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28/09/2021 | FRANCE | N°20VE01400

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 28 septembre 2021, 20VE01400


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 30 septembre 2019 B... laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande de regroupement familial, ensemble la décision du 20 janvier 2020 du ministre de l'intérieur rejetant son recours hiérarchique.

B... une ordonnance n°2002876 du 10 avril 2020, le premier vice-président du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande comme manifestement irrecevable.

Procédure devant la cour :r>
B... une requête, enregistrée le 22 juin 2020, M. D..., représenté B... Me Herrero, a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 30 septembre 2019 B... laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande de regroupement familial, ensemble la décision du 20 janvier 2020 du ministre de l'intérieur rejetant son recours hiérarchique.

B... une ordonnance n°2002876 du 10 avril 2020, le premier vice-président du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande comme manifestement irrecevable.

Procédure devant la cour :

B... une requête, enregistrée le 22 juin 2020, M. D..., représenté B... Me Herrero, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) d'annuler la décision du 30 septembre 2019 B... laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande de regroupement familial, ensemble la décision du 20 janvier 2020 du ministre de l'intérieur rejetant son recours hiérarchique;

3°) d'enjoindre à toute autorité administrative de lui accorder le bénéfice du regroupement familial en faveur de son épouse et leurs cinq enfants ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 372 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a déclaré sa demande irrecevable dès lors que le délai imparti au requérant pour régulariser sa demande expirait le 26 mars 2020, soit entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020, et était donc prorogé jusqu'au 24 août 2020 inclus ;

- les dispositions de l'article L.411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été méconnues dès lors qu'il justifie aujourd'hui de ressources suffisantes, cet article ne précisant pas quelle doit être la période de référence ;

- les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues.

.........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'ordonnance n°2020-305 du 25 mars 2020 modifiée portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme E... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., ressortissant pakistanais né en 1974, a sollicité le bénéfice du regroupement familial au profit de son épouse et de ses cinq enfants. B... une décision du préfet de la Seine-Saint-Denis du 2 mai 2018, confirmée B... une décision du ministre de l'intérieur du 7 juin 2018 prise après recours hiérarchique de l'intéressé, sa demande a été rejetée au motif qu'il ne justifie pas de ressources suffisantes. M. D... fait appel de l'ordonnance du 10 avril 2020, B... laquelle le premier vice-président du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions comme manifestement irrecevable.

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

2. D'une part, aux termes de l'article R. 412-1 du code de justice administrative : " La requête doit, à peine d'irrecevabilité, être accompagnée, sauf impossibilité justifiée, de l'acte attaqué (...) ". Aux termes de l'article R. 611-8-2 du même code dans sa rédaction applicable : " Toute juridiction peut adresser B... le moyen de l'application informatique mentionnée à l'article R. 414-1, à une partie ou à un mandataire qui y est inscrit, toutes les communications et notifications prévues B... le présent livre pour tout dossier. / Les parties ou leur mandataire sont réputés avoir reçu la communication ou la notification à la date de première consultation du document qui leur a été ainsi adressé, certifiée B... l'accusé de réception délivré B... l'application informatique, ou, à défaut de consultation dans un délai de deux jours ouvrés à compter de la date de mise à disposition du document dans l'application, à l'issue de ce délai ".

3. D'autre part, aux termes de l'article 2 de l'ordonnance du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif : " Durant la période comprise entre le 12 mars 2020 et la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire déclaré dans les conditions de l'article 4 de la loi du 23 mars 2020 susvisée, il est dérogé aux dispositions législatives et réglementaires applicables aux juridictions administratives dans les conditions prévues au présent titre ". Aux termes de l'article 16 de cette ordonnance : " I. ' Les mesures d'instruction dont le terme vient à échéance entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020 sont prorogées de plein droit jusqu'au 24 août 2020 inclus ".

4. Pour rejeter comme manifestement irrecevable la requête de M. D... tendant à l'annulation des décisions rejetant sa demande de regroupement familial, le premier vice-président du tribunal administratif de Montreuil a considéré, qu'en dépit de la demande de régularisation qui lui avait été adressée via Télérecours le 9 mars 2020 et réputée notifiée à l'issue d'un délai de deux jours ouvrés suivant sa mise à disposition, en application de l'article R. 611-8-2 du code précité, l'intéressé n'avait pas produit, dans le délai de quinze jours qui lui avait été imparti, les décisions contestées.

