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12/04/2021 | FRANCE | N°19VE00733

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 12 avril 2021, 19VE00733


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... A... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 12 septembre 2016 par lequel le préfet des Yvelines lui a ordonné de remettre immédiatement les armes qu'il détenait, lui a fait interdiction d'acquérir ou de détenir toutes catégories d'armes, d'éléments d'armes et de munitions et l'a informé qu'il ferait l'objet d'une inscription au fichier national des interdits de détention d'armes.

Par un jugement n° 1700345 du 27 décembre 2018, le tribunal administrati

f de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête e...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... A... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 12 septembre 2016 par lequel le préfet des Yvelines lui a ordonné de remettre immédiatement les armes qu'il détenait, lui a fait interdiction d'acquérir ou de détenir toutes catégories d'armes, d'éléments d'armes et de munitions et l'a informé qu'il ferait l'objet d'une inscription au fichier national des interdits de détention d'armes.

Par un jugement n° 1700345 du 27 décembre 2018, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 27 février 2019 et un mémoire en réplique enregistré le 25 février 2021, M. A..., représenté Me G..., avocat, demande à la cour :

1° d'annuler ce jugement et l'arrêté du 12 septembre 2016 du préfet des Yvelines, ensemble la décision du 21 novembre 2016 rejetant son recours gracieux ;

2° d'enjoindre au préfet des Yvelines de procéder à la suppression de son fichage ;

3° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 880 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens qui comprendront les droits de plaidoirie, à hauteur de 13 euros par audience.

Il soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé et, par suite, irrégulier ;

- en écartant le moyen tiré de ce que l'arrêté ne fixait pas le délai dans lequel il devait se dessaisir les armes, le tribunal a entaché son jugement d'une erreur de droit ; de même, le tribunal ne pouvait écarter sans entacher sa décision d'une erreur de droit le moyen tiré de l'absence de décision préalable de dessaisissement des armes ; il est également entaché d'une erreur de droit pour lui avoir fait supporter la charge de la preuve et s'être abstenu de mettre en oeuvre ses pouvoirs généraux d'instruction ;

- l'arrêté litigieux est entaché d'illégalité externe dès lors qu'il méconnaît le principe du contradictoire ;

- l'arrêté litigieux est entaché d'une erreur de fait constitutive d'une illégalité interne dès lors qu'il n'était ni propriétaire des armes, ni en possession de ces dernières, celles-ci étant détenues par sa mère ; le préfet n'est pas fondé à estimer qu'il aurait fait preuve de résistance à l'encontre de l'administration ; l'arrêté est entaché d'une erreur de qualification juridique des faits ;

- la sanction est manifestement disproportionnée par rapport au but recherché et au regard de sa situation.

...............................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de la sécurité intérieure ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- les conclusions de Mme Grossholz, rapporteur public,

- et les observations de Me D..., substituant Me G..., pour M. A....

