Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. H... D... et Mme E... G... épouse D... ont demandé au Tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision implicite par laquelle le maire de la commune de Favrieux a rejeté leur demande préalable tendant à la réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis en raison du refus illégal de permis de construire modificatif qui leur a été opposé le 7 juin 2011 et de condamner cette commune à leur verser la somme totale de 206 552 euros, en réparation de ces préjudices.
Par un jugement n° 1506910 du 20 novembre 2018, le Tribunal administratif de Versailles a annulé la décision implicite de la commune de Favrieux refusant le versement de toute indemnité à M. et Mme D... et a condamné cette commune à verser à M. et Mme D... la somme de 3 712,85 euros, tous intérêts échus à la date du jugement.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 18 janvier 2019, M. et Mme D..., représentés par Me B..., demandent à la Cour :
1° de réformer ce jugement en tant qu'il n'a pas condamné la commune à leur verser la somme totale de 206 552 euros ;
2° de condamner la commune de Favrieux à leur verser la somme de 206 552 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 22 juin 2015 et de la capitalisation des intérêts échus ;
3° de mettre à la charge de la commune de Favrieux le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le jugement est entaché d'un défaut de motivation sur la fixation du montant du préjudice ;
- le jugement est entaché d'une erreur de droit et d'une dénaturation des pièces du dossier dans l'appréciation de leur préjudice économique subi en raison de l'illégalité de l'arrêté du 7 juin 2011, d'un total de 191 552,00 euros, consistant en 45 mois de pertes de loyers mensuels de 900 euros, un règlement de 5 126 euros en pure perte d'une assurance sur la même période, une défiscalisation non réalisée de 7 694 euros par an sur 4 ans, des frais de recalcul de crédit (1 721,48 euros/mois sur 312 mois au lieu de 1 542,33 euros par mois sur 300 mois) soit 74 402,00 euros et des intérêts intercalaires s'ajoutant aux intérêts du prêt de 40 748,00 euros ;
- le jugement est entaché d'une erreur de droit et d'une dénaturation des faits de l'espèce en retenant qu'ils avaient commis une faute de nature à exonérer partiellement la commune de Favrieux de sa responsabilité ;
- les premiers juges ont estimé à tort que les exposants n'apportaient pas suffisamment d'éléments de nature à établir l'avancement des négociations en vue de louer le bien ;
- le jugement est entaché d'une erreur de droit et d'une dénaturation des pièces du dossier dans l'appréciation de la défiscalisation prévue par la loi Scellier, laquelle aurait dû représenter une somme totale de 30 776,00 euros (7 694,00 euros x 4 années) ;
- la réparation du préjudice subi lié aux frais exposés au titre de l'assurance emprunteur durant la phrase de préfinancement et les frais de recalcul du crédit a été à tort limitée par les premiers juges à une période de 32 mois alors qu'ils avaient démontré subir un préjudice pendant une période de 48 mois ;
- en décidant de limiter à la somme de 3 000 euros le préjudice moral subi par les
exposants au lieu de 15 000 euros, le tribunal administratif a entaché sa décision d'une irrégularité.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme F...,
- les conclusions de M. Bouzar, rapporteur public,
- et les observations de Me C... pour la commune de Favrieux.
