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19/11/2020 | FRANCE | N°18VE04335

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 7ème chambre, 19 novembre 2020, 18VE04335


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Groupe Windsor a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2011.

Par un jugement n° 1710357 du 8 novembre 2018, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et deux mémoires enregistrés le 28 décembre 2018, le 5 octobre 2019 et le 4 juillet 2020, la société G

roupe Windsor, représenté par Me Cossin, avocat, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du t...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Groupe Windsor a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2011.

Par un jugement n° 1710357 du 8 novembre 2018, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et deux mémoires enregistrés le 28 décembre 2018, le 5 octobre 2019 et le 4 juillet 2020, la société Groupe Windsor, représenté par Me Cossin, avocat, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montreuil ;

2°) de prononcer la décharge des impositions supplémentaires litigieuses ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat les entiers dépens de l'instance ainsi que la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué a omis de répondre aux moyens tirés de ce que l'administration aurait écarté une disposition statutaire, de ce que l'administration se serait immiscée dans la gestion de l'entreprise, de ce que l'avantage devait être qualifié de rémunération complémentaire ou de plus-values de valeurs mobilières, ainsi qu'au moyen tiré de la méconnaissance de l'article 12 du code général des impôts ;

- la procédure d'imposition est irrégulière dès lors que l'administration a écarté les dispositions statutaires sans user de la procédure prévue par l'article L. 64 du livre des procédures fiscales ;

- l'acte anormal de gestion n'est pas constitué en l'absence d'appauvrissement et d'intention libérale de la société Groupe Windsor ;

- les revenus occultes ne peuvent être qualifiés en l'absence d'intention de sa part de recevoir une libéralité ;

- le jugement attaqué a considéré à tort que l'article 12 du code général des impôts n'avait pas été méconnu au motif qu'elle avait l'entière disponibilité des titres le 23 juin 2011 ;

- l'avantage devait être qualifié, non de revenus occultes, mais de rémunération complémentaire ou de plus-values de valeurs mobilières.

.................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A..., première conseillère,

- et les conclusions de M. Illouz, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société Groupe Windsor détient 86 % des parts de la société Windsor promotion qui est une sous holding animatrice ayant pour objet " la promotion immobilière, toutes activités de construction, transactions immobilières, opérations de marchand de biens, locations et commercialisation d'équipements immobiliers ". Cette société a cédé, au cours de l'exercice 2011, des titres de la société Windsor promotion à quatre de ses salariés pour des valeurs unitaires de 130 euros ou 165 euros. A la suite d'une vérification de comptabilité de cette dernière société portant sur l'exercice clos en 2011, l'administration fiscale a déterminé la valeur réelle du titre à 409 euros et a estimé que la société avait commis un acte anormal de gestion en cédant ces titres à concurrence du montant de l'insuffisance de prix constatée. Sur le fondement de cette rectification, elle a adressé à la société Groupe Windsor un rappel de cotisations à l'impôt sur les sociétés au titre de l'année 2011, dont elle a toutefois diminué le montant à la suite de l'avis émis par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires le 22 septembre 2016 fixant à 258 euros la valeur vénale du titre de la société Windsor promotion. Ce rappel a été mis en recouvrement le 30 novembre 2016 pour un montant total de 288 548 euros en droits et pénalités. La réclamation formée par la société Groupe Windsor le 18 janvier 2017 a été rejetée par décision du 18 juillet 2017. Par un jugement n° 1710357 du 8 novembre 2018, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté la demande de la société Groupe Windsor tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2011. La société Groupe Windsor fait appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, le jugement attaqué a, par son point n° 3, répondu au moyen tiré de la méconnaissance de l'article 64 du livre des procédures fiscales.

3. En second lieu, en relevant, d'une part, que les statuts de la société Groupe Windsor ne prévoient aucune règle de détermination de la valeur vénale des actions de la société à la date de leur cession et que, d'autre part, l'administration pouvait légalement se fonder sur la combinaison de plusieurs méthodes pour apprécier cette valeur vénale en l'absence de transaction portant sur des sociétés similaires à la société Windsor Promotion, le jugement attaqué a suffisamment répondu au moyen selon lequel la méthode de calcul retenue, qui conduit à écarter les statuts de la société, constituerait une immixtion dans la gestion de l'entreprise.

4. Enfin, les moyens tirés de la violation de l'article 12 du code général des impôts prévoyant que " l'impôt est dû chaque année à raison des bénéfices ou revenus que le contribuable réalise ou dont il dispose au cours de la même année " et de ce que le prix avantageux accordé aux salariés ne pouvait être qualifié d'avantage occulte sont inopérants à l'encontre des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés mises à la charge de la société requérante. Par suite, le tribunal administratif n'avait pas à y répondre.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

5. Pour estimer que l'insuffisance des prix de cession des titres devait être réintégrée dans le résultat imposable de la société, l'administration n'a, à aucun moment de la procédure, soutenu, même implicitement, que les actes de cession en cause auraient été fictifs ou inspirés par le seul motif d'éluder ou d'atténuer la charge fiscale, mais s'est bornée à constater qu'en cédant à quatre de ses salariés des titres de la société Windsor promotion à un prix inférieur à leur valeur réelle, sans contrepartie, la société Groupe Windsor avait commis un acte anormal de gestion à concurrence du montant de l'insuffisance de prix constatée. Dès lors, la société ne peut utilement soutenir qu'elle aurait été imposée en méconnaissance des dispositions énoncées par l'article L. 64 du livre des procédures fiscales portant sur les abus de droit.

