Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) a demandé au Tribunal administratif de Versailles :
1° de condamner le centre hospitalier de Poissy-Saint-Germain-en Laye à lui verser la somme de 62 697,85 euros, augmentée de la pénalité de retard de 15% et assortie des intérêts légaux capitalisés ;
2° de condamner le conseil général des Yvelines à lui verser la somme de 62 697,85 euros, augmentée de la pénalité de retard de 15% et assortie des intérêts légaux capitalisés ;
3° de condamner le centre hospitalier de Cornouaille à lui verser la somme de 501 582,76 euros augmentée de la pénalité de 15% et des intérêts légaux capitalisés ;
4° de condamner solidairement le centre hospitalier de Poissy-Saint-Germain-en-Laye, le conseil général des Yvelines et le centre hospitalier de Cornouaille à lui rembourser la somme de 1950 euros au titre des frais d'expertise, assortie des intérêts légaux capitalisés.
Par un jugement n° 1401717 du 21 juin 2016, le Tribunal administratif de Versailles :
1° a condamné le centre hospitalier de Cornouaille à verser à l'ONIAM la somme de 501 582,76 euros, assortie des intérêts légaux à compter du 12 mars 2013 ;
2° a condamné le centre hospitalier de Cornouaille à verser à l'ONIAM la somme de 75 237,41 euros au titre de la pénalité de 15% prévue par l'article L.1142-15 du code de la sécurité sociale ;
3° a condamné le centre hospitalier de Cornouaille à verser la somme de 1950 euros à l'ONIAM au titre des frais d'expertise.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés le 6 septembre 2016 et le 14 octobre 2020, l'ONIAM, représenté par Mes Saumon et Roquelle Meyer, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement du 21 juin 2016 en tant qu'il a limité la condamnation du centre hospitalier de Cornouaille à lui verser les sommes de 501 582,76 euros et 75 237,41 euros au titre de la pénalité de 15% ;
2° de porter ces sommes respectivement à 785 796,21 euros et 117 869,43 euros, assorties des intérêts à compter du 4 février 2014, eux-mêmes capitalisés à compter du 1er janvier 2015 ;
3° de condamner le centre hospitalier de Cornouaille à lui rembourser la somme de 1950 euros au titre des frais d'expertise, assortie des intérêts au taux légal à compter du 4 février 2014, eux-mêmes capitalisés à compter du 1er janvier 2015 ;
4° à titre subsidiaire, d'annuler le jugement en ce qu'il n'a pas retenu la responsabilité du centre hospitalier de Poissy-Saint-Germain-en-Laye et du département des Yvelines, et de les condamner solidairement avec le centre hospitalier de Cornouaille à lui rembourser la somme de 785 796,21 euros, lui verser la pénalité de 117 869,43 euros, et les frais d'expertise de 1950 euros, le tout assorti des intérêts légaux à compter du 4 février 2014 et de leur capitalisation à compter du 1er janvier 2015 ;
5° à titre infiniment subsidiaire, de condamner le centre hospitalier de Cornouaille à lui rembourser les indemnités accordées au titre des trois protocoles régularisés le 24 novembre 2017, soit 158 817,75 euros, ainsi que la somme de 23 822,66 euros au titre de la pénalité civile de 15%, sommes assorties des intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à venir et capitalisation de intérêts ;
6° de mettre à la charge du centre hospitalier de Cornouaille, ou à titre subsidiaire, à la charge solidaire des centres hospitaliers de Cornouaille et de Saint-Germain-en Laye et du département des Yvelines, la somme de 10 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il exerce l'action subrogatoire prévue par l'article L.1142-15 du code de la santé publique ; il dispose donc du libre choix, comme la victime, d'agir contre un seul responsable ou contre tous ;
- le centre hospitalier de Poissy et le département des Yvelines sont fautifs pour n'avoir pas mis en place une surveillance renforcée de la grossesse de Mme C... dès la 28ème semaine d'aménorrhée ;
- les médecins n'ont pas respecté l'obligation déontologique liée à la continuité des soins ;
- des incohérences ont été relevées lors des échographies de contrôle par le Dr Guyot ;
- la grossesse aurait dû être considérée comme à haut risque ;
- Mme C... n'a pas été correctement informée des risques ;
- la surveillance de grossesse par le Dr Akriche était inadaptée, il a manqué à son obligation d'information et de surveillance.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme E...,
- les conclusions de Mme Grossholz, rapporteur public,
- et les observations de Me D..., représentant le centre hospitalier de Poissy-Saint-Germain-en-Laye, et de Me F..., substituant Me B..., représentant le conseil départemental des Yvelines.
