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27/05/2021 | FRANCE | N°19VE00103;19VE00105

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 27 mai 2021, 19VE00103 et 19VE00105


Vu les procédures suivantes :

Procédures contentieuses antérieures :

M. C... A... a, par deux instances distinctes, demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise, d'une part, d'annuler la décision du 6 janvier 2016 par laquelle le recteur de l'académie de Versailles a rejeté sa demande tendant à ce que lui soit attribué un poste adapté à sa situation et, d'autre part, d'annuler la décision implicite par laquelle la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche a rejeté sa demande tendant à ce que l'État lui verse la somme

de 22 024,74 euros, sauf à parfaire, en réparation du préjudice qu'il subit...

Vu les procédures suivantes :

Procédures contentieuses antérieures :

M. C... A... a, par deux instances distinctes, demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise, d'une part, d'annuler la décision du 6 janvier 2016 par laquelle le recteur de l'académie de Versailles a rejeté sa demande tendant à ce que lui soit attribué un poste adapté à sa situation et, d'autre part, d'annuler la décision implicite par laquelle la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche a rejeté sa demande tendant à ce que l'État lui verse la somme de 22 024,74 euros, sauf à parfaire, en réparation du préjudice qu'il subit en raison du refus de l'administration d'adapter son poste à sa maladie et de la retenue sur son traitement effectuée durant l'année scolaire 2015/2016, et de condamner l'État à lui verser la somme, sauf à parfaire, de 46 933,13 euros, ces sommes devant porter intérêt à compter du 11 avril 2016 avec capitalisation des intérêts échus.

Par un jugement nos 1601615, 1601617 et 1606161 du 15 novembre 2018, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a notamment rejeté ses demandes.

Procédures devant la cour :

I. - Par une requête, enregistrée le 10 janvier 2019 sous le n° 19VE00103, M. A..., représenté par Me Hubert, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 6 janvier 2016 par laquelle le recteur de l'académie de Versailles a rejeté sa demande tendant à ce que lui soit attribué un poste adapté à sa situation ;

2°) d'annuler la décision du 6 janvier 2016 du recteur de l'académie de Versailles ;

3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement contesté est insuffisamment motivé et donc irrégulier dès lors que les premiers juges se sont abstenus de répondre au moyen tiré de ce que la décision attaquée lui fait grief en ce qu'elle refuse, au motif qu'aucun poste n'était disponible au sens de la DSDEN 92, de lui attribuer un poste adapté à sa situation de travailleur handicapé ;

- il également irrégulier dès lors que les premiers juges ont commis une erreur de droit et dénaturé les faits de l'espèce en estimant que la décision attaquée ne lui faisait pas grief alors qu'elle rejetait sa demande tendant à ce que lui soit proposé un emploi adapté à sa situation ; en tout état de cause, la cour ne pourrait que regarder la requête comme dirigée contre la décision implicite née du silence de l'administration par laquelle le recteur de l'académie de Versailles a rejeté sa demande datée du 11 décembre 2015 tendant à l'attribution d'un poste adapté à sa situation de travailleur handicapé ;

- d'ailleurs, aucun texte, ni aucune disposition ne prévoit qu'un agent doit saisir le service " handicap " de son employeur pour obtenir un poste adapté à son état de santé ; il a fourni les éléments nécessaires à l'instruction de sa demande, lesquels étaient, au demeurant, nécessairement en possession de son employeur ;

- la décision de 6 janvier 2016 est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'incompétence ;

- elle est irrégulière faute d'avoir été prise après avis du comité médical ;

- elle méconnaît les dispositions des articles 63 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique d'État et 1er du décret du 30 novembre 1984 pris pour l'application de cet article, ainsi que le principe général du droit selon lequel l'administration est tenue d'adapter la fonction à la condition physique de l'agent ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il était possible au recteur de l'académie de Versailles de le reclasser sur un poste conforme à son handicap.

..........................................................................................................

II. - Par une requête, enregistrée le 10 janvier 2019 sous le n° 19VE00105, M. A..., représenté par Me Hubert, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation de l'État au versement d'une somme de 46 933,13 euros, sauf à parfaire, en réparation du préjudice qu'il subit en raison du refus de l'administration d'adapter son poste à sa maladie et de la retenue sur son traitement effectuée durant l'année scolaire 2015/2016 ;

2°) de condamner l'État au versement de la somme de 46 933,13 euros, assortie des intérêts correspondants à compter du 11 avril 2016 et de leur capitalisation ;

3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les premiers juges ont méconnu l'article R. 611-7 du code de justice administrative, en relevant d'office un moyen pour rejeter les conclusions aux fins d'annulation dirigées contre la décision de rejet de la demande indemnitaire, sans en informer les parties ;

- ils ont commis une erreur de droit et dénaturé les faits de l'espèce en estimant que sa demande indemnitaire devait être rejetée ;

- l'administration a commis une faute en rejetant sa demande d'adaptation de poste ou, à défaut, en s'abstenant de transmettre les informations requises à ses services compétents pour l'instruction de sa demande ;

- il a subi, en conséquence, un préjudice matériel et un préjudice moral.

