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03/11/2020 | FRANCE | N°19VE00054

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 03 novembre 2020, 19VE00054


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au Tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 31 juillet 2018 par lequel le préfet de l'Essonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter

de la notification du jugement à intervenir et de mettre à la charge de l'Etat l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au Tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 31 juillet 2018 par lequel le préfet de l'Essonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement à intervenir et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1805944 du 7 décembre 2018, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 7 janvier 2019, Mme B..., représentée par Me Konaté, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement et l'arrêté du 31 juillet 2018 ;

2° d'enjoindre au préfet de l'Essonne de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", sous astreinte de 50 euros par jour de retard ou, subsidiairement, de réexaminer son dossier dans le mois qui suivra la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, ou plus subsidiairement, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

3° de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- s'agissant de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :

- le préfet de l'Essonne a commis une erreur manifeste d'appréciation en ne procédant pas à l'examen de sa demande au regard des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; c'est à tort que le Tribunal administratif de Versailles a estimé qu'elle ne pouvait pas utilement se prévaloir de ces dispositions ;

- le préfet a commis une erreur de fait en indiquant qu'elle n'était pas totalement dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine et qu'elle était sans charge de famille en France ;

- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme ainsi que celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- s'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle méconnaît l'article 41, paragraphe 1er de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et de 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

- s'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :

- elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français.

...............................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience en application des dispositions de l'article R. 732-1-1 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., de nationalité camerounaise, a demandé au Tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 31 juillet 2018 par lequel le préfet de l'Essonne a refusé de renouveler le titre de séjour dont elle était titulaire, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par un jugement du 7 décembre 2018, le tribunal administratif a rejeté sa demande. Mme B... relève régulièrement appel de ce jugement.

Sur la décision portant refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, lorsqu'il est saisi d'une demande de titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code, même s'il lui est toujours loisible de le faire à titre gracieux, notamment en vue de régulariser la situation de l'intéressé. En l'espèce, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme B..., qui a demandé le renouvellement de son titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, aurait sollicité un titre de séjour sur le fondement du 7° de ce même article ou sur le fondement de l'article L. 313-14 du même code. Elle n'est donc pas fondée à soutenir que le préfet de l'Essonne aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en n'examinant pas son droit au séjour au regard de ces dispositions.

3. En deuxième lieu, le préfet de l'Essonne ne s'étant prononcé dans son arrêté sur le droit au séjour de Mme B... au regard des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou de l'article L. 313-14 du même code, les premiers juges ont pu à bon droit écarter comme inopérant le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions.

4. En troisième lieu, Mme B... soutient que l'un de ses enfants réside avec elle en France et qu'ainsi la décision attaquée est entachée d'une erreur de fait en ce qu'elle indique qu'elle n'établit pas être totalement dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine dans lequel résident trois enfants mineurs et qu'elle est sans charge de famille en France. Il ressort toutefois des pièces du dossier que le fils de Mme B..., né en 2001, n'est entré en France qu'en septembre 2017 et que deux des enfants mineurs de l'intéressée résident dans son pays d'origine. Ainsi l'erreur matérielle dont est entachée la décision est sans incidence sur sa légalité.

5. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

6. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... est entrée sur le territoire français en 2009 et qu'elle y a bénéficié de titre de séjour en raison de son état de santé de 2014 à 2016. Si Mme B... soutient qu'elle vit en concubinage avec un compatriote camerounais titulaire d'une carte de séjour, les éléments versés au dossier ne permettent pas d'établir la durée et la stabilité de la communauté de vie avec ce dernier. Par ailleurs, alors même qu'un de ses enfants vit en France avec elle, l'intéressée n'est pas dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de 29 ans, et où résident deux de ses enfants mineurs. Par ailleurs, les éléments versés au dossier ne permettent pas d'attester d'une insertion particulière dans la société française de la requérante. Dans ces conditions, la décision de refus de titre de séjour contestée n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de Mme B.... Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

7. En cinquième lieu, il y a lieu, par adoption des motifs retenus par les premiers juges, d'écarter le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention de New York relative aux droits de l'enfant.

8. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la décision par laquelle le préfet de l'Essonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour est entachée d'illégalité.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

9. En premier lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union ". Aux termes du paragraphe 2 de ce même article : " Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ; (...) ". Aux termes du paragraphe 1 de l'article 51 de la charte : " Les dispositions de la présente Charte s'adressent aux institutions, organes et organismes de l'Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu'aux Etats membres uniquement lorsqu'ils mettent en oeuvre le droit de l'Union (...) ". Si les dispositions de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ne sont pas en elles-mêmes invocables par un étranger faisant l'objet d'une mesure telle qu'une mesure d'éloignement du territoire français dès lors que ces stipulations s'adressent non pas aux États membres mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union, celui-ci peut néanmoins utilement faire valoir que le principe général du droit de l'Union relatif au respect des droits de la défense imposait qu'il soit préalablement entendu et mis à même de présenter toute observation utile sur la mesure envisagée. Toutefois, dans le cas où, en application du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision faisant obligation de quitter le territoire français est prise concomitamment au refus de délivrance d'un titre de séjour, le droit d'être entendu n'implique alors pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations spécifiquement sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu'il a pu être entendu avant que n'intervienne la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour.

10. En l'espèce, la décision par laquelle le préfet de l'Essonne a obligé Mme B... à quitter le territoire français est consécutive à un refus de délivrance de titre de séjour. Ainsi, le préfet n'était pas tenu d'inviter l'intéressée à présenter préalablement ses observations, alors qu'elle a été mise en mesure, lors du dépôt de sa demande et au cours de son instruction, de faire valoir les éléments dont elle disposait alors et justifiant son droit au séjour et son maintien sur le territoire français. Le moyen tiré de la violation du droit à être entendu ne peut ainsi, et en tout état de cause, qu'être écarté.

11. En deuxième lieu, ainsi qu'il a été dit, Mme B... n'établit pas que la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour qui lui a été opposée est illégale. Dès lors, l'exception d'illégalité de cette décision, soulevée à l'appui des conclusions dirigées contre la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français, n'est pas fondée et doit être rejetée.

12. En dernier lieu, les moyens tirés de ce que la mesure d'éloignement litigieuse méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, ainsi que le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation dont serait entachée cette mesure, doivent être écartés pour les mêmes motifs de fait que ceux énoncés au point 6 ci-dessus.

Sur la décision portant fixation du pays de renvoi :

13. Mme B... n'établit pas que la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale. Elle n'est dès lors pas fondée à soulever, par la voie de l'exception, l'illégalité de cette décision à l'encontre de la décision fixant le pays de renvoi.

14. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions présentées par la requérante à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent également qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

2

N° 19VE00054


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19VE00054
Date de la décision : 03/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: M. Bruno COUDERT
Rapporteur public ?: Mme GROSSHOLZ
Avocat(s) : KONATE

Origine de la décision
Date de l'import : 21/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-11-03;19ve00054 ?
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