La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/06/2021 | FRANCE | N°20VE00733

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 29 juin 2021, 20VE00733


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée unipersonnelle (SASU) Elior Services Propreté et Santé (ESPS) a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler, d'une part, la décision du 20 novembre 2017 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis à sa charge la contribution spéciale prévue à l'article L. 82531 du code du travail pour un montant de 53 100 euros et la contribution forfaitaire prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée e

t du séjour des étrangers et du droit d'asile pour un montant de 2 553 euros, à ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée unipersonnelle (SASU) Elior Services Propreté et Santé (ESPS) a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler, d'une part, la décision du 20 novembre 2017 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis à sa charge la contribution spéciale prévue à l'article L. 82531 du code du travail pour un montant de 53 100 euros et la contribution forfaitaire prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour un montant de 2 553 euros, à raison de l'emploi d'un salarié étranger en situation irrégulière et dépourvu d'autorisation de travail, d'autre part, les titres de perception émis les 24 novembre et 5 décembre 2017 en vue du recouvrement de ces contributions, ainsi que la décision du 6 mars 2018 rejetant ses réclamations préalables.

Par un jugement n°s 1801953-1803382 du 30 janvier 2020, le tribunal administratif de Versailles a annulé la décision du 20 novembre 2017 et les titres de perception émis les 24 novembre et 5 décembre 2017, ensemble la décision du 6 mars 2018.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 2 mars 2020 et un mémoire en réplique enregistré le 16 juillet 2020, l'OFII, représenté par Me Schegin, avocat, demande à la cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de rejeter les demandes présentées en première instance par la société ESPS ;

3° de mettre à la charge de la société ESPS une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la société ESPS s'était acquittée des obligations qui lui incombaient en vertu de l'article L. 5221-8 du code du travail et n'était pas en mesure de savoir que le document qui lui avait été présenté procédait d'une usurpation d'identité ;

- la procédure ayant conduit à la décision du 20 novembre 2017 a respecté le principe du contradictoire.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 juillet 2020, la SASU ESPS, représentée par Me Roland, avocat, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'OFII en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir, à titre principal, que la décision du 20 novembre 2017 de mise à charge des contributions spéciale et forfaitaire a été prise au terme d'une procédure méconnaissant les droits de la défense et le principe du contradictoire et, à titre subsidiaire, qu'elle a bien procédé aux vérifications documentaires découlant des dispositions de l'article L. 5221-8 du code du travail et n'était pas en mesure de savoir que le document présenté procédait d'une usurpation d'identité.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code du travail ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de Mme Grossholz, rapporteure publique,

- et les observations de Me D... pour la société Elior Services Propreté et Santé.

Considérant ce qui suit :

1. La résidence hôtelière Appart'City, située à Louveciennes (Yvelines), a fait l'objet le 30 mai 2017 d'un contrôle des services de l'inspection du travail de l'unité départementale de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Île-de-France, au cours duquel a été constatée la présence en tenue de travail, pour le compte de la société de nettoyage Elior Services Propreté et Santé (ESPS), de M. C... A..., ressortissant ivoirien dépourvu d'un titre de séjour et d'un titre de travail, mais employé par la société sous l'identité d'emprunt de M. E..., ressortissant ivoirien titulaire d'un titre de séjour l'autorisant à travailler, et déclaré sous ce nom auprès de l'URSSAF. Par courrier du 27 septembre 2017, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a informé la société qu'il envisageait de mettre à sa charge la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail et la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en l'invitant à présenter ses observations en réponse. Par décision du 20 novembre 2017, le directeur général de l'OFII a mis à la charge de la société ESPS la somme de 53 100 euros au titre de la contribution spéciale et la somme de 2 553 euros au titre de la contribution forfaitaire. Par décision du 10 janvier 2018, le directeur général de l'OFII a rejeté le recours gracieux formé par la SASU ESPS contre cette décision. Deux titres de perception ont été émis les 24 novembre et 5 décembre 2017 en vue du recouvrement de ces contributions, à l'encontre desquels la société a formé des réclamations préalables qui ont été rejetées par décision du 6 mars 2018. L'OFII relève appel du jugement du 30 janvier 2020 par lequel le tribunal administratif de Versailles a annulé la décision du 20 novembre 2017 et les titres de perception émis les 24 novembre et 5 décembre 2017, ainsi que la décision du 6 mars 2018.

