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27/10/2021 | FRANCE | N°19VE02216

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 27 octobre 2021, 19VE02216


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme D... C... ont demandé au tribunal administratif de Versailles, d'une part, de surseoir à statuer " dans l'attente définitive de la procédure pénale ou, à tout le moins, de la réception du rapport à rendre par l'expert judiciaire désigné par le magistrat instructeur dans le volet pénal de cette affaire " ou, à titre subsidiaire, " de désigner un expert judiciaire chargé d'analyser précisément les pièces juridiques permettant d'établir et de quantifier, le cas échéant, l'existence de mat

ériels ayant fait l'objet de multiples opérations de financement par crédit-bail e...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme D... C... ont demandé au tribunal administratif de Versailles, d'une part, de surseoir à statuer " dans l'attente définitive de la procédure pénale ou, à tout le moins, de la réception du rapport à rendre par l'expert judiciaire désigné par le magistrat instructeur dans le volet pénal de cette affaire " ou, à titre subsidiaire, " de désigner un expert judiciaire chargé d'analyser précisément les pièces juridiques permettant d'établir et de quantifier, le cas échéant, l'existence de matériels ayant fait l'objet de multiples opérations de financement par crédit-bail et l'impact de ces opérations sur la valorisation de la société Negma ", d'autre part, de prononcer la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu, à taux progressif et à taux fixe, de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et de contributions sociales, ainsi que des majorations et intérêts de retard dont ils ont été assortis, auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2010, 2011, 2012 et 2013 et, enfin, de mettre à la charge de l'État les dépens et le paiement d'une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1700268 du 19 avril 2019, le tribunal administratif de Versailles, après avoir constaté un non-lieu à statuer à hauteur du dégrèvement intervenu en cours d'instance, a rejeté le surplus des conclusions de leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et trois mémoires, enregistrés les 18 juin 2019, 13 mai 2020, 12 février et 18 mai 2021, M. et Mme C..., représentés par Mes Clavé et Menu, puis par Me Dewolf, avocats, demandent dans le dernier état de leurs écritures à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge des impositions restant en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent, dans le dernier état de leurs écritures, que :

- le jugement contesté est intervenu en méconnaissance de l'article 6§1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en ce qu'il se fonde sur le rapport d'un expert, établi de manière non contradictoire, et refuse de prendre en considération la contre-expertise qu'ils produisent pour ce même motif ;

- les impositions ont été établies à l'issue d'une procédure irrégulière au titre de l'année 2010 dès lors que la proposition de rectification est insuffisamment motivée ;

- les impositions ont été établies à l'issue d'une procédure irrégulière au titre des années 2012 et 2013 dès lors que les propositions de rectification des 24 décembre 2014 et

16 janvier 2015 sont insuffisamment motivées, d'une part, en ce qu'elles ne justifient pas le recours à la méthode d'évaluation mathématique, subsidiaire et, d'autre part, en ce qu'elles ne justifient pas la valorisation retenue, ni l'intention libérale ;

- les redressements notifiés au titre des années 2012 et 2013 suite à la valorisation des titres ont été établies à l'issue d'une procédure méconnaissant l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ;

- la procédure au titre des années 2010 et 2013 est entachée d'un détournement de procédure dans la mesure où les redressements au titre de ces années s'inscrivent en réalité dans le cadre de l'examen de leur situation fiscale personnelle ;

- les rehaussements afférents à la plus-value 2010 ne pouvaient être imposés comme tels, ayant été qualifiés de revenus distribués par le service ;

- les rehaussements afférents aux charges non engagées dans l'intérêt de l'entreprise au titre de 2012 ne sont pas fondés, la somme ayant été remboursée à la société par imputation sur le compte courant d'associé de M. C... ;

- les rehaussements afférents aux distributions des années 2012 et 2013 ne sont pas fondés ; en effet, d'une part, le prix d'acquisition majoré n'est pas démontré, le service s'étant ainsi approprié les conclusions d'un tiers pour apporter la preuve qui lui incombe, alors que celui-ci, établi de manière non contradictoire, ne présente aucune garantie d'objectivité ; d'autre part, le service a, à tort, retenu la seule méthode mathématique d'évaluation des titres, sans la combiner à d'autres méthodes, alors que la méthode des comparables, qui est la méthode de principe, ne pouvait être écartée ; le service ne justifie pas des motifs pour lesquels cette dernière méthode n'a pas été employée ; de plus, la méthode retenue ne permet pas d'établir la valeur vénale des titres Negma en ce qu'elle se réfère à l'actif net, lequel est au demeurant basé sur des provisions non justifiées dans leurs principe et montant ; enfin, le rapport B... confond cession de chaînes de loyers et cession bail ce qui a un impact financier ;

- le service n'établit pas d'intention par les sociétés cédantes d'octroyer une libéralité et pour M. C... A... la recevoir ;

- les pénalités pour manquements délibérés afférentes aux redressements " chèque All burotic " et relatifs aux distributions notifiées à la suite de la valorisation nulle des titres Reinerie Finance sont insuffisamment motivées.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Deroc,

- les conclusions de M. Huon, rapporteur public,

- et les observations de Me Dewolf, avocate de M. et Mme C....

Une note en délibéré présentée pour M. et Mme C..., par Me Dewolf, avocate, a été enregistrée le 12 octobre 2021.

Considérant ce qui suit :

1. A la suite des vérifications de comptabilité des sociétés Negma et Reinerie Finance, dont M. C... était le dirigeant jusqu'au 18 novembre 2013, M. et Mme C... ont fait l'objet de contrôles sur pièces au titre des années 2010 et 2013 ainsi que d'examens contradictoires de leur situation fiscale personnelle au titre des années 2011 et 2012. Ils font appel du jugement du 19 avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Versailles, après avoir constaté un non-lieu à statuer à hauteur de dégrèvements intervenus en cours d'instance, a rejeté le surplus des conclusions de leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis à l'issue de ces opérations de contrôle.