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté en date du 22 mars 2012, notifié le 18 avril suivant, le préfet des Yvelines a demandé à M. B... A... de se dessaisir des cinq armes de catégorie B dont il était propriétaire et pour lesquelles il avait obtenu des autorisations de détention au titre du titre sportif. M. B... A... étant décédé le 26 juillet 2012, cet arrêté a été notifié le 27 septembre 2012 à M. E... A..., son fils. Par arrêté en date du 12 septembre 2016, le préfet des Yvelines, après avoir relevé que M. A... avait manifesté en septembre 2012 la volonté de détenir à son nom les cinq armes de catégorie B détenues par son père et constaté que l'intéressé n'avait pas régularisé sa situation administrative en matière de détention d'armes et qu'il détenait ainsi illégalement cinq armes de catégorie B, a notamment ordonné à M. A... de remettre immédiatement au commissariat de police d'Elancourt les armes, éléments d'armes et munitions qu'il détenait, lui a fait interdiction d'acquérir ou de détenir toutes catégories d'armes, d'éléments d'armes et de munitions et l'a informé qu'il ferait l'objet d'une inscription au fichier national des interdits de détention d'armes. M. A... relève appel du jugement du 27 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. M. A... soutient que le jugement du tribunal administratif est insuffisamment motivé en méconnaissance des dispositions de l'article L. 9 du code de justice administrative. Il ressort cependant de l'examen du jugement attaqué que les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments du requérant, ont expressément écarté le moyen tiré de ce que l'arrêté du préfet des Yvelines était entaché d'une erreur de fait en ce qu'il considère qu'il était personnellement en possession des armes dont le dessaisissement était prononcé. Ils ont également répondu, en motivant suffisamment sur ce point leur décision, au moyen tiré de l'erreur de droit dont serait entaché l'arrêté litigieux au regard des dispositions de l'article L. 312-11 du code de la sécurité intérieure, le bien-fondé des motifs retenus par le tribunal administratif étant sans incidence sur la régularité du jugement. Enfin il résulte des dispositions combinées des articles L. 312-13 et L. 312-16 du code de la sécurité intérieure que les personnes ayant fait l'objet d'une procédure de dessaisissement ont l'interdiction d'acquérir ou de détenir des armes et doivent, en conséquence de cette interdiction, être recensées au fichier national automatisé nominatif prévu par l'article L. 312-16. Il s'ensuit que les premiers juges, après avoir considéré que le préfet des Yvelines était fondé à mettre en oeuvre à l'encontre de M. A..., sur la situation duquel il n'avait pas porté une appréciation manifestement erronée, la procédure litigieuse, n'avaient pas à répondre au moyen inopérant tiré de ce que l'inscription de M. A... au fichier national automatisé était entachée d'une erreur manifeste d'appréciation. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que le jugement est entaché d'irrégularité à raison de son insuffisante motivation. Ce moyen doit, par suite, être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Aux termes de l'article R. 312-51 du code de la sécurité intérieure, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " Toute personne mise en possession d'une arme, d'un élément d'arme ou de munitions de catégorie B, trouvés par elle ou qui lui sont attribués par voie successorale, sans être autorisée à les détenir, doit faire constater sans délai la mise en possession ou l'attribution par le commissaire de police ou le commandant de brigade de gendarmerie du lieu de domicile, qui en délivre récépissé. / Elle doit s'en dessaisir selon les modalités prévues aux articles R. 312-74 et R. 312-75. / Si la personne souhaite conserver l'arme, l'élément d'arme ou les munitions, elle dispose d'un délai de douze mois à partir de la mise en possession pour remplir les conditions nécessaires à l'obtention de l'autorisation prévue au premier alinéa de l'article R. 312-21 ou pour s'en dessaisir selon les modalités prévues aux articles R. 312-74 et R. 312-75. Durant cette période, l'arme est conservée par un commerçant autorisé et inscrite à ce titre au registre spécial ". Aux termes de l'article L. 312-11 du même code : " Sans préjudice des dispositions de la sous-section 1, le représentant de l'Etat dans le département peut, pour des raisons d'ordre public ou de sécurité des personnes, ordonner à tout détenteur d'une arme des catégories B, C et D de s'en dessaisir. / Le dessaisissement consiste soit à vendre l'arme à une personne qui fabrique ou fait commerce des armes, mentionnée à l'article L. 2332-1 du code de la défense, ou à un tiers remplissant les conditions légales d'acquisition et de détention, soit à la neutraliser, soit à la remettre à l'Etat. Un décret en Conseil d'Etat détermine les modalités du dessaisissement. / Sauf urgence, la procédure est contradictoire. Le représentant de l'Etat dans le département fixe le délai au terme duquel le détenteur doit s'être dessaisi de son arme ". Enfin, aux termes de l'article L. 312-12 du même code : " Lorsque l'intéressé ne s'est pas dessaisi de l'arme dans le délai fixé par le représentant de l'Etat dans le département, celui-ci lui ordonne de la remettre, ainsi que ses munitions, aux services de police ou de gendarmerie. / (...) ".

4. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". Aux termes de l'article L. 121-1 du même code : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire ". Aux termes de l'article L. 121-2 du même code : " Les dispositions de l'article L. 121-1 ne sont pas applicables : / 1° En cas d'urgence ou de circonstances exceptionnelles ; / (...) ".

5. En premier lieu, il résulte des dispositions précitées qu'une procédure de dessaisissement d'armes, même lorsqu'elle est justifiée par le non-respect des dispositions précitées de l'article R. 312-51 du code de la sécurité intérieure, doit, sauf exceptions tenant notamment à l'urgence, revêtir un caractère contradictoire.

6. Il ressort des pièces du dossier que, le 27 septembre 2012, la décision du 22 mars 2012 par laquelle le préfet des Yvelines a demandé à M. B... A..., décédé le 26 juillet 2012, de se dessaisir des cinq armes de catégorie B qu'il avait été autorisé à détenir au titre du tir sportif, a été notifiée à M. E... A..., son fils. Il ressort du compte rendu de cette notification que le requérant, après avoir été informé " de toutes les possibilités qui [s'offraient] à lui " a informé les services de police qu'il s'engageait " à se mettre en conformité avec la loi dans le délai imparti ". Le 6 février 2014, M. A... a adressé un courrier à la préfecture réitérant son souhait de conserver les armes et de mettre sa situation en conformité avec la réglementation. Le 18 avril 2016, M. A... a été à nouveau entendu par les services de police. Au cours de cette audition, l'intéressé a déclaré, ainsi qu'il ressort du procès-verbal produit par le préfet : " Je prends acte qu'une demande de dessaisissement d'armes m'est notifiée ce jour. Je me propose de vous les remettre rapidement pour dépôt au commissariat si tel est le souhait de la préfecture, par contre je ne souhaite pas m'en dessaisir, j'ai l'intention dès obtention de l'autorisation nécessaire de récupérer ces armes ". Il ressort de l'ensemble de ces circonstances et notamment des termes du procès-verbal du 18 avril 2016, que l'arrêté litigieux du 12 septembre 2016 a été précédé d'une procédure contradictoire au cours de laquelle M. A... a été mis à même de faire valoir ses observations sur la mesure que le préfet envisageait de prendre. Ce moyen doit, par suite, être écarté.

