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19/10/2021 | FRANCE | N°21VE01178

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 19 octobre 2021, 21VE01178


Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise :

1°) d'annuler l'arrêté n° 2020-662 du 31 août 2020 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a rendu obligatoire, pour les personnes de onze ans et plus, le port du masque dans l'ensemble du département des Hauts-de-Seine sur l'ensemble de la voie publique et dans tous les lieux ouverts au public, à l'exception des personnes circulant à vélo ou personnes à l'intérieur des véhicules des particuliers et des professionnels, de c

elles qui pratiquent la course à pied et des personnes en situation de handicap mu...

Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise :

1°) d'annuler l'arrêté n° 2020-662 du 31 août 2020 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a rendu obligatoire, pour les personnes de onze ans et plus, le port du masque dans l'ensemble du département des Hauts-de-Seine sur l'ensemble de la voie publique et dans tous les lieux ouverts au public, à l'exception des personnes circulant à vélo ou personnes à l'intérieur des véhicules des particuliers et des professionnels, de celles qui pratiquent la course à pied et des personnes en situation de handicap munies d'un certificat médical ;

2°) d'annuler l'arrêté n° 2020-680 du 10 septembre 2020 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a prescrit le port du masque pour les personnes de onze ans et plus, sur l'ensemble de la voie publique et dans tous les lieux ouverts au public, à l'exclusion de certaines zones décrites à l'article 2, des personnes circulant à vélo ou personnes à l'intérieur des véhicules des particuliers et des professionnels, de celles qui pratiquent la course à pied et des personnes en situation de handicap munies d'un certificat médical ;

3°) d'annuler l'arrêté n° 2020-869 du 17 octobre 2020 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a rendu obligatoire le port du masque dans le département des Hauts-de-Seine pour les personnes de onze ans et plus, sur l'ensemble de la voie publique et dans tous les lieux ouverts au public, à l'exclusion des lieux indiqués à l'article 2 et des personnes circulant à vélo ou en deux-roues motorisées équipées d'un casques ou personnes à l'intérieur des véhicules des particuliers et des professionnels, de celles qui pratiquent une activité physique et sportive et des personnes en situation de handicap munies d'un certificat médical.

4°) d'annuler l'arrêté n° 2020-882 du 30 octobre 2020 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a rendu obligatoire le port du masque dans le département des Hauts-de-Seine pour les personnes de onze ans et plus, sur l'ensemble de la voie publique et dans tous les lieux ouverts au public, à l'exclusion des lieux indiqués à l'article 2 et des personnes circulant à vélo, ou en deux-roues motorisées équipées d'un casques ou personnes à l'intérieur des véhicules des particuliers et des professionnels, de celles qui pratiquent une activité physique et sportive et des personnes munies d'un certificat médical dont l'état de santé contre-indique le port du masque.

Par un jugement n°s 2008674, 2009048, 2012517 et 2012520 du 15 février 2021, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté les demandes de M. A....

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 26 avril 2021, M. A..., représenté par Me Nunes, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise ;

2°) d'annuler les arrêtés du préfet des Hauts-de-Seine en date des 31 août 2020, 10 septembre 2020, 17 octobre 2020 et 30 octobre 2020 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 500 € au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement a été rendu au terme d'une procédure irrégulière dès lors que le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a refusé de surseoir à statuer dans l'attente d'une décision définitive sur sa demande d'aide juridictionnelle ;

- le jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise est insuffisamment motivé et, par suite, irrégulier ;

- en application de l'article L. 3131-1 du code de la santé publique, en cas de menace sanitaire grave appelant des mesures d'urgence, seul le ministre chargé de la santé peut prescrire les mesures appropriées ; ainsi les décrets du 10 juillet, 16 octobre et 29 octobre 2020 qui autorisent le préfet à prescrire des mesures afin de prévenir l'épidémie de la Covid-19 sont entachés d'illégalité ; les arrêtés du préfet des Hauts-de-Seine pris pour leur application sont donc eux-mêmes illégaux ;