5. Toutefois, le délai de quinze jours permettant à M. D... de régulariser sa requête expirait le 26 mars 2020, soit entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020, et a été, en vertu de l'article 16 de l'ordonnance du 25 mars 2020 précité, prorogé jusqu'au 24 août 2020 inclus. Dans ces conditions, M. D... est fondé à soutenir qu'en lui opposant, dès le 10 avril 2020, l'absence de régularisation, le premier juge a entaché son ordonnance d'irrégularité.

6. Il y a lieu, B... suite, d'annuler l'ordonnance attaquée et de se prononcer immédiatement B... la voie de l'évocation sur l'ensemble des conclusions et moyens présentés B... M. D... tant devant la cour que devant le tribunal administratif de Montreuil.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

7. Aux termes de l'article L. 411-5 code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le regroupement familial ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants: /1° Le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. Sont prises en compte toutes les ressources du demandeur et de son conjoint indépendamment des prestations familiales, de l'allocation équivalent retraite et des allocations prévues à l'article L. 262-1 du code de l'action sociale et des familles, à l'article L. 815-1 du code de la sécurité sociale et aux articles L. 5423-1 et L. 5423-2 du code du travail. Les ressources doivent atteindre un montant qui tient compte de la taille de la famille du demandeur. Le décret en Conseil d'État prévu à l'article L. 441-1 fixe ce montant qui doit être au moins égal au salaire minimum de croissance mensuel et au plus égal à ce salaire majoré d'un cinquième. (...) ". Aux termes de l'article R. 411-4 du même code : " Pour l'application du 1° de l'article L. 411-5, les ressources du demandeur et de son conjoint qui alimenteront de façon stable le budget de la famille sont appréciées sur une période de douze mois B... référence à la moyenne mensuelle du salaire minimum de croissance au cours de cette période. Ces ressources sont considérées comme suffisantes lorsqu'elles atteignent un montant équivalent à : / (...) - cette moyenne majorée d'un cinquième pour une famille de six personnes ou plus.. ". Aux termes de l'article R. 421-4 du même code : " A l'appui de sa demande de regroupement, le ressortissant étranger présente les copies intégrales des pièces suivantes : (...) / 3° Les justificatifs des ressources du demandeur et, le cas échéant, de son conjoint, tels que le contrat de travail dont il est titulaire ou, à défaut, une attestation d'activité de son employeur, les bulletins de paie afférents à la période des douze mois précédant le dépôt de sa demande, ainsi que le dernier avis d'imposition sur le revenu en sa possession, dès lors que sa durée de présence en France lui permet de produire un tel document, et sa dernière déclaration de revenus. La preuve des revenus non salariaux est établie B... tous moyens (...) ".

8. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions que le caractère suffisant du niveau de ressources du demandeur est apprécié sur la période de douze mois précédant le dépôt de la demande de regroupement familial, B... référence à la moyenne mensuelle du salaire minimum interprofessionnel de croissance au cours de cette même période, même s'il est toujours possible, pour le préfet, lorsque ce seuil n'est pas atteint au cours de la période considérée, de prendre une décision favorable en tenant compte de l'évolution des ressources du demandeur, y compris après le dépôt de la demande.

En ce qui concerne la décision du préfet de la Seine-Saint-Denis du 30 septembre 2019 :

9. Il n'est pas contesté que M. D..., titulaire d'un contrat à durée indéterminée en qualité de peintre au sein de la société SOFRAP ne disposait, au titre de la période de douze mois précédant le dépôt de sa demande de regroupement familial, soit entre mai 2017 et avril 2018, que d'un revenu mensuel brut moyen de 1 535 euros, inférieur au seuil de référence de 1 781 euros brut, exigé pour une famille composée de sept personnes. Dans ces conditions, et à supposer même que la situation de M. D... ait évolué favorablement à compter du 1er octobre 2019, postérieurement à la décision du préfet de la Seine-Saint-Denis, ainsi qu'il ressort des pièces qu'il produit, il n'a pas été fait une inexacte application des dispositions précitées de l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en opposant à l'intéressé le caractère insuffisant de ses ressources au titre de la période de douze mois précédant le dépôt de sa demande.