Sur la régularité du jugement :

2. M. et Mme C... soutiennent que les premiers juges auraient méconnu les stipulations du paragraphe 1. de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en ce qu'ils ont refusé de prendre en compte la

contre-expertise produite motif pris du caractère non contradictoire de son établissement alors qu'ils ont admis les redressements opérés par l'administration et fondés sur un rapport d'un expert-comptable non étayé, dénué d'objectivité et également établi de manière non contradictoire, occasionnant ainsi une rupture d'égalité entre les parties. Toutefois et d'une part, contrairement à ce que soutiennent les appelants, il ne résulte pas des termes du jugement du

19 avril 2019 que le tribunal aurait refusé de prendre en considération l'expertise produite par eux dès lors que les premiers juges ont, au point 11. du jugement, analysé ce document pour réfuter les allégations des intéressés selon lesquelles il n'y aurait pas eu de doubles et triples ventes ainsi que l'a avancé l'expert-comptable, en précisant " que les contrats de refinancement portent également sur la cession du matériel, alors que le matériel était déjà cédé par le contrat de cession-bail " et n'ont relevé le caractère non contradictoire de son établissement que de manière incidente. D'autre part et au surplus, une telle argumentation qui a trait au raisonnement tenu par les premiers juges procède d'une critique du bien-fondé du jugement et non de sa régularité. Par suite, le jugement, qui est par ailleurs suffisamment motivé, n'est, en tout état de cause, pas entaché d'irrégularité.

Sur les impositions en litige :

S'agissant des redressements contestés au titre de l'année 2010 :

3. Il résulte de l'instruction que l'administration fiscale a constaté que M. C... avait cédé, le 4 janvier 2010, 15 800 actions de la SA Negma à la SAS Reinerie Finance pour un montant de 893 490 euros et qu'aucune plus-value concernant cette cession n'avait été déclarée. Elle a conséquence soumis à l'impôt sur le revenu, en application de l'article 150-0 A du code général des impôts, une plus-value de 877 690 euros correspondant à la différence entre le montant perçu lors de la cession et une valorisation de l'action à 1 euro puis retenu, au stade de la réponse aux observations du contribuable, une valeur d'acquisition unitaire de 2,08 euros. Elle a également assujetti les intéressés à des cotisations supplémentaires d'impôt à raison de revenus distribués émanant des deux sociétés précitées.

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

4. D'une part, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon entièrement utile. En revanche, sa régularité ne dépend pas du bien-fondé de ses motifs.

5. M. et Mme C... soutiennent que la proposition de rectification datée du

20 décembre 2013 serait insuffisamment motivée en ce qu'elle n'explicite pas le calcul et donc les motifs de la valorisation à 1 euro, évoquée au point 3., des actions achetées. Toutefois, il résulte de l'instruction que, dans la proposition de rectification qu'elle a adressée aux appelants, l'administration fiscale leur a indiqué qu'elle entendait soumettre à l'impôt, en application de l'article 150-0 A du code général des impôts, la plus-value que M. C... avait réalisée au titre de l'année 2010 à l'occasion de la cession d'actions de la SA Negma et a précisé les modalités de sa détermination par différence entre un prix de vente et un prix d'acquisition, précision suffisante par elle-même à mettre les intéressés en état d'engager valablement sur ce point un dialogue avec le service, ce qu'ils ont d'ailleurs fait à l'occasion de leurs observations qui ont abouti à une revalorisation du prix d'acquisition initialement retenu. Par suite, la circonstance que le service n'aurait pas justifié de ce prix initial d'un euro, ainsi fixé du fait de l'absence de déclaration et d'éléments d'informations sur ce point, est sans incidence alors, au demeurant, que ce choix procède nécessairement d'une démarche gracieuse du service n'ayant pas à être motivée dès lors qu'en l'absence de justification du prix ou de la valeur d'acquisition des titres cédés, ceux-ci sont réputés avoir été acquis pour une valeur nulle. Par suite, le moyen tiré de ce que les impositions correspondantes auraient été établies en méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales doit être écarté.

6. D'autre part, aux termes de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales : " L'administration des impôts contrôle les déclarations ainsi que les actes utilisés pour l'établissement des impôts, droits, taxes et redevances. / (...) " et aux termes de l'article L. 12 du même livre : " Dans les conditions prévues au présent livre, l'administration des impôts peut procéder à l'examen contradictoire de la situation fiscale des personnes physiques au regard de l'impôt sur le revenu, qu'elles aient ou non leur domicile fiscal en France, lorsqu'elles y ont des obligations au titre de cet impôt. / A l'occasion de cet examen, l'administration peut contrôler la cohérence entre, d'une part les revenus déclarés et, d'autre part, la situation patrimoniale, la situation de trésorerie et les éléments du train de vie des membres du foyer fiscal. / (...) ".

