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01/12/2020 | FRANCE | N°19VE04320

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 01 décembre 2020, 19VE04320


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Sanofi-Aventis France, représentée par Me C..., avocat, a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'avis de sommes à payer valant titre exécutoire n° 652 (bordereau n° 575) émis le 7 mai 2019 par l'agent comptable de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), pour un montant total de 45 861,02 euros.

Par une ordonnance n° 1907395 du 29 novembre 2019, la présidente de la 8ème chambre du

Tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande comme portée devant un o...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Sanofi-Aventis France, représentée par Me C..., avocat, a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'avis de sommes à payer valant titre exécutoire n° 652 (bordereau n° 575) émis le 7 mai 2019 par l'agent comptable de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), pour un montant total de 45 861,02 euros.

Par une ordonnance n° 1907395 du 29 novembre 2019, la présidente de la 8ème chambre du Tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 30 décembre 2019, un mémoire en réplique enregistré le 30 avril 2020 et des mémoires complémentaires enregistrés les 20 octobre et 13 novembre 2020, la société Sanofi-Aventis France, représentée par Me C..., avocat, demande à la cour :

1° d'annuler cette ordonnance ;

2° à titre principal, de renvoyer l'affaire devant le Tribunal administratif de Montreuil ;

3° à titre subsidiaire, d'évoquer l'affaire et, en conséquence :

- annuler le titre de recette n° 652 (bordereau n° 575) émis le 7 mai 2019 pour un montant total de 45 861,02 euros ;

- en tant que de besoin, condamner l'ONIAM au paiement du titre de recette n° 652 (bordereau n° 575) émis le 7 mai 2019 pour un montant total de 45 861,02 euros ;

- à titre subsidiaire, ordonner une expertise pour déterminer les éléments de fait permettant d'établir le partage de responsabilité entre l'Etat et le laboratoire Sanofi-Aventis France ;

4° la mise à la charge de l'ONIAM d'une somme de 6 000 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- à titre principal : c'est à tort que le Tribunal administratif de Montreuil a considéré que la juridiction administrative n'était pas compétente pour connaître du litige relatif à un titre de recette émis par l'ONIAM dans le cadre du dispositif institué par la loi du 29 décembre 2016 ; en tout état de cause, une telle incompétence de la juridiction administrative ne présentait pas un caractère manifeste autorisant à rejeter sa demande sur le fondement des dispositions du 2° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative ;

- à titre subsidiaire : le titre exécutoire est irrégulier ; l'ONIAM n'est pas en droit d'émettre un titre de recette dans le cadre du dispositif institué par la loi du 29 décembre 2016 ; le titre de recette n'est pas signé ; la responsabilité du Laboratoire Sanofi-Aventis n'est pas engagée ; la responsabilité de l'Etat est engagée au titre du défaut de transposition de la directive n° 85/374/CE ; la responsabilité pour faute de l'Etat est engagée au titre de la police sanitaire ; la responsabilité sans faute de l'Etat est engagée du fait de la rupture d'égalité devant les charges publiques ; il appartient ainsi à l'Etat de prendre en charge l'entière réparation des dommages indemnisés par l'ONIAM.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. G...,

- les conclusions de Mme Grossholz, rapporteur public,

- et les observations de Me C... et de Me H... pour la société Sanofi-Aventis France et de Me F... pour l'ONIAM.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... E..., Mme D... E... et M. B... E... ont saisi l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), dans le cadre des dispositions des articles L. 1142-24-9 et suivants du code de la santé publique, afin d'obtenir la réparation des préjudices imputables à l'exposition de M. A... E... au valproate de sodium (Dépakine) pendant la grossesse de sa mère, Mme D... E.... Le comité d'indemnisation placé auprès de l'Office a, le 29 novembre 2018, rendu son avis définitif aux termes duquel il a retenu la seule responsabilité du laboratoire Sanofi-Aventis France. En l'absence d'offre d'indemnisation aux consorts E... par cette société ou son assureur, l'ONIAM s'est substitué à la société Sanofi-Aventis France et a adressé une offre d'indemnisation à M. A... E..., Mme D... E... et M. B... E..., qui a été acceptée. Le 7 mai 2019, l'ONIAM a émis un titre de recette d'un montant de 45 861,02 euros à l'encontre de la société Sanofi-Aventis France. Cette société relève appel de l'ordonnance du 29 novembre 2019 par laquelle la présidente de la 8ème chambre du Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ce titre exécutoire comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 1142-24-10 du code de la santé publique : " Toute personne s'estimant victime d'un préjudice en raison d'une ou de plusieurs malformations ou de troubles du développement imputables à la prescription, avant le 31 décembre 2015, de valproate de sodium ou de l'un de ses dérivés pendant une grossesse (...) peut saisir l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales en vue d'obtenir la reconnaissance de l'imputabilité de ces dommages à cette prescription. / (...) ". Conformément aux dispositions des articles

