 octobre 2014, l'Etat a informé la société Ecomouv' de la résiliation du contrat de partenariat et a ensuite informé la société TMS qu'il ne souhaitait pas bénéficier de la possibilité de reprise du contrat liant cette dernière à la société Ecomouv'.
3. La société TMS a présenté à l'Etat une réclamation préalable pour obtenir l'indemnisation du préjudice résultant pour elle de la résiliation du contrat de partenariat. En l'absence de réponse expresse, elle a saisi le tribunal administratif de Cergy-Pontoise qui, par un jugement du 18 juillet 2018, a retenu que la résiliation du contrat de partenariat n'étant justifiée par aucun motif d'intérêt général, l'Etat avait commis une faute de nature à engager sa responsabilité quasi-délictuelle à l'égard de la société TMS et a prescrit avant-dire droit une mesure d'expertise. Le ministre de la transition écologique et solidaire relève appel de ce jugement.
Sur la faute résultant de l'illégalité de la décision de résiliation du contrat de partenariat :
4. Il résulte de l'instruction que le gouvernement a décidé d'abandonner le dispositif d'écotaxe et de résilier le contrat de partenariat conclu avec la société Ecomouv' en raison d'une opposition forte et durable rencontrée par ce projet, qui s'est traduite, au cours de l'automne 2013, par de graves troubles à l'ordre public et à laquelle les aménagements apportés au dispositif par la loi du 8 août 2014 n'ont pas permis de mettre un terme, les acteurs économiques concernés ayant annoncé leur intention de reprendre leurs actions revendicatives à l'automne 2014. Alors même que ce motif est invoqué pour la première fois en appel, il caractérise à lui seul l'existence d'un motif d'intérêt général de nature à justifier la résiliation de ce contrat. Il n'appartient pas au juge administratif d'apprécier l'opportunité du choix ainsi effectué par le gouvernement.
5. Il résulte de ce qui précède que le ministre de la transition écologique et solidaire est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a retenu le caractère fautif de la décision de résiliation du contrat de partenariat pour condamner l'Etat à indemniser la société TMS sur le fondement de sa responsabilité quasi-délictuelle.
6. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société TMS devant le tribunal administratif et en appel.
Sur les autres fautes invoquées par la société TMS :
7. En premier lieu, la société TMS soutient que l'Etat a commis une faute en tardant à appliquer la loi.
8. Toutefois, la société TMS, qui a d'ailleurs reçu une compensation additionnelle de la société Ecomouv' en application du protocole d'accord du 4 avril 2014 relatif au décalage de l'entrée en vigueur de la taxe jusqu'au 31 décembre 2014, ne se prévaut spécifiquement d'aucun préjudice directement lié au retard de l'Etat à mettre en œuvre l'écotaxe. En outre, l'entrée en vigueur de la taxe a été fixée au 31 décembre 2015 par les dispositions de l'article 16 de la loi du 8 août 2014 de finances rectificative pour 2014. Ainsi, aucun retard fautif dans la mise en œuvre de la taxe n'est imputable à l'Etat jusqu'à l'intervention de la décision de résiliation du contrat de partenariat.
9. En deuxième lieu, la société TMS soutient que l'Etat a commis une faute née A... la violation du principe d'égalité en excluant toute indemnisation au bénéfice des sociétés habilitées de télépéage (SHT) ayant souscrit l'option n° 3.
10. Aux termes de l'article 37 du contrat type annexé au contrat de partenariat conclu entre l'Etat et la société Ecomouv' : " La fin anticipée du contrat de partenariat entraîne la résiliation du contrat à moins que l'Etat ne décide de reprendre le contrat. / La résiliation du contrat en application du présent article 37 ne donne pas lieu à indemnisation (...) 37.2 Par dérogation à l'article 37.1, le partenaire reprend, sur demande de la SHT avant la date de fin anticipée du contrat de partenariat, les équipements électroniques embarqués qu'il a fournis à la SHT et l'indemnise à hauteur de la fraction non amortie des équipements électroniques embarqués (...) ".
11. Il résulte de ces stipulations qu'en cas de résiliation du contrat entre la société Ecomouv' et une société habilitée de télépéage résultant de la fin anticipée du contrat de partenariat, une indemnisation a été prévue en faveur des sociétés habilitées ayant choisi de se fournir en équipements électroniques embarqués auprès de la société Ecomouv' selon l'option n° 1 ou l'option n° 2 du contrat type, tandis que cette indemnisation a été exclue pour les sociétés habilitées ayant choisi de développer leurs propres équipements électroniques embarqués selon l'option n° 3 de ce même contrat. Cette différence de traitement étant justifiée par une différence de situation objective en rapport direct avec l'objet de ces stipulations, la société TMS n'est pas fondée à soutenir que l'absence d'indemnisation des sociétés habilitées de télépéage ayant souscrit l'option n° 3 du contrat type en cas de résiliation de leur contrat à la suite de la fin anticipée du contrat de partenariat serait contraire au principe d'égalité et constituerait une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat.
12. En troisième lieu, la société TMS soutient que l'Etat a commis une faute en abusant de la liberté contractuelle et plaçant son partenaire, la société Ecomouv', en situation d'abuser de sa position dominante et de bénéficier d'un contrat déséquilibré à son détriment.
13. Si la société TMS soutient que le contrat qu'elle a conclu avec la société Ecomouv', conforme au contrat type annexé au contrat de partenariat, comportait des stipulations caractérisant un déséquilibre en faveur du partenaire de l'Etat, le préjudice dont elle demande réparation ne résulte que de la rupture de ce contrat et non de son exécution. Si ce contrat a effectivement exclu toute indemnisation en faveur de la société TMS, cette exclusion est objectivement justifiée par la circonstance qu'elle a librement choisi, contrairement à ce qu'elle soutient, parmi les trois options qui s'offraient à elle, de développer ses propres équipements embarqués. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que l'Etat aurait placé la société Ecomouv' en situation de position dominante et en mesure d'abuser de cette position en imposant aux SHT des conditions inéquitables doit être écarté. Aucune faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat n'est caractérisée à cet égard.
