La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/11/2020 | FRANCE | N°18VE01964

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 10 novembre 2020, 18VE01964


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la réduction des cotisations d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti, d'une part, au titre de l'année 2012 et, d'autre part, au titre de l'année 2013.

Par un jugement nos 1601807, 1702186 du 11 avril 2018, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté ses demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 11 juin 2018, M. C..., représenté par Me Deschamps, avocat, de

mande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement ;

2°) de prononcer la décharge des impositions ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la réduction des cotisations d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti, d'une part, au titre de l'année 2012 et, d'autre part, au titre de l'année 2013.

Par un jugement nos 1601807, 1702186 du 11 avril 2018, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté ses demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 11 juin 2018, M. C..., représenté par Me Deschamps, avocat, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement ;

2°) de prononcer la décharge des impositions mises à sa charge à hauteur de 17 598 euros au titre de l'année 2012 et de 25 067 euros au titre de l'année 2013 ;

3°) de mettre à la charge de l'État les dépens ainsi que la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- conformément au principe d'interprétation littérale des conventions internationales, l'article 24 de la convention franco-britannique du 19 juin 2008, qui décrit les modalités d'élimination de double imposition, n'est pas applicable aux traitements et salaires, lesquels ne sont pas soumis à l'impôt sur les sociétés ;

- en application de l'article 15§3 de la convention franco-britannique, les salaires qu'il perçoit de la société EasyJet, société de droit anglais dont le siège est au Royaume-Uni, sont imposables en Grande-Bretagne ;

- les traitements et salaires ont été intégrés dans la méthode du crédit d'impôt français par la notice de l'imprimé n° 2047, qui est opposable sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales à l'administration fiscale dans la mesure où elle interprète les dispositions de l'article 24 de la convention franco-britannique ;

- à titre subsidiaire, la part de ses revenus imposables au Royaume-Uni est exonérée d'impôt en France sur le fondement de l'article 15§3 de la même convention, la double imposition des revenus étant évitée par l'élimination de l'impôt français.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur les gains en capital (ensemble un protocole) signée à Londres le 19 juin 2008 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- et les conclusions de M. Huon, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... exerce la profession de commandant de bord pour la compagnie aérienne Easyjet, société de droit anglais, pour le compte de laquelle il assure notamment des vols internationaux. Les 27 décembre 2015 et 29 décembre 2016, M. C... a formé des réclamations auprès du service des impôts des particuliers de Sceaux (Hauts-de-Seine) demandant la rectification de ses déclarations de revenus au titre respectivement des années 2012 et 2013, afin de prendre en compte le crédit d'impôt correspondant à ses revenus perçus à l'étranger. Ces réclamations ont été rejetées par deux décisions des 4 janvier 2016 et

6 janvier 2017. Par la requête susvisée, M. C... fait appel du jugement du 11 avril 2018 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à la réduction des cotisations d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2012 et 2013 et correspondant aux crédits d'impôt égaux aux impôts français correspondants à ses revenus perçus au Royaume-Uni pour ces deux années.

Sur les conclusions à fin de décharge :

2. Si une convention bilatérale conclue en vue d'éviter les doubles impositions peut, en vertu de l'article 55 de la Constitution, conduire à écarter, sur tel ou tel point, la loi fiscale nationale, elle ne peut pas, par elle-même, directement servir de base légale à une décision relative à l'imposition. Il incombe au juge de l'impôt, lorsqu'il est saisi d'une contestation relative à une telle convention, de se placer d'abord au regard de la loi fiscale nationale pour rechercher si, à ce titre, l'imposition contestée a été valablement établie et, dans l'affirmative, sur le fondement de quelle qualification. Il lui appartient ensuite, le cas échéant, en rapprochant cette qualification des stipulations de la convention, de déterminer - en fonction des moyens invoqués devant lui ou même, s'agissant de déterminer le champ d'application de la loi, d'office - si cette convention fait ou non obstacle à l'application de la loi fiscale.

En ce qui concerne l'application la loi fiscale :

3. En premier lieu, aux termes de l'article 4A du code général des impôts : " Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs revenus. / Celles dont le domicile fiscal est situé hors de France sont passibles de cet impôt en raison de leurs seuls revenus de source française. ". L'article 4 B du même code dispose que : " 1. Sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France au sens de l'article 4 A : / a. Les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal ; / b. Celles qui exercent en France une activité professionnelle, salariée ou non, à moins qu'elles ne justifient que cette activité y est exercée à titre accessoire ; / c. Celles qui ont en France le centre de leurs intérêts économiques. (...) ".

4. Il est constant que M. C... était domicilié fiscalement en France en 2012 et 2013. En application de l'article 79 du code général des impôts, les rémunérations qu'il a perçues au titre de son activité salariée de commandant de bord sont imposables dans la catégorie des traitements et salaires.

