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02/02/2021 | FRANCE | N°19VE01995

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 02 février 2021, 19VE01995


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Ziban a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision du 6 juin 2016 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis à sa charge la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail pour un montant de 35 200 euros et la contribution forfaitaire de réacheminement pour un montant de 10 620 euros à raison de l'emploi de cinq salariés étrangers en situation irrégulière et dépourvus d'autoris

ation de travail.

Par un jugement n° 1607765 du 26 mars 2019, le Tribunal adm...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Ziban a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision du 6 juin 2016 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis à sa charge la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail pour un montant de 35 200 euros et la contribution forfaitaire de réacheminement pour un montant de 10 620 euros à raison de l'emploi de cinq salariés étrangers en situation irrégulière et dépourvus d'autorisation de travail.

Par un jugement n° 1607765 du 26 mars 2019, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 28 mai 2019, la SARL Ziban, représentée par Me Jeddi, avocat, demande à la cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° d'annuler la décision du 6 juin 2016 par laquelle le directeur général de l'OFII a mis à sa charge les contributions spéciale et forfaitaire pour un montant total de 45 820 euros pour l'emploi de cinq salariés étrangers en situation irrégulière et dépourvus d'autorisation de travail ;

3° subsidiairement, de limiter le montant de la condamnation à la somme de 17 600 euros ;

4° en toute hypothèse, d'annuler la décision en tant qu'elle met à sa charge la contribution forfaitaire pour frais de réacheminement ;

5° de mettre à la charge de l'OFII une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La SARL Ziban soutient que :

- la décision du 6 juin 2016 est entachée d'incompétence et n'est pas suffisamment motivée ;

- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'aucun élément du dossier ne permet de caractériser la situation d'emploi des salariés visés par la procédure ; les salariés en question ont présenté à son gérant des cartes d'identité françaises et ce dernier ne pouvait valablement se rendre compte que les cartes présentées étaient des faux ;

- s'agissant de la contribution forfaitaire aux frais de réacheminement, aucun des salariés n'a fait l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière ;

- à titre subsidiaire, il conviendra de retenir une contribution minorée égale à 3 520 euros par salariés, soit 17 600 euros.

.............................................................................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- et les conclusions de Mme Grossholz, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. A l'issue d'un contrôle effectué le 25 novembre 2015 dans les locaux de la société Ziban, qui exploite un salon de coiffure sur le territoire de la commune de Cormeilles-en-Parisis, les services de la direction départementale de la police aux frontières du Val d'Oise ont constaté qu'un ressortissant algérien, M. E... G..., était dépourvu d'un titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France. A l'occasion de ce contrôle, la consultation du registre unique du personnel a révélé la présence de cinq copies de cartes nationales d'identité française contrefaites aux noms des salariés correspondants, mentionnés dans ce registre. Par une décision du 6 juin 2016, l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis à la charge de la société Ziban la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail pour l'emploi de cinq étrangers non munis du titre les autorisant à travailler d'un montant de 35 200 euros et la contribution forfaitaire de réacheminement d'un montant de 10 620 euros. La société Ziban relève appel du jugement du 26 mars 2019 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. En premier lieu, la société Ziban reprend en appel, à l'identique et sans élément nouveau, les moyens soulevés en première instance et tirés de l'incompétence du signataire de la décision du 6 juin 2016 et de l'insuffisance de motivation de cette décision. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise aux points 1 à 4 de son jugement.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 8251-1 du code du travail : " Nul ne peut, directement ou par personne interposée, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France. ". Aux termes de l'article L. 8253-1 du même code : " Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte, pour chaque travailleur étranger non autorisé à travailler, une contribution spéciale. Le montant de cette contribution spéciale est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Il est, au plus, égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. Ce montant peut être minoré en cas de non-cumul d'infractions ou en cas de paiement spontané par l'employeur des salaires et indemnités dus au salarié étranger non autorisé à travailler mentionné à l'article R. 8252-6. Il est alors, au plus, égal à 2 000 fois ce même taux. Il peut être majoré en cas de réitération et est alors, au plus, égal à 15 000 fois ce même taux. (...) ". Aux termes de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " l'employeur qui aura occupé un travailleur étranger en situation de séjour irrégulier acquittera une contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine. ".