Sur le bien-fondé des impositions :

6. En vertu des dispositions combinées des articles 38 et 209 du code général des impôts, le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion normale. Constitue un acte anormal de gestion l'acte par lequel une entreprise décide de s'appauvrir à des fins étrangères à son intérêt. S'agissant de la cession d'un élément d'actif immobilisé, lorsque l'administration, qui n'a pas à se prononcer sur l'opportunité des choix de gestion opérés par une entreprise, soutient que la cession a été réalisée à un prix significativement inférieur à la valeur vénale qu'elle a retenue et que le contribuable n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause cette évaluation, elle doit être regardée comme apportant la preuve du caractère anormal de l'acte de cession si le contribuable ne justifie pas que l'appauvrissement qui en est résulté a été décidé dans l'intérêt de l'entreprise, soit que celle-ci se soit trouvée dans la nécessité de procéder à la cession à un tel prix, soit qu'elle en ait tiré une contrepartie. S'agissant de la valeur vénale d'actions non cotées en bourse sur un marché réglementé, elle doit être appréciée compte tenu de tous les éléments dont l'ensemble permet d'obtenir un chiffre aussi voisin que possible de celui qu'aurait entraîné le jeu normal de l'offre et de la demande à la date où la cession est intervenue. L'évaluation des titres d'une telle société doit être effectuée, par priorité, par référence au prix d'autres transactions intervenues dans des conditions équivalentes et portant sur les titres de la même société ou, à défaut, de sociétés similaires. En l'absence de telles transactions, l'administration peut légalement se fonder sur la combinaison de plusieurs méthodes alternatives.

7. D'une part, si la proposition de rectification du 12 décembre 2014 mentionne l'acquisition de titres de la société Windsor Promotion à un autre salarié durant la même période, il ne résulte pas de l'instruction que cet achat, au prix de 235 euros, se serait fait dans des conditions équivalentes à celles de la cession litigieuse des titres.

8. D'autre part, la société Windsor promotion est détentrice majoritaire des titres de sociétés civiles immobilières qui sont chacune porteuses d'un programme immobilier et n'ont pas vocation à survivre à l'opération pour laquelle elles ont été créées. Cette société détient également 99,8 % des titres de la société Windsor vente qui assure la commercialisation de biens immobiliers. Pour déterminer la valeur vénale de ses titres, l'administration a, conformément à l'avis de la commission départementale des impôts, procédé à l'évaluation de l'actif net non réévalué de chacune des sociétés civiles immobilières dont la société Windsor Promotion est actionnaire, et évalué l'actif de la société Windsor vente selon une méthode combinant la valeur mathématique réévaluée et la valeur de productivité pour tenir compte de la taille de la société, de son activité à prépondérance commerciale et du pouvoir de décision détenu uniquement par la société Windsor promotion dont la politique de distribution dépend de sa volonté. Pour tenir compte de la prépondérance de la société Groupe Windsor, détentrice de 86 % du capital de cette société, elle a appliqué une surcote correspondant à une prime de contrôle de 20 %. Elle a également tenu compte du caractère très minoritaire des cessions en litige, portant sur 5 % du capital, de la nature familiale de l'actionnariat et de l'absence de liquidité et appliqué en conséquence une décote de 30 %. Au regard de ces éléments, qui tiennent compte des spécificités de la société et permettent d'établir la valeur vénale des titres de la société Groupe Windsor à la date des cessions en litige à 258 euros, l'administration apporte la preuve qui lui incombe que le prix de cession, de 130 euros, était significativement inférieur à cette valeur vénale.

9. Si la société Groupe Windsor soutient que la minoration du prix des titres avait pour objectif de fidéliser les salariés de la société, elle se borne à énoncer des considérations générales sans référence précise aux fonctions des salariés concernés ou à la politique de l'entreprise en direction du personnel d'encadrement et n'établit pas en quoi le prix avantageux accordé pouvait inciter lesdits salariés à rester dans l'entreprise pendant plusieurs années. Ainsi, il n'est pas démontré que l'appauvrissement litigieux a été décidé dans l'intérêt de l'entreprise.

10. Il résulte de ce qui précède que l'avantage consenti doit être regardé comme ayant le caractère d'un acte anormal de gestion.

11. Il résulte de tout ce qui précède que la société Groupe Windsor n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. La société Groupe Windsor ne justifiant pas avoir, au cours de l'instance, exposé de dépens, au sens et pour l'application de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, les conclusions qu'elle présente à ce titre doivent également être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société Groupe Windsor est rejetée.

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N° 18VE04335


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