7. M. et Mme C... soutiennent que les impositions litigieuses ont été établies à l'issue d'un détournement de procédure, celles-ci ne procédant pas d'un contrôle sur pièces mais en réalité de l'examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle diligenté au titre de l'année 2012, les privant ainsi du bénéfice du recours hiérarchique. Toutefois et d'une part, il ne résulte pas de l'instruction que le service aurait entendu fonder les redressements litigieux sur des informations obtenues dans le cadre des opérations de contrôle menées au titre de l'année 2012 et implicitement étendre celles-ci à l'année 2010, alors d'ailleurs que ces opérations ont débuté trois mois après l'envoi de la proposition de rectification afférente à l'année 2010. Contrairement à ce qu'allèguent les intéressés, le service s'est borné, dans sa réponse aux observations du contribuable du 10 avril 2015, à répondre aux éléments avancés par eux et à mettre en perspective les redressements en cause avec des faits portés à sa connaissance après l'envoi de la proposition de rectification du 20 décembre 2014 et pris en compte pour ce qui concerne les années 2012 et 2013, mais sans pour autant remettre en cause ou modifier les constats opérés au titre de l'année 2010. De même, la circonstance que le " rapport sur la vérification de comptabilité " produit par les intéressés, au demeurant muet quant à l'objet du contrôle, liste les proposition de rectification et réponse aux observations du contribuable afférentes à l'année 2010, n'a ni pour objet, ni pour effet de révéler que le service aurait étendu l'examen contradictoire de situation fiscale personnelle à cette année. D'autre part, il ne résulte pas davantage de l'instruction que l'administration aurait procédé, en réalité, au titre de l'année 2010, à un examen d'ensemble de la situation fiscale personnelle des requérants lequel implique un contrôle de cohérence globale entre l'ensemble des revenus déclarés par les contribuables avec leur situation de trésorerie, leur situation patrimoniale ou leur train de vie.

En ce qui concerne le bien-fondé des redressements :

8. M. et Mme C... font valoir que le service ne pouvait imposer en tant que

plus-value, sur le fondement de l'article 150-0 A du code général des impôts, la rectification relative à la vente, par M. C..., de ses actions de la SA Negma à la SAS Reinerie France dans la mesure où des cessions de titres similaires, au titre des années 2012 et 2013, ont été imposées en tant que revenus distribués.

9. Aux termes des dispositions de l'article 150-0 A du code général des impôts, dans sa rédaction applicable : " I.-1. Sous réserve des dispositions propres aux bénéfices industriels et commerciaux, aux bénéfices non commerciaux et aux bénéfices agricoles ainsi que des articles 150 UB et 150 UC, les gains nets retirés des cessions à titre onéreux, effectuées directement, par personne interposée ou par l'intermédiaire d'une fiducie, de valeurs mobilières, de droits sociaux, de titres mentionnés au 1° de l'article 118 et aux 6° et 7° de l'article 120, de droits portant sur ces valeurs, droits ou titres ou de titres représentatifs des mêmes valeurs, droits ou titres, sont soumis à l'impôt sur le revenu lorsque le montant de ces cessions excède, par foyer fiscal, 25 730 euros pour l'imposition des revenus de l'année 2009 et 25 830 euros pour l'imposition des revenus de l'année 2010. / (...) " et de l'article 150-0 D du même code, dans sa rédaction applicable : " 1. Les gains nets mentionnés au I de l'article 150-0 A sont constitués par la différence entre le prix effectif de cession des titres ou droits, net des frais et taxes acquittés par le cédant, et leur prix effectif d'acquisition par celui-ci ou, en cas d'acquisition à titre gratuit, leur valeur retenue pour la détermination des droits de mutation. / (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article 111 de ce code : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : / (...) / c. Les rémunérations et avantages occultes ; / (...) ".

10. Il résulte de l'instruction que les rectifications opérées au titre de l'année 2010 trouvent leur fondement dans l'absence de déclaration d'une plus-value de cession de titres, en méconnaissance de l'article 150-0 A du code général des impôts. M. et Mme C... ne contestent pas la réalité de cette omission, ni celle de la plus-value réalisée. Ils ne font état d'aucun élément de nature à remettre en cause le bien-fondé de ces rectifications. La circonstance que d'autres cessions opérées au titre d'années ultérieures, par hypothèse distinctes de celle en cause, aient données lieu, en raison de leurs caractéristiques propres, à des rehaussements sur le fondement du c. de l'art. 111 du code général des impôts est, par elle-même sans incidence sur l'imposition du gain litigieux dans la catégorie des plus-values en application de l'article 150-0 A du même code.

S'agissant des redressements contestés au titre de l'année 2012 relatifs à l'encaissement d'une somme de 78 645 euros :

En ce qui concerne les droits :

11. Aux termes de l'article 111 du même code : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : / (...) / c. Les rémunérations et avantages occultes (...). ". Lorsqu'une société a mis à disposition d'un tiers des sommes sans que la comptabilisation de cette opération ne révèle, par elle-même, l'octroi d'un avantage, il appartient à l'administration, si elle entend faire application de ces dispositions, d'établir, d'une part, que ce versement ne comportait pas de contrepartie pour la société et d'autre part, qu'il existait une intention, pour la société, d'octroyer, et pour le tiers, de recevoir, une libéralité, cette intention d'octroyer et de recevoir une libéralité étant présumée dans le cas où les parties sont liées par une relation d'intérêts.

12. Il résulte de l'instruction qu'à l'occasion de la vérification de comptabilité de la

SA Negma, le vérificateur a constaté qu'un chèque n° 05844044 de 78 645 euros daté du

30 mai 2012, comptabilisé comme afférent à une facture " All Burotic ", avait en réalité été encaissé, le même jour, par M. C..., alors dirigeant de la SA Negma. Ayant regardé ces charges comme non engagées dans l'intérêt de l'entreprise, il a mis à la charge de

