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19/11/2020 | FRANCE | N°19VE03480-19VE03514-20VE01694

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 19 novembre 2020, 19VE03480-19VE03514-20VE01694


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme H... F... ont demandé au Tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté en date du 13 février 2018 par lequel le préfet de la région Ile-de-France a rejeté leur recours contre l'avis défavorable émis par l'architecte des bâtiments de France sur leur projet de création d'un ascenseur dans l'immeuble du 2 rue de Maurepas à Versailles ainsi que cet avis de l'architecte des bâtiments de France et l'arrêté en date du 25 octobre 2017 du maire de la commune de Versailles s'opposant à leu

r déclaration préalable de travaux en vue de la construction de cet ascenseur....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme H... F... ont demandé au Tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté en date du 13 février 2018 par lequel le préfet de la région Ile-de-France a rejeté leur recours contre l'avis défavorable émis par l'architecte des bâtiments de France sur leur projet de création d'un ascenseur dans l'immeuble du 2 rue de Maurepas à Versailles ainsi que cet avis de l'architecte des bâtiments de France et l'arrêté en date du 25 octobre 2017 du maire de la commune de Versailles s'opposant à leur déclaration préalable de travaux en vue de la construction de cet ascenseur.

Par un jugement n° 1802694 du 16 septembre 2019, le Tribunal administratif de Versailles a annulé l'arrêté en date du 25 octobre 2017 par lequel le maire de la commune de Versailles s'est opposé à la déclaration préalable de travaux déposée par M. et Mme F... en vue de la création d'un ascenseur 2 rue Maurepas, enjoint à la commune de Versailles de délivrer à M. et Mme F... un certificat de non-opposition à cette déclaration préalable dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement et rejeté le surplus des conclusions.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés le 17 octobre 2019 et le 10 février 2020, sous le n° 19VE03480, la commune de Versailles, représentée par Me A... D..., avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de rejeter la demande de M. et Mme F... ;

3° de mettre à la charge de M. et Mme F... le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La commune de Versailles soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont déclaré la requête recevable dès lors que les époux F... ont contesté devant le tribunal la seule décision du préfet d'Ile-de-France statuant sur le recours hiérarchique exercé à l'encontre de l'avis de l'architecte des bâtiments de France ;

- l'arrêté attaqué comme l'avis de l'architecte des bâtiments de France est fondé sur l'altération de l'immeuble et non sur sa modification, la modification de l'article L. 313-1 du code de l'urbanisme est donc sans effet sur la légalité de ces actes ;

- contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, l'article 3 du plan de sauvegarde et de mise en valeur n'interdit pas les modifications de manière générale et absolue sur les immeubles ou parties d'immeubles remarquables mais les autorise dans des cas très limités ;

- les écritures des époux F... ne comportaient pas de demande d'injonction ;

- l'injonction délivrée excède l'exécution de l'annulation prononcée.

...........................................................................................................................................................

II. Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés le 17 octobre 2019 et le 28 janvier 2020, sous le n° 19VE03514, la commune de Versailles, représentée par Me A... D..., avocat, demande à la Cour :

1° de prononcer le sursis à exécution de ce jugement ;

2° de mettre à la charge de M. et Mme F... le versement de la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'elle soulève des moyens sérieux et que l'exécution du jugement aurait des conséquences difficilement réparables.

...........................................................................................................................................................

Par ordonnance du président de la 2ème chambre du 24 janvier 2010, la clôture d'instruction a été fixée au 10 février 2020, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

III. Par une ordonnance en date du 23 juillet 2020 enregistrée sous le n° 20VE01694, le président de la Cour a ouvert une procédure juridictionnelle en vue de prescrire, si nécessaire, les mesures propres à assurer l'exécution du jugement n° 1802694 rendu par le Tribunal administratif de Versailles le 16 septembre 2019.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- les conclusions de M. Bouzar, rapporteur public,

- et les observations de Me G..., substituant Me A... D... pour le commune de Versailles, et de Me E..., substituant Me B... pour M. et Mme F....

Une note en délibéré présentée pour M. et Mme F... a été enregistrée le 17 novembre 2020.

Considérant ce qui suit :

1. Les deux requêtes et l'ordonnance susvisées présentent à juger des questions semblables et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu des les joindre pour y statuer par le même arrêt.

2. Aux termes de l'article L. 313-1 du code de l'urbanisme : " Le plan de sauvegarde et de mise en valeur peut en outre comporter l'indication des immeubles ou parties intérieures ou extérieures d'immeubles : a) dont la démolition, l'enlèvement ou l'altération sont interdits et dont la modification est soumise à des conditions spéciales ; (...). ". Aux termes de l'article 3 du plan de sauvegarde et de mise en valeur de Versailles : " 3) Immeubles ou parties d'immeubles à conserver dont la démolition, l'enlèvement, la modification ou l'altération sont interdits : La conservation de ces immeubles est impérative ; par suite, tous travaux effectués sur un immeuble ne peuvent avoir pour but que la restitution de l'immeuble dans son état primitif. ". Les dispositions de l'article 3 précitées n'ont pas pour objet d'interdire tous travaux intérieurs ou extérieurs ou toute intervention sur les immeubles en cause mais elles précisent le cadre dans lequel ces travaux doivent être conduits dans un but de conservation du patrimoine et n'ajoutent pas illégalement aux dispositions précitées de l'article L. 313-1 du code de l'urbanisme.

3. Il résulte de ce qui précède que la commune de Versailles est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a jugé que l'article 3 du plan de sauvegarde et de mise en valeur de Versailles était illégal en ce qu'il comportait une interdiction générale et absolue de modifier une construction existante et à demander l'annulation du jugement attaqué.

4. Il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par les époux F... devant le Tribunal administratif de Versailles.

Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 13 février 2018 du préfet de la région Ile-de-France et de l'avis en date du 16 octobre 2017 de l'architecte des bâtiments de France :

5. Aux termes de l'article R. 424-14 du code de l'urbanisme, dans sa version en vigueur à la date de la décision attaquée : " Lorsque le projet est situé dans le périmètre d'un site patrimonial remarquable ou dans les abords des monuments historiques, le demandeur peut, en cas d'opposition à une déclaration préalable ou de refus de permis fondé sur un refus d'accord de l'architecte des Bâtiments de France, saisir le préfet de région, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, d'un recours contre cette décision dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'opposition ou du refus. (...) / Le délai à l'issue duquel le préfet de région est réputé avoir confirmé la décision de l'autorité compétente en cas de recours du demandeur est de deux mois. / Si le préfet de région infirme le refus d'accord de l'architecte des Bâtiments de France, l'autorité compétente en matière d'autorisations d'urbanisme statue à nouveau dans le délai d'un mois suivant la réception de la décision du préfet de région. ".

6. Il résulte de ces dispositions que la délivrance d'un permis de construire est subordonnée, lorsque les travaux envisagés sont situés dans le périmètre d'un site patrimonial remarquable ou dans les abords des monuments historiques, à l'avis conforme de l'architecte des bâtiments de France ou, lorsque celui-ci a été saisi, du préfet de région. Toutefois, si l'avis de celui-ci se substitue alors à celui de l'architecte des bâtiments de France, l'ouverture d'un tel recours administratif, qui est un préalable obligatoire à toute contestation de la position ainsi prise au regard de la protection d'un édifice classé ou inscrit, n'a ni pour objet ni pour effet de permettre l'exercice d'un recours contentieux contre cet avis. La régularité et le bien-fondé de l'avis de l'architecte des bâtiments de France ou, le cas échéant, de la décision du préfet de région ne peuvent en effet être contestés qu'à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre la décision de refus du permis de construire et présenté par une personne ayant un intérêt pour agir. Par suite, la commune de Versailles est fondée à soutenir que les conclusions présentées par M. et Mme F... dirigées contre l'avis de l'architecte des bâtiments de France et la décision du préfet de la région Ile-de-France doivent être rejetées comme irrecevables.

Sur la légalité de l'arrêté en date du 25 octobre 2017 par lequel le maire de Versailles s'est opposé à la déclaration préalable souscrite par M. et Mme F... :

7. Aux termes de l'article L. 152-4 du code de l'urbanisme : " L'autorité compétente pour délivrer le permis de construire peut, par décision motivée, accorder des dérogations à une ou plusieurs règles du plan local d'urbanisme pour permettre : (...) 3° Des travaux nécessaires à l'accessibilité des personnes handicapées à un logement existant. ".

8. Il ne ressort pas des pièces du dossier que les époux F... aient demandé à bénéficier d'une telle dérogation. La notice architecturale jointe à la déclaration préalable mentionnant la situation de handicap de Mme F... rendant nécessaire l'installation d'un ascenseur ne peut en effet être regardée comme une telle demande. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées du code de l'urbanisme doit être écarté.

9. Compte tenu de ce qui a été indiqué au point 2, le moyen tiré de ce que l'interdiction de démolition, d'enlèvement et d'altération, voire de modifications édictée par le plan de sauvegarde et de mise en valeur de Versailles ne s'applique qu'aux seuls travaux affectant l'extérieur de l'immeuble ne peut qu'être écarté.

10. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

11. La décision par laquelle le maire s'oppose à une déclaration préalable de travaux, sur le fondement d'un règlement d'urbanisme de même que les règles fixées par un document d'urbanisme n'ont pas le caractère d'une ingérence d'une autorité publique dans le droit au respect de la vie privée et familiale garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, M. et Mme F... ne sont pas fondés à se prévaloir des stipulations précitées de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

12. Il résulte de ce qui précède que la demande de M. et Mme F... devant le Tribunal administrative de Versailles doit être rejetée.

13. Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions à fin de sursis à exécution du jugement attaqué présentées par la commune de Versailles.

14. Le présent arrêt annulant le jugement attaqué et rejetant la demande de M. et Mme F... devant le tribunal administratif, les conclusions à fin d'exécution du jugement du tribunal administratif en date du 16 septembre 2019 doivent être rejetées.

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Versailles, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. et Mme F... demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. et Mme F... la somme de 2 000 euros à verser à la commune de Versailles sur le fondement des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1802694 du Tribunal administratif de Versailles en date du 16 septembre 2019 est annulé.

Article 2 : La demande de M. et Mme F... devant le Tribunal administratif de Versailles ainsi que leurs conclusions à fin d'exécution du jugement du tribunal administratif en date du 16 septembre 2019 sont rejetées.

Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin de sursis à exécution du jugement du Tribunal administratif de Versailles en date du 16 septembre 2019.

Article 4 : Les conclusions de la commune de Versailles en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Les conclusions de M. et Mme F... présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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N° 19VE03480...


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19VE03480-19VE03514-20VE01694
Date de la décision : 19/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Procédure - Pouvoirs et devoirs du juge - Questions générales - Moyens - Exception d'illégalité.

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire - Légalité interne du permis de construire - Légalité au regard de la réglementation locale - Plans de sauvegarde et de mise en valeur.

Urbanisme et aménagement du territoire - Autorisations d`utilisation des sols diverses - Autorisations de travaux sur des immeubles anciens.


Composition du Tribunal
Président : M. BRUMEAUX
Rapporteur ?: Mme Sophie COLRAT
Rapporteur public ?: M. BOUZAR
Avocat(s) : CABINET ALMA AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-11-19;19ve03480.19ve03514.20ve01694 ?
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