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14/01/2021 | FRANCE | N°18VE01044

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 14 janvier 2021, 18VE01044


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme D... C... ont demandé au Tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision en date du 31 juillet 2015 du recteur de l'Académie de Versailles rejetant leur demande d'indemnisation des préjudices subis du fait du harcèlement moral dont Mme C... a été victime de la part de sa hiérarchie et de condamner l'Etat à verser à Mme C... la somme de 30 504,56 euros et à M. C... la somme de 8 040,96 euros en réparation des préjudices subis.

Par un jugement n° 1506430 du 29 janvier 2018,

le Tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande.

Procédure devant ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme D... C... ont demandé au Tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision en date du 31 juillet 2015 du recteur de l'Académie de Versailles rejetant leur demande d'indemnisation des préjudices subis du fait du harcèlement moral dont Mme C... a été victime de la part de sa hiérarchie et de condamner l'Etat à verser à Mme C... la somme de 30 504,56 euros et à M. C... la somme de 8 040,96 euros en réparation des préjudices subis.

Par un jugement n° 1506430 du 29 janvier 2018, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés le 27 mars et le 4 juin 2018, M. et Mme C..., représentés par Me Piwnica, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, demandent à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de faire droit à leurs conclusions de première instance ;

3° de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement est irrégulier faute de viser le code de justice administrative sans préciser les articles dont il fait application ;

- Mme C... produit de nombreux éléments de nature à établir le harcèlement moral dont elle a été victime et il existe incontestablement un faisceau d'indices démontrant la réalité du harcèlement en cause ;

- le tribunal a illégalement transféré à Mme C... la charge de la preuve du harcèlement dont elle a été victime ;

- l'imputabilité au service du syndrome dépressif dont elle est atteinte a été reconnue par une décision du 29 janvier 2015 ;

- la responsabilité de l'Etat peut être également engagée du fait du défaut de protection apportée contre les violences morales et injures commises à son encontre pas sa supérieure hiérarchique en dépit des obligations posées par l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 ;

- Mme C... est fondée à demander l'indemnisation du préjudice subi du fait de la perte de traitement subie du fait de sa maladie, des frais médicaux et paramédicaux demeurés à sa charge, des frais engagés pour sa défense et de son préjudice moral ;

- M. C... est lui-même fondé à demander l'indemnisation du préjudice moral né de la maladie subie par son épouse et du préjudice de perte de temps passé à accompagner celle-ci dans ses diverses démarches.

.....................................................................................................................

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- la loi n° 83-637 du 13 juillet 1983 portant droits et obligation des fonctionnaires ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 relative à la fonction publique de l'Etat ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- et les conclusions de Mme Lepetit-Collin, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., adjointe administrative affectée au ministère de l'éducation nationale depuis 1994, a été affectée au service d'intendance du lycée de l'Essouriau aux Ulis à compter du 1er septembre 2006. Mme C... s'est estimée victime d'un harcèlement professionnel de la part de sa supérieure hiérarchique, et elle-même et son époux ont demandé au recteur de l'Académie de Versailles l'indemnisation des préjudices qu'ils estiment avoir subis du fait de cette situation. M. et Mme C... relèvent appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision du 31 juillet 2015 du recteur de l'Académie de Versailles rejetant leur demande ainsi que leurs conclusions tendant à la condamnation de l'Etat à leur verser les sommes de 34 504,56 euros pour ce qui concerne Mme C... et 8 040,96 euros pour ce qui concerne M. C....

Sur la régularité du jugement :

2. Il ressort des termes du jugement attaqué que celui-ci a visé le code de justice administrative et, dans ces motifs, cité intégralement l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Dès lors que les dispositions du code précité dont les premiers juges ont fait application ont été précisées et mêmes citées intégralement, la circonstance que les visas du jugement mentionnent le code de justice administrative sans viser les articles cités ultérieurement dans les motifs du jugement n'est pas de nature à entacher le jugement d'irrégularité.