- il ressort des termes mêmes de l'article 1er du décret du 10 juillet 2020 et de son annexe 1 que le préfet des Hauts-de-Seine ne peut imposer le port systématique des masques par chacun lors de ses déplacements dans l'espace public que si les circonstances locales ne garantissent pas le respect des règles de distanciation physique ; en l'espèce le préfet des Hauts-de-Seine ne justifie pas de circonstances locales qui exigeraient que soit prononcée une interdiction de se déplacer sans port d'un masque de protection ;

- la mesure prise par le préfet des Hauts-de-Seine présente un caractère général et absolu, alors qu'une mesure moins attentatoire aux libertés publiques aurait pu être prise pour assurer la préservation de l'ordre public, à savoir délimiter dans chaque commune le périmètre des zones où la distanciation physique serait manifestement impossible ;

- les arrêtés en litige méconnaissent l'article 1er de la loi du 11 octobre 2010 ;

- les arrêtés en litige portent une atteinte grave et manifestement illégale à sa liberté d'aller et venir ainsi qu'à son droit au respect de sa liberté personnelle

- les arrêtés du préfet des Hauts-de-Seine méconnaissent les stipulations de l'article 2 du protocole additionnel n° 4 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le préfet des Hauts-de-Seine a entaché ses arrêtés d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa mesure sur la santé des administrés.

...............................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution, et notamment son préambule ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code civil ;

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 2020-856 du 9 juillet 2020 ;

- la loi n° 2010-1192 du 11 octobre 2010 ;

- le décret n° 2020-860 du 10 juillet 2020 ;

- le décret n° 2020-1096 du 28 août 2020 ;

- le décret n° 2020-1257 du 14 octobre 2020 ;

- le décret n° 2020-1262 du 16 octobre 2020 ;

- le décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Coudert,

- les conclusions de Mme Grossholz, rapporteure publique,

- et les observations de Me Nunes pour M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A... relève appel du jugement du 15 février 2021 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des arrêtés en date des 31 août 2020, 10 septembre 2020, 17 octobre 2020 et 30 octobre 2020 par lesquels le préfet des Hauts-de-Seine a rendu obligatoire le port du masque dans le département des Hauts-de-Seine.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 : " Dans les cas d'urgence, (...) l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée soit par le président du bureau ou de la section compétente du bureau d'aide juridictionnelle, soit par la juridiction compétente ou son président. / (...) ". Aux termes de l'article 43-1 du décret du 19 décembre 1991 : " Sans préjudice de l'application des dispositions relatives à l'admission provisoire, la juridiction avisée du dépôt d'une demande d'aide juridictionnelle est tenue de surseoir à statuer dans l'attente de la décision statuant sur cette demande. / (...) ". Aux termes de l'article 62 de ce même décret : " L'admission provisoire est demandée sans forme au président du bureau ou de la section ou au président de la juridiction saisie. Lorsque la décision est prononcée par le bureau ou la section du bureau, copie de cette décision est adressée par le secrétaire du bureau au greffier ou au secrétaire de la juridiction compétente lequel classe cette décision au dossier de procédure. / L'admission provisoire peut être prononcée d'office si l'intéressé a formé une demande d'aide juridictionnelle sur laquelle il n'a pas encore été définitivement statué. ".

