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08/04/2021 | FRANCE | N°20VE03000

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 08 avril 2021, 20VE03000


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté en date du 16 septembre 2020 par lequel le préfet du Val-d'Oise a décidé son transfert aux autorités espagnoles pour le traitement de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 2009551 du 19 octobre 2020, le magistrat désigné du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé cet arrêté.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistré le 20 novembre 2020, le préfet du Val-d'Oise demande

la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de rejeter la demande de M. A....

Le préfet du Val-d'...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté en date du 16 septembre 2020 par lequel le préfet du Val-d'Oise a décidé son transfert aux autorités espagnoles pour le traitement de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 2009551 du 19 octobre 2020, le magistrat désigné du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé cet arrêté.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistré le 20 novembre 2020, le préfet du Val-d'Oise demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de rejeter la demande de M. A....

Le préfet du Val-d'Oise soutient avoir informé les autorités espagnoles le 9 octobre 2019, soit avant l'expiration du délai initial de six mois prévu à l'article 9 du règlement (CE) n° 1560/2003 du 26 juin 2013.

.....................................................................................................................

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- le règlement (CE) n° 1560/2003 de la commission du 2 septembre 2003 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Le préfet du Val-d'Oise relève appel du jugement en date du 19 octobre 2020 par lequel le magistrat désigné du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé l'arrêté du préfet du Val-d'Oise du 16 septembre 2020 décidant le transfert de M. A..., ressortissant malien, aux autorités espagnoles pour le traitement de sa demande d'asile.

2. D'une part, aux termes de l'article 29, paragraphe 1, du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, le transfert du demandeur vers l'Etat membre responsable de l'examen de sa demande d'asile doit s'effectuer " dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre Etat membre de la requête aux fins de la prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3 ". Aux termes du paragraphe 2 du même article : " Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'État membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'État membre requérant. Ce délai peut être porté à (...) dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite ".

3. D'autre part, aux termes de l'article 9 du règlement (CE) n°1560/2003 de la Commission portant modalités d'application du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des États membres par un ressortissant d'un pays tiers, dans sa rédaction issue de l'article 1er du règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 : " (...) 2. Il incombe à l'État membre qui, pour un des motifs visés à l'article 29, paragraphe 2, du règlement (UE) no 604/2013, ne peut procéder au transfert dans le délai normal de six mois à compter de la date de l'acceptation de la requête aux fins (...) de reprise en charge de la personne concernée, (...) d'informer l'État responsable avant l'expiration de ce délai. À défaut, la responsabilité du traitement de la demande de protection internationale et les autres obligations découlant du règlement (UE) no 604/2013 incombent à cet État membre conformément aux dispositions de l'article 29, paragraphe 2, dudit règlement (...) ". Il résulte de cette disposition que, même lorsqu'un demandeur d'asile est en situation de fuite, au sens de l'article 29 paragraphe 2 du règlement (UE) n° 604/2013 et que cette situation a été constatée à l'intérieur du délai normal de transfert de six mois par l'Etat membre ayant émis une requête aux fins de prise en charge de ce demandeur d'asile, cet Etat membre devient responsable de la demande d'asile lorsque, n'ayant pas procédé au transfert de l'intéressé dans le délai de six mois, il ne justifie pas avoir informé l'Etat membre responsable de la demande d'asile, à l'intérieur de ce délai, de la prolongation de celui-ci résultant de la situation de fuite.

4. Il ressort des pièces du dossier que le préfet du Val-d'Oise a averti les autorités espagnoles par un courrier électronique daté du 9 octobre 2019 que M. A... était en fuite. Par suite, le préfet est fondé à soutenir que c'est à tort que le premier juge a considéré que les autorités espagnoles n'avaient pas été informées de cette situation et que l'expiration du délai de six mois prévu à l'article 9 du règlement (CE) n° 1560/2003 précité avait eu pour effet de transférer à la France la responsabilité de l'examen de la demande de protection internationale formée par M. A....