.........................................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 84-1051 du 30 novembre 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- et les conclusions de M. Huon, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., agent titulaire du ministère de l'éducation nationale depuis 2003, affecté à un poste de secrétaire administratif, en circonscription, à la direction des services départementaux de l'éducation nationale des Hauts-de-Seine (DSDEN 92), a été reconnu travailleur handicapé le 1er juin 2013. Par ses requêtes, enregistrées sous les nos 19VE00103 et 19VE00105, il fait appel du jugement du 15 novembre 2018 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise en tant qu'il a rejeté ses demandes tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 6 janvier 2016 par laquelle le recteur de l'académie de Versailles a, selon le lui, rejeté sa demande tendant à ce que lui soit attribué un poste adapté à sa situation de travailleur handicapé et, d'autre part, à ce que l'État soit condamné à lui verser une somme de 46 933,13 euros au titre des préjudices moral et matériel dont il estime avoir été victime. Il y a lieu de joindre ces requêtes pour qu'elles fassent l'objet d'un même arrêt.

Sur la requête enregistrée sous le n° 19VE00103 relative à la décision du 6 janvier 2016 du recteur, chancelier des universités, de l'académie de Versailles :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". M. A... soutient que le jugement attaqué est insuffisamment motivé en ce qu'il s'abstient de répondre au moyen tiré de ce que la décision attaquée lui fait grief en ce qu'elle refuse, au motif qu'aucun poste n'était disponible au sens de la DSDEN 92, de lui attribuer un poste adapté à sa situation de travailleur handicapé. Toutefois, un tel moyen manque en fait dès lors qu'il résulte des termes mêmes du point 3. de ce jugement que les premiers ont expressément répondu sur ce point et souligné, notamment, que " M. A..., à qui il n'appartient pas de définir seul les aménagements de son poste de travail, et qui ne se prévaut d'aucune prise de position du médecin de prévention sur l'adaptation de ses conditions de travail à son handicap, ne saurait déduire du dernier paragraphe de cette lettre qui mentionne l'absence d'autre poste vacant à la DSDEN, que sa demande de poste adapté, qui impliquait selon l'intéressé un changement de poste au sein de la DSDEN, lui était refusée. ". L'intéressé n'est, par suite, pas fondé à soutenir que le jugement attaqué serait insuffisamment motivé et irrégulier de ce fait.

3. D'autre part, si M. A... fait valoir que le jugement attaqué serait irrégulier en ce qu'il serait entaché d'une erreur de droit et d'une dénaturation des faits de l'espèce, de tels moyens, qui procèdent d'une contestation du bien-fondé du jugement et non de sa régularité, sont inopérants dès lors que l'appréciation au fond portée par le tribunal est sans influence sur la régularité du jugement.

4. Enfin, ainsi que l'ont relevé à juste titre les premiers juges, le courrier du 6 janvier 2016 du recteur, chancelier des universités, de l'académie de Versailles n'a ni pour objet, ni pour effet, de refuser à M. A... l'attribution d'un poste adapté à sa situation de travailleur handicapé. En effet, le troisième paragraphe de ce courrier, qui se borne à rappeler à l'intéressé qu'aucun autre poste que celui sur lequel il a été affecté en circonscription n'est vacant à la DSDEN à la date prévisionnelle de sa reprise le 1er février 2016, ne constitue pas une quelconque prise de position sur une adaptation de poste ou sur la nécessité ou non d'un changement de poste du fait de sa situation de travailleur handicapé, alors qu'il ressort d'ailleurs du premier paragraphe de ce même courrier que le recteur invitait, dans le même temps, M. A... à constituer un dossier en vue d'une amélioration de ses conditions de travail. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que les premiers juges auraient entaché le jugement contesté d'irrégularité en estimant irrecevables ses conclusions tendant à l'annulation de ce courrier, faute pour celui-ci de lui faire grief.

5. M. A... fait valoir, à titre subsidiaire, que la cour devrait regarder sa requête comme dirigée contre la décision implicite née du silence de l'administration par laquelle le recteur de l'académie de Versailles a rejeté sa demande du 11 décembre 2015 tendant à l'attribution d'un poste adapté à sa situation de travailleur handicapé. Toutefois, ainsi qu'il a été rappelé au point précédent, au premier paragraphe de son courrier du 6 janvier 2016, le recteur a invité M. A... à constituer un dossier comportant divers documents, notamment un certificat précisant la nature de son handicap, en vue de l'amélioration de ses conditions de travail. L'intéressé ne justifiant, ni même n'alléguant, avoir produit à l'administration les éléments nécessaires à l'examen de sa demande, il n'est pas fondé à se prévaloir de l'existence d'une décision implicite de rejet de cette dernière qui n'a pu naître dans ces conditions. S'il fait valoir à cet égard, devant le juge d'appel, que ces éléments étaient nécessairement en possession de son employeur, il ne l'établit pas. S'il fait également valoir qu'aucun texte, ni aucune disposition, n'oblige un agent à saisir le " service handicap " de son employeur pour obtenir un poste adapté, cette circonstance est inopérante, n'étant pas en cause en l'espèce.

