Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SAS Jeusselin a demandé au Tribunal administratif de Montreuil la réduction de la taxe professionnelle acquittée au titre des années 2007 et 2009 par application du plafonnement en fonction de la valeur ajoutée prévu à l'article 1647 B sexies du code général des impôts, à hauteur des sommes respectives de 32 150 euros et 33 897 euros.
Par un jugement n° 1605381 du 11 mai 2017, le Tribunal administratif de Montreuil a réduit les montants de la taxe professionnelle acquittée par la SAS Jeusselin au titre des années 2007 et 2009 à hauteur des sommes respectives de 32 150 euros et 33 897 euros.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 17 mai et 18 septembre 2018, le MINISTRE DE L'ACTION ET DES COMPTES PUBLICS demande à la Cour dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de remettre à la charge de la SAS Jeusselin la somme de 66 047 euros au titre de la taxe professionnelle des années 2007 et 2009.
Il soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges ont considéré que le jugement du Tribunal administratif de Nantes du 7 novembre 2014 constituait un événement susceptible d'ouvrir le délai général de réclamation, au sens du b. de l'article R.* 196-2 du livre des procédures fiscales, à l'égard du plafonnement de la taxe professionnelle en fonction de la valeur ajoutée, dans la mesure où ce jugement ne remet nullement en cause le principe ou le montant des impositions mises à la charge de la société ;
- la réclamation formée en septembre 2015 a été présentée tardivement au regard, d'une part, des dispositions de l'article R.* 196-2 a), la demande de plafonnement pouvant être déposée dès la réception des avis d'impositions supplémentaires le 24 mai 2012 conformément aux dispositions du I bis de l'article 1647 B sexies du code général des impôts, et d'autre part, de l'article R.* 196-3 du livre des procédures fiscales, l'acte interruptif de prescription étant intervenu le 19 novembre 2010.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- et les conclusions de M. Huon, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société Jeusselin a fait l'objet d'une vérification de comptabilité, à l'issue de laquelle le service a mis à sa charge des suppléments de taxe professionnelle au titre des années 2007, 2008 et 2009 résultant de l'application de la méthode d'évaluation de la valeur locative des biens servant de base au calcul de la taxe professionnelle, prévue par l'article 1499 et suivants du code général des impôts, en lieu et place de la méthode prévue par l'article 1498 du même code pour les locaux commerciaux, et retenue par la SAS Jeusselin pour déterminer la valeur locative notamment des immobilisations corporelles de son établissement de Marolles-les-Braults. Par un jugement du 7 novembre 2014, devenu définitif, le Tribunal administratif de Nantes a rejeté la requête de la société tendant à la réduction de ces impositions, confirmant que la taxe professionnelle de l'établissement de Marolles-les-Braults devait être calculée selon la méthode définie à l'article 1499 du code général des impôts. Le 15 septembre 2015, la SAS Jeusselin a formé une réclamation pour demander le plafonnement de la taxe professionnelle au titre des années 2007 et 2009, en fonction de la valeur ajoutée, prévu à l'article 1647 B sexies du code général des impôts. Par une décision du 27 mai 2016, l'administration a rejeté cette réclamation au motif qu'elle était tardive au regard du délai prévu par l'article R.* 196-3 du livre des procédures fiscales. Par le recours susvisé, le MINISTRE DE L'ACTION ET DES COMPTES PUBLICS fait appel du jugement du 11 mai 2017 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a fait droit à la demande de la SAS Jeusselin de réduction de la taxe professionnelle qu'elle a acquittée au titre des années 2007 et 2009 par application du plafonnement en fonction de la valeur ajoutée prévu à l'article 1647 B sexies du code général des impôts, à hauteur des sommes respectives de 32 150 euros et 33 897 euros.
Sur le bien-fondé :
En ce qui concerne le moyen retenu par le tribunal administratif :
2. Aux termes de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales, dans sa version applicable aux impositions en litige : " Sont instruites et jugées selon les règles du présent chapitre toutes actions tendant à la décharge ou à la réduction d'une imposition ou à l'exercice de droits à déduction, fondées sur la non-conformité de la règle de droit dont il a été fait application à une règle de droit supérieure. / Lorsque cette non-conformité a été révélée par une décision juridictionnelle ou un avis rendu au contentieux, l'action en restitution des sommes versées ou en paiement des droits à déduction non exercés ou l'action en réparation du préjudice subi ne peut porter que sur la période postérieure au 1er janvier de la troisième année précédant celle où la décision ou l'avis révélant la non-conformité est intervenu. / Pour l'application du quatrième alinéa, sont considérés comme des décisions juridictionnelles ou des avis rendus au contentieux les décisions du Conseil d'Etat ainsi que les avis rendus en application de l'article L. 113-1 du code de justice administrative, les arrêts de la Cour de cassation ainsi que les avis rendus en application de l'article L. 441-1 du code de l'organisation judiciaire, les arrêts du Tribunal des conflits et les arrêts de la Cour de justice des Communautés européennes se prononçant sur un recours en annulation, sur une action en manquement ou sur une question préjudicielle. ". Aux termes de l'article R.* 196-2 du livre des procédures fiscales, dans sa version applicable : " Pour être recevables, les réclamations relatives aux impôts directs locaux et aux taxes annexes doivent être présentées à l'administration des impôts au plus tard le
31 décembre de l'année suivant celle, selon le cas : / a) De la mise en recouvrement du rôle ou de la notification d'un avis de mise en recouvrement ; / b) De la réalisation de l'événement qui motive la réclamation ; / c) De la réception par le contribuable d'un nouvel avis d'imposition réparant les erreurs d'expédition que contenait celui adressé précédemment ; (...) ". L'article R.* 196-3 du même livre, dans sa version également applicable, dispose : " Dans le cas où un contribuable fait l'objet d'une procédure de reprise ou de rectification de la part de l'administration des impôts, il dispose d'un délai égal à celui de l'administration pour présenter ses propres réclamations ". L'article L. 174 du même livre précise que : " Les omissions ou les erreurs concernant la taxe professionnelle (...) peuvent être réparées par l'administration jusqu'à l'expiration de la troisième année suivant celle au titre de laquelle l'imposition est due. (...) ". Enfin, aux termes de l'article 1647 B sexies du code général des impôts, dans sa version applicable aux suppléments d'imposition en litige : " I. - Sur demande du redevable, la cotisation de taxe professionnelle de chaque entreprise est plafonnée en fonction de la valeur ajoutée produite au cours de l'année au titre de laquelle l'imposition est établie ou au cours du dernier exercice de douze mois clos au cours de cette même année lorsque cet exercice ne coïncide pas avec l'année civile. La valeur ajoutée est définie selon les modalités prévues au II. / Le taux de plafonnement est fixé à 3,5 % de la valeur ajoutée. (...) ". Seuls doivent être regardés comme constituant le point de départ des délais de réclamation prévus par les articles R.* 196-2 et R.* 196-3 du livre des procédures fiscales, les événements qui ont une incidence directe sur le principe même de l'imposition, son régime ou son mode de calcul.