3. Il ressort des pièces du dossier de première instance que dans les affaires n°s 2009048, 2012517 et 2012520, le bureau d'aide juridictionnelle n'avait pas statué sur la demande d'aide juridictionnelle présentée par M. A... à la date du jugement attaqué. Les premiers juges étaient donc fondés à prononcer d'office l'admission provisoire de l'intéressé à l'aide juridictionnelle, le litige, compte tenu de sa nature, revêtant un caractère d'urgence et alors qu'il relevait d'une bonne administration de la justice que le tribunal administratif de Cergy-Pontoise examinât simultanément l'ensemble des demandes de M. A... relatives à des arrêtés préfectoraux ayant une portée similaire. Ainsi le requérant, qui n'a pas été privé de ce fait de la possibilité de se faire assister par son conseil, n'est pas fondé à soutenir qu'en ne sursoyant pas à statuer sur les trois demandes en cause le tribunal administratif de Cergy-Pontoise aurait entaché son jugement d'un vice de procédure.

4. En second lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". D'une part, contrairement à ce que soutient M. A..., il résulte de l'examen du jugement attaqué, et notamment de son point 9, renvoyant aux points 5 et 6, que les premiers juges n'ont pas omis de se prononcer sur l'exception d'illégalité des décrets donnant compétence aux préfets pour prendre certaines mesures nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19. D'autre part, les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments du requérant, ont écarté, dans le point 10 du jugement, avec une motivation suffisante le moyen tiré du caractère inadapté à la situation du département et disproportionné de l'obligation du port du masque. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du jugement doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la légalité des arrêtés du préfet des Hauts-de-Seine des 10 septembre 2020, 17 octobre 2020 et 30 octobre 2020 :

5. L'émergence d'un nouveau coronavirus, responsable de la maladie à coronavirus 2019 ou covid-19 et particulièrement contagieux, a été qualifiée d'urgence de santé publique de portée internationale par l'Organisation mondiale de la santé le 30 janvier 2020, puis de pandémie le 11 mars 2020. La propagation du virus sur le territoire français a conduit le ministre des solidarités et de la santé puis le Premier ministre à prendre, à compter du 4 mars 2020, des mesures de plus en plus strictes destinées à réduire les risques de contagion. Le législateur, par l'article 4 de la loi du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19, a déclaré l'état d'urgence sanitaire pour une durée de deux mois à compter du 24 mars 2020, puis, par l'article 1er de la loi du 11 mai 2020 prorogeant l'état d'urgence sanitaire et complétant ses dispositions, a prorogé cet état d'urgence sanitaire jusqu'au 10 juillet 2020 inclus. Au vu de l'évolution de la situation sanitaire, les mesures générales adoptées par décret ont assoupli progressivement les sujétions imposées afin de faire face à l'épidémie.

6. En vertu du I de l'article 1er de la loi du 9 juillet 2020 organisant la sortie de l'état d'urgence sanitaire, du 11 juillet 2020 au 30 octobre 2020 inclus, le Premier ministre peut, par décret pris sur le rapport du ministre chargé de la santé, dans l'intérêt de la santé publique et aux seules fins de lutter contre la propagation de l'épidémie de covid-19, réglementer la circulation des personnes. En vertu du deuxième alinéa du II du même article, lorsque ces mesures doivent s'appliquer dans un champ géographique qui n'excède pas le territoire d'un département, le Premier ministre peut habiliter le représentant de l'Etat dans le département à les décider lui-même, après avis, rendu public, du directeur général de l'agence régionale de santé. Ces mesures, selon le III de cet article, " sont strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu. Il y est mis fin sans délai lorsqu'elles ne sont plus nécessaires ".

7. Aux termes du II de l'article 1er du décret n° 2020-860 du 10 juillet 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans les territoires sortis de l'état d'urgence sanitaire et dans ceux où il a été prorogé, dans sa rédaction issue du décret n° 2020-944 du 30 juillet 2020 : " Dans les cas où le port du masque n'est pas prescrit par le présent décret, le préfet de département est habilité à le rendre obligatoire, sauf dans les locaux d'habitation, lorsque les circonstances locales l'exigent ". Ces dispositions ont été réitérées en des termes identiques par l'article 1er du décret n° 2020-1262 du 16 octobre 2020 et l'article 1er du décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020.

