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27/10/2021 | FRANCE | N°19VE03170

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 27 octobre 2021, 19VE03170


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A... B... ont demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des prélèvements sociaux auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2012, 2103 et 2014 à raison de leurs revenus fonciers, à hauteur de la somme totale de

2 879 euros, et d'ordonner à l'administration de leur rembourser cette somme, assortie des intérêts moratoires.

Par un jugement n° 1603839 du 9 juillet 2019, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande.

Proc

édure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 12 septembre 2019, et un mémoire en ré...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A... B... ont demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des prélèvements sociaux auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2012, 2103 et 2014 à raison de leurs revenus fonciers, à hauteur de la somme totale de

2 879 euros, et d'ordonner à l'administration de leur rembourser cette somme, assortie des intérêts moratoires.

Par un jugement n° 1603839 du 9 juillet 2019, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 12 septembre 2019, et un mémoire en réplique, enregistré le 9 août 2021, M. et Mme B..., représentés par Me Boisset, avocat, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge et le remboursement des prélèvements sociaux mis à leur charge ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- l'affiliation obligatoire de M. B... au régime autonome de sécurité sociale de l'Office européen des brevets (OEB) commande son exonération de toute contribution au régime de sécurité sociale d'un Etat membre ;

- le principe d'unicité des législations sociales, prévu par le règlement (CE) n°883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, et les décisions de Ruyter et de Lobkowicz de la Cour de justice de l'Union européenne, qui s'appliquent aux fonctionnaires de l'OEB, s'opposent à ce qu'ils soient assujettis à des prélèvements sociaux pour des revenus fonciers perçus dans leur Etat membre d'origine ;

- l'obligation dans laquelle ils se trouvaient d'acquitter des contributions sociales sur leurs revenus du patrimoine, qui les a conduits à contribuer sans contrepartie au financement du régime de sécurité sociale français alors qu'ils étaient affiliés au régime de sécurité sociale de l'OEB, constitue une entrave à la liberté garantie par l'article 45 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- le règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 sur la coordination des systèmes de sécurité sociale ;

- le Protocole du 5 octobre 1973 sur les privilèges et immunités de l'Organisation européenne des brevets et le décret n°77-1151 du 27 septembre 1977 portant publication de la convention sur la délivrance des brevets européens ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de l'action sociale et des familles ;

- l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- et les conclusions de M. Huon, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Ressortissant français résidant avec son épouse en Allemagne, M. B... est employé par l'Office européen des brevets (OEB), situé à Munich. M. et Mme B... font appel du jugement du 9 juillet 2019 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande tendant à la décharge des prélèvements sociaux auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2012, 2013 et 2014 à raison de revenus fonciers de source française, pour un montant global de 2 879 euros.

Sur l'étendue du litige :

2. Par décision du 28 septembre 2021 postérieure à l'introduction de la requête, l'administration fiscale a prononcé le dégrèvement, à concurrence d'une somme de 818 euros au titre de l'année 2012, de 856 euros au titre de l'année 2013 et de 957 euros au titre de l'année 2014, soit une somme globale de 2 631 euros, au titre des prélèvements sociaux en litige à l'exclusion du prélèvement de solidarité de 2 %. Les conclusions de la requête de M. et Mme B... sont, dans cette mesure, devenues sans objet.

Sur le surplus des conclusions :

3. Aux termes de l'article 1600-0 S du code général des impôts dans sa version applicable au litige : " I. - Il est institué : / 1° Un prélèvement de solidarité sur les revenus du patrimoine mentionnés à l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale ; / 2° Un prélèvement de solidarité sur les produits de placement mentionnés à l'article L. 136-7 du même code. / II. - Le prélèvement de solidarité mentionné au 1° du I est assis, contrôlé et recouvré selon les mêmes règles et sous les mêmes sûretés, privilèges et sanctions que la contribution mentionnée à l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale. / Le prélèvement de solidarité mentionné au 2° du même I est assis, contrôlé et recouvré selon les mêmes règles et sous les mêmes sûretés, privilèges et sanctions que la contribution mentionnée à l'article L. 136-7 du code de la sécurité sociale. / III. - Le taux des prélèvements de solidarité mentionnés au I est fixé à 2 %. / IV. - Le produit des prélèvements de solidarité mentionnés au I est affecté à hauteur de : / 1° 1,37 % au fonds mentionné à l'article L. 262-24 du code de l'action sociale et des familles ; / 2° 0,53 % au fonds mentionné à l'article L. 351-6 du code de la construction et de l'habitation ; / 3° 0,1 % au fonds mentionné à l'article L. 5423-24 du code du travail. ".

