Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société 1001 Couleurs a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision du 29 février 2016 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis à sa charge la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail pour un montant de 17 600 euros à raison de l'emploi d'un salarié étranger démuni d'un titre autorisant l'exercice d'une activité salariée, ensemble la décision du 10 juin 2016 rejetant son recours gracieux, et de la décharger du paiement de cette somme.
Par un jugement n°s 1605373,1800389 du 13 décembre 2018, le tribunal administratif de Versailles a rejeté ses demandes.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 4 février 2019 et un mémoire enregistré le 5 novembre 2020, la société 1001 Couleurs, représentée par Me A..., avocat, demande à la cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° d'annuler la décision du 29 février 2016 par laquelle le directeur général de l'OFII a mis à sa charge la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail pour un montant de 17 600 euros, ensemble la décision du 10 juin 2016 rejetant son recours gracieux ;
3° d'annuler le titre exécutoire émis le 22 septembre 2016, ensemble la décision implicite de rejet de sa réclamation préalable ;
4° à titre principal, de la décharger du paiement de la contribution spéciale ou, à titre subsidiaire, d'en réduire le montant à 1 000 fois le taux horaire du minimum garanti ;
5° de mettre à la charge de l'OFII une somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La société 1001 Couleurs soutient que :
- le jugement attaqué est entaché d'irrégularité dès lors qu'il s'est fondé, pour rejeter sa demande tendant à la réduction du montant de la contribution spéciale, sur un moyen soulevé d'office sans avoir préalablement informé les parties ;
- la matérialité de la sanction n'est pas établie ;
- elle répond aux conditions fixées au III de l'article R. 8253-2 du code du travail pour que le montant de la contribution spéciale soit calculé sur la base de 1 000 fois le taux horaire du minimum garanti.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- les conclusions de Mme Grossholz, rapporteur public,
- et les observations de Me A... pour la société 1001 Couleurs.
Considérant ce qui suit :
1. A l'occasion d'un contrôle effectué par les services de l'inspection du travail le 21 juillet 2015 sur le chantier de réhabilitation des immeubles d'habitation de la résidence Domaine de Beauregard sise avenue des sources à La Celle Saint-Cloud (Yvelines), il a été constaté que M. C... D..., salarié de la société 1001 Couleurs, qui intervenait sur ce chantier pour des travaux de peinture dans le cadre d'un contrat de sous-traitance avec la société SICRA Île-de-France, était démuni de titre l'autorisant à travailler. Par une lettre du 22 décembre 2015, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a informé la société qu'elle était susceptible d'être redevable de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail et l'a invitée à présenter ses observations dans un délai de quinze jours. Par décision du 29 février 2016, le directeur général de l'OFII, malgré les observations présentées par la société le 29 décembre 2015, a mis à sa charge une somme de 17 600 euros au titre de cette contribution spéciale. La société 1001 Couleurs relève appel du jugement du 13 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de cette décision, ensemble la décision du 10 juin 2016 rejetant son recours gracieux, à l'annulation du titre exécutoire émis le 22 septembre 2016 et à la décharge ou, à titre subsidiaire, à la réduction de la somme de 17 600 euros.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il résulte de l'examen du jugement attaqué que, pour rejeter les conclusions subsidiaires de la société 1001 Couleurs tendant à la réduction du montant de la contribution spéciale mise à sa charge, les premiers juges ont considéré que la société ne satisfaisait pas aux conditions prévues au II de l'article R. 8253-2 du code du travail, ainsi que le faisait valoir l'OFII dans ses mémoires en défense. Il suit de là que, pour rejeter ces prétentions, le tribunal administratif de Versailles n'a pas relevé d'office un moyen sans en informer préalablement les parties conformément aux dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative. La société requérante n'est donc pas fondée à soutenir que le jugement attaqué est entaché d'irrégularité de ce chef.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne les conclusions aux fins d'annulation et de réformation de la décision du 29 février 2016 :
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 8251-1 du code du travail : " Nul ne peut, directement ou par personne interposée, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France. ". Aux termes de l'article L. 8253-1 du même code : " Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte, pour chaque travailleur étranger non autorisé à travailler, une contribution spéciale. Le montant de cette contribution spéciale est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Il est, au plus, égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. Ce montant peut être minoré en cas de non-cumul d'infractions ou en cas de paiement spontané par l'employeur des salaires et indemnités dus au salarié étranger non autorisé à travailler mentionné à l'article R. 8252-6. Il est alors, au plus, égal à 2 000 fois ce même taux. Il peut être majoré en cas de réitération et est alors, au plus, égal à 15 000 fois ce même taux. (...) ".