8. Par son arrêté du 31 août 2020 en litige, le préfet des Hauts-de-Seine a rendu obligatoire le port du masque dans le département des Hauts-de-Seine pour les personnes de onze ans et plus sur l'ensemble de la voie publique et dans tous les lieux ouverts au public, à l'exception de celles circulant à vélo ou à l'intérieur des véhicules des particuliers et des professionnels et celles pratiquant la course à pied, ainsi que des personnes en situation de handicap munies d'un certificat médical justifiant de cette dérogation. Par son arrêté du 10 septembre 2020, le préfet des Hauts-de-Seine a prévu que l'obligation du port du masque ne s'appliquerait pas, à l'exception de certaines zones ou voies nommément désignées, dans les communes de Marne-la-Coquette et de Vaucresson, ainsi que dans les forêts du département, hormis les samedis, dimanches et jours fériés. Le préfet a également précisé que l'obligation de port du masque ne s'appliquait pas, outre aux personnes déjà mentionnées dans son arrêté précédent, aux personnes pratiquant une activité physique et sportive. Les arrêtés des 17 et 30 octobre 2020 du préfet des Hauts-de-Seine ont réitéré dans les mêmes termes l'obligation de port du masque dans l'ensemble du département, avec les mêmes exceptions en y ajoutant les usagers de deux-roues motorisés dès lors qu'ils portent un casque intégralement fermé et les personnes dont l'état de santé, dûment justifié par un certificat médical, contre-indique le port du masque.

9. En premier lieu, ainsi qu'il a été dit au point 6, le législateur a expressément prévu que le Premier ministre pouvait habiliter les préfets à prendre, dans l'intérêt de la santé publique et aux seules fins de lutter contre la propagation de l'épidémie de covid-19, un certain nombre de mesures réglementant la circulation des personnes. Ainsi M. A... n'est pas fondé à soutenir que les décrets mentionnés au point 7 seraient entachés d'illégalité. Par voie de conséquence, M. A... n'est pas davantage fondé à soutenir que les arrêtés du préfet des Hauts-de-Seine seraient entachés d'incompétence.

10. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que la situation sanitaire du département des Hauts-de-Seine à la fin du mois d'août 2020 était marquée par une recrudescence de la pandémie, affichant au 31 août un taux d'incidence, correspondant au nombre de tests virologiques positifs pour 100 000 habitants sur une semaine, de 93,1 et un taux de positivité, correspondant au nombre de personnes testées positives sur une semaine, de 6 %, supérieurs aux moyennes nationales, fixées respectivement à 48,8 et 4,2 %. Le 10 septembre 2020, ces mêmes taux étaient de 114,5 et de 7,1 %. Le 11 octobre 2020, ces taux avaient encore augmenté pour se fixer à 329 et à 15,7 %, le département des Hauts-de-Seine se classant à cette date au 5ème rang des départements s'agissant de l'importance du taux d'incidence. Enfin, au 25 octobre 2020, le département présentait un taux d'incidence de 497 et un taux de positivité de 19,3 %. Du fait de cette dégradation de la situation sanitaire, en vertu du décret du 28 août 2020, le département des Hauts-de-Seine a été classé en zone de circulation active du virus dans lesquels la loi du 9 juillet 2020 permet de prendre des mesures plus contraignantes. Il ressort également des pièces du dossier que le département des Hauts-de-Seine, avec 9 144 habitants par kilomètre carré, est le deuxième département français au regard de la densité de la population. En outre, la présence dans le département notamment du quartier d'affaires de La Défense, du port de Gennevilliers et d'importants centres de décision économiques dans des communes telles qu'Issy-les-Moulineaux ou Boulogne-Billancourt, induit des mouvements pendulaires quotidiens importants entre le département et le reste de la région Ile-de-France.