2. Aux termes de l'article L. 8251-1 du code du travail : " Nul ne peut, directement ou par personne interposée, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France (...) ". Aux termes de l'article L. 8253-1 de ce code : " Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte, pour chaque travailleur étranger non autorisé à travailler, une contribution spéciale. Le montant de cette contribution spéciale est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Il est, au plus, égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. Ce montant peut être minoré en cas de non-cumul d'infractions ou en cas de paiement spontané par l'employeur des salaires et indemnités dus au salarié étranger sans titre mentionné à l'article R. 8252-6. Il est alors, au plus, égal à 2 000 fois ce même taux. Il peut être majoré en cas de réitération et est alors, au plus, égal à 15 000 fois ce même taux (...) ". Enfin, aux termes de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sans préjudice des poursuites judiciaires qui pourront être engagées à son encontre et de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail, l'employeur qui aura occupé un travailleur étranger en situation de séjour irrégulier acquittera une contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine (...) ".

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif de Versailles :

3. Aux termes des dispositions de l'article L. 5221-8 du code du travail : " L'employeur s'assure auprès des administrations territorialement compétentes de l'existence du titre autorisant l'étranger à exercer une activité salariée en France, sauf si cet étranger est inscrit sur la liste des demandeurs d'emploi tenue par l'institution mentionnée à l'article L. 5312-1 ". Aux termes de l'article R. 5221-41 du même code : " Pour s'assurer de l'existence de l'autorisation de travail d'un étranger qu'il se propose d'embaucher, en application de l'article L. 5221-8, l'employeur adresse au préfet du département du lieu d'embauche ou, à Paris, au préfet de police une lettre datée, signée et recommandée avec avis de réception ou un courrier électronique, comportant la transmission d'une copie du document produit par l'étranger. A la demande du préfet, il peut être exigé la production par l'étranger du document original ". Aux termes de l'article R. 5221-42 du même code : " La demande de l'employeur est adressée au préfet au moins deux jours ouvrables avant la date d'effet de l'embauche. / Le préfet notifie sa réponse à l'employeur par courrier ou courrier électronique dans un délai de deux jours ouvrables à compter de la réception de la demande. A défaut de réponse dans ce délai, l'obligation de l'employeur de s'assurer de l'existence de l'autorisation de travail est réputée accomplie ".

4. Il résulte des dispositions précitées de l'article L. 8253-1 du code du travail et de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que les contributions qu'ils prévoient ont pour objet de sanctionner les faits d'emploi d'un travailleur étranger séjournant irrégulièrement sur le territoire français ou démuni de titre l'autorisant à exercer une activité salariée, sans qu'un élément intentionnel soit nécessaire à la caractérisation du manquement. Toutefois, un employeur ne saurait être sanctionné sur le fondement de ces dispositions, qui assurent la transposition des articles 3, 4 et 5 de la directive 2009/52/CE du Parlement européen et du Conseil du 18 juin 2009 prévoyant des normes minimales concernant les sanctions et les mesures à l'encontre des employeurs de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, lorsque tout à la fois, d'une part, et sauf à ce que le salarié ait justifié avoir la nationalité française, il s'est acquitté des obligations qui lui incombent en vertu de l'article L. 5221-8 du code du travail et que, d'autre part, il n'était pas en mesure de savoir que les documents qui lui étaient présentés revêtaient un caractère frauduleux ou procédaient d'une usurpation d'identité.

