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19/11/2020 | FRANCE | N°19VE02474

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 19 novembre 2020, 19VE02474


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le préfet du Val-d'Oise a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la charte d'amitié signée le 22 octobre 2018 par les maires des communes d'Arnouville et de Chekher (Haut-Karabagh).

Par un jugement n° 1902445 du 29 mai 2019, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé cette charte.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 8 juillet 2019, la commune d'Arnouville, représentée par Me A..., avocat, demande à la Cour :

1° d'annul

er ce jugement ;

2° de rejeter ce déféré préfectoral ;

3° de mettre à la charge de l'Etat le vers...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le préfet du Val-d'Oise a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la charte d'amitié signée le 22 octobre 2018 par les maires des communes d'Arnouville et de Chekher (Haut-Karabagh).

Par un jugement n° 1902445 du 29 mai 2019, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé cette charte.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 8 juillet 2019, la commune d'Arnouville, représentée par Me A..., avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de rejeter ce déféré préfectoral ;

3° de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La commune d'Arnouville soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé ;

- il a omis de répondre au moyen tiré de ce que la charte en litige n'est pas un acte pris par le maire au nom de la commune mais une prise de position dans le cadre de la libre expression d'un élu ;

- la charte d'amitié en litige n'appartient pas à la catégorie des décisions qui mettent en oeuvre les prérogatives de puissance publique de l'administration et le présent litige ne relève pas de la compétence du juge administratif ;

- la charte d'amitié ne constitue pas un acte faisant grief et n'entre dans aucune catégorie d'actes qui doivent être transmis au préfet dans le carde du contrôle de légalité et qui peuvent être déférés par le préfet devant la juridiction administrative ;

- en tout état de cause, la charte en litige ne méconnaît pas l'article 52 de la Constitution et son annulation porte une atteinte disproportionnée à la liberté d'expression des élus.

...........................................................................................................................................................

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- la Constitution, notamment son article 72 ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de M. Bouzar, rapporteur public,

- et les observations de Me C..., substituant Me A... pour la commune d'Arnouville.

Considérant ce qui suit :

Sur la régularité du jugement attaqué :

1. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. ". Il ressort des termes du jugement attaqué que le tribunal a cité les textes dont il a fait application et précisé les motifs de fait et de droit retenus pour annuler la charte d'amitié signée entre la commune d'Arnouville et la commune de Chekher le 22 octobre 2018. Les premiers juges ont ainsi motivé leur jugement de manière à permettre aux parties d'en critiquer le bien-fondé. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation du jugement attaqué doit être écarté.

2. Le tribunal administratif, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments présentés par la commune d'Arnouville, a répondu au point 5 de son jugement à la fin de non-recevoir tirée de ce que la charte d'amitié en litige ne constituait pas un acte faisant grief susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir mais une simple prise de position dans le cadre de l'expression libre d'un élu. Par suite, le moyen tiré de l'omission à statuer sur ce point doit être écarté.

Sur l'exception d'incompétence du juge administratif et sur l'exception d'irrecevabilité soulevées par la commune d'Arnouville :

3. En vertu de l'article 72 de la Constitution, les collectivités territoriales " s'administrent librement par des conseils élus ", chacune d'elles le fait " dans les conditions prévues par la loi ". " Le représentant de l'Etat, représentant de chacun des membres du Gouvernement, a la charge des intérêts nationaux, du contrôle administratif et du respect des lois ".

4. Il ressort des termes de la charte d'amitié conclue le 22 octobre 2018 que les deux communes d'Arnouville et de Chekher entendent mettre en oeuvre " une nouvelle coopération qui doit favoriser les échanges et les retours d'expérience dans le domaine de la gouvernance, de l'économie, de l'éducation, de la culture et du patrimoine, du sport et de la gastronomie. ". La charte ainsi conclue, qui a pour effet d'engager la commune, et ne saurait être assimilée à une prise de position individuelle du maire dans le cadre de sa libre expression, est susceptible d'être déférée devant le juge administratif quand bien même elle ne fait pas partie des actes dont la transmission au préfet est obligatoire au titre du contrôle de légalité. Par suite, la commune d'Arnouville ne peut valablement soutenir que le tribunal administratif était incompétent pour connaître de ce litige ni prétendre que la charte en cause ne constituant pas un acte faisant grief, la demande du préfet du Val-d'Oise était irrecevable.

Sur le fond du litige :

5. Aux termes des dispositions de l'article L. 2121-29 du code général des collectivités territoriales : " Le conseil municipal règle par ses délibérations les affaires de la commune ". Les attributions exercées par le maire au nom de la commune sont définies par les articles L. 2122-21 et suivants du même code.

6. La charte d'amitié litigieuse, qui doit être regardée comme une action de coopération internationale, n'entre pas dans la catégorie des attributions exercées par le maire au nom de la commune énumérées à l'article L. 2122-21 du code général des collectivités territoriales et devait, par suite, faire l'objet d'une délibération du conseil municipal, comme l'a relevé à bon droit le tribunal administratif. L'absence d'une telle délibération est de nature à justifier l'annulation de la charte d'amitié signée entre les communes d'Arnouville et de Chekher.

7. Il résulte, en outre, des dispositions de l'article L. 1115-1 du code général des collectivités territoriales que les actions de coopération internationale des collectivités territoriales doivent être mises en oeuvre dans le respect des engagements internationaux de la France. Il n'est pas contesté qu'à la date de signature de la convention litigieuse, la France n'avait par reconnu l'Etat du Haut-Karabagh auquel se rattache la commune de Chekher. En signant la charte litigieuse, alors que la reconnaissance d'un Etat ne peut intervenir que par la signature d'un acte bilatéral par le Président de la République, le maire de la commune d'Arnouville a méconnu ces dispositions de l'article L. 1115-1 du code général des collectivités territoriales.

8. Enfin, dès lors que la charte litigieuse ne constitue pas, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, une libre expression d'un élu mais un acte qui engage la commune dans une action de coopération internationale, le moyen tiré de l'atteinte portée par le tribunal à la liberté d'expression des élus est inopérant.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la commune d'Arnouville n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé la charte signée avec la commune de Chekher le 22 octobre 2018. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la commune d'Arnouville est rejetée.

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N° 19VE02474


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

135-02-01-02-01-02-03 Collectivités territoriales. Commune. Organisation de la commune. Organes de la commune. Conseil municipal. Attributions. Décisions ne relevant pas de la compétence du conseil municipal.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. BRUMEAUX
Rapporteur ?: Mme Sophie COLRAT
Rapporteur public ?: M. BOUZAR
Avocat(s) : SELARL CABINET PHILIPPE PETIT et ASSOCIES

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2ème chambre
Date de la décision : 19/11/2020
Date de l'import : 28/11/2020

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 19VE02474
Numéro NOR : CETATEXT000042542658 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-11-19;19ve02474 ?
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