14. Enfin, la société TMS soutient que l'Etat a commis des fautes en l'incitant à engager constamment des dépenses supplémentaires en cours d'exécution du projet et en méconnaissant les principes de confiance légitime et de sécurité juridique. Toutefois, si, à la suite de la suspension de l'écotaxe prononcée par le Premier ministre le 29 octobre 2013, l'Etat a proposé à la société TMS, dans un courrier du 3 décembre 2013, de " prolonger la phase expérimentale " de mise en place du projet au-delà du 30 novembre 2013, sans limite de durée, il ne résulte ni de cette circonstance ni d'aucun autre élément de l'instruction que la société requérante aurait été incitée à engager des dépenses supplémentaires au cours de la période de suspension du projet d'écotaxe ainsi qu'elle le soutient. Par ailleurs, alors que le contrat qu'elle a souscrit envisage la possibilité d'une fin anticipée de ce projet, il ne résulte pas de l'instruction que l'Etat aurait donné à la société TMS l'assurance que le projet écotaxe ne serait pas abandonné. Par suite, elle ne saurait invoquer le principe de confiance légitime. Enfin, en se bornant à faire état d'un retard à prendre les mesures d'application de la loi, du report de la date prévisionnelle d'entrée en vigueur du dispositif et de l'abandon du projet d'écotaxe, la société TMS ne caractérise pas une méconnaissance du principe de sécurité juridique. Par suite, les moyens ainsi soulevés doivent être écartés.
15. Il résulte de ce qui précède qu'en l'absence de faute de l'Etat ou de préjudice en lien direct avec une telle faute, la société TMS n'est pas fondée à demander la condamnation de l'Etat sur le fondement de sa responsabilité quasi-délictuelle. Il y a lieu d'examiner la responsabilité sans faute de l'Etat, invoquée par la société TMS à titre subsidiaire.
Sur la responsabilité sans faute de l'Etat :
16. La responsabilité de la puissance publique peut se trouver engagée, même sans faute, sur le fondement du principe d'égalité des citoyens devant les charges publiques, lorsqu'une mesure légalement prise a pour effet d'entraîner, au détriment d'une personne physique ou morale, un préjudice grave et spécial, qui ne peut être regardé comme une charge lui incombant normalement. Notamment, le dommage résultant de la décision légalement prise par l'administration de résilier un contrat administratif pour un motif d'intérêt général ne saurait être regardé, s'il excède une certaine importance et revêt un caractère spécial, comme une charge incombant normalement aux tiers à ce contrat.
17. En l'espèce, si le contrat conclu en avril 2012 par la société TMS envisageait la possibilité d'une fin anticipée du contrat de partenariat, il ne résulte cependant d'aucun élément de l'instruction qu'à la date à laquelle ce contrat a été conclu, un renoncement de l'Etat au projet d'écotaxe, qui avait été prévu par une loi votée en décembre 2008 et pour lequel l'Etat avait, au cours des années suivantes, mené la procédure requise aux fins de passation d'un contrat de partenariat, passé ce contrat de partenariat et prévu les conditions d'intervention des sociétés habilitées télépéage, pouvait être envisagé par ces dernières comme un aléa pouvant normalement survenir au cours de l'exécution de leur contrat. Il résulte au contraire de l'instruction, en particulier des rapports parlementaires sur l'écotaxe enregistrés en mai 2014, qu'un abandon pur et simple du projet d'écotaxe par le gouvernement n'était pas envisagé comme une perspective raisonnable, ce risque étant jugé quasi-inexistant par la société Ecomouv' et par les banques. Dans ces conditions, le préjudice qui résulte pour la société TMS de la décision de résiliation du contrat de partenariat par l'Etat pour un motif d'intérêt général, excède, par son importance et ses conséquences, les aléas inhérents à son activité et présente, eu égard au rôle que jouait cette société dans la réalisation de ce projet, un caractère spécial. Il revêt ainsi un caractère grave et spécial interdisant de le regarder comme une charge devant incomber normalement à la société TMS. Par suite, la société TMS est fondée à demander réparation à l'Etat du préjudice en lien direct avec la décision de résiliation du contrat de partenariat, sans que l'Etat puisse utilement, pour contester le lien de causalité, se prévaloir de la circonstance que le contrat qu'elle a conclu avec la société Ecomouv' stipulait que la résiliation de ce contrat en cas de fin anticipée du contrat de partenariat ne donnerait pas lieu à indemnisation.
18. Il résulte de ce qui précède et sans qu'il y ait lieu de se prononcer sur les autres fondements de responsabilité invoqués à titre subsidiaire par la société TMS, que cette dernière est fondée à demander la condamnation de l'Etat à réparer le préjudice ayant résulté pour elle de la résiliation du contrat de partenariat sur le fondement de sa responsabilité sans faute.
Sur les dépens de première instance :
19. L'Etat étant la partie perdante en première instance, le tribunal n'a pas fait une inexacte application des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice en mettant à sa charge les frais d'expertise.
20. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que l'Etat n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a retenu sa responsabilité et a prescrit avant-dire droit une mesure d'expertise.
Sur les frais liés à l'instance :
21. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme de 5 000 euros à la société TMS au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du ministre de la transition écologique et solidaire est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera la somme de 5 000 euros à la société TMS au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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N° 18VE03216