Considérant ce qui suit :
1. Au cours de l'année 2002, la grossesse de Mme C... a été suivie par le centre hospitalier de Poissy-Saint-Germain-en-Laye, le centre de la protection maternelle et infantile dépendant du conseil départemental des Yvelines, puis à partir de la 32ème semaine d'aménorrhée, par le centre hospitalier de Cornouaille en Bretagne. Mme C... a donné naissance le 12 juillet 2002 au jeune A... C... qui souffre de quadriparésie spastique et d'un retard intellectuel important. La commission régionale de conciliation et d'indemnisation (CRCI) de Bretagne, saisie par les époux C..., a estimé qu'en raison des fautes commises lors du suivi de la grossesse, la responsabilité de ces organismes était engagée pour avoir fait perdre une chance à l'enfant de naître sans handicap. Devant le refus des établissements hospitaliers et du conseil général des Yvelines de proposer une indemnisation aux époux C..., ces derniers ont saisi l'ONIAM d'une demande de substitution en application de l'article L.1142-15 du code de la santé publique. Après avoir conclu 21 protocoles d'indemnisation, l'ONIAM a demandé au tribunal administratif de Versailles la condamnation du centre hospitalier de Poissy-Saint-Germain-en-Laye, du département des Yvelines et du centre hospitalier de Cornouaille à lui rembourser respectivement les sommes des 62 697,85 euros, de 62 697,85 euros et de 501 582,76 euros, les pénalités de 15% sur chacune de ces sommes prévues par le même article du code de la santé publique, et les frais d'expertise de 1950 euros. Le tribunal administratif, par un jugement dont l'ONIAM relève appel, a condamné uniquement le centre hospitalier de Cornouaille à lui rembourser la somme de 501 582,76 euros, assortie des intérêts légaux, à lui verser l'indemnité de 15% d'un montant de 75 237,41 euros, et à lui rembourser les frais d'expertise pour 1 950 euros. L'ONIAM demande en appel à ce que le centre hospitalier de Cornouaille soit condamné à lui rembourser l'intégralité des sommes qu'il a versées aux époux C..., et à titre subsidiaire, à ce que la responsabilité du centre hospitalier de Poissy-Saint-Germain-en-Laye et du département des Yvelines soit retenue.
Sur les conclusions de l'ONIAM tendant à la condamnation du centre hospitalier de Cornouaille à lui rembourser la totalité des sommes versées avant le jugement :
Sur la fin de non-recevoir opposée par le centre hospitalier de Cornouaille:
2. Ainsi que le fait valoir le centre hospitalier de Cornouaille, les conclusions de l'ONIAM tendant à sa condamnation à lui rembourser la totalité du montant des indemnités versées aux époux C..., et des pénalités, n'ont pas été présentées devant le tribunal administratif, l'ONIAM s'étant limité à ne demander que la condamnation du centre hospitalier à lui verser 80% du montant de ces indemnités, sans demande de condamnation solidaire, à l'exception des frais d'expertise. Dans ces conditions, de telles conclusions, présentées pour la première fois en appel, sont nouvelles et, par suite, irrecevables.
Sur les conclusions de l'ONIAM tendant à la condamnation du centre hospitalier de Cornouaille à lui rembourser les sommes versées postérieurement au jugement du fait des protocoles d'indemnisation du 24 novembre 2017:
Sur la fin de non-recevoir opposée par le centre hospitalier de Cornouaille:
3. Les protocoles d'indemnisation transactionnelle signés le 24 novembre 2017 se rapportent au préjudice subi par l'enfant A... C... du fait des manquements commis dans la surveillance de la grossesse. Ces chefs de préjudice se rapportent ainsi au même fait générateur et n'ont été indemnisés ou se sont étendus que postérieurement au jugement. Les conclusions de l'ONIAM tendant au remboursement des indemnités versées du fait de ces protocoles ne constituent ainsi pas une demande nouvelle en appel et sont par suite recevables.
Sur les préjudices :
4. En vertu des dispositions combinées des articles L. 1142-1, L. 1142-14 et L. 1142-15 du code de la santé publique, il incombe au juge, saisi d'une action de l'ONIAM subrogé, à l'issue d'une transaction, dans les droits d'une victime à concurrence des sommes qu'il lui a versées, de déterminer si la responsabilité du professionnel ou de l'établissement de santé est engagée et, dans l'affirmative, d'évaluer les préjudices subis afin de fixer le montant des indemnités dues à l'Office. Pour procéder à cette évaluation, le juge n'est pas lié par le contenu de la transaction intervenue entre l'ONIAM et la victime.
5. L'ONIAM produit trois protocoles d'indemnisation transactionnelle provisionnelle en date du 24 novembre 2017, augmentant les indemnités versées à M. et Mme C..., parents de l'enfant aux parents de l'enfant A.... Seul un protocole concerne le centre hospitalier de Cornouaille en application de l'article L.1142-15 du code de la santé publique pour un montant de 127 054,20 euros. Compte tenu des déductions des préjudices déjà indemnisés et des justificatifs produits, il y a lieu de confirmer le montant des évaluations des différents préjudices indemnisés par ce protocole, et de mettre à la charge du centre hospitalier de Cornouaille 60% du montant de cette somme soit la somme de 76 232,52 euros.
Sur la pénalité prévue par l'article L.1142-15 du code de la santé publique :
6. Aux termes de du cinquième alinéa de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique : " En cas de silence ou de refus explicite de la part de l'assureur de faire une offre, ou lorsque le responsable des dommages n'est pas assuré, le juge, saisi dans le cadre de la subrogation, condamne, le cas échéant, l'assureur ou le responsable à verser à l'office une somme au plus égale à 15% de l'indemnité qu'il alloue ".
