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02/02/2021 | FRANCE | N°18VE00819

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 02 février 2021, 18VE00819


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... D... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision implicite par laquelle le directeur du centre hospitalier intercommunal de Poissy-Saint-Germain-en-Laye (CHIPS) a rejeté sa demande en date du 20 mai 2015 tendant à obtenir l'indemnisation des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison de l'absence de paiement des actes qu'elle a réalisés pour le centre hospitalier au cours du second semestre 2013 et de l'année 2014, ensemble la décision confirmative de rejet du

3 août 2015, et de condamner le centre hospitalier intercommunal à lui...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... D... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision implicite par laquelle le directeur du centre hospitalier intercommunal de Poissy-Saint-Germain-en-Laye (CHIPS) a rejeté sa demande en date du 20 mai 2015 tendant à obtenir l'indemnisation des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison de l'absence de paiement des actes qu'elle a réalisés pour le centre hospitalier au cours du second semestre 2013 et de l'année 2014, ensemble la décision confirmative de rejet du 3 août 2015, et de condamner le centre hospitalier intercommunal à lui verser une somme de 37 340,53 euros ainsi qu'une somme correspondant à la rémunération des actes qu'elle a réalisés au cours du second semestre 2014.

Par un jugement n° 1506421 du 29 décembre 2017, le tribunal administratif de Versailles a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 28 février 2018 et un mémoire en réplique enregistré le 22 novembre 2019, Mme B... D..., représentée par Me Hubert, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de condamner le CHIPS à lui verser la somme en principal de 37 340,53 euros, sauf à parfaire ;

3° de condamner le CHIPS à lui verser la somme due pour les actes qu'elle a réalisés au cours du second semestre 2014, les parties étant renvoyées devant les services comptables du centre hospitalier pour le calcul de cette somme ;

4° de dire que ces sommes porteront intérêts à compter du 28 mai 2015, date de réception de la demande préalable ;

5° d'ordonner la capitalisation des intérêts échus ;

6° de mettre à la charge du CHIPS la somme de 4 000 euros par application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Mme B... D... soutient que :

- sur la régularité du jugement :

- le jugement est entaché d'un défaut de motivation ;

- le jugement est entaché d'une omission de statuer en ce qu'il ne répond pas à sa demande d'indemnisation pour le préjudice moral allégué ;

- le jugement est irrégulier en ce que les juges se sont fondés sur un moyen soulevé d'office sans en avoir préalablement informé les parties, en méconnaissance de l'article R. 611-7 du code de justice administrative ;

- sur le bien-fondé du jugement :

- c'est à tort que les premiers juges ont considéré qu'elle ne recherchait pas la responsabilité du CHIPS sur le terrain contractuel et qu'ils n'ont pas condamné le centre hospitalier à verser les sommes dues en exécution de la convention du 1er février 1998 ;

- c'est également à tort que les premiers juges n'ont pas condamné le CHIPS au versement des sommes demandées sur le fondement du principe général du droit à rémunération après service fait ;

- c'est encore à tort que le jugement ne condamne pas le CHIPS sur le fondement de la théorie de l'enrichissement sans cause.

...............................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- et les conclusions de Mme Grossholz, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... B... D... exerce une activité libérale au sein du centre hospitalier intercommunal de Poissy-Saint-Germain-en-Laye (CHIPS), régie par une convention d'utilisation conjointe d'un echocardiographe, conclue le 1er février 1998. Le 31 décembre 2013, le comptable public chargé d'exécuter les mandats émis par le CHIPS a interrompu ses paiements au motif que la convention aurait expiré au 1er février 2008. Par un courrier en date du 12 février 2015, Mme B... D... a demandé au centre hospitalier de requérir le comptable aux fins pour ce dernier de payer les mandats émis pour la rémunération des actes accomplis au cours du second semestre 2013 et de l'année 2014. Le 20 mai 2015, Mme B... D... a adressé au CHIPS une demande préalable afin d'obtenir l'indemnisation du préjudice subi en raison de l'absence de paiement pour les actes réalisés par elle au profit du centre hospitalier. Mme B... D... relève appel du jugement du 29 décembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle le directeur du CHIPS a rejeté sa demande indemnitaire, ensemble la décision confirmative de rejet du 3 août 2015, et à la condamnation du centre hospitalier intercommunal à lui verser une somme totale de 37 340,53 € ainsi qu'une somme correspondant à la rémunération des actes qu'elle a réalisés au cours du second semestre 2014.

