Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris, d'une part, d'annuler la décision par laquelle la garde des sceaux, ministre de la justice a rejeté sa demande de nomination dans un office notarial à créer dans la zone de Paris et, d'autre part, de l'indemniser des préjudices subis du fait de l'illégalité de cette décision.
Par un jugement n° 1801117 du 23 juin 2020, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise, à qui le tribunal administratif de Paris a transmis le dossier de M. A... en application des articles R. 221-3, R. 312-10 et R. 351-3 du code de justice administrative, a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 20 août 2020, M. A..., représenté par Me Delpeyroux, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° d'annuler la décision de la garde des sceaux, ministre de la justice rejetant sa demande de nomination dans un office notarial à créer dans la zone de Paris ;
3° de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision de la garde des sceaux, ministre de la justice est entachée d'un vice de procédure dès lors qu'elle n'a pas été précédée d'une procédure contradictoire préalable ;
- elle est entachée d'un vice de procédure au motif que la garde des sceaux, ministre de la justice a irrégulièrement consulté le procureur général près la cour d'appel d'Amiens ;
- elle est entachée d'un défaut de motivation ;
- elle est entachée d'une erreur de droit dès lors qu'elle a été prise après avis du procureur général près la cour d'appel d'Amiens et que la garde des sceaux, ministre de la justice s'est contentée de s'approprier les éléments avancés par le procureur pour refuser de le nommer ;
- elle est entachée d'une erreur d'appréciation dès lors qu'il n'a pas commis de faits contraires à l'honneur et la probité.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 ;
- le décret n° 71-942 du 26 novembre 1971 ;
- le décret n° 73-609 du 5 juillet 1973 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Coudert,
- les conclusions de Mme Grossholz, rapporteure publique,
- et les observations de Me Christian Brémond, pour M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., nommé notaire à la résidence de Beauvais (Oise) par un arrêté du 27 avril 2001, a présenté, le 16 novembre 2016, une demande tendant à être nommé dans un office notarial à créer sur la zone de Paris au titre de la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques. Par décision du 13 novembre 2017, la garde des sceaux, ministre de la justice a rejeté sa demande. M. A... relève appel du jugement du 23 juin 2020 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
2. Aux termes de l'article 52 de la loi du 6 août 2015 : " I. - Les notaires (...) peuvent librement s'installer dans les zones où l'implantation d'offices apparaît utile pour renforcer la proximité ou l'offre de services. / Ces zones sont déterminées par une carte établie conjointement par les ministres de la justice et de l'économie, sur proposition de l'Autorité de la concurrence en application de l'article L. 462-4-1 du code de commerce. (...) / A cet effet, cette carte identifie les secteurs dans lesquels, pour renforcer la proximité ou l'offre de services, la création de nouveaux offices de notaire (...) apparaît utile. / (...) / II. Dans les zones mentionnées au I, lorsque le demandeur remplit les conditions de nationalité, d'aptitude, d'honorabilité, d'expérience et d'assurance requises pour être nommé en qualité de notaire (...), le ministre de la justice le nomme titulaire de l'office de notaire (...) créé. (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article 49 du décret du 5 juillet 1973 relatif à la formation professionnelle dans le notariat et aux conditions d'accès aux fonctions de notaire, dans sa rédaction issue du décret du 20 mai 2016 relatif aux officiers publics et ministériels : " Peuvent demander leur nomination sur un office à créer les personnes qui remplissent les conditions générales d'aptitude aux fonctions de notaire. ". Ces conditions générales sont énoncées à l'article 3 du même décret, aux termes duquel : " Nul ne peut être notaire s'il ne remplit les conditions suivantes : / (...) / 2° N'avoir pas été l'auteur de faits contraires à l'honneur et à la probité ; / 3° N'avoir pas été l'auteur d'agissements de même nature ayant donné lieu à mise à la retraite d'office ou à une sanction disciplinaire ou administrative de destitution, radiation, révocation, retrait d'agrément ou d'autorisation ; / (...) ". Il résulte de l'article 3 du décret du 5 juillet 1973 que nul ne peut être notaire s'il ne remplit pas, notamment, la condition de n'avoir pas été l'auteur de faits contraires à l'honneur et à la probité. Lorsqu'il vérifie le respect de cette condition, il appartient au ministre de la justice d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si l'intéressé a commis des faits contraires à l'honneur et à la probité qui sont, compte tenu notamment de leur nature, de leur gravité, de leur ancienneté ainsi que du comportement postérieur de l'intéressé, susceptibles de justifier légalement un refus de nomination.
3. Il ressort des pièces du dossier que la demande de M. A... de nomination dans un office à créer a été rejetée au motif qu'il ne remplissait pas les conditions énoncées aux 2° et 3° de l'article 3 du décret du 5 juillet 1973. A ce titre, le garde des sceaux, ministre de la justice, fait valoir que, dans le cadre de l'instruction de la demande de nomination de M. A..., le procureur général près la cour d'appel d'Amiens a estimé, dans son avis du 8 novembre 2017, que l'intéressé était " connu des instances disciplinaires de son ordre puisqu'il a fait l'objet d'une sanction disciplinaire consécutive aux faits pour lesquels sa responsabilité est recherchée devant la juridiction de Paris " et " au non-respect (...) des mises en garde de son ordre " et qu'en conséquence, " bien qu'inconnu des services de police et ayant un casier judiciaire vierge, ne remplit pas la condition d'honorabilité exigée ni de délicatesse à l'égard de son organisme de tutelle ". Il ressort également des pièces du dossier que la sanction disciplinaire de censure simple pour atteinte " à la probité, à l'honneur et à la délicatesse qu'impose l'exercice de la profession de notaire " dont M. A... a fait l'objet par une décision du 4 mai 2017 prise par la chambre régionale de discipline des notaires du ressort de la cour d'appel d'Amiens est motivée par des faits qui sont tous en lien à un même dossier de réception d'actes de promesses de vente de licences de taxis, qui a concerné, sur une période allant de 2011 à 2017, plus de 200 actes. La chambre régionale de discipline des notaires a pris cette sanction aux motifs que M. A... " a reconnu avoir négligé de répondre aux instances professionnelles ", qu'il " a déclaré être en possession de reconnaissances de conseil donné, établies postérieurement aux demandes des instances " et qu'il a " reconnu l'absence de mention du lieu de signature de l'acte sur nombre d'entre eux (...) [et] avoir régularisé des actes de façon habituelle en un même lieu, différent du siège de son office ". Toutefois, les faits ayant ainsi justifié la sanction prononcée par la chambre régionale de discipline sur laquelle la garde des sceaux, ministre de la justice, s'est fondée, ne constituent pas des faits contraires à l'honneur et à la probité au sens de l'article 3 précédemment cité du décret du 5 juillet 1973. Il suit de là que M. A... est fondé à soutenir que la garde des sceaux, ministre de la justice, en estimant qu'il ne pouvait pas être nommé dans un office notarial à créer, a entaché la décision en litige d'une erreur d'appréciation.
4. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision rejetant sa demande de nomination dans un office notarial à créer dans la zone de Paris.
Sur les conclusions aux fins d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La décision de la garde des sceaux, ministre de la justice, rejetant la demande de nomination de M. A... dans un office notarial à créer dans la zone de Paris est annulée.
Article 2 : Le jugement n° 1801117 du 23 juin 2020 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à M. A... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.
N° 20VE02124 4