Considérant ce qui suit :
1. Par jugement n° 1104333-1106072 du 30 décembre 2013, devenu définitif, le Tribunal administratif de Versailles a, sur demande de M. et Mme D... et de M. A..., annulé l'arrêté du 7 juin 2011 par lequel le maire de la commune de Favrieux a refusé de délivrer un permis de construire modificatif demandé par M. A... tendant notamment à déclarer deux logements au lieu d'un seul déclaré par le permis de construire délivré le 6 avril 2009 pour une habitation et a enjoint au maire de la commune de Favrieux de réexaminer la demande de permis de construire déposée le 6 mai 2011 par M. A... dans un délai de deux mois. M. et Mme D... ont présenté, le 27 juin 2015, à la commune de Favrieux une demande d'indemnisation des préjudices subis d'un montant de 196 375 euros qui a fait l'objet d'un rejet implicite. Ils ont alors demandé le 20 octobre 2015 au Tribunal administratif de Versailles de condamner la commune de Favrieux à leur verser la somme totale de 206 552 euros. Par la présente requête, M. et Mme D... relèvent appel du jugement du 20 novembre 2018 par lequel le Tribunal administratif de Versailles, après avoir jugé que la commune avait commis une illégalité fautive de nature à engager sa responsabilité mais qu'elle pouvait se prévaloir d'une cause exonératoire de 30% en raison d'une imprudence commise par les époux D... lors de la vente du bien par M. A..., a, après avoir estimé que le préjudice total de M. et Mme D... devait être évalué, compte tenu du partage de responsabilité, à la somme de 43 712,85 euros mais que de ce montant devait cependant être retranchée la somme de 40 000 euros que les consorts A... ont versée aux époux D... à titre de dommages et intérêts en application d'un protocole transactionnel conclu entre eux le 4 mars 2017, condamné la commune de Favrieux à leur verser la somme de 3 712,85 euros, tous intérêts échus à la date du jugement. La commune de Favrieux conclut au rejet de cette requête et présente des conclusions incidentes tendant à la réduction du montant de la condamnation prononcée par le tribunal en augmentant la responsabilité des requérants dans la survenue de leur préjudice et en rejetant toute indemnisation d'un préjudice moral.
Sur les fins de non-recevoir opposées par la commune de Favrieux :
2. Aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. / L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours. ". La requête de M. et Mme D... ne se borne pas à reprendre les termes de leur demande de première instance et formule des critiques à l'encontre du jugement attaqué. Par suite, la commune de Favrieux n'est pas fondée à soutenir qu'elle méconnaît les exigences de motivation de l'article R. 411-1 du code de justice administrative.
3. Il résulte des stipulations du protocole transactionnel conclu le 4 mars 2017 entre M. et Mme D... et les consorts A... sur le fondement des articles 2044 et suivants du code civil que les consorts A... doivent verser une somme de 40 000 euros aux époux D... en contrepartie d'un désistement de toutes instances et actions concernant le bien immobilier objet du litige, notamment de l'action engagée par les consorts A... devant la Cour d'appel de Versailles à l'encontre du jugement du 22 octobre 2013, par lequel le Tribunal de grande instance de Versailles a annulé pour dol l'acte de vente et les a condamnés à verser à M. et Mme D..., outre la restitution du prix de vente, la somme de 59 963,96 euros à titre de dommages et intérêts correspondant aux travaux déjà réalisés dans le logement, aux frais d'acte notarié, aux droits de mutation, aux frais de garantie du prêt et au préjudice moral. La transaction en cause, qui vise à mettre définitivement fin au litige opposant M. et Mme D... et les consorts A..., n'inclut pas la commune de Favrieux et n'impliquait donc pas la renonciation de M. et Mme D... au recours de plein contentieux qu'ils avaient introduit contre la commune devant la juridiction administrative. L'absence de toute mention sur ce recours engagé par les époux D... dans le protocole signé avec les consorts A... n'ayant d'incidence que sur la loyauté des relations entre parties privées, la commune de Favrieux ne peut utilement se prévaloir de la sauvegarde des intérêts des consorts A... pour opposer une fin de non-recevoir. Par suite, la commune de Favrieux n'est pas fondée à soutenir que la conclusion du protocole transactionnel faisait obstacle à un recours de plein contentieux à son encontre.
Sur la régularité du jugement attaqué :
4. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Si M. et Mme D... soutiennent que le jugement est entaché d'un défaut de motivation quant à la fixation du quantum du préjudice matériel subi, il ressort des termes mêmes de celui-ci que les premiers juges ont suffisamment motivé leur jugement au regard du préjudice économique invoqué par les requérants pour les pertes de loyers pour la période du 2 mars 2011 au 31 décembre 2014, une assurance réglée en pure perte pendant 45 mois, une défiscalisation non réalisée, des frais de recalcul de crédit et des intérêts intercalaires s'ajoutant aux intérêts du prêt. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement les placerait dans l'incapacité de comprendre les raisons qui ont amené les premiers juges à ne pas faire droit à leur demande indemnitaire dans toute son étendue, doit être écarté.
