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24/06/2021 | FRANCE | N°19VE01213

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 24 juin 2021, 19VE01213


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Saint-Mandé Finances a demandé au tribunal administratif de Versailles, par deux demandes distinctes, de prononcer la décharge en droits, majorations et intérêts de retard, des rappels de taxe sur les salaires mis à sa charge au titre des années 2012, 2013 et 2014, de condamner l'Etat aux entiers dépens et de mettre à la charge de ce dernier une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement nos

1702681 et 1702682 du 5 février 2019, le tribunal administratif de Versailles a ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Saint-Mandé Finances a demandé au tribunal administratif de Versailles, par deux demandes distinctes, de prononcer la décharge en droits, majorations et intérêts de retard, des rappels de taxe sur les salaires mis à sa charge au titre des années 2012, 2013 et 2014, de condamner l'Etat aux entiers dépens et de mettre à la charge de ce dernier une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement nos 1702681 et 1702682 du 5 février 2019, le tribunal administratif de Versailles a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 5 avril et 18 septembre 2019, la SAS Saint-Mandé Finances, représentée par Me Lambert, avocat, demande à la cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de prononcer la décharge sollicitée ;

3° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

4° de condamner l'Etat aux entiers dépens.

Elle soutient que :

- le service a, à tort, soumis à la taxe sur les salaires au titre de l'année 2012, la rémunération versée à M. B... C... alors que celui-ci n'avait pas la qualité de salarié au sens du droit du travail mais de mandataire social, et que la somme versée ne relevait pas de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale ;

- il a, à tort, soumis à cette taxe au titre de l'année 2012, la rémunération versée à

Mme E... D..., alors, d'une part, qu'elle n'était pas responsable financière de la société, ni directrice financière, mais assistante de direction et, d'autre part, que la société effectue très peu d'opérations pouvant relever du secteur financier et que celles-ci relèvent de la compétence du président du conseil de surveillance ;

- il a, à tort, soumis à la taxe sur les salaires au titre des années 2013 et 2014, les rémunérations versées à M. B... C... alors que celui-ci exerçait les fonctions de président mais n'exerçait pas les pleins pouvoirs en matière de gestion des participations, la direction financière de la société relevant du président du conseil de surveillance et de ce dernier ;

- il a, à tort, soumis à la taxe sur les salaires au titre des années 2013 et 2014, les rémunérations versées à Mme E... D... alors qu'elle n'était pas responsable financière de la société, ni directrice financière, mais assistante de direction, que la société effectue très peu d'opérations pouvant relever du secteur financier et que celles-ci relèvent de la compétence du président du conseil de surveillance et, enfin, que ses fonctions de conseiller du conseil de surveillance n'ont qu'un caractère accessoire, distinctes de son contrat de travail, à raison desquelles elle pouvait percevoir des jetons de présence.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- et les conclusions de M. Huon, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SAS Saint-Mandé Finances est une société holding mixte qui exerce une double activité de perception des produits de participation versés par ses filiales et de prestation de services au profit de ces dernières. A l'issue d'une vérification de comptabilité, elle a été assujettie à des cotisations de taxe sur les salaires au titre des exercices clos en 2012, 2013 et 2014, à raison notamment de rémunérations versées à M. C..., président-directeur général puis président de la société, ainsi qu'à Mme D..., assistante de direction. Elle fait appel du jugement du 5 février 2019 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la décharge, pour un montant global de 33 385 euros, de ces impositions.