4. Aux termes de l'article L. 5221-8 du code du travail : " L'employeur s'assure auprès des administrations territorialement compétentes de l'existence du titre autorisant l'étranger à exercer une activité salariée en France, sauf si cet étranger est inscrit sur la liste des demandeurs d'emploi tenue par l'institution mentionnée à l'article L. 5312-1. ".

5. Il appartient au juge administratif, saisi d'un recours contre une décision mettant à la charge d'un employeur la contribution spéciale prévue par les dispositions précitées de l'article L. 8253-1 du code du travail et la contribution forfaitaire prévue par les dispositions également précitées de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pour avoir méconnu les dispositions de l'article L. 8251-1 du code du travail, de vérifier la matérialité des faits reprochés à l'employeur et leur qualification juridique au regard de ces dispositions. Il lui appartient, également, de décider, après avoir exercé son plein contrôle sur les faits invoqués et la qualification retenue par l'administration, soit de maintenir la sanction prononcée, soit d'en diminuer le montant jusqu'au minimum prévu par les dispositions applicables au litige, soit d'en décharger l'employeur. En outre, un employeur ne saurait être sanctionné sur le fondement de ces dispositions lorsque, tout à la fois, il s'est acquitté des vérifications qui lui incombent, relatives à l'existence du titre autorisant l'étranger à exercer une activité salariée en France, en vertu de l'article L. 5221-8 du code du travail, et n'était pas en mesure de savoir que les documents qui lui étaient présentés revêtaient un caractère frauduleux ou procédaient d'une usurpation d'identité. En outre, lorsqu'un salarié s'est prévalu lors de son embauche de la nationalité française ou de sa qualité de ressortissant d'un Etat pour lequel une autorisation de travail n'est pas exigée, l'employeur ne peut être sanctionné s'il s'est assuré que ce salarié disposait d'un document d'identité de nature à en justifier et s'il n'était pas en mesure de savoir que ce document revêtait un caractère frauduleux ou procédait d'une usurpation d'identité.

6. Il résulte de l'instruction et notamment des mentions du procès-verbal établi à la suite du contrôle effectué le 25 novembre 2015 dans les locaux de la société requérante, qui font foi jusqu'à preuve du contraire, que les agents de l'URSSAF et de la direction départementale de la police aux frontière du Val d'Oise ont constaté la présence, en situation de travail dans le salon de coiffure Ziban, d'un ressortissant algérien, M. E... G..., ne disposant d'aucun titre de séjour régulièrement délivré en France. Il a également été constaté lors de la consultation du registre unique du personnel la présence de photocopies de cartes nationales d'identité française contrefaites, établies au nom de cinq salariés précédemment employés par la société Ziban.

7. La société requérante ne conteste pas sérieusement que les cinq salariés en question, MM. Mohamed G..., Chakib Amine D..., Hessam Diafri, Azzedine Meria et Mme B... F..., ont bien été employés par elle, ainsi qu'il ressort des déclarations des intéressés et de son gérant. La société Ziban affirme avoir été dans l'ignorance de l'irrégularité de la situation administrative de ces salariés, de sorte que l'infraction d'emploi d'étrangers non munis d'une autorisation de travail ne serait pas caractérisée. Elle allègue à cet égard avoir été abusée par la production de fausses cartes nationales d'identité française. Il résulte toutefois des déclarations circonstanciées et concordantes de deux salariés, M. D... et Mme F..., lors de leur audition par les services de police, que le gérant de la société Ziban, M. A..., était au courant de la fraude documentaire pour y avoir participé. La seule circonstance que ces salariés auraient saisi le conseil de prud'hommes d'une action en indemnisation au motif du travail dissimulé ne permet pas de remettre en cause la teneur de leurs déclarations, alors qu'il résulte également de l'instruction que la nationalité exacte de ces cinq salariés, à savoir marocaine ou algérienne, a été consignée dans le registre unique du personnel de la société Ziban, sans que le gérant apporte de justifications pertinentes à ce sujet à l'occasion de son audition par les services de police en se bornant à rejeter la faute sur son comptable. L'ensemble de ces éléments permettent d'établir que le gérant de la société requérante était en mesure de savoir que les documents qui lui ont été présentés lors de l'embauche des cinq salariés concernés revêtaient un caractère frauduleux. Dans ces conditions, la société requérante n'a pas fait preuve de la prudence et de la vigilance requise lors de l'embauche de ces salariés. Par suite, l'infraction est caractérisée.

