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10/12/2021 | FRANCE | N°20VE01217

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 10 décembre 2021, 20VE01217


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... a demandé au tribunal administratif de Montreuil de condamner l'établissement public territorial (EPT) Plaine Commune à lui verser la somme de 76 360,58 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 22 février 2018 avec la capitalisation de ces intérêts et de mettre à la charge de l'EPT Plaine Commune la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1901524 du 1er avril 2020, le tribunal administratif de Montr

euil a condamné l'EPT Plaine Commune à verser la somme de 2 000 euros à Mme D......

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... a demandé au tribunal administratif de Montreuil de condamner l'établissement public territorial (EPT) Plaine Commune à lui verser la somme de 76 360,58 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 22 février 2018 avec la capitalisation de ces intérêts et de mettre à la charge de l'EPT Plaine Commune la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1901524 du 1er avril 2020, le tribunal administratif de Montreuil a condamné l'EPT Plaine Commune à verser la somme de 2 000 euros à Mme D... assortie des intérêts et de leur capitalisation et a mis à la charge de l'EPT Plaine Commune la somme de 2 000 euros à verser à Mme D... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête, un mémoire et un mémoire à fin de production de pièces enregistrés le 29 avril 2020, le 14 décembre 2020 et 30 avril 2021, Mme D..., représentée par Me Jorion, avocat, demande à la cour :

1° d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montreuil n° 1901524 du 1er avril 2020 en tant qu'il a limité l'indemnisation de son préjudice à la somme de 2 000 euros ;

2° de condamner l'EPT Plaine Commune à lui verser la somme de 76 360, 58 euros augmentée des intérêts légaux à compter du 22 février 2018, ainsi que leur capitalisation ;

3° de mettre à la charge de l'EPT Plaine Commune la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Mme D... soutient que :

- l'EPT a commis une faute en prenant la décision de préemption alors qu'elle ne dispose pas d'un projet suffisamment réel sur le bien en cause en méconnaissance des dispositions combinées des articles L. 210-1 et L. 300-1 du code de l'urbanisme ;

- la décision de préemption souffre d'une erreur de droit, dès lors que la volonté de peser sur le niveau des prix ne relève pas des finalités énumérées par l'article L. 300-1 du code de d'urbanisme ;

- la décision de préemption est entachée d'un détournement de pouvoir, l'EPT ayant utilisé une prérogative destinée à permettre la réalisation d'une action dans un but purement financier ;

- elle doit être indemnisée de la diminution du prix de vente de son bien pour un montant de 60 000 euros, du retard dans sa vente causée par la décision de préemption illégale pour un montant de 6 360,58 euros et de son préjudice moral et des frais de conservation du bien pour un montant de 10 000 euros.

.................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Orio,

- les conclusions de Mme Margerit, rapporteure publique,

- et les observations de Me Jorion pour Mme A... et de Me Bakari, substituant Me Lherminier, pour l'EPT Plaine Commune.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable au litige : " Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1, (...) / Toute décision de préemption doit mentionner l'objet pour lequel ce droit est exercé. (...) / Lorsque la commune a délibéré pour définir le cadre des actions qu'elle entend mettre en œuvre pour mener à bien un programme local de l'habitat ou, en l'absence de programme local de l'habitat, lorsque la commune a délibéré pour définir le cadre des actions qu'elle entend mettre en œuvre pour mener à bien un programme de construction de logements locatifs sociaux, la décision de préemption peut, sauf lorsqu'il s'agit d'un bien mentionné à l'article L. 211-4, se référer aux dispositions de cette délibération. Il en est de même lorsque la commune a délibéré pour délimiter des périmètres déterminés dans lesquels elle décide d'intervenir pour les aménager et améliorer leur qualité urbaine. "

Sur la responsabilité de l'EPT Plaine Commune :

2. Les collectivités titulaires du droit de préemption urbain peuvent légalement exercer ce droit, d'une part, si elles justifient, à la date à laquelle elles l'exercent, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date, et, d'autre part, si elles font apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption.

3. La décision de préemption en litige est motivée, d'une part, par référence à la délibération du 16 février 2016 décidant d'appliquer le droit de préemption urbain renforcé sur la commune de Saint-Denis à certains ilots dont celui où se trouve l'immeuble concerné, d'autre part, par référence au programme local de l'habitat qui vise à avoir une offre de logements diversifiée pour répondre aux besoins des habitants, à réhabiliter le parc privé dégradé, à maitriser les consommations énergétiques et à réguler le phénomène de division de logement. Ces orientations purement générales ne suffisent pas à justifier de la réalité du projet poursuivi par la collectivité. Dès lors, cette décision ayant été prise en méconnaissance de l'article L. 300-1 est entachée d'une illégalité fautive susceptible d'engager la responsabilité de l'EPT.

