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09/07/2020 | FRANCE | N°18VE04298-18VE04299

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 09 juillet 2020, 18VE04298-18VE04299


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au Tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision implicite du ministre de la défense refusant de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie.

Par un jugement n° 1702552 du 23 octobre 2018, le Tribunal administratif de Versailles a fait droit à sa demande et a enjoint à la ministre des Armées de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie de Mme A... dans un délai de trois mois.

Procédure devant la Cour :

I. Par un recours enregi

stré le 21 décembre 2018, sous le numéro 18VE04298, la ministre des Armées demande à la Cour ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au Tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision implicite du ministre de la défense refusant de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie.

Par un jugement n° 1702552 du 23 octobre 2018, le Tribunal administratif de Versailles a fait droit à sa demande et a enjoint à la ministre des Armées de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie de Mme A... dans un délai de trois mois.

Procédure devant la Cour :

I. Par un recours enregistré le 21 décembre 2018, sous le numéro 18VE04298, la ministre des Armées demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de rejeter la demande présentée par Mme A... devant le Tribunal administratif de Versailles.

Elle soutient que :

- les premiers juges ne pouvaient prononcer une injonction de reconnaissance de l'imputabilité au service en se substituant à l'administration et en statuant ainsi en " déclaration de droit " ;

- la demande de Mme A... était toujours en cours d'instruction à la date du prononcé du jugement, aucune décision implicite de rejet n'étant née ; les premiers juges ont méconnu l'article 26 du décret n° 86-442 du 14 mars 1986 et auraient dû surseoir à statuer en attendant le prononcé d'une décision expresse après saisine de la commission de réforme ;

- la supposée décision implicite de rejet n'est pas entachée d'erreur d'appréciation quant à l'absence de reconnaissance de l'imputabilité au service.

.....................................................................................................................

II. Par un recours enregistré le 21 décembre 2018, sous le numéro 18VE04299, la ministre des Armées demande à la Cour d'ordonner sur le fondement de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, le sursis à exécution de ce jugement.

La ministre des Armées soutient que :

- les moyens qu'elle soulève sont sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation du jugement du 23 octobre 2018, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement, de sorte que le sursis à exécution de ce jugement sera ordonné sur le fondement de l'article R. 811-15 du code de justice administrative ; en effet :

- les premiers juges ne pouvaient prononcer une injonction de reconnaissance de l'imputabilité au service en se substituant à l'administration et en statuant ainsi en " déclaration de droit " ;

- la demande de Mme A... était toujours en cours d'instruction à la date du prononcé du jugement, aucune décision implicite de rejet n'étant née ; les premiers juges ont méconnu l'article 26 du décret n° 86-442 du 14 mars 1986 et auraient dû surseoir à statuer en attendant le prononcé d'une décision expresse après saisine de la commission de réforme ;

- la supposée décision implicite de rejet n'est pas entachée d'erreur d'appréciation quant à l'absence de reconnaissance de l'imputabilité au service.

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- et les conclusions de M. Bouzar, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... A..., professeur des écoles détachée auprès du ministère de la défense jusqu'au 1er septembre 2016, a bénéficié d'un congé de longue maladie à compter du 7 janvier 2016. Par un jugement n° 1702552 du 23 octobre 2018, le Tribunal administratif de Versailles a annulé la décision implicite du ministre de la défense rejetant sa demande de reconnaissance d'imputabilité au service de sa maladie, formulée le 21 octobre 2016 et a enjoint à la ministre des Armées de reconnaître cette imputabilité dans un délai de trois mois. Par une requête enregistrée sous le n° 18VE04298, la ministre des Armées relève appel de ce jugement. Par une requête enregistrée sous le n° 18VE04299, elle demande qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement.

Sur la jonction :

2. Les requêtes susvisées n° 18VE04298 et n° 18VE04299, présentées par la ministre des Armées, sont dirigées contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur la requête n° 18VE04298 :

Sur la régularité du jugement :

3. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ". Il appartient au juge, saisi de conclusions sur le fondement des dispositions précitées, de statuer sur ces conclusions, en tenant compte, le cas échéant après une mesure d'instruction, de la situation de droit et de fait existant à la date de sa décision.

4. L'annulation de la décision implicite par laquelle le ministre de la défense, en réponse à la demande de reconnaissance de la maladie de Mme A... en maladie professionnelle, a rejeté cette demande, impliquait, compte tenu des pièces du dossier, pour le tribunal, qui était saisi de conclusions tendant au prononcé de cette mesure, d'assortir cette annulation d'une injonction faite à la ministre des Armées de reconnaître cette imputabilité au service. Par suite, le moyen tiré de ce que les premiers juges ne pouvaient prononcer une injonction de reconnaissance de l'imputabilité au service en se substituant ainsi à l'administration, doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement :

5. Aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée alors applicable : " Le fonctionnaire en activité a droit : 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. (...) Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident ; 3° A des congés de longue maladie d'une durée maximale de trois ans dans les cas où il est constaté que la maladie met l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions, rend nécessaire un traitement et des soins prolongés et qu'elle présente un caractère invalidant et de gravité confirmée. Le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement pendant un an ; le traitement est réduit de moitié pendant les deux années qui suivent. L'intéressé conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. / Les dispositions du deuxième alinéa du 2° du présent article sont applicables au congé de longue maladie. (...) ". Aux termes de l'article 26 du décret du 14 mars 1986 susvisé alors applicable : " Sous réserve du deuxième alinéa du présent article, les commissions de réforme prévues aux articles 10 et 12 ci-dessus sont obligatoirement consultées dans tous les cas où un fonctionnaire demande le bénéfice des dispositions de l'article 34 (2°), 2° alinéa, de la loi du 11 janvier 1984 susvisée. Le dossier qui leur est soumis doit comprendre un rapport écrit du médecin chargé de la prévention attaché au service auquel appartient le fonctionnaire concerné. / La commission de réforme n'est toutefois pas consultée lorsque l'imputabilité au service d'une maladie ou d'un accident est reconnue par l'administration. ".

6. En premier lieu, conformément à l'article L. 231-4 du code des relations entre le public et l'administration qui prévoit que par dérogation à l'article L. 231-1 de ce même code, le silence gardé par l'administration pendant deux mois vaut décision de rejet dans les relations entre l'administration et ses agents, le silence gardé par l'administration pendant un délai de deux mois sur la demande de reconnaissance d'imputabilité au service de sa maladie formulée le 21 octobre 2016, et réitéré le 7 décembre 2016, par Mme A... a fait naître une décision implicite de rejet de cette demande. Si la ministre des Armées fait état du déménagement de l'intéressée et de l'obtention du rapport du médecin expert le 21 décembre 2017, elle n'établit pas qu'elle ne pouvait recueillir les éléments pour se prononcer sur la demande dans le délai imparti pour des raisons indépendantes de sa volonté, alors au surplus que Mme A... n'a été convoquée à une expertise médicale que le 30 mai 2017 et qu'aucune décision expresse n'était intervenue le 23 octobre 2018, date à laquelle le Tribunal administratif de Versailles s'est prononcé, dix mois après la réception du rapport du médecin expert.

7. En deuxième lieu, une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service.

8. Il ressort des pièces du dossier, que Mme A..., exerçant les fonctions de chef de la section ressources humaines de l'Etablissement du service d'infrastructure de la défense depuis le 1er septembre 2013, a souffert d'un syndrome dépressif sévère depuis le mois de décembre 2015 attesté le 23 mars 2016 par un médecin chef du centre médical des Armées de Saint-Germain-en-Laye. A la suite de l'avis favorable du comité médical départemental, elle a bénéficié d'un congé de longue maladie, d'une durée de six mois, soit jusqu'au 6 juillet 2016. Ce congé a été renouvelé jusqu'au 31 août 2016, Mme A... ayant ensuite réintégré le ministère de l'éducation nationale à compter du 1er août 2016. Par une décision du 18 décembre 2017, l'imputabilité au service de l'accident survenu le 2 novembre 2015, un malaise dont il est mentionné dans la déclaration d'accident produite qu'il est dû à une situation de stress au travail, a également été reconnue. En outre, dans son rapport du 21 décembre 2017, le Dr Aiguesvives, psychiatre désigné comme expert par l'administration, retient une imputabilité certaine aux conditions de travail pour les troubles dont souffre la requérante. Il ressort également du dossier que les difficultés professionnelles rencontrées par Mme A... à compter de 2015 résultent d'une situation de sous-effectif chronique de la section dont elle avait la charge et des difficultés induites tant avec sa hiérarchie qu'avec certains de ses subordonnés, alors que les qualités professionnelles de Mme A... ont été reconnues de 2013 à 2015, comme en témoignent les notations produites pour ces années. Enfin, aucune pièce médicale, et notamment l'expertise précitée, ne font état d'antécédent ou de facteur exogène au syndrome dépressif de Mme A....

9. Il en résulte que la ministre des Armées n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a annulé la décision implicite refusant de reconnaître le caractère professionnel de la maladie de Mme A....

10. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions aux fins d'annulation du jugement attaqué et de rejet de la demande de Mme A... doivent être rejetées.

Sur la requête n° 18VE04299 :

11. Dès lors que le présent arrêt statue sur la requête n° 18VE04298 tendant à l'annulation du jugement du Tribunal administratif de Versailles du 23 octobre 2018, les conclusions de la requête susvisée tendant au sursis à exécution de ce même jugement sont devenues sans objet.

Sur les frais de l'instance :

12. Il y a lieu de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par Mme A... et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le recours n° 18VE04298 de la ministre des Armées est rejeté.

Article 2 : La ministre des Armées versera à Mme A... une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur le recours n° 18VE04299.

5

N° 18VE04298...


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18VE04298-18VE04299
Date de la décision : 09/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-07-01 Fonctionnaires et agents publics. Statuts, droits, obligations et garanties. Statut général des fonctionnaires de l'État et des collectivités locales.


Composition du Tribunal
Président : M. BRUMEAUX
Rapporteur ?: Mme Barbara AVENTINO-MARTIN
Rapporteur public ?: M. BOUZAR
Avocat(s) : PASSET

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-07-09;18ve04298.18ve04299 ?
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