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02/02/2021 | FRANCE | N°17VE02536

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 02 février 2021, 17VE02536


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... E... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision du 20 février 2014 par laquelle l'inspectrice du travail de la 21ème section de l'unité territoriale des Hauts-de-Seine de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile-de-France a autorisé la société The Phone House à procéder à son licenciement.

Par un jugement n° 1403664 du 6 juin 2017, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé

cette décision.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 31 ju...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... E... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision du 20 février 2014 par laquelle l'inspectrice du travail de la 21ème section de l'unité territoriale des Hauts-de-Seine de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile-de-France a autorisé la société The Phone House à procéder à son licenciement.

Par un jugement n° 1403664 du 6 juin 2017, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé cette décision.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 31 juillet 2017 et des mémoires enregistrés les 8 et 23 décembre 2020, la société Connected World Services France, anciennement The Phone House, agissant par la SELARL Axyme, prise en la personne de Me H... F..., mandataire liquidateur, représentée par Me G..., avocat, demande à la cour :

1° d'annuler ce jugement et de rejeter la demande de première instance de Mme E... ;

2° de mettre à la charge de Mme E... le versement de la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société Connected World Services (CWS) soutient que :

- la décision du 20 février 2014 est suffisamment motivée ;

- le licenciement pour motif économique de Mme E... repose sur une cause réelle et sérieuse ; la réorganisation aux fins de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise et du groupe dans le secteur d'activité du groupe est parfaitement fondée ; le secteur d'activité du groupe au regard duquel doit être apprécié le motif économique invoqué est celui de la distribution indépendante de produits et services de téléphonie mobile ; que la jurisprudence de la cour de cassation renvoie à la délimitation du groupe opérée par l'article L. 2331-1 du code du travail ; qu'il s'en déduit que la joint-venture Virgin Mobile n'appartient pas au périmètre du groupe Carphone Warehouse pour l'appréciation du motif économique de son licenciement ; que cette joint-venture n'appartient pas davantage au secteur d'activité du groupe Carphone Warehouse dans lequel CWS intervient ; le projet de réorganisation décidé par CWS a été mis en place aux fins de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise ; le projet de réorganisation décidé au niveau de CWS est justifié par la nécessité de sauvegarder la compétitivité au niveau du secteur d'activité du groupe dans lequel CWS intervient ; les arguments de Mme E... visant à remettre en cause le motif économique invoqué ne sont pas recevables ;

- elle démontre qu'elle a respecté son obligation de reclassement ; les arguments de Mme E... visant à soutenir qu'elle n'aurait pas rempli cette obligation ne sont pas recevables et devront être rejetés ; que le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a fait une inexacte application des textes sur l'obligation de reclassement dès lors que, d'une part, le périmètre de cette obligation ne s'étendait pas à la joint-venture Virgin Mobile et que, d'autre part, en tout état de cause, elle a recherché des reclassements auprès de cette joint-venture, dans les mêmes conditions qu'une recherche de reclassement interne.

..................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- le code du travail ;

- l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. D...,

- les conclusions de Mme Grossholz, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., substituant Me G..., pour la SELARL Axyme et de Me C... pour Mme E....

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... E... a été employée à compter du 17 juin 2002 par la société The Phone House successivement en qualité de conseillère commerciale, de responsable adjoint de magasin et enfin de responsable de magasin confirmé. Elle était par ailleurs déléguée syndicale et représentante syndicale au comité d'entreprise et au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail. La société The Phone House, spécialisée dans la distribution indépendante de services et de produits de téléphonie mobile, a engagé, au mois d'avril 2013, un plan de réorganisation visant à sauvegarder sa compétitivité et celle du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient et impliquant la cessation de son activité en France, à l'exception de l'activité assurance, et qui s'est traduit par la mise en oeuvre d'un plan de sauvegarde de l'emploi. La société a sollicité, par un courrier du 19 novembre 2013, l'autorisation de licencier Mme E.... Par décision du 20 février 2014 l'inspectrice du travail de la 21ème section de l'unité territoriale des Hauts-de-Seine de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile-de-France a accordé l'autorisation demandée. La société The Phone House, devenue la société Connected World Services (CWS), agissant par la SELARL Axyme, prise en la personne de Me F..., mandataire liquidateur, relève appel du jugement du 6 juin 2017 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé cette décision du 20 février 2014 autorisant le licenciement de Mme E....

