Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société R.T. a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision en date du 24 octobre 2017 par laquelle le directeur de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis à sa charge, au titre de l'emploi de M. A... et M. B..., la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail pour la somme de 35 400 euros, et la contribution forfaitaire pour la somme de 4 433 euros.
Par un jugement n° 1801404 du 19 avril 2019, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 3 juin et 17 novembre 2019, la société R.T., représentée par Me Saintilan, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° d'annuler la décision du directeur de l'OFII en date du 24 octobre 2017 et la décision du 8 janvier 2018 portant rejet de son recours gracieux, en tant qu'elles ont appliqué les contributions spéciale et forfaitaire au titre de l'embauche de M. A... et M. B... ;
3° de réformer la décision du directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides en date du 24 octobre 2017, confirmée par celle du 8 janvier 2018, en ce qu'elle a appliqué la contribution spéciale de 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti au titre de l'embauche de M. B... et de lui substituer le taux de 1 000 le taux horaire du minimum garanti ;
4° de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
S'agissant de la contribution spéciale :
- la carte d'identité de M. A... ne présente pas de caractère manifeste de falsification et qu'elle n'était donc pas tenue de soumettre un titre d'indenté français au contrôle de la préfecture ;
- le tribunal s'est appuyé sur un fait qui n'a jamais été constaté : la correspondance ou non du physique de M. A... avec la photographie de la carte nationale d'identité ;
- elle a embauché M. B... en pensant que ce dernier était titulaire d'un titre de séjour italien lui permettant l'exercice d'une activité salariée en France ; elle a cru ce titre valide de bonne foi et a pensé qu'il n'était pas nécessaire que ce dernier bénéficie d'une autorisation de travail ;
- elle sollicite, s'agissant d'une unique infraction mineure, la limitation du montant de la contribution spéciale à 1000 fois le taux horaire du minimum garanti ;
S'agissant de la contribution forfaitaire :
- elle n'était pas en mesure de déceler la falsification du titre de séjour de M. A... ;
- le tribunal s'est appuyé sur un fait qui n'a jamais été constaté : la correspondance ou non du physique de M. A... avec la photographie de la carte nationale d'identité.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- et les conclusions de Mme Grossholtz, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société R.T., qui exploite un bar à l'enseigne " Harry's Café " à Bondy, a fait l'objet, le 17 mai 2017, d'un contrôle de police, au cours duquel a été constatée la présence, en situation de travail, de deux ressortissants étrangers en situation irrégulière de travail. Par courrier en date du 13 septembre 2017, l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a informé la société de ce qu'elle était passible de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail et de la contribution forfaitaire représentative de frais de réacheminement prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'a invitée à présenter ses observations. La société R.T. a fait part de ses observations le 27 septembre 2017. Par décision du 24 octobre 2017, l'Office français de l'immigration et de l'intégration lui a appliqué la contribution spéciale, à hauteur de 35 400 euros et la contribution forfaitaire, à hauteur de 4 433 euros. A la suite du recours gracieux présenté par la société, l'OFII a réduit le montant de la contribution forfaitaire à 2 309 euros par une décision du 8 janvier 2018. La société R.T. a demandé au Tribunal administratif de Montreuil l'annulation de la décision du 24 octobre 2017 en ce qu'elle applique les contributions spéciale et forfaitaire au titre de l'emploi de M. A... et M. B... et la réduction du montant de la contribution spéciale à 1 000 fois le taux horaire du minimum garanti au titre de l'emploi de M. B.... Par un jugement ne date du 19 avril 2019, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. La société R.T. relève appel de ce jugement.
Sur la contribution spéciale :
2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 8251-1 du code du travail : " Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France ". L'article L. 5221-8 du même code dispose que : " L'employeur s'assure auprès des administrations territorialement compétentes de l'existence du titre autorisant l'étranger à exercer une activité salariée en France, sauf si cet étranger est inscrit sur la liste des demandeurs d'emploi tenue par l'institution mentionnée à l'article L. 5312-1 ". Aux termes de l'article L. 8253-1 de ce code : " Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte, pour chaque travailleur étranger sans titre de travail, une contribution spéciale. Le montant de cette contribution spéciale est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Il est, au plus, égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. Ce montant peut être minoré en cas de non-cumul d'infractions ou en cas de paiement spontané par l'employeur des salaires et indemnités dus au salarié étranger sans titre mentionné à l'article R. 8252-6. Il est alors, au plus, égal à 2 000 fois ce même taux (...) / L'Office français de l'immigration et de l'intégration est chargé de constater et de liquider cette contribution ". Enfin, aux termes du premier alinéa de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sans préjudice des poursuites judiciaires qui pourront être engagées à son encontre et de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail, l'employeur qui aura occupé un travailleur étranger en situation de séjour irrégulier acquittera une contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine ".