4. En premier lieu, en vertu de l'article L. 351-6 du code de la construction et de l'habitation, dans sa rédaction applicable avant le 1er janvier 2015, le fonds national d'aide au logement finance l'aide personnalisée au logement, la prime de déménagement prévue à l'article L. 351-5 du même code et les dépenses de gestion qui s'y rapportent, les dépenses du conseil national de l'habitat ainsi que l'allocation de logement relevant du titre III du livre VIII du code de la sécurité sociale et les dépenses de gestion qui s'y rapportent. Les prestations financées par le fonds national d'aide au logement ne relèvent ainsi d'aucune des branches de sécurité sociale au sens de l'article 3, paragraphe 1, du règlement du 29 avril 2004. En particulier, elles ne relèvent pas de la branche qui concerne les " prestations familiales " au sens du z) de l'article 1er du règlement, dès lors qu'elles ne sont pas " destinées à compenser les charges de famille ".

5. En deuxième lieu, en vertu de l'article L. 262-24 du code de l'action sociale et des familles, dans sa rédaction applicable avant le 1er janvier 2015, le fonds national des solidarités actives finance une part du revenu de solidarité active. D'une part, le revenu de solidarité active constitue une prestation non contributive relevant de l'assistance sociale dès lors qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, notamment de son arrêt du

28 mai 1974, Odette Callemeyn contre Etat belge (187/73), qu'une prestation relève de l'assistance sociale pour l'application de ce règlement " notamment lorsqu'elle retient le besoin comme critère essentiel d'application et fait abstraction de toute exigence relative à des périodes d'activité professionnelle, d'affiliation ou de cotisation ". Or, en application de l'article L. 262-2 du code de l'action sociale et des familles : " Toute personne résidant en France de manière stable et effective, dont le foyer dispose de ressources inférieures à un revenu garanti, a droit au revenu de solidarité active (...) ". D'autre part, alors même qu'il posséderait également les caractéristiques d'une législation en matière de sécurité sociale visée à l'article 3, paragraphe 1, du règlement du 29 avril 2004, le revenu de solidarité active n'est, en tout état de cause, pas mentionné à l'annexe X de ce règlement du 29 avril 2004 qui liste les branches de sécurité sociale auxquelles il s'applique.

6. En troisième lieu, en vertu de l'article L. 5423-24 du code du travail, le fonds de solidarité gère les moyens de financement de l'allocation de solidarité spécifique prévue à l'article L. 5423-1, de l'allocation équivalent retraite prévue à l'article L. 5423-18, de la prime forfaitaire prévue à l'article L. 5425-3 et de l'aide prévue au II de l'article 136 de la loi du

30 décembre 1996 de finances pour 1997. En application de l'article L. 5423-1 du même code :

" Ont droit à une allocation de solidarité spécifique les travailleurs privés d'emploi qui ont épuisé leurs droits à l'allocation d'assurance ou à l'allocation de fin de formation prévue par l'article L. 5423-7 et qui satisfont à des conditions d'activité antérieure et de ressources ". Aux termes de l'article L. 5423-18 du même code, abrogé à compter du 1er janvier 2009 et dont les dispositions sont restées applicables aux bénéficiaires de l'allocation à cette date : " Ont droit à une allocation équivalent retraite, sous conditions de ressources, les demandeurs d'emploi qui justifient, avant l'âge de soixante ans, de la durée de cotisation à l'assurance vieillesse, définie au deuxième alinéa de l'article L. 351-1 du code de la sécurité sociale, requise pour l'ouverture du droit à une pension de vieillesse à taux plein, validée dans les régimes de base obligatoires d'assurance vieillesse ainsi que de celle des périodes reconnues équivalentes ". Aux termes de l'article L. 5423-19 du même code, dans cette même rédaction : " L'allocation équivalent retraite se substitue, pour leurs titulaires, à l'allocation de solidarité spécifique ou à l'allocation de revenu minimum d'insertion prévue à l'article L. 262-3 du code de l'action sociale et des familles. / L'allocation équivalent retraite prend la suite de l'allocation d'assurance pour ceux qui ont épuisé leurs droits à cette allocation. / Elle peut également compléter l'allocation d'assurance lorsque cette allocation ne permet pas d'assurer à son bénéficiaire un total de ressources égal à celui prévu à l'article L. 5423-20 ". Aux termes de l'article L. 5425-3 du même code : " Le bénéficiaire de l'allocation de solidarité spécifique qui reprend une activité professionnelle a droit à une prime forfaitaire ". Aux termes du II de l'article 136 de la loi du