Sur les impositions contestées au titre de l'exercice clos en 2012 :

2. Aux termes du 1. de l'article 231 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable jusqu'au 1er janvier 2013 : " Les sommes payées à titre de rémunérations sont soumises à une taxe sur les salaires égale à 4,25 % de leur montant, évalué selon les règles prévues aux chapitres Ier et II du titre IV du livre II du code de la sécurité sociale (...), et à la charge des personnes ou (...) qui paient ces rémunérations lorsqu'ils ne sont pas assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée ou ne l'ont pas été sur 90 % au moins de leur chiffre d'affaires au titre de l'année civile précédant celle du paiement desdites rémunérations ". Aux termes de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale : " Pour le calcul des cotisations de sécurité sociale, sont considérées comme rémunérations toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l'occasion du travail (...) ". Aux termes de l'article L. 311-2 du même code : " Sont affiliées obligatoirement aux assurances sociales du régime général, quel que soit leur âge et même si elles sont titulaires d'une pension, toutes les personnes quelle que soit leur nationalité, de l'un ou de l'autre sexe, salariées ou travaillant à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs et quels que soient le montant et la nature de leur rémunération, la forme, la nature ou la validité de leur contrat ". Aux termes de l'article L. 311-3 du même code : " Sont notamment compris parmi les personnes auxquelles s'impose l'obligation prévue à l'article L. 311-2 (...) / 12° Les présidents du conseil d'administration, les directeurs généraux et les directeurs généraux délégués des sociétés anonymes (...) / 23° Les présidents et dirigeants des sociétés par actions simplifiées (...) ".

3. Il résulte des travaux parlementaires de l'article 10 de la loi du 30 décembre 2000 de finances pour 2001, dont sont issues ces dispositions, qu'en alignant l'assiette de la taxe sur les salaires sur celle des cotisations de sécurité sociale, le législateur a entendu y inclure les rémunérations des dirigeants de sociétés visés à l'article L. 311-3 du code de la sécurité sociale et notamment celles des présidents et dirigeants des sociétés par actions simplifiées.

Par suite, le moyen de la société tiré de ce que les rémunérations versées à M. C..., alors président-directeur général, étaient exclues de l'assiette de la taxe sur les salaires dès lors que les mandataires sociaux n'ont pas la qualité de salarié au sens du droit du travail et que ces rémunérations n'entreraient pas dans le champ des dispositions de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, ne peut qu'être écarté.

4. Par ailleurs, lorsque les activités d'une entreprise sont, pour l'exercice de ses droits à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, réparties en plusieurs secteurs distincts au sens de l'article 209 de l'annexe II au code général des impôts, la taxe sur les salaires doit être déterminée par secteur, en appliquant aux rémunérations des salariés affectés spécifiquement à chaque secteur le rapport d'assujettissement propre à ce secteur. Toutefois, la taxe sur les salaires des personnels concurremment affectés à plusieurs secteurs doit être établie en appliquant à leurs rémunérations le rapport existant pour l'entreprise dans son ensemble entre le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée et le chiffre d'affaires total.

5. La SAS Saint-Mandé Finances fait valoir que Mme D..., dans le cadre de son activité en son sein, n'exerce aucune mission relevant du secteur " financier ", non soumis à la taxe sur la valeur ajoutée, que la société effectue d'ailleurs très peu d'opérations pouvant relever de ce secteur, celles-ci consistant seulement en la perception de dividendes et la gestion de la trésorerie qui sont du ressort du président du conseil de surveillance, et que, dès lors, l'affectation d'un salarié à ce secteur n'était pas nécessaire. Elle demande en conséquence que les salaires versés à l'intéressée soient exclus des bases d'imposition à la taxe sur les salaires au titre de l'année en litige. Il ressort toutefois du contrat de travail de Mme D... que celle-ci occupait un poste d'assistante de direction, sans autre précision quant à la nature exacte des missions exercées et à son positionnement au sein de la société. Cette mission, par nature transversale, n'exclut pas, par principe, des interventions relatives à la gestion des dividendes perçus des filiales ou de la trésorerie, alors qu'il est constant que l'intéressée avait un pouvoir sur les comptes de la société, qu'il est indiqué, dans la réponse aux observations du contribuable, qu'elle exerçait notamment les fonctions de " responsable administrative et paie " et qu'il résulte des termes mêmes de la réclamation préalable du 7 septembre 2016 que ses fonctions étaient principalement rattachées au Président. La SAS Saint-Mandé Finances n'établit pas que ces interventions seraient du ressort du seul président du Conseil de surveillance en se bornant à produire ses statuts, d'ailleurs datés du 26 juin 2013, stipulant seulement en leur article 21 que ce dernier " a pour mission d'assurer la gestion des participations détenues par la société ". En l'absence de tout élément en sens contraire, et d'ailleurs de tout élément relatif aux missions effectivement réalisées par Mme D..., et alors même que l'activité financière de la SAS Saint-Mandé Finances serait réduite, l'administration fiscale a pu légalement inclure les rémunérations versées à son assistante de direction au titre de l'année concernée par la société requérante dans le champ de la taxe sur les salaires.