M. et Mme C... des redressements, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, à raison de revenus distribués. Ces derniers, qui reconnaissent que cette somme ne correspondait pas à cette facture " All Burotic ", soutiennent que ce montant de 78 645 euros équivaut à une prime d'un montant identique accordée à M. C... en vertu de la 6ème résolution de l'assemblée générale ordinaire annuelle du 24 mai 2012, qui lui a été versée en juin 2012 en complément de son salaire et dont il a été convenu avec le service comptable qu'elle serait imputée sur son compte courant, ce qui a été fait à la date de son départ. Toutefois et d'une part, il ne résulte d'aucune des mentions du procès-verbal de l'assemblée générale mixte annuelle du 24 mai 2012 de la SA Negma que le versement d'une quelconque prime aurait été décidée au profit de l'intéressé, celui-ci n'étant prévu que dans le procès-verbal de l'assemblée générale ordinaire annuelle de la SAS Reinerie Finance. Si les requérants font état sur ce point d'une convention de trésorerie liant les deux sociétés en application de laquelle la SA Negma aurait avancé les fonds au profit de la SAS Reinerie Finance, ils n'en justifient pas. D'autre part, M. et Mme C... n'apportent aucun élément de nature à justifier du remboursement de cette somme versée à tort, remboursement qui serait d'ailleurs intervenu deux ans après l'encaissement. Par conséquent, et alors que l'appréhension de la somme litigieuse par M. C... résulte de son encaissement, l'administration fiscale doit être regardée comme établissant l'absence de contrepartie pour la société et, compte tenu de la communauté d'intérêts existant entre la société et M. C..., l'intention, pour la première, d'octroyer et, pour le second, de recevoir, une libéralité. Le service a donc, à bon droit, regardé cette somme comme une rémunération occulte au sens des dispositions du c. de l'article 111 du code général des impôts. La circonstance que M. C... n'aurait pas été au fait de ce qu'une copie du chèque détenue par la SA Negma est libellée, non pas à son ordre, mais à celui " All Burotic " est, à cet égard, sans incidence.

En ce qui concerne les pénalités :

13. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré / (...) " et aux termes de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales : " Les décisions mettant à la charge des contribuables des sanctions fiscales sont motivées au sens de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, quand un document ou une décision adressés au plus tard lors de la notification du titre exécutoire ou de son extrait en a porté la motivation à la connaissance du contribuable. / (...) ".

14. Il résulte de la proposition de rectification du 24 décembre 2014 relative à l'année 2012 que le service a assorti de pénalités pour manquement délibéré, sur le fondement du a. de l'article 1729 du code général des impôts, l'ensemble des rehaussements opérés à raison de revenus distribués au cours de cette année par les sociétés Negma, Reinerie Finance et Reinerie Immobilier, y compris ceux afférents à une facture " All Burotic " mentionnés au point 12. Ce document rappelle les dispositions précitées, fait état du montant total des revenus distribués non déclarés en cause, et précise dans la rubrique " élément intentionnel " qu'" en tant que dirigeant des sociétés NEGMA, REINERIE FINANCE et REINERIE IMMOBILIER jusqu'en novembre 2013, vous ne pouviez ignorer la nature des opérations qui sont reprochées aux sociétés. / En effet, elles concernent des dépenses personnelles : location, mariage de votre fille, déplacements personnels, retraits de liquidités... etc ". Cette liste non exhaustive entend nécessairement viser le rehaussement afférent à la facture " All Burotic " qui a trait à l'encaissement d'un chèque de la SA Negma sur le compte personnel de M. C... dès lors qu'il ressort clairement de la proposition de rectification que la somme de 78 645 euros distribuée à ce titre était incluse dans le quantum des revenus de capitaux mobiliers soumis à majoration. Dans ces conditions, quel que soit le bien-fondé de cette motivation et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la substitution de base légale sollicitée par le ministre de l'économie, des finances et de la relance, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation des pénalités afférentes à ce chef de redressement ne peut qu'être écarté.

S'agissant des redressements contestés au titre des années 2012 et 2013 relatifs à des acquisitions d'actifs à prix majorés par la SAS Reinerie Finance :

15. Il résulte de l'instruction, notamment des propositions de rectification des

24 décembre 2014 et 16 janvier 2015 qu'à l'occasion des vérifications de comptabilité des sociétés Negma, Reinerie Immobilier et Reinerie Finance, le service a constaté d'une part, que la SCI Reinerie Immobilier avait acquis, le 3 juillet 2012, auprès de M. C..., son gérant,

7 500 actions de la SAS Reinerie Finance au prix unitaire de 45 euros, soit un montant total de 337 500 euros, et d'autre part, que la société Negma avait acquis les 22 juillet et 14 août 2013, toujours auprès de ce dernier, 16 293 actions de la même société, au prix unitaire de 35,16 euros soit 572 861 euros au total. Procédant à l'évaluation des titres de la SAS Reinerie Finance, selon la méthode mathématique, il a constaté que la valeur de cette société était nulle, et a donc considéré qu'en acceptant d'acquérir à un prix manifestement excessif les titres de la SAS Reinerie Finance, sans bénéficier de contreparties, la SCI Reinerie Immobilier et la société Negma avaient commis un acte anormal de gestion ayant eu pour objet de consentir une libéralité à leur dirigeant commun, ce que ce dernier, de par ses fonctions, ne pouvait ignorer. Par suite, sur le fondement des dispositions 2° de l'article 109-1 et du c. de l'article 111 du code général des impôts, le service a taxé entre les mains de M. C..., dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, les avantages à lui octroyés, ainsi équivalents au prix de cession.

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

16. D'une part, M. et Mme C... font état de ce que les propositions de rectification des 24 décembre 2014 et 16 janvier 2015 sont insuffisamment motivées en ce qu'elles ne comportent aucun élément justifiant du recours à la méthode mathématique, méthode pourtant subsidiaire par rapport à la méthode par comparaison. Ils font également valoir qu'elles ne motiveraient pas l'écart significatif entre la valeur des titres et de prix convenu, ni l'intention libérale.