8. Il résulte de ce qui précède, et dès lors que les infractions prévues aux articles L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et L. 8251-1 du code du travail sont constituées du seul fait de l'emploi de travailleurs étrangers en situation de séjour irrégulier et démunis de titre les autorisant à exercer une activité salariée sur le territoire français, que la société Ziban ne peut utilement invoquer ni l'absence d'élément intentionnel, ni sa prétendue bonne foi, ces circonstances étant sans effet sur la matérialité de l'infraction.

9. En troisième lieu, les dispositions précitées de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne subordonnent pas la mise à la charge de l'employeur de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement des étrangers dans leur pays d'origine à la justification par l'administration du caractère effectif de ce réacheminement. Par suite, le moyen tiré de ce que les cinq salariés visés par la procédure n'auraient pas fait l'objet d'une mesure d'éloignement est sans influence sur la légalité de la contribution forfaitaire mise à la charge de la société Ziban à raison de l'emploi de ces salariés.

10. En dernier lieu, aux termes de l'article R. 8253-2 du code du travail : " I. - Le montant de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 est égal à 5 000 fois le taux horaire, à la date de la constatation de l'infraction, du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. / II. - Ce montant est réduit à 2 000 fois le taux horaire du minimum garanti dans l'un ou l'autre des cas suivants : / 1° Lorsque le procès-verbal d'infraction ne mentionne pas d'autre infraction commise à l'occasion de l'emploi du salarié étranger en cause que la méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 ; / 2° Lorsque l'employeur s'est acquitté des salaires et indemnités mentionnés à l'article L. 8252-2 dans les conditions prévues par les articles R. 8252-6 et R. 8252-7. / III. - Dans l'hypothèse mentionnée au 2° du II, le montant de la contribution spéciale est réduit à 1 000 fois le taux horaire du minimum garanti lorsque le procès-verbal d'infraction ne mentionne l'emploi que d'un seul étranger sans titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France. / (...) ". Ces dispositions n'habilitent ni l'OFII, ni le juge administratif, à moduler le taux de la contribution spéciale en dehors des cas pour lesquels une minoration est prévue par ces mêmes dispositions.

11. Il résulte de l'instruction que le directeur général de l'OFII a fixé le montant de la contribution spéciale réclamée à la société Ziban à 2 000 fois le taux horaire du minimum garanti, ainsi que le prévoit le II de l'article R. 8253-2 du code du travail, au lieu de lui appliquer le montant de droit commun fixé à 5 000 fois ce même taux horaire. La société Ziban n'est pas fondée à demander l'application des dispositions du III de ce même article dès lors qu'il est constant que le procès-verbal d'infraction mentionne l'emploi de plus d'un étranger sans titre l'autorisant à exercer une activité professionnelle en France. En outre, la contribution spéciale étant due dès lors que l'infraction est matériellement constatée, la société requérante ne peut utilement se prévaloir ni du caractère isolé de l'infraction commise, ni des difficultés qu'elle rencontre pour recruter des salariés, ni encore du caractère irréprochable de son comportement postérieurement aux faits qui lui sont reprochés. Par suite, à défaut de remplir les conditions permettant de réduire le montant de la sanction encourue, la société Ziban n'est pas fondée à demander la minoration du montant de la contribution spéciale qui lui a été infligée.

12. Il résulte de ce qui précède que la société Ziban n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Sur les conclusions aux fins d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. L'OFII n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions présentées par la SARL Ziban au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent être que rejetées. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SARL Ziban une somme de 2 000 euros à verser à l'OFII au titre des frais qu'il a exposés dans la présente instance et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de SARL Ziban est rejetée.

Article 2 : La SARL Ziban versera la somme de 2 000 euros à l'OFII au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par l'OFII au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative est rejeté.

N° 19VE01995 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19VE01995
Date de la décision : 02/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-06-02-02 Étrangers. Emploi des étrangers. Mesures individuelles. Contribution spéciale due à raison de l'emploi irrégulier d'un travailleur étranger.


Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: M. Bruno COUDERT
Rapporteur public ?: Mme GROSSHOLZ
Avocat(s) : CJ AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2021-02-02;19ve01995 ?
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