La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/06/2021 | FRANCE | N°19VE03455

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 29 juin 2021, 19VE03455


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au Tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision en date du 20 décembre 2017 par laquelle le ministre de l'intérieur lui a infligé un blâme.

Par un jugement n° 1801215 du 30 septembre 2019, le magistrat désigné du Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 16 octobre 2019, M. C..., représenté par Me Frédéric, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement

;

2° d'annuler, pour excès de pouvoir, cette décision ;

3° de mettre à la charge de l'Etat le versemen...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au Tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision en date du 20 décembre 2017 par laquelle le ministre de l'intérieur lui a infligé un blâme.

Par un jugement n° 1801215 du 30 septembre 2019, le magistrat désigné du Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 16 octobre 2019, M. C..., représenté par Me Frédéric, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° d'annuler, pour excès de pouvoir, cette décision ;

3° de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 750 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. C... soutient que :

- le signataire de la décision attaquée n'a pas justifié de sa compétence ;

- malgré ses demandes, il n'a pas eu la communication de son dossier, ce qui l'a privé d'une garantie essentielle attachée aux droits de la défense ;

- il n'a pas bénéficié d'un délai suffisant pour organiser sa défense ;

- il n'a pas été informé de son droit à présenter des observations ;

- sa hiérarchie était au courant de son examen par un médecin en raison de ses douleurs lombaires et il a lui-même rendu compte à sa hiérarchie de sa situation médicale dès le 1er février 2017 de sorte que la sanction litigieuse est entachée d'une erreur de fait ;

- son supérieur hiérarchique a manifesté une animosité particulière à son endroit en lui attribuant des missions qui ne lui avaient jamais été confiées auparavant et qui était précisément contre-indiquées par son état de santé ;

- son comportement n'a eu aucun retentissement sur le fonctionnement du service ;

- aucun manque de loyauté ne peut lui être reproché ;

- l'arrêté litigieux est entaché d'erreur de droit en ce qu'il est fondé sur l'article 111-6 de l'arrêté du 6 juin 2006 portant règlement général d'emploi de la police nationale.

.....................................................................................................................

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- le code de la sécurité intérieure ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l'Etat ;

- l'arrêté du 6 juin 2006 portant règlement général d'emploi de la police nationale ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- et les conclusions de M. Bouzar, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., brigadier de police affecté à la CRS n° 3 de Quincy-sous-Sénart, a été victime, le 1er février 2017, alors qu'il se trouvait en mission avec son unité à Nice, de douleurs lombaires qui l'ont conduit à consulter un médecin qui lui a prescrit un traitement médicamenteux sans arrêt de travail. M. C... a bénéficié le lendemain d'une journée réglementaire de repos et, lors de sa reprise de service le 3 février puis le 4 février suivants, il a refusé d'exécuter les missions de conducteur du chef d'unité et de patrouille dans le cadre de la mission Vigipirate, incompatibles selon lui avec son état de santé. M. C... conteste la légalité de la décision en date du 20 décembre 2017 par laquelle le ministre de l'intérieur lui a infligé la sanction du blâme en se fondant sur la circonstance qu'il s'était abstenu de rendre compte de la consultation médicale qu'il avait eue et de son état de santé, cette abstention étant susceptible d'avoir des conséquences graves pour le service.

2. Aux termes de l'article 18 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée : " (...) Tout fonctionnaire a accès à son dossier individuel dans les conditions définies par la loi (...) ". Aux termes de l'article 19 de cette loi : " (...) Le fonctionnaire à l'encontre duquel une procédure disciplinaire est engagée a droit à la communication de l'intégralité de son dossier individuel et de tous les documents annexes et à l'assistance de défenseurs de son choix. L'administration doit informer le fonctionnaire de son droit à communication du dossier. Aucune sanction disciplinaire autre que celles classées dans le premier groupe par les dispositions statutaires relatives aux fonctions publiques de l'Etat, territoriale et hospitalière ne peut être prononcée sans consultation préalable d'un organisme siégeant en conseil de discipline dans lequel le personnel est représenté (...) ". Aux termes de l'article 1er du décret du 25 octobre 1984 susvisé, relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l'Etat : " L'administration doit dans le cas où une procédure disciplinaire est engagée à l'encontre d'un fonctionnaire informer l'intéressé qu'il a le droit d'obtenir la communication intégrale de son dossier individuel et de tous les documents annexes et la possibilité de se faire assister par un ou plusieurs défenseurs de son choix. Les pièces du dossier et les documents annexes doivent être numérotés ".

3. Il ressort des pièces du dossier, notamment de la fiche de sanction signée par M. C... le 2 novembre 2017, que celui-ci a été averti de la possibilité de consulter son dossier. Il ressort de deux courriers adressés par M. C... à sa hiérarchie, datés du 3 mars et du 16 novembre 2017, que celui-ci a demandé à pouvoir consulter son dossier. L'administration ne conteste pas ne pas avoir procédé à cette communication et ne peut être regardée, au regard des deux courriers précités, comme justifiant que M. C... n'aurait procédé à aucune démarche pour procéder à la consultation de son dossier. Par suite, M. C... est fondé à soutenir que la sanction disciplinaire litigieuse est intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière faute pour lui d'avoir obtenu la communication de son dossier avant le prononcé de cette sanction.

4. Aux termes de l'article 111-6 de l'arrêté du 6 juin 2006 susvisé, portant règlement général d'emploi de la police nationale : " Dans le respect des lois et règlements en vigueur, notamment du code de déontologie de la police nationale, tout fonctionnaire de police a le devoir d'exécuter loyalement les instructions et les ordres qui lui sont donnés par l'autorité supérieure. Il est responsable de leur exécution, ou des conséquences de leur inexécution, dont il a l'obligation de rendre compte (...) ". Ces dispositions relatives aux instructions données par la hiérarchie n'ont pas pour effet de rendre obligatoire pour un agent de la police nationale de rendre compte à sa hiérarchie des consultations médicales auxquelles il se soumet ou de son état de santé. Par suite, en fondant la sanction litigieuse sur ces dispositions et en retenant que l'absence d'information donnée par l'agent à sa hiérarchie sur la consultation médicale effectuée le 1er février 2017 et sur son état de santé, alors que l'intéressé n'a obvié à aucune instruction ni aucun ordre, le ministre de l'intérieur a commis une erreur de droit.

5. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande et à demander l'annulation de la décision du ministre de l'intérieur en date du 20 décembre 2017.

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. C... et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1801215 du 30 septembre 2019 du Tribunal administratif de Versailles et la décision en date du 20 décembre 2017 du ministre de l'intérieur sont annulés.

Article 2 : L'Etat versera à M. C... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2

N° 19VE03455


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19VE03455
Date de la décision : 29/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. BRUMEAUX
Rapporteur ?: Mme Sophie COLRAT
Rapporteur public ?: M. BOUZAR
Avocat(s) : SELARL MOCK-FREDERIC ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2021-06-29;19ve03455 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award