6. Il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les moyens soulevés à l'encontre du courrier du 6 janvier 2016, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté sa demande enregistrée sous le n° 1601615 comme étant irrecevable.

Sur la requête enregistrée sous le n° 19VE00105 tendant à la condamnation de l'État au versement d'une somme de 46 933,13 euros :

S'agissant de la régularité du jugement attaqué :

7. D'une part, il appartient au juge administratif de se prononcer sur le bien-fondé des moyens dont il est saisi et, le cas échéant, d'écarter de lui-même, quelle que soit l'argumentation du défendeur, un moyen qui lui paraît infondé, au vu de l'argumentation qu'il incombe au requérant de présenter au soutien de ses prétentions. En jugeant que la décision de rejet implicite née du silence gardée par le ministre de l'éducation nationale sur la demande indemnitaire formée le 6 avril 2016 a eu pour seul effet de lier le contentieux à l'égard de l'objet de la demande de M. A... qui a donné à l'ensemble de sa requête le caractère d'un recours de plein contentieux et qu'au regard de l'objet d'une telle demande, qui conduit le juge à se prononcer sur le droit de l'intéressé à percevoir la somme qu'il réclame, les vices propres dont serait, le cas échéant, entachée la décision qui a lié le contentieux sont sans incidence sur la solution du litige, le tribunal, qui s'est borné à répondre au moyen tiré de l'insuffisante motivation de cette décision implicite, n'a pas soulevé d'office un moyen d'ordre public. Il n'était, dès lors, pas tenu de respecter la procédure visée à l'article R. 611-7 du code de justice administrative. Le moyen tiré de ce que le tribunal aurait méconnu ces dispositions en fondant notamment son jugement sur un moyen que n'opposait pas l'administration, sans le communiquer préalablement aux parties, doit donc être écarté comme inopérant.

8. D'autre part, si M. A... fait valoir que le jugement attaqué serait irrégulier en ce qu'il serait entaché d'une erreur de droit et d'une dénaturation des faits de l'espèce, de tels moyens, qui procèdent d'une contestation du bien-fondé du jugement et non de sa régularité, sont inopérants dès lors que l'appréciation au fond portée par le tribunal est sans influence sur la régularité du jugement.

S'agissant des conclusions indemnitaires :

9. M. A... fait valoir, en appel comme devant les premiers juges, que le recteur de l'académie de Versailles a commis une faute en refusant, par sa décision du 6 janvier 2016, de faire droit à sa demande d'adaptation de porte de travail à sa pathologie au motif qu'aucun poste n'était vacant à la DSDEN 92, en s'abstenant de mettre en oeuvre tous les moyens nécessaires pour lui proposer un poste adapté, faute notamment de rechercher un poste en dehors de la DSDEN 92 et en examinant avec retard sa demande. Toutefois, ainsi qu'il a été indiqué aux points 4. et 5. du présent arrêt, la décision du 6 janvier 2016 n'a eu ni pour objet, ni pour effet, de rejeter la demande de reclassement " au sein de la DSDEN 92 à Nanterre " datée du 11 décembre 2015 présentée par M. A..., mais seulement de l'inviter à fournir certains documents en vue justement d'une amélioration de ses conditions de travail. L'intéressé n'établit, ni même n'allègue avoir fourni les documents requis pour l'examen de sa demande. Si M. A... fait valoir, à titre subsidiaire, que le recteur était d'ores et déjà en possession de ces documents et pouvait les transmettre au service compétent, il n'établit pas les avoir produits auprès de l'administration, ni ne précise d'ailleurs dans quelles circonstances ils auraient été remis à cette dernière. Dans ces conditions, en l'absence de refus ou de retard dans l'examen de sa demande, le requérant ne justifie pas d'un comportement fautif de nature à engager la responsabilité de l'administration, alors, au demeurant, que le ministre de l'éducation nationale et de la recherche fait valoir, sans être contesté, que l'intéressé a, le 4 mai 2017, demandé son affectation sur un poste adapté, postulé ensuite au mouvement et obtenu une nouvelle affectation en adéquation avec sa pathologie. M. A... n'est donc pas fondé à demander la condamnation de l'État de ce fait, ni le paiement des intérêts et des anatocismes.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté sa demande enregistrée sous le n° 1606161.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante dans ces instances, le versement d'une somme au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens. Les conclusions présentées par l'intéressé et tendant à l'application de ces dispositions ne peuvent dès lors qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Les requêtes de M. A... sont rejetées.

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Nos 19VE00103 et 19VE00105


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19VE00103;19VE00105
Date de la décision : 27/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-05 Fonctionnaires et agents publics. Positions.


Composition du Tribunal
Président : Mme DANIELIAN
Rapporteur ?: Mme Muriel DEROC
Rapporteur public ?: M. HUON
Avocat(s) : AARPI KADRAN AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 08/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2021-05-27;19ve00103 ?
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