17. Il résulte de l'instruction que les propositions de rectification adressées à

M. et Mme C... mentionnent la nature et les bases d'imposition en cause, les impôts concernés et les années en cause. Si le vérificateur n'a pas indiqué explicitement qu'il ne recourait pas à la méthode comparative, ni précisé les documents révélant les opérations de double et triple financement constatées, les motifs des rectifications, qui développent d'ailleurs les raisons du recours à la méthode mathématique et les modalités de cette dernière, étaient toutefois suffisamment explicites pour permettre aux requérants d'engager une discussion contradictoire avec l'administration, ce qu'ils ont d'ailleurs fait. Ils ne peuvent utilement faire valoir l'absence de justification des provisions pour risques et charges retenues dans le cadre de la méthode mathématique employée dès lors qu'il résulte des termes mêmes des propositions de rectifications qu'ont été, sur ce point, pris en compte les comptes de bilan rectifiés des sociétés Negma et Reinerie Finance, remis au service par cette dernière. S'agissant de la seule proposition de rectification du 16 janvier 2015, la seule circonstance que le vérificateur aurait fait référence à un paragraphe d'une autre proposition de rectification, sans l'annexer, dans ses constats sur le mode de fonctionnement de la SA Negma n'est pas de nature à révéler une insuffisance de motivation. Il en va de même de la référence au rapport B..., joint aux propositions de rectification, qui, d'une part, ne motive pas à elle-seule, ni en tant que telle, les redressements et, d'autre part, ne révèle pas, par elle-même, que le service se serait " exonéré de toute motivation ". La critique relative au fait que le service s'est fondé, pour ce qui concerne l'année 2013, sur la méthode mathématique employée au regard des données de l'année 2012, a trait au bien-fondé des motifs d'imposition et est sans incidence sur le caractère suffisant de la motivation. Enfin, contrairement à ce que soutiennent les intéressés, en relevant que le fait que M. C... était le dirigeant des sociétés Negma et Reinerie Finance, le vérificateur a explicitement motivé l'existence d'une intention libérale, les critiques relatives à la réalité de cette intention libérale ayant trait au bien-fondé des redressements et non à leur motivation. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ne peut qu'être écarté.

18. D'autre part, aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales :

" L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande. ". L'obligation ainsi faite à l'administration fiscale d'informer le contribuable de l'origine et de la teneur des renseignements qu'elle a utilisés pour procéder à des rectifications a pour objet de permettre à celui-ci, notamment, de discuter utilement leur provenance ou de demander que les documents qui, le cas échéant, contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent, afin qu'il puisse vérifier l'authenticité de ces documents et en discuter la teneur ou la portée.

19. Il résulte de l'instruction que, pour opérer les redressements en cause, l'administration s'est fondée sur l'examen des comptabilités des sociétés Negma et Reinerie Finance, éclairées par un rapport d'un expert-comptable, M. B..., mandaté par la SAS Negma afin de procéder à l'expertise de ses comptes sociaux. L'existence de ce rapport ainsi que son origine sont mentionnées dans les propositions de rectification des 24 décembre 2014 et

16 janvier 2015. La première indique notamment que " ce rapport a été remis au service le

26 mars 2014 ". Il n'est pas contesté que ce rapport, qui comporte en première page l'en-tête " Guy B... ", était porté en annexe des propositions de rectification. De tels éléments permettaient d'informer suffisamment les requérants de la provenance de ce rapport pour permettre que celle-ci soit discutée, discussion à laquelle ils se livrent d'ailleurs amplement, et ce alors même qu'il n'est pas spécifié que le rapport aurait été remis par M. B... lui-même au service lors des opérations de contrôle. Par ailleurs, si M. et Mme C... identifient une méconnaissance de l'article L. 76 B, dans la mention portée dans la proposition de rectification du 24 décembre 2014 afférente à l'année 2012 selon laquelle " les manquements (...) mis en évidence [par le rapport B...] ont été validés par les constatations du service ", faute pour le service d'avoir précisé les renseignements et documents utilisés pour ce faire, il résulte de l'instruction que ces constatations sont nécessairement similaires à celles détaillées par

M. B... dans son rapport annexé à la proposition de rectification et dont il précise l'origine à savoir des pièces comptables de la SA Negma. Le service a également, à l'occasion de la réponse aux observations du contribuable du 10 avril 2015 afférente à l'année 2013, indiqué avoir, dans le cadre de la vérification de comptabilité de la SA Negma, consulté les contrats de crédit-bail pour constater les manquements. Si les requérants font valoir, à cet égard, que la consultation des contrats ne permettait pas d'établir les manquements, et que cette consultation " fantaisiste " n'aurait pas eu lieu compte tenu du nombre de contrats en cause et de la mauvaise analyse que le service en aurait fait, il ne résulte pas de cette seule précision inscrite dans la réponse aux observations du contribuable que le service se serait en réalité fondé sur des renseignements dont il n'aurait pas indiqué l'origine, alors qu'ainsi qu'il a été dit précédemment, le service a, au stade de la proposition de rectification du 24 décembre 2013, repris à son compte les manquements constatés par M. B... au regard des pièces comptables de la SA Negma. Par suite, M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que la procédure d'imposition serait irrégulière de ce fait.

20. Enfin, s'agissant de l'année 2013, M. et Mme C... font valoir que, comme pour l'année 2010, la procédure d'imposition menée serait entachée d'un détournement de pouvoir en ce que les redressements ne procèderaient pas d'un contrôle sur pièces mais d'un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle, les privant ainsi du bénéfice d'un recours hiérarchique. Toutefois, ils n'apportent aucun élément probant à l'appui de leurs allégations alors qu'il ne résulte, pas plus au titre de 2013 qu'au titre de 2010, de l'instruction que l'administration, qui s'est bornée à tirer les conséquences des constats opérés lors de la vérification de comptabilité des sociétés Negma et Reinerie Finance, aurait procédé, en réalité, à un examen d'ensemble de la situation fiscale personnelle des requérants lequel implique un contrôle de cohérence globale entre l'ensemble des revenus déclarés par les contribuables avec leur situation de trésorerie, leur situation patrimoniale ou leur train de vie. Est sans incidence la circonstance que le " rapport sur la vérification de comptabilité " produit par les intéressés, au demeurant muet quant à l'objet du contrôle, liste la proposition de rectification afférente à l'année 2013.