4. Aux termes de l'article L. 5221-8 du code du travail : " L'employeur s'assure auprès des administrations territorialement compétentes de l'existence du titre autorisant l'étranger à exercer une activité salariée en France, sauf si cet étranger est inscrit sur la liste des demandeurs d'emploi tenue par l'institution mentionnée à l'article L. 5312-1. ". Aux termes de l'article R. 5221-3 du même code : " L'autorisation de travail peut être constituée par l'un des documents suivants : / (...) 11° Le récépissé de première demande ou de demande de renouvellement d'un titre de séjour portant la mention 'autorise son titulaire à travailler' ou l'autorisation provisoire de séjour mentionnée à l'article L. 311-11 du même code ; /(...) ". Aux termes de l'article R. 5221-41 dudit code : " Pour s'assurer de l'existence de l'autorisation de travail d'un étranger qu'il se propose d'embaucher, en application de l'article L. 5221-8, l'employeur adresse au préfet du département du lieu d'embauche (...) une lettre datée, signée et recommandée avec avis de réception ou un courrier électronique, comportant la transmission d'une copie du document produit par l'étranger. A la demande du préfet, il peut être exigé la production par l'étranger du document original. ". Enfin, selon l'article R. 5221-42 : " La demande de l'employeur est adressée au préfet au moins deux jours ouvrables avant la date d'effet de l'embauche. Le préfet notifie sa réponse à l'employeur par courrier, télécopie ou courrier électronique dans un délai de deux jours ouvrables à compter de la réception de la demande. A défaut de réponse dans ce délai, l'obligation de l'employeur de s'assurer de l'existence de l'autorisation de travail est réputée accomplie. "
5. Il appartient au juge administratif, saisi d'un recours contre une décision mettant à la charge d'un employeur la contribution spéciale prévue par les dispositions précitées de l'article L. 8253-1 du code du travail pour avoir méconnu les dispositions de l'article L. 8251-1 du code du travail, de vérifier la matérialité des faits reprochés à l'employeur et leur qualification juridique au regard de ces dispositions. Il lui appartient, également, de décider, après avoir exercé son plein contrôle sur les faits invoqués et la qualification retenue par l'administration, soit de maintenir la sanction prononcée, soit d'en diminuer le montant jusqu'au minimum prévu par les dispositions applicables au litige, soit d'en décharger l'employeur. En outre, un employeur ne saurait être sanctionné sur le fondement de ces dispositions lorsque, tout à la fois, il s'est acquitté des vérifications qui lui incombent, relatives à l'existence du titre autorisant l'étranger à exercer une activité salariée en France, en vertu de l'article L. 5221-8 du code du travail, et n'était pas en mesure de savoir que les documents qui lui étaient présentés revêtaient un caractère frauduleux ou procédaient d'une usurpation d'identité.
6. Il résulte de l'instruction, notamment du procès-verbal de constatation d'infraction dressé le 21 juillet 2015, que M. D... a été embauché à compter du 15 juillet 2015 par la société 1001 Couleurs. S'il est constant que M. D... était titulaire d'un récépissé de demande de carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", il n'est pas valablement contesté que ce document ne portait pas la mention, prévue par les dispositions précitées du 11° de l'article R. 5221-3 du code du travail, que son titulaire était autorisé à travailler en France, alors que, contrairement à ce que la société soutient, conformément aux dispositions de l'article R. 311-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, un récépissé de demande de première délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ne vaut pas systématiquement autorisation de travail. Il est également constant que la société 1001 Couleurs n'a effectué aucune démarche pour s'assurer que M. D... était bien autorisé à travailler en France. Dans ces conditions, la matérialité de l'infraction est établie et la société requérante ne peut utilement se prévaloir de sa bonne foi pour contester le bien-fondé de la contribution spéciale mise à sa charge à raison de l'emploi de M. D....