7. Il résulte de l'instruction que le centre hospitalier de Cornouaille a refusé d'indemniser la victime alors que rapport d'expertise du 16 juillet 2007 retenait une faute du CH Cornouaille. Dans ces conditions, il y a lieu de porter à 5% le taux de la pénalité prévue à l'article L.1142-15 du code de la santé publique, soit, concernant l'indemnité de 76 232,52 euros, un montant de pénalité de 3 811,63 euros.
Sur les conclusions de l'ONIAM présentées à titre subsidiaire à l'encontre du centre hospitalier de Poissy-Saint-Germain-en-Laye et du département des Yvelines :
8. L'ONIAM demande à ce que la faute de ces deux organismes dans le suivi de la grossesse de Mme C... soit retenue.
9. Concernant le centre hospitalier de Poissy-Saint-Germain-en-Laye, le Dr Guyot a réalisé la dernière échographie avant le départ en Bretagne de Mme C..., à 28 semaines d'aménorrhée et lui a recommandé d'en pratiquer une à 32 semaines d'aménorrhée. Si l'expert et la CRCI ont estimé qu'il aurait dû prescrire une échographie à 30 semaines d'aménorrhée dès lors qu'une anomalie de la croissance abdominale du foetus avait été constatée, et qu'il aurait dû considérer la grossesse de Mme C... comme à haut risque du fait d'une hauteur utérine insuffisante, l'expert admet toutefois qu'une échographie réalisée à 30 semaines n'aurait pas permis de déceler le défaut d'oxygénation foetale dont résulte la quadriplégie spastique de l'enfant, et que les anomalies neurologiques ne sont apparues qu'à partir de la 32ème semaine. Par ailleurs, Mme C..., qui a été alertée par le Dr Guyot de l'anomalie de la croissance abdominale du foetus, est partie avec son entier dossier médical et a demandé à réaliser en Bretagne dès son arrivée, une échographie à 32 semaines ainsi que le Dr Guyot le lui avait conseillé. Aucune faute dans le défaut d'information, la continuité des soins ou la surveillance de la grossesse ne peut par suite être retenue.
10. Concernant le centre de la protection maternelle et infantile dépendant du conseil départemental des Yvelines, le Dr Akriche a examiné Mme C... à 30 semaines d'aménorrhée sans pratiquer d'échographie. L'ONIAM soutient que la hauteur utérine très anormale à 30 semaines permettant de suspecter un retard de croissance, aurait dû le conduire à pratiquer une échographie au lieu de suivre l'avis du Dr Guyot pour fixer une prochaine échographie à 32 semaines. Toutefois, ainsi qu'il a été dit au point précédent, aucun retard de croissance ou problème d'oxygénation ne pouvait être alors décelé. Dans ces conditions, aucune faute, ni lien de causalité d'ailleurs, ne peut être retenu à l'encontre du service du département des Yvelines.
Sur les intérêts :
11. Aux termes de l'article 1231-7 du code civil : " En toute matière, la condamnation à une indemnité emporte intérêts au taux légal même en l'absence de demande ou de disposition spéciale du jugement. Sauf disposition contraire de la loi, ces intérêts courent à compter du prononcé du jugement à moins que le juge n'en décide autrement (...) ".
12. Les sommes mises à la charge du centre hospitalier de Cornouaille par le présent arrêt porteront intérêt au taux légal à compter de la date de lecture du présent arrêt. La capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond. Si, à la date où elle est demandée, les intérêts sont dus depuis moins d'une année, cette demande ne prend toutefois effet qu'à la date à laquelle, pour la première fois, les intérêts sont dus pour une année entière. La capitalisation des intérêts ayant été demandée par l'ONIAM le 14 octobre 2020, une année d'intérêts n'étant pas due, il n'y a pas lieu par suite de faire droit à cette demande.
Sur les frais d'expertise :
13. Les frais d'expertise ayant été mis à la charge du centre hospitalier de Cornouaille par le jugement attaqué, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande présentée par l'ONIAM à ce titre.
14. Il résulte de tout ce qui précède que l'ONIAM est seulement fondé à demander la condamnation du centre hospitalier de Cornouaille à lui rembourser la somme de 76 232,52 euros au titre des indemnités versées, et la somme de 3 811,63 euros au titre de la pénalité, sommes assorties des intérêts légaux à compter du présent arrêt.
Sur les frais liés au litige :
15. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce le versement d'une somme soit mis à ce titre à la charge de l'ONIAM qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier de Cornouille une somme à verser à ce titre à l'ONIAM.
D E C I D E :
Article 1er : Le centre hospitalier de Cornouaille versera à l'ONIAM une somme totale de 80 044,15 euros, assortie des intérêts légaux à compter de la date de lecture du présent arrêt.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de l'ONIAM est rejeté.
Article 3 : Les conclusions présentées par le centre hospitalier de Poissy-Saint-Germain-en-Laye et du département des Yvelines au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
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N° 16VE02868