Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision du 20 février 2017 par laquelle la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a annulé la décision du 22 août 2016 de l'inspectrice du travail ayant refusé d'autoriser son licenciement, et a autorisé son licenciement.
Par un jugement n° 1702848 du 7 mars 2019, le tribunal administratif de Versailles a rejeté la demande M. C....
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 9 mai 2019 et un mémoire enregistré le 3 novembre 2019, M. C..., représenté par Me Porin, avocat, demande à la cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 20 février 2017 par laquelle la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a autorisé son licenciement ;
3° de mettre à la charge de l'Etat et de la société Martin Brower le versement d'une somme de 2 500 euros chacun en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. C... soutient que :
- la décision est entachée d'un vice de procédure dès lors qu'elle a été prise après l'expiration du délai de quatre mois qui courait à partir de l'introduction du recours hiérarchique de la société Martin Brower contre la décision de l'inspectrice du travail ;
- la décision est entachée d'illégalité car il existe un lien entre l'exercice de ses mandats et son licenciement ;
- les faits qui lui sont reprochés ne sont pas établis.
Par un mémoire en défense enregistré le 3 octobre 2019, la société Martin Brower, représentée par Me Goumard, avocat, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme 3 000 euros soit mise à la charge de M. C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés ;
Par un mémoire en défense enregistré le 6 novembre 2020, la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés ;
Par ordonnance du président de la chambre en date du 6 octobre 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 13 novembre 2020 à 12h00, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- et les conclusions de Mme Grossholz, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... C... a été employé à compter du 1er octobre 2012, avec reprise d'ancienneté au 23 novembre 1994 du fait du transfert de son contrat de travail initialement conclu avec la société Crudi Distribution, par la société Martin Brower et y exerçait les fonctions de conducteur. La société Martin Brower a saisi le 26 juillet 2016 l'inspectrice du travail d'une demande de licenciement pour faute de M. C..., salarié protégé détenant le mandat de membre du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) et de conseiller du salarié. Par décision du 22 août 2016, l'inspectrice du travail a refusé d'autoriser ce licenciement. La société Martin Brower a saisi le 19 octobre 2016 la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social d'un recours hiérarchique contre cette décision. Par décision du 20 février 2017, la ministre a annulé la décision de l'inspectrice du travail et a autorisé le licenciement de M. C.... Ce dernier relève appel du jugement du 7 mars 2019 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision autorisant son licenciement pour faute.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 2422-1 du code du travail : " Le ministre chargé du travail peut annuler ou réformer la décision de l'inspecteur du travail sur le recours de l'employeur, du salarié ou du syndicat que ce salarié représente ou auquel il a donné mandat à cet effet. Ce recours est introduit dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision de l'inspecteur. Le silence gardé pendant plus de quatre mois sur ce recours vaut décision de rejet ".
3. Il résulte de ces dispositions que la ministre du travail, de l'emploi, de la formation et du dialogue social disposait d'un délai de quatre mois à compter de la réception du recours hiérarchique introduit par la société Martin Brower pour annuler la décision prise par l'inspectrice du travail le 22 août 2016. Il ressort des pièces du dossier que la ministre a pris la décision contestée le 20 février 2017, soit avant l'expiration du délai de quatre mois ayant commencé à courir le 20 octobre 2016, date de la réception du recours de l'employeur de M. C.... La circonstance que le pli contenant cette décision n'ait été expédié que le 23 février 2017, soit après l'expiration du délai de quatre mois, est sans incidence sur l'appréciation du respect dudit délai. Par suite, le moyen tiré de ce que la ministre était dessaisie de sa compétence pour annuler la décision de l'inspectrice du travail du fait de l'expiration du délai de quatre mois prévu pour ce faire doit être écarté.
4. En deuxième lieu, en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contre de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi.
5. D'une part, pour motiver sa demande d'autorisation de licenciement, la société Martin Brower avait reproché à M. C... de ne pas avoir respecté des tournées planifiées, d'avoir détourné des marchandises et d'avoir mis en danger la vie d'autrui. Par la décision en litige du 20 février 2017, la ministre chargée du travail a autorisé le licenciement pour faute de l'intéressé en retenant le seul fait de détournement de marchandises. Il suit de là que le requérant ne peut utilement contester la matérialité des autres griefs initialement avancés par son employeur au soutien de ses conclusions aux fins d'annulation de la décision litigieuse.