Sur la responsabilité :

3. Aux termes de l'article 6 quinquies de la loi visée ci-dessus du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, modifiée notamment par la loi précédemment citée du 17 janvier 2002 de modernisation sociale : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. ". Aux termes de l'article 11 de la même loi : " Les fonctionnaires bénéficient, à l'occasion de leurs fonctions, d'une protection organisée par la collectivité publique dont ils dépendent, conformément aux règles fixées par le code pénal et les lois spéciales. Lorsqu'un fonctionnaire a été poursuivi par un tiers pour faute de service et que le conflit d'attribution n'a pas été élevé, la collectivité publique doit, dans la mesure où une faute personnelle détachable de l'exercice de ses fonctions n'est pas imputable à ce fonctionnaire, le couvrir des condamnations civiles prononcées contre lui. La collectivité publique est tenue de protéger les fonctionnaires contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l'occasion de leurs fonctions, et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté. (...) ".

4. Lorsqu'un agent est victime, dans l'exercice de ses fonctions, d'agissements répétés de harcèlement moral visés à l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 précité, il peut demander à être indemnisé par l'administration de la totalité du préjudice subi, alors même que ces agissements ne résulteraient pas d'une faute qui serait imputable à celle-ci, qu'il appartient à un agent public, qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. L'établissement du dommage et de ses conséquences sur l'agent ne suffit pas à faire naître une présomption d'existence de harcèlement. Il appartient à l'agent de faire valoir les éléments de nature à corroborer ses allégations. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est fait état sont constitutifs d'un harcèlement moral, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'être l'auteur de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. En revanche, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l'existence d'un harcèlement moral est établie, qu'il puisse être tenu compte du comportement de l'agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui. Le préjudice résultant de ces agissements pour l'agent victime doit alors être intégralement réparé.

5. Il résulte de l'instruction, et notamment des témoignages de quatre collègues de la requérante, que Mme B..., supérieure hiérarchique de Mme C... à partir du 1er septembre 2009, use dans sa pratique professionnelle d'un langage brutal et quelque peu inadapté et d'un management qui peut être à la source de situations de tensions pour les agents placés sous sa responsabilité. Il résulte également du courrier adressé le 28 janvier 2014 au directeur départemental des services de l'éducation nationale que le proviseur de l'établissement où travaille Mme C... a estimé que Mme B... n'a jamais harcelé ses collaborateurs. Si Mme B... use d'un vocabulaire et de méthodes pour le moins déplacées, il résulte de l'instruction qu'elle n'a jamais placé Mme C... dans une situation humiliante, fait pression sur elle par des menaces même voilées et ne l'a jamais confrontée à des taches qu'elle ne pouvait accomplir ou à une charge de travail excessive pour la mettre en situation d'échec. Les fiches de notation versées au dossier montrent même que Mme B... avait une appréciation positive du travail de Mme C.... La reconnaissance de l'imputabilité au service de la dépression réactionnelle dont a été victime Mme C... à la suite d'une altercation avec sa supérieure hiérarchique le 9 janvier 2014 ne suffit pas à faire présumer l'existence d'une situation de harcèlement. Dans ces conditions, Mme C... n'apporte pas les éléments susceptibles de faire présumer la situation de harcèlement professionnel dont elle s'estime victime et ses conclusions aux fins d'engagement de la responsabilité sans faute de l'Etat doivent être rejetées.

6. Il résulte de l'instruction que la protection fonctionnelle prévue par les dispositions précitées de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 a été accordée à Mme C... par une décision du recteur de l'Académie de Versailles en date du 20 décembre 2013 après qu'elle en a fait la demande le 5 décembre 2013 et que Mme C... a été invitée à prendre rendez-vous avec un agent spécialisé au sein de la direction des ressources humaines du rectorat. Ces circonstances ne permettent pas de considérer que l'administration n'aurait pas réagi aux demandes de Mme C... ou aurait pris un délai trop long pour le faire. Ainsi, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que la responsabilité de l'Etat serait engagée à son égard du fait du défaut de protection apportée contre les violences morales et injures commises à son encontre pas sa supérieure hiérarchique en dépit des obligations posées par l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983.

7. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme C... est rejetée.

2

N° 18VE01044


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18VE01044
Date de la décision : 14/01/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-13-03 Fonctionnaires et agents publics. Contentieux de la fonction publique. Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : M. BRUMEAUX
Rapporteur ?: Mme Sophie COLRAT
Rapporteur public ?: Mme LEPETIT-COLLIN
Avocat(s) : SCP PIWNICA et MOLINIE

Origine de la décision
Date de l'import : 27/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2021-01-14;18ve01044 ?
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