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27/05/2021 | FRANCE | N°18VE03025

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 27 mai 2021, 18VE03025


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une instance n° 1603612, enregistrée le 17 mai 2016, M. B... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision implicite de rejet du ministre de la défense née à la suite du recours administratif préalable dirigé contre la décision du 16 septembre 2015 par laquelle le commandant du centre expert des ressources humaines et de la solde lui a notifié un trop-perçu d'un montant de 1 199,78 euros.

Par une instance n° 1703284, enregistrée le 12 mai 2017, M. B... a demandé

au tribunal administratif de Versailles, d'une part, d'annuler la décision implicit...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une instance n° 1603612, enregistrée le 17 mai 2016, M. B... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision implicite de rejet du ministre de la défense née à la suite du recours administratif préalable dirigé contre la décision du 16 septembre 2015 par laquelle le commandant du centre expert des ressources humaines et de la solde lui a notifié un trop-perçu d'un montant de 1 199,78 euros.

Par une instance n° 1703284, enregistrée le 12 mai 2017, M. B... a demandé au tribunal administratif de Versailles, d'une part, d'annuler la décision implicite de rejet de sa réclamation préalable contre le titre de perception émis le 27 mai 2016, ensemble le titre de perception émis le 27 mai 2016 et la majoration appliquée sur la somme de 1 200 euros et d'autre part, de prononcer la décharge totale de la somme mise à sa charge.

Par un jugement nos 1603612-1703284 en date du 18 juin 2018, le tribunal administratif de Versailles a, d'une part, annulé la décision implicite de rejet du ministre de la défense prise à la suite du recours administratif préalable formé par M. B... ainsi que le titre de perception émis le 27 mai 2016 par la direction régionale des finances publiques de la Région Provence-Alpes-Côte d'Azur et des Bouches-du-Rhône en tant qu'il met à la charge de l'intéressé une somme supérieure à 1040 euros, et d'autre part, l'a déchargé de la majoration de 10% afférente au titre de perception émis le 27 mai 2016.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 19 août 2018 et 16 octobre 2020, M. B..., représenté par Me C..., avocate, doit être regardé comme demandant à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il lui est défavorable ;

2°) d'annuler le titre de perception émis le 27 mai 2016 à hauteur des sommes restant à sa charge, soit 1040 euros ;

3°) de prononcer la décharge de cette somme laissée à sa charge ;

4°) d'enjoindre au ministre de lui reverser la somme totale de 2282,40 euros injustement versée et prélevée en vertu d'un titre annulé outre les frais bancaires de 98,40 euros ;

5°) subsidiairement, d'enjoindre à la ministre des armées de procéder au réexamen de sa situation financière dans un délai de trois mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

6°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le titre de perception est entaché d'incompétence ;

- il est insuffisamment motivé faute de mentionner les bases et éléments de calcul sur lesquels il se fonde ;

- il a été pris en méconnaissance du respect des droits de la défense dès lors d'une part, qu'il n'a pas été mis à même de présenter ses observations alors que le titre de perception remet en cause des éléments qu'il a déclarés et, d'autre part, que la procédure contradictoire spéciale prévue par les articles R. 4125-3 et R. 4125-8 du code de la défense a été méconnue ;

- en l'absence de justification précise des versements considérés comme trop versés, la créance mise à sa charge n'est pas constatée ni exigible ;

- le titre de perception est entaché de nombreuses erreurs de calcul ;

- la créance est prescrite conformément aux dispositions de l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000 ;

- il a été illégalement procédé au retrait de décisions créatrices de droits.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la défense ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 modifiée ;

- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Danielian, rapporteur,

- et les conclusions de M. Huon, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Sous-officier de l'armée de terre jusqu'au 1er mars 2015, M. B... s'est vu notifier, par un courrier du commandant du centre expert des ressources humaines et de la solde (CERHS) du 16 septembre 2015, un trop-perçu sur rémunération afférent à l'indemnité pour charges militaires, d'un montant de 1316,41 euros ramené, après compensation avec divers moins-versés, à la somme de 1199,78 euros au titre de la période allant du 30 avril 2014 au 29 juin 2015. Le recours introduit devant la commission des recours des militaires pour contester la fixation de ce trop-perçu a été implicitement rejeté par le ministre des armées à l'issue d'un délai de quatre mois. Un titre de perception a ainsi été émis le 27 mai 2016 pour un montant arrondi, selon la règle en vigueur, à 1200 euros et assorti d'une majoration de 10%. Par un jugement du 18 juin 2018, le tribunal administratif de Versailles a annulé la décision implicite de rejet du ministre de la défense prise à la suite du recours administratif préalable du 11 novembre 2015 formé par M. B..., a annulé le titre de perception émis le 27 mai 2016 par la direction régionale des finances publiques de la Région Provence-Alpes-Côte d'Azur et des Bouches du Rhône en tant qu'il met à la charge de l'intéressé une somme supérieure à 1040 euros, et a déchargé ce dernier de la majoration de 10% afférente au titre de perception émis le 27 mai 2016. M. B... relève appel de ce jugement, en tant qu'il rejette le surplus de sa demande.