5. Pour prononcer l'annulation des décisions en litige, les premiers juges ont estimé que c'est à tort que le directeur général de l'OFII a considéré que le manquement aux dispositions des articles L. 8251-1 du code du travail et L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile était caractérisé, dès lors que, d'une part, la société ESPS s'était acquittée des obligations lui incombant en vertu de l'article L. 5221-8 du code du travail et, d'autre part, n'était pas en mesure de savoir que le document présenté par M. A... procédait d'une usurpation d'identité.

6. D'une part, il résulte de l'instruction ainsi que le tribunal administratif de Versailles l'a relevé, que la société ESPS n'a interrogé le service des étrangers de la préfecture de la Seine-Saint-Denis afin d'obtenir la confirmation de la validité du titre autorisant son salarié à travailler que le 11 mai 2017, soit, en méconnaissance des dispositions précitées de l'article R. 5221-42 du code du travail, postérieurement à l'entrée en vigueur du contrat de travail de l'intéressé, intervenue à la date non contestée du 18 avril 2017.

7. D'autre part, et en tout état de cause, il résulte également de l'instruction, et en particulier du procès-verbal de l'audition du 30 mai 2017, joint par l'OFII en appel ainsi qu'il l'avait fait devant le tribunal administratif de Versailles dans l'instance n° 1801953, que M. A... a déclaré aux services de police n'avoir présenté, au moment de son embauche par la société ESPS, que la " copie de la carte de séjour de [s]on ami FOFANA Inza et la copie de sa carte vitale ". Il a également précisé que si l'employée qui l'avait embauché lui avait demandé de " ramener les originaux ", il " ne les [a] jamais ramenés " car il " savai[t] qu'avec les originaux, elle aurait fait la différence ". Si la société intimée fait valoir que, contrairement à ce qu'affirme M. A..., elle a bien procédé à la vérification de l'original du titre de séjour que celui-ci a présenté, ni l'attestation rédigée par une gouvernante régionale de la société, qui n'a pas procédé elle-même au recrutement de l'intéressé et se borne à rapporter une affirmation de la personne ayant effectivement conduit la procédure d'embauche, qui a quitté la société en novembre 2017, ni la description faite par la société de la procédure interne qui doit être respectée lors de l'embauche des salariés étrangers, ne permettent de remettre en cause les déclarations faites par M. A... lors de son audition par les services de police ni, par suite, d'établir le bien-fondé des allégations de la société quant à la vérification de l'original du titre de séjour présenté par ce dernier.

8. Il résulte de ce qui précède que la société ESPS ne peut être regardée comme s'étant assurée que M. A... disposait d'un titre de séjour l'autorisant à effectuer une activité salariée. Par suite, à défaut d'avoir procédé aux obligations de vérification qui lui incombent, et dès lors que l'infraction est constituée des seuls faits d'emploi d'un travailleur étranger séjournant irrégulièrement sur le territoire français ou démuni de titre l'autorisant à exercer une activité salariée, la société ESPS ne peut utilement invoquer sa bonne foi ni soutenir qu'elle n'était pas en mesure de savoir que les documents d'identité présentés procédaient d'une usurpation d'identité.

9. Dès lors, l'OFII est fondé à soutenir que c'est à tort que, pour annuler la décision du 20 novembre 2017 et les titres de perception émis les 24 novembre et 5 décembre 2017, le tribunal administratif de Versailles a accueilli le moyen tiré de ce que la société s'était acquittée des obligations de vérification lui incombant en vertu de l'article L. 5221-8 du code du travail.

10. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par la société ESPS à l'encontre des décisions et titres de perception contestés.

Sur les autres moyens soulevés par la société ESPS :

11. Aux termes de l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Les décisions mentionnées à l'article L. 211-2 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix. / L'administration n'est pas tenue de satisfaire les demandes d'audition abusives, notamment par leur nombre ou leur caractère répétitif ou systématique ". Aux termes de l'article L. 122-2 du même code : " Les mesures mentionnées à l'article L. 121-1 à caractère de sanction ne peuvent intervenir qu'après que la personne en cause a été informée des griefs formulés à son encontre et a été mise à même de demander la communication du dossier la concernant ".