Sur l'étendue du litige :

2. Il résulte de l'instruction que le CHIPS a versé à Mme B... D... le 3 novembre 2020, postérieurement à l'introduction de la requête, les sommes de 12 671,91 euros et 23 782,12 euros. Il résulte également de l'instruction, notamment compte-tenu des dates des mandats émis et des mentions du répertoire des mandats produit par le défendeur, que ces sommes correspondent au règlement des prestations que Mme B... D... avait réalisées au titre respectivement du second semestre 2013 et du premier semestre 2014. Les conclusions de la requête qui tendaient, au titre de ces deux périodes, au versement d'une somme globale de 27 340,53 euros sont donc devenues sans objet et il n'y a, dès lors, plus lieu d'y statuer. En revanche, contrairement à ce que fait valoir le CHIPS dans le dernier état de ses écritures, il ne résulte pas de l'instruction que ces sommes correspondraient au règlement des prestations que Mme B... D... a réalisées au titre du second semestre 2014. Les conclusions de la requête relative à cette période demeurent donc en litige.

Sur le surplus du litige :

En ce qui concerne la régularité du jugement :

3. En premier lieu, le juge administratif, saisi de conclusions mettant en jeu la responsabilité de la puissance publique, ne soulève pas d'office un moyen d'ordre public lorsqu'il constate au vu des pièces du dossier qu'une des conditions d'engagement de la responsabilité publique n'est pas remplie. En conséquence, il n'est pas tenu de procéder à la communication prescrite par les dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative.

4. Pour rejeter les conclusions indemnitaires de Mme B... D..., le tribunal administratif de Versailles, après avoir relevé que la convention conclue le 1er février 1998 continuait à régir les relations de la requérante avec le centre hospitalier, a considéré que le litige ne pouvait être tranché que sur le seul terrain contractuel et qu'en conséquence Mme B... D... n'était pas fondée à rechercher la responsabilité du CHIPS sur le terrain de la responsabilité quasi-contractuelle qu'est l'enrichissement sans cause. Ce faisant, les premiers juges se sont bornés à vérifier si les conditions d'engagement de la responsabilité publique étaient remplies et n'ont donc pas soulevé d'office un moyen d'ordre public. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative doit, par suite, être écarté.

5. En deuxième lieu, le tribunal administratif de Versailles a considéré, ainsi qu'il vient d'être dit, que Mme B... D... n'avait pas recherché la responsabilité du centre hospitalier sur le bon fondement légal. Les premiers juges ont ainsi, implicitement mais nécessairement, et sans entacher leur jugement d'une insuffisance de motivation, écarté les moyens tirés, d'une part, de ce que la condamnation du CHIPS s'imposait sur le fondement du principe général du droit à rémunération après service fait et, d'autre part, de ce que la requérante avait subi un préjudice moral en conséquence du comportement fautif du centre hospitalier.

6. En dernier lieu, en rejetant les conclusions indemnitaires présentées par Mme B... D..., les premiers juges ont statué sur sa demande tendant à l'indemnisation de son préjudice moral. La requérante n'est donc pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'une omission à statuer

En ce qui concerne le bien-fondé du jugement :

7. Il résulte de l'instruction que Mme B... D..., après avoir vainement demandé le 12 février 2015 au directeur général du CHIPS de requérir le comptable public de payer les mandats émis à son profit au titre de la rémunération des actes effectués au cours du second semestre 2013 et du premier semestre 2014, lui a adressé le 20 mai 2015 une demande indemnitaire préalable, laquelle se fondait, en premier lieu, sur l'exécution des stipulations de la convention du 1er février 1998, puis sur le " principe général du droit à rémunération après service fait " et enfin sur la " théorie de l'enrichissement sans cause ", ainsi qu'il résulte des termes du point 5 de cette demande. La demande de Mme B... D... présentée devant le tribunal administratif de Versailles le 22 septembre 2015, à ses points 8 à 10, faisait également état de ces trois fondements pour justifier du bien-fondé de sa demande préalable. Ainsi, nonobstant le fait que la requérante ait également cru devoir contester la légalité interne des décisions par lesquelles le directeur général du centre hospitalier a rejeté sa demande indemnitaire, elle est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont estimé qu'elle n'avait pas entendu engager la responsabilité contractuelle du centre hospitalier.