7. En second lieu, aux termes de l'article R. 8253-2 du code du travail : " I. - Le montant de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 est égal à 5 000 fois le taux horaire, à la date de la constatation de l'infraction, du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. / II. - Ce montant est réduit à 2 000 fois le taux horaire du minimum garanti dans l'un ou l'autre des cas suivants : / 1° Lorsque le procès-verbal d'infraction ne mentionne pas d'autre infraction commise à l'occasion de l'emploi du salarié étranger en cause que la méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 ; / 2° Lorsque l'employeur s'est acquitté des salaires et indemnités mentionnés à l'article L. 8252-2 dans les conditions prévues par les articles R. 8252-6 et R. 8252-7. / III. - Dans l'hypothèse mentionnée au 2° du II, le montant de la contribution spéciale est réduit à 1 000 fois le taux horaire du minimum garanti lorsque le procès-verbal d'infraction ne mentionne l'emploi que d'un seul étranger sans titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France. / (...) ". L'article L. 8252-2 du même code prévoit que : " Le salarié étranger a droit au titre de la période d'emploi illicite : 1° Au paiement du salaire et des accessoires de celui-ci, conformément aux dispositions légales, conventionnelles et aux stipulations contractuelles applicables à son emploi, déduction faite des sommes antérieurement perçues au titre de la période considérée. A défaut de preuve contraire, les sommes dues au salarié correspondent à une relation de travail présumée d'une durée de trois mois. Le salarié peut apporter par tous moyens la preuve du travail effectué ; / 2° En cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à trois mois de salaire, à moins que l'application des règles figurant aux articles L. 1234-5, L. 1234-9, L. 1243-4 et L. 1243-8 ou des stipulations contractuelles correspondantes ne conduise à une solution plus favorable. (...) / Lorsque l'étranger non autorisé à travailler a été employé dans le cadre d'un travail dissimulé, il bénéficie soit des dispositions de l'article L. 8223-1, soit des dispositions du présent chapitre si celles-ci lui sont plus favorables. Enfin, aux termes de l'article L. 8252-4 du même code : " Les sommes dues à l'étranger non autorisé à travailler, dans les cas prévus aux 1° à 3° de l'article L. 8252-2, lui sont versées par l'employeur dans un délai de trente jours à compter de la constatation de l'infraction ".
8. La société 1001 Couleurs demande, à titre subsidiaire, que le montant de la contribution spéciale mise à sa charge soit calculé conformément aux dispositions précitées du III de l'article R. 8253-2 du code du travail et soutient à ce titre qu'elle s'est acquitté de l'ensemble des salaires et indemnités dus à son salarié.
9. Il résulte de l'instruction que M. C... D... a été embauché par la société 1001 Couleurs le 15 juillet 2015 en contrat à durée déterminée pour une durée d'un mois et que ce contrat a été exécuté jusqu'à son terme sans que l'une des parties y mette fin de manière anticipée. Dès lors, ainsi que le soutient la société requérante, il n'y a pas eu de rupture de la relation de travail ouvrant droit, pour le salarié, soit à l'indemnité forfaitaire mentionnée au 2° de l'article L. 8252-2 du code du travail précité, soit à l'indemnité forfaitaire mentionnée à l'article L. 8223-1 du même code. Ainsi, la circonstance que la société 1001 Couleurs n'a pas versé ces indemnités forfaitaires est sans incidence, au cas d'espèce, sur l'application des dispositions du III de l'article R. 8253-2 du même code.
10. Il résulte toutefois de l'instruction que l'intégralité du salaire et des accessoires de celui-ci n'ont pas été versés à M. D... dans un délai de trente jours à compter de la constatation de l'infraction, le dernier versement ayant été effectué au plus tôt selon les mentions du bulletin de paie produit par la société par virement du 31 août 2015. Dans ces conditions, la société 1001 Couleurs n'est pas fondée à soutenir que montant de la contribution spéciale mise à sa charge devait être réduit à 1 000 fois le taux horaire du minimum garanti, en application des dispositions du III de l'article R. 8253-2 du code du travail.
11. Il suit de là que les conclusions aux fins d'annulation et de réformation de la décision du 29 février 2016 présentées par la société 1001 Couleurs doivent être rejetées. Il en va de même, par voie de conséquence, de ses conclusions aux fins de décharge ou de réduction de la contribution spéciale mise à sa charge.
12. Il résulte de tout ce qui précède que la société 1001 Couleurs n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté ses demandes.
Sur les conclusions aux fins d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
13. L'OFII n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions présentées par la société 1001 Couleurs au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent être que rejetées. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société 1001 Couleurs une somme de 1 500 euros à verser à l'OFII au titre des frais qu'il a exposés dans la présente instance et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société 1001 Couleurs est rejetée.
Article 2 : La société 1001 Couleurs versera la somme de 1 500 euros à l'OFII au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par l'OFII au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative est rejeté.
N° 19VE00419 2