12. Aux termes de l'article R. 8253-3 du code du travail : " Au vu des procès-verbaux qui lui sont transmis en application de l'article L. 8271-17, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration indique à l'employeur, par lettre recommandée avec avis de réception ou par tout autre moyen permettant de faire la preuve de sa date de réception par le destinataire, que les dispositions de l'article L. 8253-1 sont susceptibles de lui être appliquées et qu'il peut présenter ses observations dans un délai de quinze jours ". Aux termes de l'article R. 8253-4 du même code : " A l'expiration du délai fixé, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration décide, au vu des observations éventuelles de l'employeur, de l'application de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1, la liquide et émet le titre de perception correspondant (...) ". Aux termes de l'article R. 626-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - Au vu des procès-verbaux qui lui sont transmis en application de l'article L. 8271-17 du code du travail, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration indique à l'employeur, par lettre recommandée avec avis de réception ou par tout autre moyen permettant de faire la preuve de sa date de réception par le destinataire, que les dispositions de l'article L. 626-1 sont susceptibles de lui être appliquées et qu'il peut présenter ses observations dans un délai de quinze jours. / II. - A l'expiration du délai fixé, le directeur général décide, au vu des observations éventuelles de l'employeur, de l'application de la contribution forfaitaire prévue à l'article L. 626-1, la liquide et émet le titre de perception correspondant (...) ".

13. En premier lieu, par courrier du 27 septembre 2017, le directeur général de l'OFII a informé la société ESPS qu'un procès-verbal dressé par les services de l'inspection du travail des Yvelines établissait qu'elle avait employé un ressortissant étranger démuni d'un titre de séjour et d'un titre l'autorisant à exercer une activité salariée, et qu'elle était donc susceptible de se voir appliquer les contributions spéciale et forfaitaire. Il l'invitait également à présenter ses observations dans un délai de quinze jours, ce que la société a fait par courrier du 11 octobre 2017. Contrairement à ce que fait valoir la société, le délai de quinze jours qui lui était imparti, prévu par les dispositions précitées de l'article R. 8253-3 du code du travail, était, en l'absence de toute circonstance particulière, suffisant pour lui permettre de préparer sa défense.

14. En deuxième lieu, si la société fait valoir qu'elle n'a pas été informée de la possibilité de se faire assister par un conseil, aucune disposition ni aucun principe n'imposait à l'OFII d'informer expressément la société de la possibilité de se faire assister par un conseil. Ce moyen doit par suite être écarté.

15. En troisième lieu, si les dispositions législatives et réglementaires relatives à la contribution spéciale mentionnée à l'article L. 8253-1 du code du travail et à la contribution forfaitaire mentionnée à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne prévoient pas expressément que le procès-verbal transmis au directeur général de l'OFII en application de l'article L. 8271-17 du code du travail, constatant l'infraction aux dispositions de l'article L. 8251-1 relatif à l'emploi d'un étranger non autorisé à exercer une activité salariée en France, soit communiqué au contrevenant, le silence de ces dispositions sur ce point ne saurait faire obstacle à cette communication, en particulier lorsque la personne visée en fait la demande, afin d'assurer le respect de la procédure contradictoire préalable à la liquidation de ces contributions, qui revêtent le caractère de sanctions administratives. Le refus de communication du procès-verbal ne saurait toutefois entacher les sanctions d'irrégularité que dans le cas où la demande de communication a été faite avant l'intervention de la décision qui, mettant la contribution spéciale et la contribution forfaitaire à la charge de l'intéressé, prononce la sanction.