8. Aux termes du premier alinéa de l'article 17 de la convention d'utilisation conjointe conclue le 1er février 1998 : " La durée de la convention est de cinq ans. Elle est renouvelée par tacite reconduction pour une durée égale ". Il ne résulte pas de ces stipulations que cette convention ne pouvait être renouvelée qu'une seule fois et qu'en conséquence, ainsi que l'avait estimé le comptable public, elle aurait dû expirer en 2008. Il ne résulte pas de l'instruction et n'est du reste pas allégué que les parties auraient mis un terme à l'exécution de cette convention antérieurement à la période concernée par le présent litige. Si en première instance le CHIPS relevait que, par application des stipulations de l'article 19 de la convention, celle-ci s'était éteint de plein droit compte tenu de l'évolution des textes régissant l'activité libérale des médecins au sein des centres hospitaliers, ce moyen ne peut en tout état de cause qu'être écarté dès lors qu'une évolution du taux de redevance prévu pour les contrats de participation aux missions de service public ne rendait pas " inexécutables dans ses principes fondamentaux " les stipulations de la convention ou n'altérait pas " profondément l'économie générale " de celle-ci. Il résulte de ce qui précède que la convention signée le 1er février 1998 régissait les actes réalisés par Mme B... D... pour le CHIPS au cours du second semestre 2014.

9. Si, ainsi que le fait valoir le CHIPS en défense, la requérante ne chiffre pas ses prétentions s'agissant de cette période, il résulte cependant de l'instruction que l'application des stipulations de la convention permettra aux parties de déterminer, ainsi que le demande Mme B... D..., la somme qui lui est due à ce titre. Dans ces conditions, la fin de non-recevoir opposée par le CHIPS doit être écartée.

10. Par ailleurs, dès lors que le centre hospitaliser ne conteste pas la réalité des prestations rendues par la requérante pendant le second semestre 2014, il y a lieu de renvoyer Mme B... D... devant le CHIPS aux fins de liquidation du montant des sommes qui lui sont dues au titre de cette période en application de la convention du 1er février 1998.

11. S'agissant enfin de l'indemnisation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence, il en sera fait une juste appréciation en condamnant le CHIPS à verser à Mme B... D... une somme de 2 000 euros à ce titre.

12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... D... est fondée à demander, s'agissant des conclusions restant en litige, la réformation du jugement attaqué du tribunal administratif de Versailles.

En ce qui concerne les intérêts et leur capitalisation :

13. D'une part, le versement par le CHIPS des sommes dues à Mme B... D... au titre des second semestre 2013 et premier semestre 2014 ne rend pas sans objet les conclusions de sa requête tendant à ce que la somme qu'elle sollicitait soit assortie des intérêts au taux légal. Il y a donc lieu de condamner le centre hospitalier à verser ces intérêts sur la somme de 27 340,53 euros à compter du 28 mai 2015 et jusqu'au 3 novembre 2020, ces intérêts étant capitalisés à compter du 28 mai 2016 et à chaque échéance annuelle ultérieure.

14. D'autre part, Mme B... D... a droit aux intérêts au taux légal sur la somme de 2 000 euros qui lui est allouée en réparation de son préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence à compter du 28 mai 2015 et à leur capitalisation à compter du 28 mai 2016 et à chaque échéance annuelle ultérieure.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier intercommunal de Poissy-Saint-Germain-en-Laye la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme B... D... et non compris dans les dépens. Les conclusions présentées par le CHIPS au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, en revanche, être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête à hauteur de 27 340,53 euros correspondant à la somme demandée par Mme B... D... au titre de la rémunération des prestations réalisées par elle au cours du second semestre 2013 et du premier semestre 2014.

Article 2 : Mme B... D... est renvoyée devant le centre hospitalier intercommunal de Poissy-Saint-Germain-en-Laye pour qu'il soit procédé, à la liquidation de la somme qui lui est due au titre du second semestre 2014.

Article 3 : Le centre hospitalier intercommunal de Poissy-Saint-Germain-en-Laye est condamné à verser à Mme B... D... la somme de 2 000 euros. Cette somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 28 mai 2015. Ces intérêts seront capitalisés au 28 mai 2016 et à chaque échéance annuelle ultérieure.

Article 4 : Le centre hospitalier intercommunal de Poissy-Saint-Germain-en-Laye est condamné à verser à Mme B... D... les intérêts au taux légal sur la somme de 27 340,53 euros à compter du 28 mai 2015 et jusqu'au 3 novembre 2020, ces intérêts étant capitalisés à compter du 28 mai 2016 et à chaque échéance annuelle ultérieure.

Article 5 : Le jugement n° 1506421 du 29 décembre 2017 du tribunal administratif de Versailles est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 6 : Le centre hospitalier intercommunal de Poissy-Saint-Germain-en-Laye versera à Mme B... D... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 7 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B... D... est rejeté.

Article 8 : Les conclusions présentées par le centre hospitalier intercommunal de Poissy-Saint-Germain-en-Laye au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

N° 18VE00819 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18VE00819
Date de la décision : 02/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-01-02 Responsabilité de la puissance publique. Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité. Fondement de la responsabilité.


Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: M. Bruno COUDERT
Rapporteur public ?: Mme GROSSHOLZ
Avocat(s) : AARPI KADRAN AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2021-02-02;18ve00819 ?
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