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :

21. En cas d'acquisition par une société de titres à un prix que les parties ont délibérément majoré par rapport à la valeur vénale de l'objet de la transaction, ou, s'il s'agit d'une vente, délibérément minoré, sans que cet écart de prix comporte de contrepartie, l'avantage ainsi octroyé doit être requalifié comme une libéralité représentant un avantage occulte constitutif d'une distribution de revenus au sens des dispositions précitées du c. de l'article 111 du code général des impôts. La preuve d'une telle distribution occulte doit être regardée comme apportée par l'administration lorsqu'est établie l'existence, d'une part, d'un écart significatif entre le prix convenu et la valeur vénale du bien cédé, d'autre part, d'une intention, pour la société, d'octroyer, et, pour le co-contractant, de recevoir, une libéralité du fait des conditions de la cession.

22. En premier lieu, la valeur vénale des actions d'une société non admises à la négociation sur un marché réglementé doit être appréciée compte tenu de tous les éléments dont l'ensemble permet d'obtenir un chiffre aussi voisin que possible de celui qu'aurait entraîné le jeu normal de l'offre et de la demande à la date où la cession est intervenue. Cette valeur doit être établie, en priorité, par référence à la valeur qui ressort de transactions portant, à la même époque, sur des titres de la société, dès lors que cette valeur ne résulte pas d'un prix de convenance. Toutefois, en l'absence de transactions intervenues dans des conditions équivalentes et portant sur les titres de la même société ou, à défaut, de sociétés similaires, l'administration peut légalement se fonder sur l'une des méthodes destinées à déterminer la valeur de l'actif ou sur la combinaison de plusieurs de ces méthodes.

23. En l'espèce, il résulte de l'instruction que, pour déterminer la valeur des titres de la SAS Reinerie Finance, l'administration a procédé en recourant à une méthode " mathématique ". A cette fin, elle a relevé que la société était la holding d'un groupe comprenant la SA Negma et estimé que, n'ayant procédé à aucune distribution au cours des trois derniers exercices et ayant un chiffre d'affaire composé de prestations de services administratives et comptables qu'elle procure à cette filiale, elle était tributaire de la santé financière de cette dernière. Elle a également relevé que son actif immobilisé, seul susceptible de receler des plus ou moins-values latentes, était principalement composé de titres de participation de la SA Negma. Elle a donc évalué la valeur de cette dernière pour déterminer celle de la participation détenue par la

SAS Reinerie Finance. Après avoir relevé, à la suite d'un rapport effectué par M. B...,

expert-comptable diligenté par la SA Negma, que celle-ci procédait à des opérations de double et triple financement par crédit-bail et à la comptabilisation de charges indues, manquements dont la conséquence est de rendre la société redevable de dettes futures devant être pris en compte comptablement, puis s'être fondé sur des comptes de bilan rectifiés de provisions pour risques et charges réévaluées produits en conséquence par la SA Negma, ainsi que sur les comptes de bilan également réévalués de la SAS Reinerie Finance, le vérificateur a estimé les actifs nets des deux sociétés comme négatifs depuis 2009 et regardé la valeur des titres en cause comme nulle.

24. D'une part, M. et Mme C... font valoir que, pour évaluer la valeur des titres de la SA Negma et donc de la SAS Reinerie Finance, le service aurait dû recourir à une méthode de valorisation par comparaison en prenant pour références les cessions en septembre et novembre 2010 de 40 650 titres de la SA Negma à la SAS Reinerie Finance pour un prix de 56,55 euros l'unité, l'acquisition de 15 350 titres de la SA Negma par la SA Reinerie Finance auprès de BNP Paribas Développement, le 16 avril 2016, au prix de 53,29 euros, la cession de 22 162 titres de la SA Negma par la SA IC Telecom à la SAS Reinerie Finance, le 24 octobre 2011, au prix de 56,55 euros, l'acquisition le 14 août 2013, par M. C... de 1 600 titres de la SAS Reinerie Finances à Mme F... au prix de 28 euros l'unité et de 820 titres à Mme E... au même prix. Toutefois, et ainsi que le souligne le ministre de l'économie, des finances et de la relance, ces termes de comparaison sont dépourvues de pertinence dès lors que ces transactions ont eu lieu à des dates où les dysfonctionnements pour lesquels un actionnaire minoritaire de la SA Negma a alerté le commissaire aux comptes de la société par lettre du 24 juin 2010 n'avaient pas été établis par le rapport de M. B... du 29 janvier 2014 et, par là même, à des dates où la valeur réelle de ces titres ne prenait pas en compte l'existence de tels dysfonctionnements. M. et Mme C... ne contestent pas sérieusement cette assertion en se bornant à faire valoir que les acquéreurs étaient parfaitement au fait de l'ensemble des éléments leur permettant d'apprécier la valeur vénale de la SAS Reinerie Finance et à produire une lettre d'intention de la SA IC Telecom, datée du 11 mai 2010, formalisant son intention de se porter acquéreur des titres de la SA Negma et faisant état d'une réalisation à ses frais d'une " revue de l'ensemble de la documentation juridique, fiscale et comptable, d'assurances, des droits de propriété intellectuelle et financière afférente à la Société " sans aucune indication quant à l'issue de celle-ci. Au surplus, quatre des cinq transactions avancées ont pour acquéreur la SAS Reinerie Finance ou

M. C..., et s'agissant de l'acquisition par la SA IC Telecom, il n'est pas établi qu'elle aurait été opérée en pleine connaissance de la situation de la SA Negma, et il résulte de l'instruction que la société n'a d'ailleurs pas donné de suite à la promesse de vente obtenue simultanément en vue de l'acquisition d'autres titres mais cédé, moins d'un an après, à la SAS Reinerie Finance plus de la moitié de ceux acquis.