5. Si les requérants soutiennent que le jugement est entaché d'erreurs de droit et de dénaturation des pièces du dossier quant au quantum du préjudice matériel subi et à la faute de nature à exonérer partiellement la commune de Favrieux de sa responsabilité, une telle argumentation, qui touche au bien-fondé du jugement attaqué, n'est pas de nature à mettre en cause devant le juge d'appel sa régularité.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne le partage de responsabilité :
6. Alors que le jugement retient que les requérants ont commis une imprudence de nature à exonérer partiellement la responsabilité de la commune de Favrieux à hauteur de 30%, il est soutenu d'une part, par les requérants qu'ils n'ont commis aucune imprudence et d'autre part, par la commune que l'imprudence commise l'exonère totalement de toute responsabilité et à titre subsidiaire qu'elle doit être exonérée à hauteur de 70%.
7. Il résulte de l'instruction que M. et Mme D... avaient connaissance au moment de l'achat d'" une partie d'une maison d'habitation neuve " livrée " dans son état actuel ", de son absence de conformité au permis de construire délivré le 6 avril 2009, le vendeur bénéficiaire de ce permis de construire ayant été destinataire d'une mise en demeure de régulariser la construction du 9 décembre 2010 du maire de Favrieux, ce dont ils ont déclaré faire leur affaire personnelle " sans recours contre le vendeur " et donc sans introduire aucune condition suspensive de la vente relative à cette mise en demeure de la commune. Si le juge judiciaire a retenu par jugement du 22 octobre 2013 précité au point 3 que leur consentement avait été vicié en ce que le vendeur ne les avait pas informés que le bien ne pourrait, en l'état, être raccordé en eau et en électricité, cette circonstance n'exonère pas les requérants, investisseurs dans un but locatif, de l'imprudence commise en présence d'une mise en demeure communale de régulariser les travaux. Dans ces conditions, cette imprudence est de nature à exonérer partiellement de sa responsabilité la commune de Favrieux. Il sera fait une juste appréciation des circonstances de l'espèce, en confirmant le jugement laissant à la charge de M. et Mme D..., 30% des conséquences dommageables dont ils demandent réparation.
En ce qui concerne les préjudices :
8. L'ouverture du droit à indemnisation est subordonnée au caractère direct et certain des préjudices invoqués avec l'illégalité fautive de l'arrêté du 7 juin 2011 par lequel le maire de la commune de Favrieux a refusé de délivrer un permis de construire modificatif.
Quant aux pertes de loyers :
9. M. et Mme D... demandent une indemnisation correspondant aux loyers qu'ils n'ont pas perçus pour leur bien pour la période du 2 mars 2011 au 31 décembre 2014 soit 45 mois d'un loyer de 900 euros pour un total de 40 500 euros. Toutefois les requérants se bornent à produire le mandat donné à une agence immobilière, le 18 février 2011, en vue de louer " une maison " d'une surface habitable de 62 m² pour un loyer de 900 euros et ne font état d'aucune circonstance particulière, telle qu'un engagement souscrit par un futur locataire de louer le logement en cause issu de la division d'une maison en deux logements, pour établir le caractère direct et certain du préjudice invoqué. Par suite, ils ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal a rejeté l'indemnisation d'un préjudice résultant de la perte de loyers.
Quant aux pertes d'avantages fiscaux :
10. M. et Mme D... demandent une indemnisation correspondant aux avantages fiscaux du dispositif dit Scellier en faveur de l'investissement locatif dont ils n'ont pu bénéficier pour un montant de 7 694 euros par an pendant quatre ans. Cependant, il ne résulte pas de l'instruction, ainsi qu'il a été dit précédemment, que les requérants auraient été en mesure de louer le logement à compter de la décision fautive du 7 juin 2011 et donc de bénéficier de ce dispositif fiscal. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal a retenu que le préjudice résultant de la perte d'avantages fiscaux ne présente pas un caractère certain.
