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08/04/2021 | FRANCE | N°19VE01407

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 08 avril 2021, 19VE01407


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Eco-Lot a demandé au Tribunal administratif de Versailles d'annuler la délibération en date du 22 mai 2017 du conseil municipal de la commune de Boissy-Mauvoisin instituant un droit de préemption urbain sur l'ensemble des zones urbaines et à urbaniser du plan local d'urbanisme ainsi que la décision en date du 23 mai 2017 du maire de la commune de Boissy-Mauvoisin usant du droit de préemption pour acquérir la parcelle cadastrée A 338.

Par un jugement n° 1705266-1705267 du 19 février 2

019, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté ses demandes.

Procédure d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Eco-Lot a demandé au Tribunal administratif de Versailles d'annuler la délibération en date du 22 mai 2017 du conseil municipal de la commune de Boissy-Mauvoisin instituant un droit de préemption urbain sur l'ensemble des zones urbaines et à urbaniser du plan local d'urbanisme ainsi que la décision en date du 23 mai 2017 du maire de la commune de Boissy-Mauvoisin usant du droit de préemption pour acquérir la parcelle cadastrée A 338.

Par un jugement n° 1705266-1705267 du 19 février 2019, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté ses demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 18 avril 2019 et le 15 avril 2020, la société Eco-Lot, représenté par Me Coll, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° d'annuler, pour excès de pouvoir, la délibération et la décision précitées ;

3° de mettre à la charge de la commune de Boissy-Mauvoisin le versement de la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société Eco-Lot soutient que :

- la commune n'a pas établi que les membres du conseil municipal ont bénéficié d'une information suffisante et adaptée à l'importance de la question avant la tenue du conseil municipal du 22 mai 2017 ;

- il n'est pas prouvé que les conseillers municipaux ont été convoqués régulièrement à cette séance du conseil municipal ;

- la délibération litigieuse est entachée d'erreur manifeste d'appréciation et de détournement de pouvoir dès lors qu'elle a été adoptée avant le plan local d'urbanisme et n'a été adoptée que pour faire échec à la déclaration d'intention d'aliéner qu'elle avait adressée à la commune ;

- le maire de la commune n'avait pas délégation pour signer la décision de préemption en litige ;

- la motivation de la décision de préemption est composée de formues vagues et stéréotypées ne répondant pas à l'exigence de motivation renforcée posée par l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme et la commune n'avait en réalité aucun projet préexistant ;

- la décision est intervenue alors que la délibération instaurant le droit de préemption n'était pas encore devenue exécutoire ;

- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et d'un détournement de pouvoir dès lors qu'elle a pour unique objet de faire échec au projet de transaction poursuivi par la société requérante.

.....................................................................................................................

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de M. Bouzar, rapporteur public,

- et les observations de Me C... substituant Me B... pour la commune de Boissy-Mauvoisin.

Une note en délibéré présentée pour la commune de Boissy-Mauvoisin a été enregistrée le 19 mars 2021.

Considérant ce qui suit :

Sur la légalité de la délibération du conseil municipal de Boissy-Mauvoisin en date du 22 mai 2017 instituant le droit de préemption urbain sur les zones urbaines ou à urbaniser du plan local d'urbanisme :

1. Aux termes de l'article L. 2121-10 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction applicable à la date des délibérations attaquées : " Toute convocation est faite par le maire. Elle indique les questions posées à l'ordre du jour. Elle est mentionnée au registre des délibérations, affichée ou publiée. Elle est adressée par écrit, sous quelque forme que ce soit, au domicile des conseillers municipaux, sauf s'ils font le choix d'une autre adresse ". Aux termes de l'article L. 2121-11 du même code : " / Dans les communes de moins de 3 500 habitants, la convocation est adressée trois jours francs au moins avant celui de la réunion. (...) ".

2. Il ressort des mentions du registre des délibérations du conseil municipal de la commune de Boissy-Mauvoisin que la convocation à la séance du 22 mai 2017 a été adressée aux conseillers municipaux le 16 mai 2017, soit dans le respect du délai de trois jours francs prévu par l'article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales. La commune de Boissy-Mauvoisin produit plusieurs attestations de conseillers municipaux témoignant avoir reçu leur convocation par courrier électronique daté du 16 mai 2017. La société requérante conteste, de façon purement hypothétique, que les convocations aient été faites dans les délais légaux mais n'assortit ce moyen d'aucun élément circonstancié. Par suite, ces allégations ne sauraient conduire à remettre en cause les mentions factuelles précises du registre des délibérations qui font foi jusqu'à preuve contraire. La société Eco-Lot n'est, dès lors, pas fondée à soutenir que le délai prévu par l'article L. 2121-11 aurait été méconnu.

3. Il résulte des dispositions précitées de l'article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales qu'elles ne s'appliquent qu'aux communes de 3 500 habitants et plus, ce qui n'est pas le cas de la commune de Boissy-Mauvoisin. Par suite, le moyen tiré de ce que la convocation au conseil municipal n'était pas accompagnée d'une note explicative de synthèse portant sur chacun des points de l'ordre du jour doit être écarté comme inopérant.