25. M. et Mme C... soutiennent également que l'administration devait déterminer la valeur vénale des titres de la SA Negma en s'appuyant sur des transactions portant sur des sociétés analogues. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que l'administration pouvait s'appuyer sur de telles comparaisons pour évaluer la société, alors qu'ainsi qu'il a été indiqué au point précédent, dès le 24 juin 2010, avait eu lieu une alerte, par un actionnaire minoritaire de la SA Negma, quant à des dysfonctionnements au sein de celle-ci.

26. Dans ces conditions, à défaut de pouvoir se référer à des cessions antérieures équivalentes dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'elles se seraient faites dans des conditions équivalentes à celles des cessions en litige, l'administration a pu à juste titre recourir à un mode d'évaluation ne reposant pas sur la méthode par comparaison.

27. D'autre part, M. et Mme C... contestent tant le principe du recours à la seule méthode mathématique que les modalités de celle-ci.

28. Toutefois et tout d'abord, aucune disposition législative ou règlementaire ne fait obstacle, par principe, à ce que l'administration fiscale recoure à la méthode de l'actif net réévalué ou valeur mathématique, qui consiste à calculer l'actif net comptable de l'entreprise puis à retraiter le cas échéant cette valeur pour tenir compte notamment des perspectives de la société, afin d'obtenir un résultat le plus voisin de celui qu'aurait entraîné le jeu normal de l'offre et de la demande. De plus, le ministre de l'économie, des finances et de la relance fait valoir, sans être contesté sur ce point que le constat de doubles et triples ventes pratiquées par la SA Negma, majorant artificiellement le chiffre d'affaires, rendait impossible le recours à d'autres méthodes fondées sur des données comptables (résultat, bénéfice, distribution, excédent d'exploitation...) historiques, telle celle de la " marge brute " prenant en compte cet élément, et inopportune la méthode DCF fondée sur des flux prévisionnels compte tenu du futur obéré de la SA Negma par les remboursements des loyers de crédit-bail fictifs. Par ailleurs, les requérants ne font en outre état d'aucune autre méthode de valorisation alternative qui aboutirait à un résultat plus exact et n'établissent, ni même ne soutiennent qu'en elle-même une telle méthode mathématique aboutirait, dans les circonstances propres de l'espèce, à des résultats incohérents.

29. Ensuite, la circonstance que, pour mettre en œuvre cette méthode, le service s'est fondé sur des données comptables rectifiées par la SA Negma à la suite d'une expertise de ses comptes sociaux, réalisée par un expert-comptable, M. B..., expertise qui, selon les intéressés, ne présenterait aucune garantie d'objectivité, est, par elle-même, sans influence sur la réalité des faits constatés, ni par suite, sur le bien-fondé des redressements, alors qu'au surplus il n'est à aucun moment justifié de la volonté de nuire alléguée.

30. Enfin, M. et Mme C... font valoir que les provisions évoquées au point 23. du présent arrêt seraient injustifiées dans leur principe, faute de préciser le risque y afférent, et leur montant et qu'elles reposeraient, en outre sur un postulat erroné de pratiques de doubles et/ou triples ventes d'importance opérées par la SA Negma, alors que celles-ci n'étaient que résiduelles. Toutefois, il résulte de l'instruction que de telles pratiques ont été constatées par l'expert-comptable chargé de procéder à l'expertise des comptes sociaux de la SA Negma, à la suite d'un signalement d'un associé. Il s'est assuré de la réalité des mentions en ce sens portées dans des tableaux Excel fournis par la société elle-même, en confrontant les factures de fournisseurs de celles de la SA Negma et en s'assurant de l'identité des matériels en cause (numéros de série, dates, totaux). Il a ainsi dressé en annexe des récapitulatifs de ces opérations. Le service a confirmé ces constats par l'analyse des différentes opérations de la société et la consultation des contrats de crédit-bail. M. et Mme C... ne remettent pas sérieusement en cause ces constats, ni leur ampleur, en se prévalant d'une " analyse critique du premier rapport B... " émanant d'un expert-comptable datée du 29 octobre 2014 fondée sur les seules " factures de cession de matériels envers les organismes de crédit-bail communiquées en annexe du rapport B... " selon laquelle certaines doubles ou triples facturations correspondraient en réalité à des montages associant seulement crédit-bail (financement) et cession du seul contrat de location. En effet, la circonstance que certaines d'entre-elles comportent dans leur objet des mentions telles que " cession contrat location " ne permet pas d'attester de la nature exacte de l'opération correspondante, alors, d'une part, qu'il ressort du propre extrait du document de présentation de la société avancé par les intéressés qu'en cas de cession de contrat de location au refinanceur, celle-ci s'accompagne de la " vente des matériels avec marge " et elle " enregistre un résultat d'exploitation sur la vente de l'équipement, objet du contrat cédé " et, d'autre part, que les analyses opérées par l'expert-comptable se sont fondées sur les seuls éléments provenant de la SA Negma sans opérer les vérifications qui ont été celles de M. B.... Le courrier complémentaire du même expert-comptable du 15 avril 2015 évoquant, sans autre précision, les " contrats de crédit-bail en notre possession ", ne justifie pas davantage du bien-fondé de la lecture opérée par ce dernier.