Sur les impositions contestées au titre des exercices clos en 2013 et 2014 :

6. Le 1. de l'article 231 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à compter du 1er janvier 2013, prévoit que les sommes payées à titre de rémunérations sont soumises, pour les sociétés visées à cet article, à une taxe sur les salaires au même taux que celui mentionné au point précédent, évalué selon les règles prévues à l'article L. 136-2 du code de la sécurité sociale qui dispose que : " La contribution est assise sur le montant brut des traitements, indemnités, émoluments, salaires, allocations, pensions y compris les majorations et bonifications pour enfants, des rentes viagères autres que celles visées au 6 de l'article 158 du code général des impôts et des revenus tirés des activités exercées par les personnes mentionnées aux articles L. 311-2 et L. 311-3 ".

7. D'une part, il résulte des travaux parlementaires de l'article 13 de la loi du

17 décembre 2012 de financement de la sécurité sociale pour 2013, dont est issu l'article 231 du code général des impôts, que le législateur a entendu rendre l'assiette de la taxe sur les salaires identique à celle de la contribution sociale généralisée, sous réserve des seules exceptions mentionnées à la première phrase du 1. de ce même article. En vertu des dispositions combinées de cet article et de l'article L. 131-2 du code de la sécurité sociale, sont inclus dans l'assiette de la taxe sur les salaires les revenus d'activité des personnes mentionnées à l'article L. 311-3 du code de la sécurité sociale. Ce dernier article mentionne notamment, à ses 11°, 12° et 23°, les gérants minoritaires des sociétés à responsabilité limitée, les présidents du conseil d'administration, directeurs généraux et directeurs généraux délégués des sociétés anonymes et les présidents et dirigeants des sociétés par actions simplifiées. Ces dirigeants, sans avoir la qualité de salarié au sens du droit du travail, sont au nombre des personnes dont les rémunérations sont soumises à la taxe sur les salaires en vertu de l'article 231 du code général des impôts.

8. D'autre part, les fonctions de président d'une société par action simplifiée confèrent à leurs titulaires, en vertu de l'article L. 227-6 du code de commerce, les pouvoirs les plus étendus dans la direction de l'entreprise. En vertu du même article, un directeur général peut être nommé afin d'exercer les pouvoirs du président. Il résulte des articles L. 225-51 et L. 222-51-1 du même code, auxquels renvoie l'article L. 227-8 dudit code, que le président et le directeur général d'une société par actions simplifiées sont investis d'une responsabilité générale, définie, pour ce qui concerne le directeur général, par les dispositions de l'article L. 221-56 de ce code.

9. S'agissant d'une société holding, pour l'application des principes rappelés au point 4., les pouvoirs énoncés au point précédent s'étendent en principe au secteur financier, même si le suivi des activités est sous-traité à des tiers ou confié à des salariés spécialement affectés à ce secteur et si le nombre des opérations relevant de ce secteur est très faible. Toutefois, s'il résulte des éléments produits par l'entreprise que certains de ses dirigeants n'ont pas d'attribution dans le secteur financier, notamment lorsque, compte tenu de l'organisation adoptée, l'un d'entre eux est dépourvu de tout contrôle et responsabilité en la matière, la rémunération de ce dirigeant doit être regardée comme relevant entièrement des secteurs passibles de la taxe sur la valeur ajoutée et, par suite, comme placée hors du champ de la taxe sur les salaires.