L. 1142-24-11 à L. 1142-24-15 du même code, dans leur rédaction alors en vigueur, si le collège d'experts placé auprès de l'ONIAM constate l'imputabilité des dommages mentionnés à l'article L. 1142-24-10 à la prescription de valproate de sodium ou de l'un de ses dérivés pendant une grossesse, il transmet la demande au comité d'indemnisation placé auprès de l'office. Ce dernier se prononce alors sur les circonstances, les causes, la nature et l'étendue de ces dommages ainsi que sur la responsabilité de l'une ou de plusieurs des personnes mentionnées au premier alinéa de l'article L. 1142-5 ou de l'Etat, au titre de ses pouvoirs de sécurité sanitaire. Aux termes du I de l'article L. 1142-24-16 du code de la santé publique : " Les personnes considérées comme responsables par le comité d'indemnisation ou les assureurs qui garantissent la responsabilité civile ou administrative de ces personnes adressent à la victime ou à ses ayants droit, dans un délai d'un mois à compter de la réception de l'avis du comité d'indemnisation, une offre d'indemnisation visant à la réparation intégrale des préjudices subis. (...) ". Aux termes de l'article L. 1142-24-17 du même code : " En cas de silence ou de refus explicite de la part de l'assureur ou des personnes responsables mentionnées à l'article L. 1142-24-16 de faire une offre dans le délai d'un mois ou en cas d'offre manifestement insuffisante, l'office est substitué à l'assureur ou à la personne responsable. / (...) l'office adresse à la victime ou à ses ayants droit une offre d'indemnisation visant à la réparation intégrale des préjudices subis. Dans ce cas, les troisième, quatrième et dernier alinéas de l'article L. 1142-15, les deuxième à quatrième et avant-dernier alinéas de l'article L. 1142-17, l'article L. 1142-19 et le second alinéa de l'article L. 1142-20 s'appliquent à l'offre de l'office. ". Enfin, aux termes du quatrième alinéa de l'article L. 1142-15 dudit code : " L'office est subrogé, à concurrence des sommes versées, dans les droits de la victime contre la personne responsable du dommage ou, le cas échéant, son assureur ou le fonds institué à l'article L. 426-1 du même code. (...) ".

3. D'une part, il résulte des dispositions précitées du code de la santé publique que lorsque l'ONIAM s'est substitué à la personne considérée comme responsable du dommage résultant de l'exposition au valproate de sodium et que la victime a accepté l'offre d'indemnisation qui lui a été faite par l'Office, ce dernier est, conformément aux dispositions de l'article L. 1142-15 de ce code, subrogé, à concurrence des sommes versées, dans les droits de la victime contre la personne responsable du dommage.

4. D'autre part, la juridiction compétente pour connaître du litige afférent à l'action du subrogé est, quel que soit le mode de recouvrement de la créance prétendue, celle qui a compétence pour connaître de l'action principale du subrogeant.

5. En l'espèce, le comité d'indemnisation placé auprès de l'ONIAM a considéré que la société de droit privé Sanofi-Aventis France était responsable du dommage subi directement par M. A... E..., en lien avec l'exposition in utero de ce dernier au valproate de sodium (Depakine), et indirectement par Mme D... E... et M. B... E..., ses parents. Ainsi, les consorts E... étaient titulaires à l'égard de cette société d'une créance de nature privée relevant de la compétence du juge judiciaire. C'est en sa qualité de subrogé dans les droits des consorts E... que l'ONIAM a émis, le 7 mai 2019, un titre exécutoire en vue du recouvrement à l'encontre de la société Sanofi-Aventis France d'une somme de 45 861,02 euros, correspondant au montant total des indemnités versées aux consorts E.... Par suite, l'opposition formée par la société requérante contre ce titre exécutoire relève, ainsi que l'a jugé l'ordonnance attaquée, de la compétence de la juridiction judiciaire, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que la requérante conteste sa responsabilité et qu'elle soutient que le fait générateur du dommage aurait pour origine des décisions prises par l'Etat notamment au titre de ses missions de police sanitaire.

6. En second lieu, aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " (...) les présidents de formation de jugement des tribunaux (...) peuvent, par ordonnance : (...) 2° Rejeter les requêtes ne relevant manifestement pas de la compétence de la juridiction administrative. (...) ".

7. L'opposition à exécution de la société Sanofi-Aventis France ne relevant manifestement pas de la compétence de la juridiction administrative, la présidente de la 8ème chambre du Tribunal administratif de Montreuil a pu, sans entacher son ordonnance d'irrégularité, rejeter la demande de la société Sanofi-Aventis France sur le fondement des dispositions précitées du 2° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la société Sanofi-Aventis France n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, la présidente de la 8ème chambre du Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître.

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. L'ONIAM n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions présentées par la société Sanofi-Aventis France au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Sanofi-Aventis France une somme de 1 500 euros à verser à l'ONIAM au titre des frais qu'il a exposés dans la présente instance et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Sanofi-Aventis France est rejetée.

Article 2 : La société Sanofi-Aventis France versera la somme de 1 500 euros à l'ONIAM au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par l'ONIAM au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative est rejeté.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19VE04320
Date de la décision : 01/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Compétence - Répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction - Compétence déterminée par un critère jurisprudentiel - Responsabilité.

Santé publique.


Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: M. Bruno COUDERT
Rapporteur public ?: Mme GROSSHOLZ
Avocat(s) : SELARL ALTANA

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-12-01;19ve04320 ?
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