3. Pour faire droit à la demande de réduction de la taxe professionnelle au titre des années 2007 et 2009 de la SAS Jeusselin, le Tribunal administratif de Montreuil a considéré que " dès lors que les suppléments de cotisation de taxe professionnelle auxquels avait été assujettie la Sas Jeusselin l'ont mise en situation de bénéficier d'un plafonnement de taxe professionnelle en fonction de la valeur ajoutée au titre des années 2007 et 2009, le jugement du 7 novembre 2014, qui a rejeté la requête de la Sas Jeusselin tendant à la décharge de ces suppléments de cotisation, était de nature à exercer une influence sur le bien-fondé de l'imposition litigieuse ". Toutefois, il est constant que ce jugement du Tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande présentée par l'appelante, au motif que la taxe professionnelle de l'établissement de Marolles-les-Braults devait être calculée selon la méthode définie à l'article 1499 du code général des impôts. Ainsi, le montant total de taxe professionnelle dont la SAS Jeusselin a demandé le plafonnement conformément aux dispositions du I bis de l'article 1647 B sexies du code général des impôts, lequel portait sur les impositions primitives comme supplémentaires, était connu dès la réception des avis d'impositions supplémentaires le 24 mai 2012 et la
société pouvait, dès cette date, solliciter le plafonnement en fonction de la valeur ajoutée. Dans ces conditions, le jugement du tribunal administratif de Nantes, qui ne comporte aucune novation dans la situation juridique du contribuable et n'a pu avoir une influence directe sur le bien-fondé de l'imposition, ne saurait être regardé comme constituant un évènement au sens du b) de l'article R. 196-2 du livre des procédures fiscales.
4. Il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que le MINISTRE DE L'ACTION ET DES COMPTES PUBLICS est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a retenu ce motif pour considérer que la réclamation de la SAS Jeusselin n'était pas tardive et réduire la taxe professionnelle mise à la charge de cette dernière au titre des années 2007 et 2009.
5. Il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la SAS Jeusselin en première instance et en appel.
En ce qui concerne la tardiveté de la réclamation opposée par l'administration :
6. D'une part, au regard du délai de réclamation prévu par le a) de l'article R.* 196-2 du livre des procédures fiscales précité, ce délai a expiré le 31 décembre 2008 et le 31 décembre 2010 s'agissant des cotisations primitives de taxe professionnelle établies respectivement au titre des années 2007 et 2009, et dès le 31 décembre 2013 pour ce qui concerne les cotisations supplémentaires mises en recouvrement par l'avis du 30 avril 2012. D'autre part, le délai spécial de trois ans de l'article R.* 196-3 du livre des procédures fiscales, qui a commencé à courir, non ainsi qu'il est soutenu à compter de l'avis d'imposition supplémentaire du 30 avril 2012, mais à compter de la lettre, interruptive de prescription, du 19 novembre 2010, laquelle a informé la
SAS Jeusselin des conséquences de l'application de l'article 1499 du code général des impôts sur les bases servant à asseoir la taxe professionnelle dont elle serait redevable, a quant à lui expiré le 31 décembre 2013. Dans ces conditions, la réclamation formée par la SAS Jeusselin le
15 septembre 2015 a été présentée tardivement et, par suite, sa demande devant le tribunal administratif était irrecevable.
7. Il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DE L'ACTION ET DES COMPTES PUBLICS est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a prononcé la réduction de la taxe professionnelle mise à la charge de la Sas Jeusselin au titre des années 2007 et 2009, à hauteur de 66 047 euros.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la Sas Jeusselin demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1605381 du Tribunal administratif de Montreuil du 11 mai 2017 est annulé.
Article 2 : La demande de première instance de la SAS Jeusselin tenant à la réduction de la taxe professionnelle acquittée au titre des années 2007 et 2009 par application du plafonnement en fonction de la valeur ajoutée est rejetée.
Article 3 : Les sommes de 32 150 euros et 33 897 euros, dont les premiers juges ont prononcé la réduction, sont remises à la charge de la SAS Jeusselin au titre de taxe professionnelle due respectivement au titre des années 2007 et 2009.
Article 4 : Les conclusions présentées par la SAS Jeusselin sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
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N° 18VE01716