7. En deuxième lieu, M. A... soutient qu'il n'a jamais été propriétaire des armes en cause, ni en possession de ces dernières dès lors que, dans le cadre de la succession de son père, sa mère, Mme F... A..., en a été attributaire. D'une part, il résulte des dispositions précitées du code de la sécurité intérieure que les mesures que le représentant de l'Etat dans le département est susceptible de prendre sur ce fondement ont pour destinataire toute personne qui détient des armes, et ce alors même que cette personne n'en serait pas juridiquement propriétaire. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que depuis le décès de son père, M. A... a toujours manifesté son intention de conserver les armes en cause pour son usage personnel et à cette fin de régulariser sa situation. Il ressort également des pièces du dossier que, même si elles étaient conservées au domicile de sa mère, M. A... avait librement accès à ces armes et en avait ainsi la disposition. Dans ces conditions, c'est sans erreur de fait ni erreur de droit que le préfet des Yvelines a mis en oeuvre à l'égard de M. A... la procédure de dessaisissement litigieuse.

8. En troisième lieu, il résulte des dispositions précitées de l'article R. 312-51 du code de la sécurité intérieure que toute personne mise en possession d'une arme sans être autorisée à la détenir dispose, si elle souhaite conserver cette arme, d'un délai de douze mois pour régulariser sa situation ou, à défaut, pour s'en dessaisir selon les modalités prévues aux articles R. 312-74 et R. 312-75 du même code. Lorsque l'intéressé n'a pas satisfait à ces obligations, le représentant de l'Etat dans le département peut mettre en oeuvre à son encontre les mesures prévues par les articles L. 312-11 et suivants du code de la sécurité intérieure. A ce titre le préfet peut, sur le fondement de l'article L. 312-12 de ce code, ordonner la remise sans délai des armes aux services de police ou de gendarmerie, alors même qu'il n'aurait pas au préalable demandé au détenteur des armes de s'en dessaisir.

9. Il suit de là que les moyens tirés par M. A... de ce que l'arrêté du 12 septembre 2016 lui ordonnant la remise immédiate au commissariat de police d'Elancourt des armes qu'il détenait serait illégal à défaut, d'une part, de mentionner le délai qui lui était imparti pour déférer à la mesure et, d'autre part, d'avoir été précédé d'une décision du préfet des Yvelines, prise sur le fondement de l'article L. 312-11 du code de la sécurité intérieure, lui demandant de se dessaisir desdites armes dans un délai déterminé, doivent être écartés.

10. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. A..., entré en possession des armes en litige au cours de l'année 2012, n'avait pas, à la date d'intervention de l'arrêté du préfet des Yvelines, régularisé sa situation afin d'être autorisé à détenir lesdites armes conformément aux dispositions précitées de l'article R. 312-51 du code de la sécurité intérieure. Ainsi, et alors même que l'administration n'aurait pas expressément demandé à M. A... de se dessaisir des armes avant l'intervention de l'arrêté litigieux, le préfet a pu à bon droit considérer que l'intéressé détenait illégalement cinq armes de catégorie B et, par voie de conséquence, pour ce seul motif, lui ordonner de les remettre immédiatement aux services de police. Si M. A... soutient qu'il n'aurait pas un comportement dangereux ou un état psychologique instable, qu'il n'a pas de casier judiciaire et n'a jamais été impliqué dans une quelconque infraction pénale, ces circonstances sont sans incidence sur la légalité de l'arrêté du préfet des Yvelines, dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.

11. En dernier lieu, l'arrêté du préfet des Yvelines ne constitue pas une sanction mais une mesure de police. M. A... ne peut donc pas utilement soutenir que la sanction qui lui a été infligée serait manifestement disproportionnée par rapport à sa situation.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 septembre 2016 du préfet des Yvelines. Par voie de conséquence, doivent également être rejetées ses conclusions aux fins d'injonction, ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

N° 19VE00733 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19VE00733
Date de la décision : 12/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: M. Bruno COUDERT
Rapporteur public ?: Mme GROSSHOLZ
Avocat(s) : SELAS ADMINIS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 20/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2021-04-12;19ve00733 ?
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