16. Il ne résulte pas de l'instruction, et n'est d'ailleurs pas non plus allégué, que la société ESPS aurait demandé, préalablement à la décision du 20 novembre 2017 mettant à sa charge les contributions spéciale et forfaitaire, la communication du procès-verbal établi à la suite du contrôle du 30 mai 2017, qui est mentionné dans le courrier du 27 septembre 2017 par lequel le directeur général de l'OFII a informé la société qu'il envisageait de mettre à sa charge les contributions spéciale et forfaitaire et l'a invitée à présenter ses observations. De même, il ne résulte pas de l'instruction, et n'est là encore pas allégué, que la société aurait demandé à présenter des observations orales. Dès lors, la circonstance que la société requérante n'a pas eu communication du procès-verbal établi à l'issue du contrôle du 30 mai 2017, ni présenté d'observations orales, n'entache pas d'irrégularité la sanction prononcée à son encontre par le directeur général de l'OFII.

17. En quatrième lieu, il résulte également de l'instruction que, par son courrier déjà mentionné du 27 septembre 2017, le directeur général de l'OFII a mis la société ESPS en mesure de demander la communication de son dossier.

18. En dernier lieu, la société ESPS soutient que l'OFII avait pris la décision de mise à charge des contributions préalablement à ce que ses observations lui soient parvenues. Elle s'appuie à cet égard sur le courrier du directeur général de l'OFII du 27 septembre 2017 qui indiquait qu'à " l'expiration de ce délai et après avoir pris en compte, vos éventuelles observations, l'application de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine et de la contribution spéciale sera mise en oeuvre à votre encontre ". Néanmoins, la circonstance que ce courrier utilise le futur plutôt que le conditionnel n'est pas de nature à remettre en cause le respect par l'OFII du principe du contradictoire, dès lors qu'il est constant que, d'une part, la société ESPS a été invitée à présenter ses observations, ce qu'elle a fait le 11 octobre 2017, et que, d'autre part, la décision mettant à sa charge les contributions spéciale et forfaitaire n'a été prise par le directeur général de l'OFII que le 20 novembre 2017, postérieurement à la réception des observations de la société.

19. Il suit de là que les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions précitées du code des relations entre le public et l'administration, du principe général des droits de la défense et, en tout état de cause, des stipulations précitées de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés. Ainsi, la société ESPS n'est pas fondée à soutenir que la procédure ayant conduit à la décision du 20 novembre 2017 du directeur général de l'OFII est entachée d'irrégularité.

20. Il résulte de tout ce qui précède que l'OFII est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 30 janvier 2020, le tribunal administratif de Versailles a annulé la décision du 20 novembre 2017 du directeur général de l'OFII, ensemble les titres de perception émis les 24 novembre et 5 décembre 2017, ainsi que la décision du 6 mars 2018.

Sur les conclusions aux fins d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

21. L'OFII n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions présentées par la SASU ESPS au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent être que rejetées. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SASU ESPS une somme de 1 500 euros à verser à l'OFII au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Versailles n°s 1801953-1803382 du 30 janvier 2020 est annulé.

Article 2 : Les demandes présentées par la société Elior Services Propreté et Santé devant le tribunal administratif de Versailles et ses conclusions présentées en appel au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La société Elior Services Propreté et Santé versera à l'Office français de l'immigration et de l'intégration une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions présentées par l'Office français de l'immigration et de l'intégration au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à l'Office français de l'immigration et de l'intégration et à la société Elior Services Propreté et Santé.

Délibéré après l'audience du 15 juin 2021, à laquelle siégeaient :

M. Brotons, président de chambre,

M. B..., premier conseiller,

Mme F..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 juin 2021.

Le rapporteur,

B. B...Le président,

S. BROTONSLa greffière,

S. de SOUSA

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

Le greffier,

N° 20VE00733 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20VE00733
Date de la décision : 29/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: M. Bruno COUDERT
Rapporteur public ?: Mme GROSSHOLZ
Avocat(s) : SCHEGIN

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2021-06-29;20ve00733 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award