Sur le lien de causalité et les préjudices :

4. A l'issue d'une procédure de préemption qui n'a pas abouti, le propriétaire du bien en cause peut, si la décision de préemption est entachée d'illégalité, obtenir réparation du préjudice que lui a causé de façon directe et certaine cette illégalité. Lorsque le propriétaire a cédé le bien après renonciation de la collectivité, son préjudice résulte en premier lieu, dès lors que les termes de la promesse de vente initiale faisaient apparaître que la réalisation de cette vente était probable, de la différence entre le prix figurant dans cet acte et la valeur vénale du bien à la date de la décision de renonciation. Pour l'évaluation de ce préjudice, le prix de vente effectif peut être regardé comme exprimant cette valeur vénale si un délai raisonnable sépare la vente de la renonciation, eu égard aux diligences effectuées par le vendeur, et sous réserve que ce prix de vente ne s'écarte pas anormalement de cette valeur vénale. Le propriétaire placé dans la situation indiquée ci-dessus subit un autre préjudice qui résulte, lorsque la vente initiale était suffisamment probable, de l'impossibilité dans laquelle il s'est trouvé de disposer du prix figurant dans la promesse de vente entre la date de cession prévue par cet acte et la date de vente effective, dès lors que cette dernière a eu lieu dans un délai raisonnable après la renonciation de la collectivité. En revanche, lorsque la vente a eu lieu dans un délai ne correspondant pas aux diligences attendues d'un propriétaire désireux de vendre rapidement son bien, quelles qu'en soient les raisons, le terme à prendre en compte pour l'évaluation de ce préjudice doit être fixé à la date de la décision de renonciation.

5. En premier lieu, il résulte de l'instruction que M. C... F... et Mme A... ont signé une promesse de vente, le 30 janvier 2017, pour un pavillon d'habitation situé 18 bis rue Génin à Saint-Denis, élevé sur une surface d'environ 48 m2 au profit de M. G... et de Mme B..., pour un prix de 240 000 euros. Si ce bien a finalement été cédé au profit de ces mêmes personnes après renonciation par l'EPT Plaine Commune à son droit de préemption le 26 décembre 2017 au prix de 180 000 euros, il n'est pas établi que la vente initiale était probable au montant indiqué dans la promesse, dès lors que, quand bien même le taux d'effort des bénéficiaires n'était que d'un peu plus de 8 %, la promesse était consentie sous conditions suspensives, en particulier que les bénéficiaires obtiennent un prêt d'un montant maximal de 240 000 euros au taux nominal d'intérêt maximum de 1,6 % l'an hors assurance, alors que l'offre de prêt du 3 mars 2017 produite pour la première fois en appel par Mme A... démontre que les bénéficiaires ne disposaient que d'une offre de prêt au taux nominal de 1,75 % hors assurance. Dès lors, la demande présentée au titre du préjudice tiré de la diminution du prix de vente du bien et de l'impossibilité de disposer des sommes tirées de la vente ne peut qu'être rejetée.

6. En second lieu, Mme A... fait également valoir que la tentative de préemption pour un prix très bas de la maison péniblement acquise par ses parents l'a beaucoup éprouvée. Dans les circonstances particulières de l'espèce, il sera fait une juste appréciation du préjudice moral de Mme A... en fixant à 5 000 euros l'indemnité due de ce chef. En revanche, Mme A... n'établissant pas l'existence des frais engagés pour la conservation du bien, cette demande ne pourra, en tout état de cause, qu'être rejetée.

7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil s'est borné à condamner l'EPT Plaine Commune à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de son préjudice moral.

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de Mme A..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que l'EPT Plaine Commune demande à ce titre. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de l'EPT Plaine Commune une somme de 2 000 euros à verser à Mme A... sur le fondement des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : L'EPT Plaine Commune est condamné à verser la somme de 5 000 euros à Mme A... au titre de son préjudice moral.

Article 2 : L'EPT Plaine Commune versera une somme de 2 000 euros à Mme A... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : L'article 1er du jugement n° 1901524 du tribunal administratif de Montreuil est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : le surplus des conclusions des parties est rejeté.

2

N° 20VE01217


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20VE01217
Date de la décision : 10/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

68-025 Urbanisme et aménagement du territoire. - Certificat d'urbanisme.


Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: Mme Eugénie ORIO
Rapporteur public ?: Mme MARGERIT
Avocat(s) : CABINET JORION AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 11/01/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2021-12-10;20ve01217 ?
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