Quant aux frais bancaires :
11. Le jugement retient qu'il y a lieu de retrancher des sommes de 74 402 et 5 126 euros demandées par les requérants correspondant à des frais de rééchelonnement de crédit bancaire et à des frais d'assurance bancaire réglés en pure perte pendant 45 mois, un quart des sommes en cause dès lors que l'échéance fixée par le tribunal administratif au maire de Favrieux pour réexaminer la demande de permis de construire modificatif était dépassée de près d'un an lors du déblocage du prêt en 2015. Par ailleurs le jugement a retenu que le préjudice subi au titre de l'augmentation des remboursements d'emprunt évalué ci-dessus comprend déjà le montant de 40 748 euros des intérêts intercalaires. Il est soutenu en appel d'une part, par les requérants qu'ils ont subi ces préjudices pendant 48 mois, et d'autre part, par la commune que ce préjudice ne présente pas de lien direct avec la faute commise.
12. Si les requérants font valoir qu'ils n'ont pu jouir de leur bien qu'à compter du 25 octobre 2014 et que ce dernier n'a pu être loué qu'au mois de janvier 2015, ils n'apportent aucun élément de nature à établir que le tribunal administratif aurait fait une inexacte appréciation de la période d'indemnisation en constatant que le déblocage intégral du capital avait été réalisé en janvier 2015, soit près d'un an après l'échéance fixée par le tribunal administratif au maire de Favrieux pour réexaminer la demande de permis de construire modificatif. Ainsi alors qu'aucun élément ne permet d'imputer la période à compter de mars 2014 à un agissement fautif de la commune, il résulte de l'instruction notamment des différents tableaux d'amortissement de l'emprunt établis à la date de conclusion du contrat en mars 2011 puis à la date de déblocage du prêt en février 2015, que les frais de rééchelonnement du prêt bancaire et d'assurance bancaire trouvent leur cause dans le refus illégal de permis de construire modificatif pour la période de juin 2011, date de l'arrêté fautif, à février 2014, date de l'échéance fixée par le tribunal administratif au maire de Favrieux pour réexaminer la demande de permis de construire modificatif, soit une période de 32 mois. Par suite, ni les requérants ni la commune de Favrieux ne sont fondés à demander la réformation du jugement sur ces chefs de préjudice.
13. Par ailleurs, les requérants ne contestent pas le jugement en tant qu'il a retenu que le préjudice subi au titre de l'augmentation des remboursements d'emprunt évalué ci-dessus comprend déjà le montant des intérêts intercalaires.
Quant au préjudice moral :
14. Alors que le jugement retient qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice moral subi par les requérants en fixant celui-ci à la somme de 3 000 euros, il est soutenu d'une part, par les requérants que l'illégalité fautive de l'arrêté du 7 juin 2011 a impliqué notamment qu'ils renoncent à d'autres projets, qu'ils ont subi des problèmes de santé importants et une procédure contentieuse éprouvante, l'ensemble devant être indemnisé à hauteur d'une somme de 15 000 euros, et d'autre part, par la commune que ce préjudice a déjà été pris en compte dans le protocole transactionnel pour la somme de 3 000 euros à la suite du jugement du 22 octobre 2013 du Tribunal de grande instance de Versailles et n'est pas justifié.
15. D'une part, les requérants n'apportent aucun élément de nature à établir que le tribunal administratif aurait fait une inexacte appréciation de leur préjudice moral et des troubles qu'ils ont subis dans leurs conditions d'existence en fixant à 3 000 euros l'indemnité qu'il leur a accordée à ce titre avant partage de responsabilité.
16. D'autre part, le tribunal a pris en compte l'indemnisation des requérants par le protocole transactionnel, notamment celle du préjudice moral, en retranchant la somme de 40 000 euros perçue en application du protocole de la somme de 43 712,85 euros correspondant au montant total des préjudices retenus par le jugement dont le préjudice moral après application du partage de responsabilité. M. et Mme D... ne contestant pas le jugement sur ce point, par suite, le moyen tiré de la double indemnisation pour les mêmes préjudices soulevé par la commune ne peut qu'être écarté comme manquant en fait.
17. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme D... ne sont pas fondés à demander la réformation du jugement attaqué et que la commune de Favrieux n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles l'a condamnée à verser la somme de 3 712,85 euros à M. et Mme D... et a mis à sa charge la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Sur l'application en appel de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
18. Dans les circonstances de l'espèce, il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais exposés à l'instance et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme D... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions incidentes de la commune de Favrieux et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
N° 19VE00193 2