10. La SAS Saint-Mandé Finances fait valoir qu'au titre des exercices clos en 2013 et 2014, M. C... n'exerçait plus que les fonctions de président de la société et, de ce fait, n'exerçait aucune compétence dans le secteur financier, les pleins pouvoirs étant en la matière attribués au président du conseil de surveillance. Toutefois, il résulte de l'article 19 des statuts de la société requérante que " Le Président dispose des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société dans la limite de l'objet social à l'exception des décisions qui relèvent (...) (ii) des pouvoirs réservés au Président du Conseil de Surveillance en matière de gestion de participations et (iii) des opérations suivantes soumises à l'autorisation préalable du Conseil de surveillance : / (...) / - la cession totale ou partielle de participations, / - la constitution de sûretés (...) " et de l'article 21 que " Le Président du Conseil de Surveillance a pour mission d'assurer la gestion des participations détenues par la société ". Il résulte ainsi de ces stipulations qu'elles n'ont ni pour objet, ni pour effet d'exclure toute intervention du président de la société dans la gestion des participations et ce, alors même son pouvoir de décision en la matière serait, selon les cas, limité ou encadré. En outre, le secteur financier de la société, lequel vise également la gestion des dividendes et de la trésorerie du groupe, ne se limite pas à celle des participations. Dans ces conditions, la société requérante n'apportant pas la preuve, qui lui incombe, que son président n'avait pas d'attribution dans le secteur financier, la rémunération de M. C... devait être incluse dans l'assiette de la taxe sur les salaires en application des dispositions de l'article 231 du code général des impôts.

11. Par ailleurs, s'agissant des rémunérations versées à Mme D... au titre des exercices clos en 2013 et 2013, la SAS Saint-Mandé Finances réitère son argumentation développée s'agissant des rémunérations versées au titre de l'exercice clos en 2012. Dès lors, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 5., la société requérante ne peut être regardée comme apportant la preuve, qui lui incombe en application des articles L. 193 et R.*193-1 du livre des procédures fiscales, que Mme D... n'était pas affectée à son secteur financier. Si elle fait valoir également que la nomination de cette dernière aux fonctions de conseiller du conseil de surveillance, à la suite de la modification de ses statuts le 26 juin 2013, correspond à l'exercice d'une activité accessoire, distincte de son contrat de travail et à raison de laquelle l'article 20 des statuts prévoit le versement de jetons de présence, cette circonstance est sans incidence sur la possibilité de regarder Mme D... comme affectée au secteur financier à raison des fonctions exercées dans le cadre de son emploi d'assistante de direction pour les motifs susmentionnés. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a inclus ces rémunérations dans le champ de la taxe sur les salaires.

12. Dans ces conditions et dès lors qu'il est, par ailleurs, constant que la SAS

Saint-Mandé Finances n'a pas été assujettie, au titre des exercices litigieux, à la taxe sur la valeur ajoutée sur au moins 90 % de son chiffre d'affaires au titre de l'année civile précédant celle du paiement des sommes imposables, c'est à bon droit que l'administration fiscale a inclus les rémunérations litigieuses dans le champ de la taxe sur les salaires et les a imposées à proportion du rapport existant pour l'entreprise dans son ensemble entre le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée et le chiffre d'affaires total.

13. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS Saint-Mandé Finances n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées, ainsi qu'en tout état de cause celles tendant à la condamnation de l'Etat aux entiers dépens

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SAS Saint-Mandé Finances est rejetée.

2

N° 19VE01213


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19VE01213
Date de la décision : 24/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-05-01 Contributions et taxes. Impôts assis sur les salaires ou les honoraires versés. Versement forfaitaire de 5 p. 100 sur les salaires et taxe sur les salaires.


Composition du Tribunal
Président : M. OLSON
Rapporteur ?: Mme Muriel DEROC
Rapporteur public ?: M. HUON
Avocat(s) : SELARL FEUGAS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2021-06-24;19ve01213 ?
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