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17/12/2020 | FRANCE | N°19VE00179

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 17 décembre 2020, 19VE00179


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL La Maison du Service a demandé au Tribunal administratif de Versailles de condamner la commune d'Evry à lui verser la somme de 3 150 000 euros en réparation des divers préjudices subis du fait des irrégularités ayant entaché l'instruction de sa déclaration préalable de travaux de remise en état de son local.

Par un jugement n° 1607304 du 16 novembre 2018, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le

16 janvier 2019 et un mémoire récapitulatif enregistré le 14 septembre 2020, la SARL La Maison...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL La Maison du Service a demandé au Tribunal administratif de Versailles de condamner la commune d'Evry à lui verser la somme de 3 150 000 euros en réparation des divers préjudices subis du fait des irrégularités ayant entaché l'instruction de sa déclaration préalable de travaux de remise en état de son local.

Par un jugement n° 1607304 du 16 novembre 2018, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 16 janvier 2019 et un mémoire récapitulatif enregistré le 14 septembre 2020, la SARL La Maison du Service représentée par Me E..., avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de condamner la commune d'Evry à lui verser la somme de 3 150 000 euros au titre des préjudices subis du fait des illégalités commises par la commune d'Evry dans l'instruction de son dossier ;

3° de mettre à la charge de la commune d'Evry-Courcouronnes le versement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la commune a irrégulièrement demandé la production de pièces qui n'étaient pas exigées par les dispositions du code de l'urbanisme ;

- l'arrêté d'opposition aux travaux déclarés a été annulé par le tribunal administratif le 20 mars 2015 et cette illégalité est de nature à engager la responsabilité de la commune d'Evry ;

- la commune a irrégulièrement retardé de plusieurs mois l'instruction de la déclaration préalable et a commis ce faisant un détournement de pouvoir ;

- les manoeuvres dilatoires de la commune ont retardé le projet de trois ans ;

- la commune a clairement entendu favoriser le projet de M. D..., propriétaire des locaux, qui a lui-même présenté des demandes d'autorisation d'urbanisme ;

- la remise en état des locaux se chiffre à hauteur de 900 000 euros, la perte d'exploitation est d'un montant de 2 200 000 euros et la société a également subi un préjudice moral.

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de M. Bouzar, rapporteur public,

- les observations de Me A..., substituant Me E... pour la SARL La Maison du service, et de Me F..., substituant Me C... pour la commune d'Evry-Courcouronnes.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL La Maison du service a conclu un bail commercial avec la SCI des Bords de Seine portant sur la location de locaux situés à Evry et précédemment utilisés pour l'exploitation d'une discothèque. La SARL La Maison du service a souscrit le 16 octobre 2008 une première déclaration de travaux en vue de la transformation des locaux en salles de réception. Le maire d'Evry s'est opposé à cette déclaration préalable le 16 février 2009 en se fondant sur le caractère incomplet du dossier. Le 13 mars 2009 elle a déposé une nouveau dossier de demande d'autorisation portant sur des travaux " d'aménagements intérieurs avec création d'une rampe d'accès " et le 19 mars 2009, la SARL La Maison du service a souscrit une nouvelle déclaration préalable en vue d'effectuer des travaux portant sur la " transformation d'une discothèque en salle de réceptions " L'autorisation d'effectuer des travaux d'aménagement intérieur liés à l'accueil du public déclarés le 19 mars 2009 a été délivrée le 11 août 2009 alors que la déclaration préalable du 13 mars 2009 a fait l'objet d'un nouveau rejet le 3 juin 2010 en raison du caractère incomplet du dossier de demande. Le 27 avril 2011, la SARL La Maison du service a déposé une nouvelle demande d'autorisation de travaux portant sur l'aménagement d'une salle de réception. Cette demande a été rejetée le 2 avril 2012 par le maire d'Evry. Cette dernière décision a été annulée par un jugement devenu définitif du Tribunal administratif de Versailles en date du 20 mars 2015. La SARL La Maison du service a demandé à la commune d'Evry de l'indemniser des divers préjudices qu'elle estime avoir subis du fait des refus réitérés et illégaux opposés à ses demandes d'autorisation d'urbanisme et relève appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune d'Evry à l'indemniser de ces préjudices.