Sur le bien-fondé du jugement :

2. En vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions envisagées d'effectifs et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise ou au sein du groupe auquel appartient cette dernière.

3. Aux termes de l'article L. 1233-4 du code du travail dans sa rédaction applicable à l'espèce : " Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient. (...) ". Pour apprécier si l'employeur a satisfait à son obligation en matière de reclassement, l'autorité administrative doit s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, qu'il a procédé à une recherche sérieuse des possibilités de reclassement du salarié, tant au sein de l'entreprise que dans les entreprises du groupe auquel elle appartient, ce dernier étant entendu, à ce titre, comme les entreprises dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent avec elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie de son personnel.

4. Pour faire droit à la demande de Mme E... tendant à l'annulation de la décision autorisant son licenciement, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a estimé que la société The Phone House n'avait pas satisfait à son obligation de reclassement en l'absence de recherches de postes disponibles au sein de la société Virgin Mobile. D'une part, il est constant que la société The Phone House appartenait au groupe Carphone Warehouse, lequel détenait également une participation à hauteur de 46 %, au travers de la société de droit anglais Omer Telecom Ltd, dans la joint-venture Virgin Mobile. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier, ainsi que le fait valoir l'intimée, qu'un certain nombre de salariés de The Phone House ont été ensuite employés par Virgin Mobile et que le dirigeant de Virgin Mobile était auparavant dirigeant de The Phone House. Ces éléments permettent de caractériser l'existence de relations entre les sociétés concernées. D'autre part, il ressort des pièces du dossier qu'il existe une grande proximité entre les activités des deux sociétés, qui distribuent des produits et services de téléphonie mobile, et que ces sociétés sont fréquemment présentes sur les mêmes zones de chalandises. Si la société requérante soutient que les magasins du réseau Virgin Mobile étaient organisés sur un système de franchisés, cette circonstance ne rendait pas en l'espèce impossible toute permutation de salariés de The Phone House dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que Virgin Mobile détenait en propre une partie des magasins de son réseau, au sein desquels un reclassement pouvait être recherché. Il résulte de ce qui précède que Virgin Mobile appartenait au groupe au sein duquel la société The Phone House devait procéder à une recherche sérieuse des possibilités de reclassement de Mme E....

5. La société requérante allègue à titre subsidiaire qu'elle a bien procédé à une telle recherche. Toutefois, elle ne peut utilement se prévaloir à cet égard des termes des courriels échangés les 10 et 12 décembre 2012 entre le président de CWS et le directeur général de Virgin Mobile, cet échange étant intervenu dans le cadre de la mise en oeuvre d'un premier plan de sauvegarde de l'emploi engagé en octobre 2012. Par ailleurs les attestations établies les 23 mars 2015 et 24 juin 2015 par le directeur général de Virgin Mobile et le directeur commercial de la société Omea Télécom ne permettent pas d'établir que la société The Phone House avait procédé à une recherche sérieuse des possibilités de reclassement de Mme E... au sein de la société Virgin Mobile.

6. Il résulte de tout ce qui précède que la société CWS n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 6 juin 2017, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé la décision du 20 février 2014 par laquelle l'inspectrice du travail de la 21ème section de l'unité territoriale des Hauts-de-Seine de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile-de-France l'a autorisée à procéder au licenciement de Mme E....

Sur les conclusions aux fins d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Mme E... n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions présentées par la société CWS au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent être que rejetées. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société CWS une somme de 500 euros à verser à Mme E... au titre des frais qu'elle a exposés dans la présente instance et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Connected World Services France est rejetée.

Article 2 : La société Connected World Services France versera à Mme E... la somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par Mme E... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative est rejeté.

N° 17VE02536 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 17VE02536
Date de la décision : 02/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation.


Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: M. Bruno COUDERT
Rapporteur public ?: Mme GROSSHOLZ
Avocat(s) : SELARL BERNARD et VIDECOQ

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2021-02-02;17ve02536 ?
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