3. Il résulte des dispositions précitées de l'article L. 8253-1 du code du travail et de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que les contributions qu'ils prévoient ont pour objet de sanctionner les faits d'emploi d'un travailleur étranger séjournant irrégulièrement sur le territoire français ou démuni de titre l'autorisant à exercer une activité salariée, sans qu'un élément intentionnel soit nécessaire à la caractérisation du manquement. Toutefois, un employeur ne saurait être sanctionné sur le fondement de ces dispositions, qui assurent la transposition des articles 3, 4 et 5 de la directive 2009/52/CE du Parlement européen et du Conseil du 18 juin 2009 prévoyant des normes minimales concernant les sanctions et les mesures à l'encontre des employeurs de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, lorsque tout à la fois, d'une part, il s'est acquitté des obligations qui lui incombent en vertu de l'article L. 5221-8 du code du travail et, d'autre part, il n'était pas en mesure de savoir que les documents qui lui étaient présentés revêtaient un caractère frauduleux ou procédaient d'une usurpation d'identité. En outre, lorsqu'un salarié s'est prévalu lors de son embauche de la nationalité française ou de sa qualité de ressortissant d'un Etat pour lequel une autorisation de travail n'est pas exigée, l'employeur ne peut être sanctionné s'il s'est assuré que ce salarié disposait d'un document d'identité de nature à en justifier et s'il n'était pas en mesure de savoir que ce document revêtait un caractère frauduleux ou procédait d'une usurpation d'identité.
En ce qui concerne la situation de M. A... :
4. En l'espèce, il est constant que lors de son embauche, M. A... a présenté à la société R.T. une carte de nationalité française. Si la société soutient que le titre ne présentait pas de caractère manifestement usurpé, l'OFII fait valoir, d'une part, que l'apparence physique de M. A... ne correspond pas à la photographie apposée sur le titre et relève, d'autre part, que sur le registre du personnel, la mention " BG " aurait été apposée en référence à la nationale bangladaise de M. A.... Ces éléments sont ainsi de nature à établir que l'employeur pouvait soupçonner l'existence d'une fraude ou usurpation d'identité, circonstance qui aurait dû le conduire à effectuer les vérifications nécessaires à établir la nationalité de M. A... auprès des services compétents. La société R.T. n'est donc pas fondée à soutenir l'OFII ne pouvait la sanctionner à raison de l'emploi de ce salarié.
En ce qui concerne la situation de M. B... :
5. Il résulte de ce qui a été rappelé au point 1 du présent arrêt que, dans sa décision du 8 janvier 2018, l'OFII, reconnaissant que M. B... était titulaire d'un titre de séjour de longue durée délivré par les autorités italiennes lui permettant de séjourner en France pour un séjour de moins de trois mois, a annulé la contribution forfaitaire appliquée à la société R.T. à raison de l'emploi de ce salarié. Par la même décision, l'OFII a toutefois maintenu l'application de la contribution spéciale, le titre dont disposait M. B... ne l'autorisant pas à travailler sur le territoire national. Si, en cause d'appel, la société soutient qu'elle ignorait que ce travailleur ne pouvait être employé en France sans autorisation, la seule mention, au verso de ce titre de ce que son titulaire pouvait envisager une activité salariée n'est pas de nature à établir que l'employeur pouvait s'estimer dispensé de demander une autorisation pour son embauche en France. La bonne foi dont se prévaut la société est à cet égard sans incidence sur le bien-fondé de la décision attaquée. Le moyen doit donc être écarté.
Sur la contribution forfaitaire :
6. Aux termes de l'article R. 8253-2 du code du travail : " I.-Le montant de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 est égal à 5 000 fois le taux horaire, à la date de la constatation de l'infraction, du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. / II.-Ce montant est réduit à 2 000 fois le taux horaire du minimum garanti dans l'un ou l'autre des cas suivants : / 1° Lorsque le procès-verbal d'infraction ne mentionne pas d'autre infraction commise à l'occasion de l'emploi du salarié étranger en cause que la méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 ; / 2° Lorsque l'employeur s'est acquitté des salaires et indemnités mentionnés à l'article L. 8252-2 dans les conditions prévues par les articles R. 8252-6 et R. 8252-7. / III.-Dans l'hypothèse mentionnée au 2° du II, le montant de la contribution spéciale est réduit à 1 000 fois le taux horaire du minimum garanti lorsque le procès-verbal d'infraction ne mentionne l'emploi que d'un seul étranger sans titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France. / IV.-Le montant de la contribution spéciale est porté à 15 000 fois le taux horaire du minimum garanti lorsqu'une méconnaissance du premier alinéa de l'article L. 8251-1 a donné lieu à l'application de la contribution spéciale à l'encontre de l'employeur au cours de la période de cinq années précédant la constatation de l'infraction. ".
7. Il résulte de ce qui a été dit au point 4 du présent arrêt, alors que le procès-verbal d'infraction dressé à la suite du contrôle de police mené le 17 mai 2017 fait état, à juste titre, de l'emploi de deux personnes étrangères dépourvues de titre les autorisant à exercer une activité salariée en France, que la société R.T. n'est pas fondée à solliciter que le montant de la contribution spéciale laissée à sa charge soit ramené à 1 000 fois le taux horaire du minimum garanti en application des dispositions rappelées au point précédent.
8. Il résulte de tout ce qui précède que la société R.T. n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Sur les dépens :
9. En l'absence de dépens exposé dans la présente instance, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de l'OFII à ce titre.
Sur les frais liés au litige :
10. En vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais liés à l'instance. Dès lors, les conclusions présentées à ce titre par la société R.T. doivent être rejetées. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions en mettant à la charge de la société R.T. une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par l'OFII dans la présente instance et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société R.T. est rejetée.
Article 2 : La société R.T. versera à l'OFII une somme de 1 500 (mille cinq cent) euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par l'Office français de l'immigration et de l'intégration sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que ses conclusions relatives aux dépens sont rejetés.
N°19VE02038 2