Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société AA PIZZA a demandé au Tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision du 11 avril 2016 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile-de-France l'a mise en demeure de se mettre en conformité avec les dispositions de l'article R. 4223-13 du code du travail dans un délai de six mois, et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1604100 du 28 décembre 2017, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 27 février 2018 et un mémoire en réplique enregistré le 4 août 2020, la société AA PIZZA, aux droits de laquelle vient la société PACKNWOOD, représentée par Me Bensabath, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° d'annuler la décision du 11 avril 2016 ;
3° de mettre à la charge de l'Etat une somme fixée dans le dernier état des écritures à 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à tort que le Tribunal administratif de Versailles a jugé que la décision du 11 avril 2016 n'était pas entachée d'une erreur de droit pour avoir été prise postérieurement au délai de vingt et un jours prévu par l'article R. 4723-3 du code du travail ; aucune disposition législative ou réglementaire ni aucun principe ne permettait le retrait de cette décision dès lors qu'elle n'est pas illégale ; le principe du contradictoire n'a pas été respecté préalablement au retrait de la décision implicite ;
- c'est à tort que le Tribunal administratif de Versailles a considéré que la zone de stockage visée par la mise en demeure pouvait être qualifiée de local fermé au sens de l'article R. 4223-13 du code du travail ;
- le délai imparti par la mise en demeure est irréaliste.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- et les conclusions de Mme Grossholz, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société AA PIZZA, qui exploite à Morangis (Essonne) une entreprise de préparation, vente de plats à emporter, livraison à domicile de pizzas et autres produits de restauration, de gestion de restaurants et d'exploitation de franchises commerciales sous le nom commercial " Pizza Gourmet ", a été destinataire d'une mise en demeure en date du 18 février 2016 de se mettre en conformité dans un délai de quinze jours avec les dispositions de l'article R. 4223-13 du code du travail, prévoyant notamment le chauffage des locaux fermés à la saison froide. Sur recours préalable obligatoire du 26 février 2016, présenté le 29 février 2016, et par une décision en date du 11 avril 2016, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Île-de-France a mis en demeure la société AA Pizza de se mettre en conformité avec les dispositions de l'article R. 4223-13 du code du travail dans un délai de six mois. Par la présente requête, la société AA PIZZA relève appel du jugement du 28 décembre 2017 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Aux termes de l'article L. 4723-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " (...) / S'il entend contester la mise en demeure prévue à l'article L. 4721-4 (...), l'employeur exerce un recours devant le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi. / Le refus opposé à ces recours est motivé. ". Aux termes de l'article R. 4723-2 du même code : " La date de présentation de la lettre recommandée adressée au directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi constitue le point de départ du délai accordé à ce dernier pour prendre sa décision. ". Aux termes de l'article R. 4723-3 du même code : " Le directeur régional du travail et de la formation professionnelle prend sa décision dans un délai de vingt et un jours. / Si les nécessités de l'instruction de la réclamation l'exigent, ce délai peut être prolongé d'une nouvelle période de vingt et un jours. L'employeur en est informé par lettre recommandée avec avis de réception. ". Enfin, aux termes de l'article R. 4723-4 dudit code : " La non-communication à l'employeur de la décision du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi dans le délai prévu à l'article R. 4723-3 vaut acceptation du recours ".
3. Aux termes de l'article 23 de la loi du 12 avril 2000, alors en vigueur : " Une décision implicite d'acceptation peut être retirée, pour illégalité, par l'autorité administrative : / (...) 2° Pendant le délai de deux mois à compter de la date à laquelle est intervenue la décision, lorsqu'aucune mesure d'information des tiers n'a été mise en oeuvre ; / (...) ". Aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2 (...) sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable. ". Aux termes de l'article L. 121-2 du même code : " Les dispositions de l'article L. 121-1 ne sont pas applicables : / (...) 3° Aux décisions pour lesquelles des dispositions législatives ont instauré une procédure contradictoire particulière ; / (...) ". Enfin, aux termes de l'article L. 211-2 dudit code : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / (...) 4° Retirent ou abrogent une décision créatrice de droits ; / (...) ".
4. La société AA PIZZA soutient qu'à la date à laquelle lui a été notifiée la décision par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi a rejeté sa réclamation, elle était titulaire d'une décision implicite d'acceptation. Il ressort des pièces du dossier que le recours de la société AA PIZZA du 26 février 2016 a été reçu par l'administration le 29 février. Le délai de vingt et un jours prévu à l'article R. 4723-3 du code du travail expirait donc le 21 mars 2016. Il est constant que la décision de prolongation du délai d'instruction du 18 mars 2016 n'a été notifiée à la requérante que postérieurement au 21 mars 2016 et ne saurait dès lors avoir fait obstacle à la naissance, à cette dernière date, d'une décision implicite d'acceptation en raison du silence gardé par l'administration pendant le délai de vingt et un jours. La société AA PIZZA est, par suite, fondée à soutenir qu'elle était titulaire d'une décision implicite créatrice de droits. La décision expresse du 11 avril 2016 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi a rejeté le recours préalable de la société et a confirmé la mise en demeure doit donc être regardée comme procédant au retrait de la décision implicite d'acceptation du 21 mars 2016, dans le délai de deux mois prévu par les dispositions précitées de l'article 23 de la loi du 12 avril 2000.
5. La société AA PIZZA soutient toutefois pour la première fois en appel que cette décision de retrait devait être précédée d'une procédure contradictoire lui permettant de faire valoir ses observations. Il résulte en effet des dispositions précitées au point 3 que les décisions qui retirent une décision créatrice de droits, qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable, sous réserve de l'absence de dispositions législatives ayant instauré une procédure contradictoire particulière.
6. D'une part, la décision du 11 avril 2016, qui a pour effet de retirer la décision implicite d'acceptation du 26 mars 2016, ne peut être regardée comme prise à la demande de la société AA PIZZA. D'autre part, si les dispositions de l'article L. 4723-1 du code du travail prévoient une procédure spécifique de contestation par l'employeur de la mise en demeure qui lui a été décernée, ni ces dispositions, ni aucune des autres dispositions de ce code n'ont instauré une procédure contradictoire particulière préalable au retrait de la décision implicite née du silence gardé par l'autorité compétente pour connaître de cette contestation. Dès lors, la décision expresse du 11 avril 2016 était soumise au respect des prescriptions de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration.
7. Il n'est pas contesté que la société AA PIZZA n'a pas été mise à même de faire valoir ses observations préalablement à l'édiction de la décision litigieuse du 11 avril 2016. La requérante est donc fondée à soutenir que cette décision est entachée d'illégalité et qu'elle doit, par suite, être annulée.
8. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que la société AA PIZZA est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros que demande, dans le dernier état de ses écritures, la société PACKNWOOD, venant aux droits de la société AA PIZZA, au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du 28 décembre 2017 du Tribunal administratif de Versailles et la décision du 11 avril 2016 du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile-de-France sont annulés.
Article 2 : L'Etat versera à la société PACKNWOOD, venant aux droits de la société AA PIZZA, la somme de 1 000 euros qu'elle demande au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
N° 18VE00787 2