En ce qui concerne l'application de la convention du 19 juin 2008 :

5. L'article 15§3 de la convention fiscale franco-britannique du 19 juin 2008 stipule que : " Nonobstant les dispositions précédentes du présent article, les rémunérations reçues au titre d'un emploi salarié exercé à bord d'un navire, d'un aéronef ou d'un véhicule ferroviaire exploités en trafic international sont imposables dans l'Etat contractant dont l'exploitant du navire, de l'aéronef ou du véhicule ferroviaire est un résident. ". L'article 24 de cette même convention prévoit que : " 3. En ce qui concerne la France, les doubles impositions sont éliminées de la manière suivante : / a) nonobstant toute autre disposition de la présente Convention, les revenus qui sont imposables ou ne sont imposables qu'au Royaume-Uni conformément aux dispositions de la présente Convention sont pris en compte pour le calcul de l'impôt français lorsqu'ils ne sont pas exemptés de l'impôt sur les sociétés en application de la législation interne française. Dans ce cas, l'impôt du Royaume-Uni n'est pas déductible de ces revenus, mais le résident de France a droit, sous réserve des conditions et limites prévues aux alinéas (i) et (ii) et au paragraphe 4, à un crédit d'impôt imputable sur l'impôt français. Ce crédit d'impôt est égal : / (i) pour les revenus non mentionnés à l'alinéa (ii), au montant de l'impôt français correspondant à ces revenus à condition que le résident de France soit soumis à l'impôt du Royaume-Uni à raison de ces revenus ; / (ii) pour les revenus soumis à l'impôt sur les sociétés visés à l'article 7 et au paragraphe 3 de l'article 14 et pour les revenus visés à l'article 11, aux paragraphes 1, 2 et 6 de l'article 14, au paragraphe 3 de l'article 15, à l'article 16, aux paragraphes 1 et 2 de l'article 17 et au paragraphe 3 de l'article 23, au montant de l'impôt payé au Royaume-Uni conformément aux dispositions de ces articles ; toutefois, ce crédit d'impôt ne peut excéder le montant de l'impôt français correspondant à ces revenus. ".

6. D'une part, il est constant que M. C... était domicilié fiscalement en France au titre des années 2012 et 2013. D'autre part, les rémunérations qu'il perçoit au titre des vols qu'il effectue sont versées par la société EasyJet, laquelle a son siège au Royaume-Uni. Contrairement à ce que soutient le requérant, l'article 15§3 de la convention précité n'a pas pour objet d'exclure l'application de la loi fiscale française pour les revenus imposables au

Royaume-Uni. En application des dispositions de l'article 4 A du code général des impôts et des stipulations de l'article 15§3 de la convention entre la France et le Royaume-Uni du

19 juin 2008, les rémunérations versées par la société EasyJet à M. C... sont imposables dans ces deux pays.

7. Il résulte tant des termes mêmes de l'article 24 de la convention précité, et notamment de son point (ii) lequel vise le paragraphe 3 de l'article 15 du même texte, soit les traitements et salaires, que des travaux parlementaires de la loi n° 2009-1470 du

2 décembre 2009 autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur les gains en capital, que les stipulations du 3 de l'article 24 de la convention ne concernent pas exclusivement les revenus soumis à l'impôt sur les sociétés. Dans ces conditions, les rémunérations perçues par M. C... au titre de son activité de commandant de bord d'aéronefs exploités en trafic international par la société Easyjet peuvent être imposées en France sous réserve de l'imputation d'un crédit d'impôt correspondant au montant de l'impôt payé au Royaume-Uni conformément aux dispositions du (ii) du 3 de l'article 24 de la convention. Toutefois, le requérant n'établit pas, comme il lui incombe, avoir effectivement payé un impôt au Royaume-Uni pour la part de ses revenus correspondant aux salaires qu'il a perçus au titre des années 2012 et 2013 pour des vols effectués en trafic international. Par suite, c'est à bon droit que l'administration fiscale a estimé qu'en application des stipulations du paragraphe 3 de l'article 24 de la convention du 19 juin 2008, l'intéressé ne pouvait bénéficier d'un crédit d'impôt correspondant à l'impôt payé au Royaume-Uni, imputable sur son impôt français.

En ce qui concerne l'interprétation administrative de la loi fiscale :

8. La notice de l'imprimé n° 2047 n'est pas au nombre des instructions ou circulaires publiées par lesquelles l'administration fiscale fait connaître son interprétation des textes fiscaux. Par conséquent, M. C... n'est pas fondé à s'en prévaloir sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a refusé de prononcer la réduction des cotisations d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2012 et 2013.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. C... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

5

N° 18VE01964


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18VE01964
Date de la décision : 10/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Textes fiscaux - Conventions internationales.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices.


Composition du Tribunal
Président : Mme DANIELIAN
Rapporteur ?: Mme Marie-Gaëlle BONFILS
Rapporteur public ?: M. HUON
Avocat(s) : CABINET FIDAL DIRECTION PARIS

Origine de la décision
Date de l'import : 21/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-11-10;18ve01964 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award