4. Il ressort de l'article L. 211-1 du code de l'urbanisme que la seule condition qu'il fixe pour l'instauration d'un périmètre pour l'exercice du droit de préemption urbain est l'approbation préalable d'un plan local d'urbanisme. Si le conseil municipal de Boissy-Mauvoisin a adopté son plan local d'urbanisme et institué le droit de préemption urbain par deux délibérations du même jour, cette condition se trouvait ainsi remplie, alors même que le plan local d'urbanisme n'était pas devenu exécutoire au moment de l'adoption de la délibération instituant le droit de préemption urbain renforcé.

5. La société Eco-Lot ne démontre pas que l'adoption de la délibération litigieuse, qui institue le droit de préemption urbain sur une vaste portion du territoire communal aurait été adoptée dans le seul but de faire échouer son projet d'acquisition d'un terrain. Par suite, le détournement de pouvoir allégué n'est pas démontré.

6. Il résulte de ce qui précède que les conclusions de la société Eco-Lot tendant à l'annulation de la délibération en date du 22 mai 2017 doivent être rejetées.

Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision en date du 23 mai 2017 du maire de Boissy-Mauvoisin faisant usage du droit de préemption pour acquérir la parcelle cadastrée A 338 :

7. Aux termes de l'article L. 211-1 du code de l'urbanisme : " Les communes dotées d'un plan d'occupation des sols rendu public ou d'un plan local d'urbanisme approuvé peuvent, par délibération, instituer un droit de préemption urbain sur tout ou partie de zones urbaines et des zones d'urbanisation future délimitées par ce plan (...). ". Aux termes de l'article R. 211-2 du même code : " La délibération par laquelle le conseil municipal (...) décide, en application de l'article L. 211-1, d'instituer ou de supprimer le droit de préemption urbain ou d'en modifier le champ d'application, est affichée en mairie pendant un mois. Mention en est insérée dans deux journaux diffusés dans le département. / Les effets juridiques attachés à la délibération mentionnée au premier alinéa ont pour point de départ l'exécution de l'ensemble des formalités de publicité mentionnées audit alinéa. Pour l'application du présent alinéa, la date à prendre en considération pour l'affichage en mairie est celle du premier jour où il est effectué ".

8. Il ne ressort pas des pièces du dossier que les formalités de publication de la délibération du 22 mai 2017 prévues par les dispositions précitées du code de l'urbanisme avaient été accomplies le 23 mai 2017, date à laquelle le maire de Boissy-Mauvoisin a, au visa de ladite délibération, décidé d'exercer le droit de préemption sur la parcelle cadastrée A 338. Par suite, la société Eco-Lot est fondée à soutenir que la décision de préemption est irrégulière de ce fait.

9. Aux termes de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme : " Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1, à l'exception de ceux visant à sauvegarder ou à mettre en valeur les espaces naturels, ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d'aménagement. / Toute décision de préemption doit mentionner l'objet pour lequel ce droit est exercé (...) ". Il résulte de ces dispositions que les collectivités titulaires du droit de préemption urbain peuvent légalement exercer ce droit, d'une part, si elles justifient, à la date à laquelle elles l'exercent, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date, et, d'autre part, si elles font apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption.

10. Il ressort des termes de la décision de préemption litigieuse que celle-ci repose sur la volonté de la commune de " répondre aux besoins de la population en matière d'habitat en proposant une offre de logements diversifiés, de proposer des logements adaptés à tous les stades du parcours résidentiel de la population et de lutter contre l'exode rural des jeunes ménages en réalisant plusieurs logements locatifs garantissant des loyers maîtrisés ". Cette motivation ne renvoie à aucun objectif ou orientation d'un plan local de l'habitat, ne fait état d'aucun document ou étude justifiant la réalité d'un projet d'action ou d'aménagement, même encore imprécis, au sens des dispositions précitées du code de l'urbanisme. Par suite, la société Eco-Lot est fondée à soutenir que la décision attaquée méconnaît les exigences de motivation prévues par l'article L. 210-1 précité du code de l'urbanisme.

11. Il résulte de ce qui précède que la société requérante est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du maire de Boissy-Mauvoisin en date du 23 mai 2017 et à demander l'annulation de cette décision.

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Boissy-Mauvoisin le versement de la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la société Eco-Lot et non compris dans les dépens. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société requérante, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la commune de Boissy-Mauvoisin demande sur ce fondement.

DÉCIDE :

Article 1er : La décision en date du 23 mai 2017 du maire de la commune de Boissy-Mauvoisin est annulée.

Article 2 : Les conclusions de la requête tendant à l'annulation de la délibération du conseil municipal de la commune de Boissy-Mauvoisin sont rejetées.

Article 3 : Le jugement n°1705266-1705267 du 19 février 2019 du Tribunal administratif de Versailles est annulé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er ci-dessus.

Article 4 : La commune de Boissy-Mauvoisin versera à la société Eco-Lot la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Les conclusions de la commune de Boissy-Mauvoisin présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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N° 19VE01407


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19VE01407
Date de la décision : 08/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Collectivités territoriales - Commune - Organisation de la commune - Organes de la commune - Conseil municipal - Délibérations.

Urbanisme et aménagement du territoire - Procédures d'intervention foncière - Préemption et réserves foncières - Droits de préemption.


Composition du Tribunal
Président : M. BRUMEAUX
Rapporteur ?: Mme Sophie COLRAT
Rapporteur public ?: M. BOUZAR
Avocat(s) : CABINET COLL

Origine de la décision
Date de l'import : 20/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2021-04-08;19ve01407 ?
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