11. Par ailleurs, il résulte des avis et recommandations tant de l'Organisation mondiale de la santé que du Haut Conseil de la santé publique ou du conseil scientifique covid-19, appuyés sur les études épidémiologiques récentes et la revue de la littérature scientifique existante, que le port d'un masque, qui ne présente pas de risque particulier pour les personnes qui le portent, est efficace pour réduire le risque de contamination par la covid-19. Si le risque de contamination est, de façon générale, moins élevé en plein air, la possibilité qu'un aérosol contenant des virus soit inhalé avec une charge infectante suffisante ou qu'une transmission par gouttelettes ait lieu existe en cas de forte concentration de population. Ainsi, le Haut Conseil de la santé publique recommande, dans un avis du 20 août 2020, en l'état actuel des connaissances et des ressources disponibles, de porter systématiquement un masque en plein air lors de la présence d'une forte densité de personnes ou lorsque le respect de la distance physique ne peut être garantie, par exemple en cas de rassemblement, regroupement, file d'attente, ou dans les lieux de forte circulation.

12. Eu égard aux caractéristiques du département des Hauts-de-Seine mentionnées au point 10 et à la dégradation de sa situation sanitaire liée à la pandémie de la covid-19, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le préfet des Hauts-de-Seine ne justifierait pas de circonstances locales exigeant que le port du masque soit rendu obligatoire dans ce département et aurait ainsi, en édictant les arrêtés en litige, méconnu les dispositions des articles 1er des décrets mentionnés au point 7.

13. En troisième lieu, le caractère proportionné d'une mesure de police s'apprécie nécessairement en tenant compte de ses conséquences pour les personnes concernées et de son caractère approprié pour atteindre le but d'intérêt général poursuivi. Sa simplicité et sa lisibilité, nécessaires à sa bonne connaissance et à sa correcte application par les personnes auxquelles elle s'adresse, sont un élément de son effectivité qui doivent, à ce titre, être prises en considération. Il en résulte que le préfet, lorsqu'il détermine les lieux dans lesquels il rend obligatoire le port du masque, est en droit de délimiter des zones suffisamment larges pour englober de façon cohérente les points du territoire caractérisés par une forte densité de personnes ou une difficulté à assurer le respect de la distance physique, de sorte que les personnes qui s'y rendent puissent avoir aisément connaissance de la règle applicable et ne soient pas incitées à enlever puis remettre leur masque à plusieurs reprises au cours d'une même sortie. Il peut, de même, définir les horaires d'application de cette règle de façon uniforme dans l'ensemble d'une même commune, voire d'un même département, en considération des risques encourus dans les différentes zones couvertes par la mesure qu'il adopte. Il doit, toutefois, tenir compte de la contrainte que représente, même si elle reste mesurée, le port d'un masque par les habitants des communes concernées, qui doivent également respecter cette obligation dans les transports en commun et, le plus souvent, dans leur établissement scolaire ou universitaire ou sur leur lieu de travail.

14. Ainsi qu'il a été dit au point 8, par ses arrêtés des 10 septembre, 17 et 30 octobre 2020, le préfet des Hauts-de-Seine a exclu de l'obligation du port du masque certaines zones géographiques du département, constituées des communes de Marne-la-Coquette et de Vaucresson, à l'exception de certaines zones ou voies nommément désignées de ces communes, ainsi que les forêts du département, hormis les samedis, dimanches et jours fériés. Le préfet a également exclu de l'obligation de port du masque certaines catégories de personnes.