30 décembre 1996 de finances pour 1997 : " Les personnes admises au bénéfice des dispositions de l'article L. 351-24 du code du travail qui perçoivent l'allocation de solidarité spécifique prévue à l'article L. 351-10 du même code reçoivent une aide de l'Etat d'un montant égal à celui de l'allocation de solidarité spécifique à taux plein. / Cette aide est versée mensuellement, pour une durée de six mois, à compter de la date de création ou de la reprise d'entreprise ".

7. D'une part, il résulte des dispositions précitées de l'article L. 5423-1 du code du travail que l'allocation de solidarité spécifique, dont les bénéficiaires ont épuisé leurs droits à l'allocation d'assurance chômage et bénéficient de cette allocation au titre d'un régime de solidarité pour les travailleurs involontairement privés d'emploi, n'est pas une " prestation de chômage " au sens de l'article 3, paragraphe 1, sous h) du règlement du 29 avril 2004. Il en va de même pour l'allocation équivalent retraite qui, en vertu de l'article L. 5423-19 du code du travail, soit se substitue à l'allocation de solidarité spécifique ou au revenu minimum d'insertion devenu revenu de solidarité active, soit complète l'allocation d'assurance chômage lorsque celle-ci ne permet pas d'assurer à son bénéficiaire un minimum de ressources. Il en va également de même pour les deux autres prestations financées par le fonds de solidarité, qui sont versées, sous certaines conditions, aux personnes bénéficiaires de l'allocation de solidarité spécifique qui reprennent une activité salariée ou non salariée ou reprennent ou créent une entreprise. D'autre part, à supposer que ces prestations spéciales à caractère non contributif financées par le fonds de solidarité entrent dans le champ défini au paragraphe 1 de l'article 70 du règlement du

29 avril 2004, elles ne sont en tout état de cause pas énumérées à l'annexe X de ce règlement qui liste les branches de sécurité sociale auxquelles il s'applique.

8. Ainsi, aucune des prestations financées par les trois fonds mentionnés ci-dessus auxquels est spécifiquement affecté le prélèvement de solidarité prévu à l'article 1600-0 S du code général des impôts dans sa rédaction applicable avant le 1er janvier 2015 n'entre dans le champ d'application du règlement (CE) n° 883/2004 du 29 avril 2004. Le moyen tiré de ce que ce prélèvement méconnaît son article 11 est, dès lors, inopérant.

9. Pour le même motif, et dès lors que le prélèvement de solidarité finançait des prestations qui, eu égard aux risques qu'elles avaient vocation à couvrir et aux modalités de leur attribution, soit correspondaient à des prestations d'assistance et non à des prestations de sécurité sociale soit ne pouvaient être regardées comme relevant d'une branche de sécurité sociale, la soumission des revenus en litige perçus par M. et Mme B... au prélèvement de solidarité ne conduisait pas les époux à financer un régime de sécurité sociale auquel ils n'étaient pas affiliés et qui ne pouvait donc leur procurer aucun bénéfice, et ainsi à verser des contributions à fonds perdus au financement d'un régime national de sécurité sociale dont ils ne relevaient pas. Il en résulte que l'obligation dans laquelle ils se trouvaient d'acquitter ce prélèvement ne méconnaissait pas les obligations découlant de l'article 45 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

10. Il résulte de tout ce qui précède, que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal n'a pas prononcé la restitution du prélèvement de solidarité de 2 % dont ils se sont acquittés à raison des revenus fonciers de source française qu'ils ont perçus au titre des années 2012 et 2013.

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de cet article.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. et Mme B..., à concurrence des dégrèvements de prélèvements sociaux prononcés par le directeur du service des non-résidents au titre des années 2012, 2013 et 2014.

Article 2 : L'Etat versera à M. et Mme B... la somme de 1 500 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

3

N° 19VE03170


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19VE03170
Date de la décision : 27/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-02 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. - Revenus fonciers.


Composition du Tribunal
Président : Mme DANIELIAN
Rapporteur ?: Mme Marie-Gaëlle BONFILS
Rapporteur public ?: M. HUON
Avocat(s) : BOISSET

Origine de la décision
Date de l'import : 02/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2021-10-27;19ve03170 ?
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