Sur les conclusions aux fins d'annulation du titre exécutoire émis le 27 mai 2016 et de décharge de la somme mise à la charge de M. B... :

2. L'annulation d'un titre exécutoire pour un motif de régularité en la forme n'implique pas nécessairement, compte tenu de la possibilité d'une régularisation par l'administration, l'extinction de la créance litigieuse, à la différence d'une annulation prononcée pour un motif mettant en cause le bien-fondé du titre.

3. Il en résulte que, lorsque, comme en l'espèce, le requérant choisit de présenter, outre des conclusions tendant à l'annulation d'un titre exécutoire, des conclusions à fin de décharge de la somme correspondant à la créance de l'administration, il incombe au juge administratif d'examiner prioritairement les moyens mettant en cause le bien-fondé du titre qui seraient de nature, étant fondés, à justifier le prononcé de la décharge.

4. Dans le cas où il ne juge fondé aucun des moyens qui seraient de nature à justifier le prononcé de la décharge mais retient un moyen mettant en cause la régularité formelle du titre exécutoire, le juge n'est tenu de se prononcer explicitement que sur le moyen qu'il retient pour annuler le titre : statuant ainsi, sa décision écarte nécessairement les moyens qui assortissaient la demande de décharge de la somme litigieuse.

En ce qui concerne le bien-fondé de la créance :

5. Il résulte de l'instruction que le titre de perception en litige, ainsi que le courrier du 16 septembre 2015 auquel le titre fait référence, indiquent que le montant de 1199,78 euros, arrondi à 1200 euros, réclamé à M. B... correspond à la " répétition d'un indu de solde ". Il est toutefois constant qu'en défense, l'administration considère, eu égard aux tableaux retraçant mois par mois les sommes versées, que le trop-perçu s'élève in fine à 752,64 euros, compensé par un moins-versé de cotisations de 66,68 euros, soit un trop-perçu d'un montant net global de 685,96 euros seulement. Ce faisant, elle admet que le montant de la créance réclamé par le titre exécutoire, à hauteur de 1200 euros, et ramené à 1040 euros par les premiers juges, est mal fondé en ce qu'il excède la somme de 685,96 euros.

6. Si, pour contester le bien-fondé de cette somme, M. B... fait valoir tout d'abord, que l'administration n'explique pas, pour le calcul du taux de l'indemnité pour charges militaires, pourquoi elle a distingué la période du 7 octobre 2013 au 31 juillet 2014, au taux de base logé au tarif hors région parisienne pour un montant mensuel brut de 101,11 euros, et la période du 1er août 2014 au 28 février 2015, au taux de base logé au tarif en région parisienne pour un montant mensuel brut de 101,11 euros, alors que l'intéressé n'a pas changé de chambre, il est constant que ces montants sont identiques quelle que soit la période et par suite sans incidence sur le calcul du trop versé. Par ailleurs, si l'appelant se prévaut de ce qu'il n'est pas indiqué à quoi correspondrait de la somme de 151,95 euros réglée à la suite de la notification d'un trop versé le 10 juillet 2014, de la double prise en considération de la période allant du 1er octobre 2011 au 30 avril 2014 ou encore des incohérences affectant les bulletins de salaire de janvier et novembre 2016, ces circonstances sont sans incidence, faute pour ces périodes d'être incluses dans celle visée par le titre en litige qui ne concerne que la période du 30 avril 2014 au 29 juin 2015. Enfin, il ne résulte pas de l'instruction qu'une période postérieure à la radiation des cadres de M. B... ait été prise en compte, le tableau comparatif produit indiquant des sommes nulles au titre des droits ouverts et des sommes perçues après le 1er mars 2015.

7. Ensuite, et dès lors que le nouveau calcul du trop-perçu de l'administration ne prend en compte aucune somme perçue avant le 1er septembre 2013, M. B... ne saurait utilement se prévaloir de la prescription biennale prévue par l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000 modifiée.

8. Enfin, il résulte de l'instruction que le versement à M. B... d'un trop-perçu de l'indemnité pour charges militaires ne résulte d'aucune décision explicite, mais d'une simple erreur de liquidation. Dans ces circonstances, et contrairement à ce qu'il est soutenu, ce versement n'a créé aucun droit au bénéfice de M. B... et l'administration a pu légalement lui demander le remboursement des sommes indûment perçues. En tout état de cause, une somme indûment versée par une personne publique à l'un de ses agents au titre de sa rémunération peut, en principe, être répétée dans un délai de deux ans à compter du premier jour du mois suivant celui de sa date de mise en paiement sans que puisse y faire obstacle la circonstance que la décision créatrice de droits qui en constitue le fondement ne peut plus être retirée.