15. Eu égard à la forte densité de population du département des Hauts-de-Seine, notamment s'agissant des zones urbanisées elles-mêmes, et à la fréquence des déplacements qui le caractérise, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet pouvait excepter de l'obligation de port du masque d'autres zones géographiques que celles mentionnées par son arrêté tout en respectant le souci de cohérence nécessaire à l'effectivité de la mesure prise. Par ailleurs si M. A... conteste également le fait qu'aucune dérogation à l'obligation du port du masque n'est prévue pour les parcs domaniaux, les jardins aménagés de certaines communes et les berges de la Seine ainsi que pour les forêts les week-end et jours fériés, il ressort des pièces du dossier que la forte densité de population du département et sa proximité immédiate avec Paris induisent un afflux important de promeneurs tous les jours de la semaine, s'agissant des parcs et jardins et des berges de la Seine, et durant les week-end et jours fériés, s'agissant des forêts du département. Dans ces conditions, compte tenu des exceptions géographiques déjà prévues à l'obligation du port du masque dans les arrêtés attaqués et de la nécessité de simplicité et de lisibilité de la mesure pour assurer son effectivité, l'obligation du port du masque telle qu'instaurée par les arrêtés attaqués ne constitue pas une mesure de police disproportionnée.

16. En quatrième lieu, dès lors que l'obligation de port du masque définie par le préfet des Hauts-de-Seine constitue une mesure appropriée au but d'intérêt général poursuivi et qu'elle ne présente pas un caractère disproportionné, elle constitue une mesure nécessaire à la protection de la santé justifiant, ainsi que le prévoient les stipulations de l'article 2 du protocole additionnel n° 4 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qu'il soit apporté une restriction à la liberté de circulation. Le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations doit, par suite, être écarté. Il en va de même du moyen tiré de la méconnaissance des articles 2 et 4 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

17. En cinquième lieu, les trois arrêtés susmentionnés du préfet des Hauts-de-Seine prévoyaient expressément une exception à l'obligation de port du masque pour les personnes pratiquant une activité physique et sportive. M. A... n'est donc pas fondé à soutenir que, compte tenu de son insuffisance respiratoire, ces arrêtés l'empêcheraient de faire de l'exercice physique, en méconnaissance de son droit au respect de son intégrité physique, garanti par l'article 16 du code civil, ou qu'ils seraient entachés d'une erreur manifeste dans l'appréciation de leurs conséquences sur la situation des administrés.

18. En dernier lieu, si M. A... soutient que l'obligation du port du masque méconnaît la loi du 11 octobre 2010 interdisant la dissimulation du visage dans l'espace public, ce moyen ne peut qu'être écarté, dès lors qu'il résulte de l'article 2 de cette loi que cette interdiction ne s'applique pas lorsque cette dissimulation est prescrite ou autorisée par des dispositions législatives ou réglementaires.

19. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que les arrêtés des 10 septembre, 17 octobre et 30 octobre 2020 du préfet des Hauts-de-Seine seraient entachés d'illégalité.

En ce qui concerne la légalité de l'arrêté du 31 août 2020 :

20. Par cet arrêté, le préfet des Hauts-de-Seine a instauré l'obligation de port du masque dans l'ensemble du département sans en exclure aucune zone, notamment les parcs, jardins et forêts ou les communes les plus faiblement urbanisées du département, ni définir d'horaires d'application, sans toutefois justifier de la nécessité d'une mesure aussi générale. Au regard des principes énoncés au point 13, la mesure édictée par le préfet revêt un caractère disproportionné. M. A... est dès lors fondé à soutenir que l'arrêté du 31 août 2020 est entaché d'illégalité et qu'il doit, par suite, être annulé.

21. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande n° 2008674 tendant à l'annulation de l'arrêté n° 2020-662 du 31 août 2020 du préfet des Hauts-de-Seine.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

22. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par M. A... sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : L'arrêté n° 2020-662 du 31 août 2020 du préfet des Hauts-de-Seine est annulé.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.

Article 3 : Le jugement n°s 2008674, 2009048, 2012517 et 2012520 du 15 février 2021 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

N° 21VE01178 6


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21VE01178
Date de la décision : 19/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme LE GARS
Rapporteur ?: M. Bruno COUDERT
Rapporteur public ?: Mme GROSSHOLZ
Avocat(s) : NUNES

Origine de la décision
Date de l'import : 26/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2021-10-19;21ve01178 ?
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