5. Il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise.

6. Il ressort des termes de l'arrêté litigieux que celui-ci, après avoir visé l'ensemble des textes applicables, expose les circonstances de fait et de droit qui le fondent, permettant à l'intéressé d'en critiquer utilement le bien-fondé. Il répond ainsi aux exigences posées par le code des relations entre le public et l'administration quant à la motivation des actes administratifs.

7. Aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement et notamment : / a) des objectifs du présent règlement (...) / b) des critères de détermination de l'État membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée (...) / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5 (...) ".

8. Il ressort des pièces du dossier que M. A... s'est vu remettre le 12 novembre 2018 les brochures d'information A " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de l'analyse de ma demande ' " et B " Je suis sous procédure Dublin - qu'est-ce que cela signifie ' ", traduites dans une langue qu'il a déclaré comprendre et qu'il a lui-même paraphées. Par suite, le moyen tiré de ce que la procédure aurait méconnu le droit de l'intéressé à être informé dans une langue qu'il comprend doit être écarté.

9. Aux termes de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. (...) / 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les Etats membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'Etat membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'Etat membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé ".

10. Il ressort du " résumé d'entretien individuel " signé par M. A... le 20 mars 2019 que cet entretien a été mené par un agent de la préfecture du Val-d'Oise qui est une " personne qualifiée en vertu du droit national " au sens des dispositions précitées de l'article 5 du règlement n° 604/2013. La circonstance que le résumé ne comporte pas la mention du nom et de la qualité de l'agent ayant conduit cet entretien n'est pas à elle seule de nature à établir que ce dernier ne serait pas une " personne qualifiée en vertu du droit national " ou que l'entretien n'aurait pas présenté les garanties nécessaires de confidentialité. L'entretien a été réalisé en soninké, langue que M. A... a déclaré comprendre. Par suite, M. A... ne saurait valablement se prévaloir de ce que l'article 5 précité du règlement (UE) n° 604/2013 aurait été méconnu.

11. Aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 :

" (...) / 2. (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable. / (...) ". Aux termes de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Nul ne peut être soumis à la torture, ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

12. Il résulte des dispositions précitées que la présomption selon laquelle un État membre respecte les obligations découlant de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne est renversée lorsqu'il existe de sérieuses raisons de croire qu'il existe, dans " l'État membre responsable " de la demande d'asile au sens du règlement précité, des défaillances systémiques de la procédure d'asile et des conditions d'accueil des demandeurs d'asile impliquant pour ces derniers un risque d'être soumis à des traitements inhumains ou dégradants. En l'espèce, M. A... n'établit pas qu'il existerait en Espagne des défaillances systémiques dans l'examen des demandes d'asile. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance de l'existence de telles défaillances en Espagne doit être écarté.

13. Aux termes de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. ". La faculté laissée à chaque Etat membre, par l'article 17 du règlement du 26 juin 2013, de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le règlement, est discrétionnaire et ne constitue pas un droit.

14. En l'espèce, M. A... ne fait état d'aucun élément propre à sa situation personnelle qui aurait été susceptible de justifier que les autorités françaises procèdent, de manière dérogatoire, à l'examen de sa demande d'asile. Par suite, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation qu'aurait commise le préfet du Val d'Oise sur ce point doit être écarté.

15. Il résulte de tout ce qui précède que la préfet du Val-d'Oise est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué et le rejet de la demande de M. A....

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. A... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2009551 du 19 octobre 2020 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise ainsi que ses conclusions présentées en appel sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

2

N° 20VE03000


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20VE03000
Date de la décision : 08/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BRUMEAUX
Rapporteur ?: Mme Sophie COLRAT
Rapporteur public ?: M. BOUZAR
Avocat(s) : SARHANE

Origine de la décision
Date de l'import : 20/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2021-04-08;20ve03000 ?
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