9. Dans ces conditions, l'administration justifie, par le détail des calculs qu'elle produit, du montant d'un trop perçu d'indemnité pour charges militaires à hauteur de 685,96 euros, dont M. B... n'établit pas le caractère non fondé. En revanche, M. B... est fondé à obtenir la décharge des sommes qui lui ont été réclamées à hauteur de la différence entre la somme de 1040 euros retenue par le tribunal administratif et celle de 685,96 euros, admise par l'administration, soit 354,04 euros. Pour le surplus, il y a lieu d'examiner la régularité formelle du titre.

En ce qui concerne la régularité du titre exécutoire :

10. Aux termes de l'article 24 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique : " Dans les conditions prévues pour chaque catégorie d'entre elles, les recettes sont liquidées avant d'être recouvrées. La liquidation a pour objet de déterminer le montant de la dette des redevables. / (...). Toute créance liquidée faisant l'objet d'une déclaration ou d'un ordre de recouvrer indique les bases de la liquidation. (...) ". L'État ne peut mettre en recouvrement une créance sans indiquer, soit dans le titre de perception lui-même, soit par une référence précise à un document joint à ce titre ou précédemment adressé au débiteur, les bases et les éléments de calcul sur lesquels il s'est fondé pour déterminer le montant de la créance.

11. En l'espèce, le titre de perception contesté indique que le montant de 1200 euros, réclamé à M. B... correspond à la " répétition d'un indu de solde ", correspondant à un " trop versé au titre de l'indemnité pour charges militaires pour une période comprise entre le 30/04/2014 et le 29/06/2015 " évalué à 1316,41 euros, ainsi qu'à un " moins versé au titre des cotisations salariales pour une période comprise entre le 30/04/2014 et le 29/06/2015 " évalué à 116,63 euros. Ces mentions, qui ne détaillent pas les montants ayant servi au calcul de la créance litigieuse, n'indiquent donc pas avec une précision suffisante les bases de sa liquidation. Si ce titre de perception fait référence au courrier du 16 septembre 2015 par lequel le commandant du centre expert des ressources humaines et de la solde a informé M. B... de l'existence d'un trop-perçu, ce dernier courrier ne comporte pas davantage de détails. Les mentions portées sur ces documents ne permettaient donc pas à M. B... de connaître, de manière suffisamment précise, les bases et éléments de calcul sur lesquels l'administration s'est fondée. Par suite, M. B... est fondé à soutenir que le titre exécutoire est irrégulier et à en demander l'annulation en tant qu'il porte sur la somme de 685,96 euros.

12. Il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a limité l'annulation du titre exécutoire aux sommes excédant 1040 euros.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

13. La créance de l'État étant justifiée dans son principe et dans son montant à hauteur de 685,96 euros, la restitution à M. B... de cette somme doit être subordonnée à la condition que l'État n'ait pas émis, dans un délai qu'il convient de fixer à deux mois à compter de la notification du présent arrêt, et sous réserve du respect des règles de prescription applicables, un nouveau titre dans des conditions régulières. En revanche, les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à l'administration de restituer les sommes prétendument versées à double titre, en exécution du jugement du tribunal administratif et à la suite d'un avis à tiers détenteur décerné à tort par le comptable à la banque pour avoir paiement de la même somme, ainsi que les frais bancaires y afférents ne peuvent qu'être rejetées comme relevant d'un litige distinct.

Sur les frais liés à l'instance :

14. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État, le versement à M. B..., de la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : M. B... est déchargé de la somme de 354,04 euros correspondant à la différence entre le montant de 1040 euros retenu par le tribunal administratif et celui de 685,96 euros, admis par l'administration.

Article 2: Le titre de perception émis le 27 mai 2016 par la direction régionale des finances publiques de la Région Provence-Alpes-Côte d'Azur et des Bouches-du-Rhône est annulé en tant qu'il met à la charge de M. B... une somme supérieure à 685,96 euros.

Article 3 : Il est enjoint à l'État de verser à M. B... la somme de 685,96 euros perçue sur le fondement de l'ordre de recette annulé, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, à moins qu'il n'ait émis, à concurrence de ce montant et avant l'expiration de ce délai, sous réserve des règles de prescription applicables, un nouvel ordre de reversement dans des conditions régulières.

Article 4 : Le jugement nos 1603612-1703284 du 18 juin 2018 du tribunal administratif de Versailles est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : L'État versera à M. B... la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

N° 18VE03025 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18VE03025
Date de la décision : 27/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

08-01-01-06 Armées et défense. Personnels militaires et civils de la défense. Questions communes à l'ensemble des personnels militaires. Soldes et avantages divers.


Composition du Tribunal
Président : Mme DANIELIAN
Rapporteur ?: Mme Isabelle DANIELIAN
Rapporteur public ?: M. HUON
Avocat(s) : PAPAPOLYCHRONIOU

Origine de la décision
Date de l'import : 08/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2021-05-27;18ve03025 ?
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