10. Si M. D... fait valoir, sans autre précision, que le refus de regroupement familial porte une atteinte grave et disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, il n'apporte toutefois aucun élément précis permettant d'apprécier l'intensité des relations qu'il aurait maintenues avec son épouse et ses enfants restés au Pakistan antérieurement à la date de sa demande de regroupement familial. En outre, la décision litigieuse n'a, B... elle-même, pas pour effet de porter atteinte à la cellule familiale dans la mesure où il ne ressort pas des pièces du dossier que le requérant serait dans l'impossibilité de rendre visite à sa famille ou que cette dernière ne puisse lui rendre visite sous couvert d'un visa de court séjour. Dans ces conditions, la décision du préfet n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de M. D..., qui peut, s'il s'y estime fondé, présenter une nouvelle demande à l'autorité préfectorale compte tenu de sa situation actuelle, une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elles ont été prises. B... suite, à le supposer assorti des précisions suffisantes, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne la décision du ministre de l'intérieur du 20 janvier 2020 rejetant son recours hiérarchique :

11. Aux termes de l'article L. 411-4 du code des relations entre le public et l'administration : " L'administration se prononce sur le recours formé à l'encontre d'une décision créatrice de droits sur le fondement de la situation de fait et de droit prévalant à la date de cette décision. En cas de recours formé contre une décision non créatrice de droits, elle se fonde sur la situation de fait et de droit prévalant à la date à laquelle elle statue sur le recours. ".

12. Il ressort des pièces produites au dossier B... M. D... que B... avenant du 1er octobre 2019, élément porté à la connaissance du ministre de l'intérieur dans le cadre du recours hiérarchique présenté le 29 octobre 2019, sa rémunération mensuelle brute a été fixée à 2060,73 euros, soit un montant supérieur au seuil de référence précité de 1 781 euros brut. Le ministre de l'intérieur, qui devait tenir compte, pour instruire le recours hiérarchique dont il était saisi, de la situation de fait et de droit existant à la date de sa propre décision, s'est toutefois borné, ainsi qu'il ressort des termes de sa décision, à confirmer le motif de la décision préfectorale et tiré de l'insuffisance de ressources sur la période de référence, sans même examiner la possibilité, toujours ouverte à l'administration, de prendre une décision favorable compte tenu de l'évolution postérieure des ressources du demandeur. M. D... est B... suite fondé à soutenir que faute d'avoir pris en considération l'évolution de ses ressources, le ministre a entaché sa propre décision d'une erreur de droit.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... est seulement fondé à demander l'annulation de la décision rendue sur recours hiérarchique B... le ministre le 20 janvier 2020.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

14. Eu égard au motif d'annulation retenu ci-dessus, le présent arrêt implique nécessairement, sous réserve d'un changement dans la situation de l'intéressé, que le ministre de l'intérieur procède au réexamen du recours de M. D.... Il y a lieu, en application de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, d'enjoindre au ministre de l'intérieur d'y procéder, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés à l'instance :

15. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État le versement à M. D... A... la somme de 1 000 euros, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE

Article 1er : L'ordonnance n°2002876 du premier vice-président du tribunal administratif de Montreuil en date du 10 avril 2020 est annulée.

Article 2 : La décision du 20 janvier 2020 rejetant le recours hiérarchique formé après M. D... contre la décision du 30 septembre 2019 B... laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé le bénéfice du regroupement familial est annulée.

Article 3 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de réexaminer le recours de M. D... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'État versera à M. D... une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

N° 20VE01400 6


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20VE01400
Date de la décision : 28/09/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme DANIELIAN
Rapporteur ?: Mme Isabelle DANIELIAN
Rapporteur public ?: M. HUON
Avocat(s) : HERRERO

Origine de la décision
Date de l'import : 05/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2021-09-28;20ve01400 ?
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