Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision du 20 février 2017 par laquelle la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a annulé la décision du 22 août 2016 de l'inspectrice du travail ayant refusé d'autoriser son licenciement, et a autorisé son licenciement.
Par un jugement n° 1702847 du 7 mars 2019, le tribunal administratif de Versailles a rejeté la demande M. B....
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 9 mai 2019 et un mémoire enregistré le 23 août 2019, M. B..., représenté par Me Porin, avocat, demande à la cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 20 février 2017 par laquelle la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a autorisé son licenciement ;
3° de mettre à la charge de l'Etat et de la société Martin Brower le versement d'une somme de 2 500 euros chacun en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. B... soutient que :
- la décision est entachée d'un vice de procédure dès lors qu'elle a été prise après l'expiration du délai de quatre mois qui courait à partir de l'introduction du recours hiérarchique de la société Martin Brower contre la décision de l'inspectrice du travail ;
- la décision est entachée d'illégalité car il existe un lien entre l'exercice de ses mandats et son licenciement ;
- les faits qui lui sont reprochés ne sont pas établis.
Par un mémoire en défense enregistré le 2 août 2019, la société Martin Brower, représentée par Me Goumard, avocat, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme 3 000 euros soit mise à la charge de M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés ;
Par un mémoire en défense enregistré le 6 novembre 2020, la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés ;
Par ordonnance du président de la chambre en date du 6 octobre 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 13 novembre 2020 à 12h00, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C...,
- et les conclusions de Mme Grossholz, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B... a été employé à compter du 1er octobre 2012, avec reprise d'ancienneté au 10 novembre 1995 du fait du transfert de son contrat de travail initialement conclu avec la société Crudi Distribution, par la société Martin Brower et y exerçait les fonctions de conducteur. La société Martin Brower a saisi le 26 juillet 2016 l'inspectrice du travail d'une demande de licenciement pour faute de M. B..., salarié protégé détenant le mandat de conseiller du salarié. Par décision du 22 août 2016, l'inspectrice du travail a refusé d'autoriser ce licenciement. La société Martin Brower a saisi le 19 octobre 2016 la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social d'un recours hiérarchique contre cette décision. Par décision du 20 février 2017, la ministre a annulé la décision de l'inspectrice du travail et a autorisé le licenciement de M. B.... Ce dernier relève appel du jugement du 7 mars 2019 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision autorisant son licenciement pour faute.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. En vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contre de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi.
3. Si, pour motiver sa demande d'autorisation de licenciement, la société Martin Brower avait reproché à M. B... de ne pas avoir respecté des tournées planifiées, d'avoir détourné des marchandises et d'avoir mis en danger la vie d'autrui, par la décision en litige du 20 février 2017, la ministre chargée du travail a autorisé le licenciement pour faute de l'intéressé en retenant le seul grief de détournement de marchandises. Il y a donc lieu pour la cour d'apprécier si la matérialité des seuls faits de détournement est établie.
4. La société Martin Brower produit des attestations rédigées par MM. Eparvier, Allegre et Xifre, respectivement directeur du site d'Aix-en-Provence, directeur support des opérations et directeur régional, qui indiquent de façon concordante que, le 30 juin 2016, vers 12h10, M. B..., qui conduisait le véhicule immatriculé CS 751 YY, s'est arrêté quelques instants rue Hennebique à Aix-en-Provence, est descendu du camion pour déposer un carton derrière une haie et est reparti. Toutefois, alors que M. B... soutient ne pas s'être arrêté rue Hennebique le 30 juin 2016, la société ne produit aucune pièce permettant de corroborer les déclarations de ses propres directeurs. Les données de géolocalisation produites ne concernent pas la journée du 30 juin et, par ailleurs, la carte chronotachygraphe du camion que conduisait M. B... et que produit la société ne fait pas apparaître, vers 12h10, un arrêt suivi d'une période de conduite permettant à l'intéressé de rejoindre le site de l'entreprise, situé à quelques minutes de la rue Hennebique. Si les attestations font également mention que M. D..., collègue de M. B..., venu récupérer vers 12h35 ce même jour le carton déposé préalablement, a déclaré qu'il était venu " récupérer un carton tombé du camion de M. B... ", il n'est toutefois pas contesté par la société que la teneur de cette déclaration est démentie par l'intéressé et n'est corroborée par aucune autre pièce du dossier. Au regard de l'ensemble de ces éléments la société Martin Brower n'apporte pas la preuve de la participation de M. B... au détournement de marchandises ayant eu lieu le 30 juin 2016. Il suit de là que c'est à tort que, par sa décision du 20 février 2017, la ministre du travail, de l'emploi, de la formation et du dialogue social a estimé que la matérialité des faits allégués par la société au soutien de sa demande d'autorisation de licenciement était établie et, par suite, a autorisé le licenciement pour faute de M. B... à raison de ces faits.
5. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 20 février 2017.
Sur les conclusions aux fins d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Il y a lieu dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat et de la société Martin Brower une somme respective de 1 000 euros à verser à M. B... au titre des frais qu'il a exposés dans la présente instance et non compris dans les dépens. Les conclusions présentées par la société Martin Brower au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent en revanche être rejetées, M. B... n'étant pas la partie perdante.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1702847 du 7 mars 2019 du tribunal administratif de Versailles et la décision du 20 février 2017 par laquelle la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a autorisé le licenciement pour faute de M. B... sont annulés.
Article 2 : L'Etat et la société Martin Brower verseront chacun la somme de 1 000 euros à M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de la justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.
Article 4 : Les conclusions présentées par la société Martin Brower au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion et à la SAS Martin Brower.
Copie en sera adressée au directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile-de-France.
Délibéré après l'audience du 15 juin 2021, à laquelle siégeaient :
M. Brotons, président de chambre,
M. C..., premier conseiller,
Mme E..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 juin 2021.
Le rapporteur,
B. C...Le président,
S. BROTONSLa greffière,
S. de SOUSALa République mande et ordonne à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
Le greffier,
N° 19VE01697 2