Sur les fautes commises par la commune d'Evry dans l'instruction des demandes formées par la SARL La Maison du service :

S'agissant de la déclaration préalable souscrite le 16 octobre 2008 :

2. Aux termes de l'article R. 431-35 du code de l'urbanisme : " (...) La déclaration comporte également l'attestation du ou des déclarants qu'ils remplissent les conditions définies à l'article R. 423-1 pour déposer une déclaration préalable. / Aucune autre information ou pièce ne peut être exigée par l'autorité compétente. ". Aux termes de l'article R. 423-1 du même code : " (...) les déclarations préalables sont adressées par pli recommandé avec demande d'avis de réception ou déposées à la mairie de la commune dans laquelle les travaux sont envisagés : / a) Soit par le ou les propriétaires du ou des terrains, leur mandataire ou par une ou plusieurs personnes attestant être autorisées par eux à exécuter les travaux ; (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions qu'une déclaration préalable de travaux doit seulement comporter l'attestation du pétitionnaire qu'il remplit les conditions définies à l'article R. 423-1 cité ci-dessus. Le pétitionnaire qui fournit l'attestation prévue à cet article, par laquelle il certifie être autorisé par le propriétaire à exécuter les travaux, doit donc être regardé comme ayant qualité pour présenter sa demande, sans que, sous réserve de fraude, la commune ne puisse lui demander de produire une attestation du propriétaire en ce sens, pièce qui ne figure pas sur la liste limitative, dressée à l'article R. 431-35 du code de l'urbanisme, des documents à joindre à la déclaration préalable. Par suite, la commune ne pouvait pas légalement exiger de la SARL La Maison du service par courrier du 6 novembre 2008 la production d'une attestation du propriétaire des locaux indiquant qu'il avait donné son accord aux travaux projetés. La décision d'opposition du 16 février 2009 du maire d'Evry est ainsi intervenue au terme d'une procédure irrégulière qui constitue une faute de nature à engager la responsabilité de la commune.

S'agissant de la demande d'autorisation pour l'aménagement extérieur du 13 mars 2009 :

4. Aux termes de l'article R. 111-19-17 du code de la construction et de l'habitation : " La demande d'autorisation est présentée en quatre exemplaires indiquant l'identité et l'adresse du demandeur, le cas échéant l'identité de l'exploitant ultérieur, les éléments de détermination de l'effectif du public au sens des articles R. 123-18 et R. 123-19, ainsi que la catégorie et le type de l'établissement pour lequel la demande est présentée. / Sont joints à la demande, en trois exemplaires : / a) Un dossier permettant de vérifier la conformité du projet avec les règles d'accessibilité aux personnes handicapées, comprenant les pièces mentionnées aux articles R. 111-19-18 et R. 111-19-19 ; / b) Un dossier permettant de vérifier la conformité du projet avec les règles de sécurité, comprenant les pièces mentionnées à l'article R. 123-22. ".

5. Il résulte de l'instruction que, par un courrier du 6 avril 2009, la commune d'Evry a informé la société pétitionnaire de ce que sa déclaration d'aménagement était incomplète et lui a demandé de " confirmer la destination des locaux situés au-dessus de l'office et des vestiaires. Le préciser dans la notice de sécurité. / Mettre en concordance le plan d'accès à l'entrée principale, qui fait apparaître un niveau de +50 entre état initial et état projeté. / Reporter sur le plan masse projeté les cheminements à emprunter par les personnes à mobilité réduite ainsi que les matériaux projetés entre les places de stationnement et les accès de la salle. / Revoir les sanitaires réservés aux handicapés et ceux du personnel qui sont communicants. ". Les différents éléments demandés par la commune, essentiellement des précisions à apporter aux documents déjà produits, correspondaient à des pièces exigées par les articles D. 111-19-18, R. 111-19-19 et R. 123-22 du code de la construction et de l'habitation pour permettre de vérifier la conformité du projet aux règles d'accessibilité aux personnes handicapées et aux règles de sécurité. La commune d'Evry n'a donc sur ce point commis aucune illégalité susceptible de constituer une faute de nature à engager sa responsabilité.