6. D'autre part, il ressort des pièces du dossier, et notamment des attestations rédigées par MM. Eparvier, Allegre et Xifre, respectivement directeur du site d'Aix-en-Provence, directeur support des opérations et directeur régional, étayées par les photographies prises à cette occasion, que, le 30 juin 2016, vers 12h35, M. C... est venu récupérer avec son véhicule personnel un carton précédemment dissimulé le long d'une haie située rue Hennebique à Aix-en-Provence, contenant notamment des briques de jus de pomme de la marque McDonald's. Si le requérant soutient, pour remettre en cause la teneur des attestations produites par la société, qu'il ne pouvait être présent rue Hennebique à l'horaire indiqué, il ressort toutefois des données de la carte chronotachygraphe du camion qu'il conduisait ce jour que M. C... a restitué ce véhicule vers 12h20 et pouvait ainsi venir récupérer le carton en question avec son véhicule personnel à l'horaire indiqué par la société. Le requérant soutient également que ce carton contenait des achats personnels qu'il avait effectués durant une pause dans la matinée et qu'il l'avait déposé rue Hennebique afin de pouvoir le récupérer ultérieurement, la société Martin Brower interdisant à ses salariés d'apporter des effets personnels au sein de l'entreprise. Toutefois M. C... n'apporte aucun élément permettant d'établir tant la réalité des achats personnels allégués que le dépôt d'un carton les contenant, les données de la carte chronotachygraphe ne faisant pas apparaître un arrêt de son camion précédemment à son arrivée sur le site de l'entreprise, alors qu'en tout état de cause la photographie du contenu du carton produite par la société intimée fait apparaître des produits qui ne pouvaient pas être achetés dans le commerce. Cette circonstance ne permet pas davantage à M. C... de soutenir qu'il était dans l'impossibilité matérielle de soustraire des produits destinés à être livrés aux restaurants de l'enseigne McDonald's. Il suit de là que, contrairement à ce que soutient le requérant, la matérialité des faits de détournement de marchandises est établie par la société Martin Brower.
7. Enfin, ces faits de détournement de marchandises sont, ainsi que l'a estimé la ministre chargée du travail, d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement pour faute de M. C....
8. En dernier lieu, M. C... soutient que l'autorisation de licenciement sollicitée par la société Martin Brower est en lien avec l'exercice de ses mandats. Il fait valoir à cet égard qu'au cours de l'année 2015 il était intervenu pour défendre un salarié de la société devant le conseil de prud'hommes d'Aix-en-Provence et avait par ailleurs déclenché un droit d'alerte devant le CHSCT. Il ressort cependant de ce qui a été dit aux points précédents que la demande de licenciement de la société Martin Brower est motivée par le seul comportement fautif grave de l'intéressé. Le moyen tiré de l'existence d'un lien entre les mandats et la demande de licenciement doit en conséquence être écarté.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.
Sur les conclusions aux fins d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. L'Etat et la société Martin Brower n'étant pas les parties perdantes dans la présente instance, les conclusions présentées par M. C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent être que rejetées. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. C... une somme de 1 500 euros à verser à la société Martin Brower au titre des frais qu'elle a exposés dans la présente instance et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : M. C... versera la somme de 1 500 euros à la société Martin Brower au titre de l'article L. 761-1 du code de la justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par la société Martin Brower au titre de l'article L. 761-1 du code de la justice administrative est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion et à la SAS Martin Brower.
Copie en sera adressée au directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile-de-France.
Délibéré après l'audience du 15 juin 2021, à laquelle siégeaient :
M. Brotons, président de chambre,
M. B..., premier conseiller,
Mme D..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 juin 2021.
Le rapporteur,
B. B...Le président,
S. BROTONSLa greffière,
S. de SOUSALa République mande et ordonne à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
Le greffier,
N° 19VE01696 3