31. Par ailleurs, il résulte de l'instruction que les provisions pour risques et charges constituées et prises en compte pour la détermination de la valeur des titres de la SA Negma trouvent leur fondement dans le constat d'engagements de crédit-bail fictifs rendant la société redevable de dettes futures, la constatation d'une valeur mathématique négative et donc d'une situation nette négative. M. et Mme C... ne peuvent, à cet égard, utilement se prévaloir des arrêts rendus par la cour le 30 juin 2020, relatifs à la SA Negma, par lesquels elle a remis en cause la déduction de ces provisions, sur le plan fiscal, dès lors qu'elles visaient à anticiper une charge elle-même non déductible car exposée dans le cadre d'une gestion commerciale anormale, dès lors que ces arrêts, rendus pour la seule application de l'article 39 du code général des impôts, n'ont nullement remis en cause, voire même acté, le caractère fictif des opérations de cession de matériel, dont la SA Negma entendait neutraliser les profits en constatant, par voie de régularisation, des provisions pour charges futures de redevances de crédit-bail. Enfin, M. et Mme C... ne contestent pas sérieusement leur montant, lequel provient des propres déclarations de résultat rectificatives produites par la SA Negma à la suite notamment des constats effectués par M. B... et corroborés par l'administration fiscale, en se bornant à faire valoir qu'il ne correspond pas au montant des doubles ou triples ventes estimé par M. B....

32. Dans ces conditions, au regard de ces éléments, non sérieusement contestés, qui tiennent compte du contexte et des spécificités de la société et permettent d'établir la valeur vénale des titres de la SAS Reinerie France à la date des cessions en litige à zéro euro, l'administration apporte la preuve qui lui incombe d'un écart significatif avec les prix de cession - de 45 et 35,16 euros - de ces titres à la SCI Reinerie Immobilier et à la SA Negma.

33. Les requérants n'établissent, ni même ne soutiennent, que l'appauvrissement qui en est résulté a été décidé dans l'intérêt de l'entreprise, en ne faisant notamment état d'aucune contrepartie pouvant justifier l'écart significatif entre la valeur des titres acquis et leur valeur vénale.

34. En second lieu et comme indiqué précédemment, l'écart entre la valeur des titres cédés et leur valeur vénale est significatif. Par ailleurs, il résulte de l'instruction qu'au moment des cessions de titres en cause, M. C... était dirigeant et associé des sociétés Reinerie Immobilier, Reinerie Finance et Negma. Il doit en conséquence être regardé comme ayant participé à l'élaboration des transactions litigieuses tant du côté de l'acquéreur que du côté du vendeur. Si les requérants font valoir que M. C... n'était qu'associé minoritaire au sein de la SA Negma, et qu'il a été démis de ses fonctions au sein des sociétés du groupe en novembre 2013 à la suite d'un grave conflit avec les associés salariés, ils n'invoquent aucune circonstance particulière permettant de présumer que M. C... n'aurait eu aucun rôle dans les décisions prises par les sociétés Negma et Reinerie Immobilier. S'ils font également valoir que M. C... ne pouvait avoir conscience d'une valeur nulle des titres, ils n'en justifient pas par le seul fait qu'il aurait lui-même acquis des titres en 2013 auprès de salariés à 28 euros par titre, alors qu'en tant que dirigeant de la SA Negma, il avait nécessairement connaissance du mode de fonctionnement de celle-ci et avait été alerté de l'existence du schéma de refinancement litigieux à l'occasion d'assemblées générales antérieures aux cessions en cause. Ainsi, en raison de cette communauté d'intérêts entre le vendeur et les acquéreurs, et alors même que les cessions ont été approuvées par les assemblées générales des actionnaires, l'administration apporte la preuve qui lui incombe de l'intention des sociétés d'octroyer et de M. C... de recevoir une libéralité sous la forme d'une majoration du prix d'acquisition des titres en cause.

35. Dans ces conditions, les majorations du prix convenu par rapport à la valeur réelle des biens cédés sont réputées revêtir le caractère de libéralité et c'est à bon droit que le service les a imposées en tant que revenus distribués sur le fondement des dispositions susmentionnées.

En ce qui concerne les pénalités :

36. Il résulte des propositions de rectification des 24 décembre 2014 et 16 janvier 2015 qu'après avoir rappelé les dispositions du a. de l'article 1729 du code général des impôts, rappelé l'assiette des pénalités visant l'ensemble des revenus distribués des sociétés en cause, le vérificateur a précisé qu'" en tant que dirigeant des sociétés NEGMA, et REINERIE FINANCE jusqu'en novembre 2013, vous ne pouviez ignorer la nature des opérations qui sont reprochées aux sociétés. (...). De plus, il ressort clairement des investigations menées au sein de la SA NEGMA que vous ne pouviez ignorer les double et triple financements notamment destinés à donner une image surévaluée des sociétés dont vous cédiez les titres. Dès lors cette attitude est révélatrice de votre part d'une intention délibérée de dissimulation ". Ainsi, la proposition de rectification contestée énonce les considérations de droit et de fait qui fondent les pénalités mises à la charge des requérants, sans que ces derniers puissent utilement opposer le fait que le service n'aurait pas réitéré ses constats relatifs au fonctionnement de la SA Negma dans les paragraphes relatifs aux pénalités, ni précisé en quoi le fait de " ne pouvoir ignorer " implique nécessairement la mauvaise foi. Le moyen tiré de ce que la majoration de 80 % mise à sa charge ne serait pas motivée doit, par suite, être écarté.

37. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande. Leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme C... est rejetée.

14

N° 19VE02216


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19VE02216
Date de la décision : 27/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-02 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Règles générales. - Impôt sur le revenu.


Composition du Tribunal
Président : Mme DANIELIAN
Rapporteur ?: Mme Muriel DEROC
Rapporteur public ?: M. HUON
Avocat(s) : SELARL MENU SEMERIA BROC

Origine de la décision
Date de l'import : 02/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2021-10-27;19ve02216 ?
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