S'agissant de la déclaration préalable de travaux du 19 mars 2009 :

6. Aux termes de l'article R. 431-36 du code de l'urbanisme : " Le dossier joint à la déclaration comprend : / a) Un plan permettant de connaître la situation du terrain à l'intérieur de la commune ; / b) Un plan de masse coté dans les trois dimensions lorsque le projet a pour effet de créer une construction ou de modifier le volume d'une construction existante ; / c) Une représentation de l'aspect extérieur de la construction faisant apparaître les modifications projetées et si le projet a pour effet de modifier celui-ci ; / (...) / Il est complété, s'il y a lieu, par les documents mentionnés aux a et b de l'article R. 431-10 (...) / Aucune autre information ou pièce ne peut être exigée par l'autorité compétente. ". Aux termes de l'article R. 431-10 du même code : " Le projet architectural comprend également :/ a) Le plan des façades et des toitures ; lorsque le projet a pour effet de modifier les façades ou les toitures d'un bâtiment existant, ce plan fait apparaître l'état initial et l'état futur ; / b) Un plan en coupe précisant l'implantation de la construction par rapport au profil du terrain ; lorsque les travaux ont pour effet de modifier le profil du terrain, ce plan fait apparaître l'état initial et l'état futur ; (...) ".

7. Il résulte de l'instruction que, par un courrier du 16 avril 2009 et 4 juin 2009, la commune d'Evry a demandé à la SARL La Maison du service de compléter son dossier de déclaration préalable déposé le 19 mars 2009 en lui transmettant, entre autres, une " notice relative à la production des déchets issus de l'activité ". En exigeant la production de cette pièce, qui n'appartient pas à la liste exhaustive, prévue à l'article R. 431-36 du code de l'urbanisme, des documents à joindre à la déclaration préalable de travaux, la commune d'Evry a méconnu les dispositions précitées et a ainsi commis une faute de nature à engager sa responsabilité.

S'agissant de la demande d'autorisation pour l'aménagement extérieur du 27 avril 2011 :

8. Il résulte des motifs du jugement en date du 20 mars 2015 du Tribunal administratif de Versailles devenu définitif que le maire d'Evry a illégalement fondé son rejet de la demande d'autorisation de travaux susmentionnée sur la circonstance que la SARL La maison du service n'avait pas produit à l'appui de son dossier une autorisation du propriétaire de procéder aux travaux en cause. Cette illégalité est de nature à engager la responsabilité de la commune d'Evry.

Sur la faute commise par la commune d'Evry en délivrant des autorisations d'urbanisme au propriétaire des locaux loués par la SARL La Maison du service :

9. La circonstance que le propriétaire des locaux ait demandé et obtenu des autorisations d'urbanisme relatives aux locaux loués par la SARL La Maison du Service n'est pas, par elle-même, de nature à établir l'existence d'une faute de la commune d'Evry dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que la commune aurait eu connaissance de manoeuvres frauduleuses du propriétaire ou du locataire. Si la SARL La Maison du service fait état d'un litige avec le propriétaire des locaux loués, un tel litige ne ressortit qu'à la compétence du juge judiciaire.

Sur le lien entre les fautes commises par la commune d'Evry et les préjudices allégués par la SARL La Maison du service :

10. Il ne résulte pas de l'instruction que, si des pièces ont été demandées à tort par la commune d'Evry à la société requérante, les refus ou oppositions de la commune d'Evry aient exclusivement reposé sur des motifs directement liés à ces irrégularités procédurales. La commune fait valoir sans être contredite que l'autorisation de procéder à des travaux d'aménagement délivrée le 11 août 2009 est restée sans suites. Il résulte clairement de l'instruction que le retard pris par la SARL La Maison du service pour engager les travaux nécessaires à la transformation des locaux pris à bail trouvent leur origine dans le conflit survenu entre la SARL et M. D..., nouveau propriétaire des locaux, et non dans le comportement malveillant ou la volonté de la commune de faire obstacle au projet poursuivi par la requérante. Ainsi et en tout état de cause, le lien entre les fautes procédurales imputables à la commune d'Evry et le préjudice lié à la remise en état des locaux et à la perte de chiffre d'affaires, purement éventuelle, ainsi que le préjudice moral que la SARL déclare avoir supporté n'est pas établi.

11. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL La Maison du Service n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de la SARL La Maison du Service la somme de 2 000 euros à verser à la commune d'Evry-Courcouronnes sur le fondement des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SARL La Maison du Service est rejetée.

Article 2 : La SARL La Maison du Service versera à la commune d'Evry-Courcouronnes la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2

N° 19VE00179


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19VE00179
Date de la décision : 17/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BRUMEAUX
Rapporteur ?: Mme Sophie COLRAT
Rapporteur public ?: M. BOUZAR
Avocat(s) : BUCHINGER

Origine de la décision
Date de l'import : 08/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-12-17;19ve00179 ?
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