Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... A... a demandé au Tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté en date du 25 mars 2016 par lequel le garde des sceaux, ministre de la justice a prononcé à son encontre la sanction de déplacement d'office du centre pénitentiaire de Rémire-Montjoly vers la maison centrale de Poissy à compter du 18 avril 2016.
Par un jugement n° 1602658 du 4 juin 2018, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 3 septembre 2018, M. A..., représenté par Me Lobeau, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;
3° de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 300 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. A... soutient que :
- le principe du contradictoire et les droits de la défense ont été méconnus dès lors que le rapport d'inspection versé à son dossier individuel qui lui a été communiqué ne comportait que 41 pages sur 57 alors que les éléments tronqués étaient utiles à sa défense ;
- le rapport de saisine du conseil de discipline ne figurait pas à son dossier lors de sa consultation ;
- le procès-verbal du conseil de discipline ne lui a pas été communiqué, ce qui l'a empêché de vérifier le bon déroulement de la procédure suivie et la réalité d'un vote à bulletins secrets des membres de cette instance ;
- l'administration ne démontre pas que la sanction aurait été prise après communication de l'avis du conseil de discipline ;
- l'avis du conseil de discipline et l'arrêté litigieux ne sont pas suffisamment motivés ;
- l'arrêté litigieux repose sur des faits erronés dans la mesure où il a normalement accompli son service les 13, 14 et 15 juin 2015, ses obligations de service n'ayant nullement été perturbées par sa présence sur un barrage ;
- la parodie à laquelle il s'est livré dans le cadre du conflit social qui a eu lieu en juin 2015 n'a pas le caractère d'une mise en cause à caractère raciste ou discriminatoire à l'égard du chef d'établissement ; il a d'ailleurs été relaxé de ces accusations par le tribunal correctionnel de Cayenne ;
- aucun rôle particulier sur le barrage filtrant ne peut être établi et l'accès au centre pénitentiaire n'a pas été bloqué ;
- la décision litigieuse est entachée d'une erreur d'appréciation au regard de son comportement professionnel passé et de sa situation familiale ;
- il a fait l'objet pour les mêmes faits que ceux retenus par l'arrêté litigieux d'une baisse de sa notation et a ainsi été irrégulièrement sanctionné deux fois pour les mêmes faits ;
- la sanction litigieuse est entachée d'un détournement de pouvoir.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'article 65 de la loi du 22 avril 1905 portant fixation du budget des dépenses et des recettes de l'exercice 1905 ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;
- le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l'Etat ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- et les conclusions de M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., surveillant principal de l'administration pénitentiaire, a été affecté au centre pénitentiaire de Rémire-Montjoly en Guyane en octobre 2006. A la suite d'un mouvement social auquel il a pris une part active et au cours duquel son administration a estimé qu'il avait commis de graves manquements, M. A... a fait l'objet d'une sanction disciplinaire de déplacement d'office à la maison centrale de Poissy par arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice, en date du 25 mars 2016. M. A... relève appel du jugement en date du 4 juin 2018 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette sanction.
Sur la légalité externe de la sanction litigieuse :
2. L'article 65 de la loi du 22 avril 1905 susvisée dispose que " Tous les fonctionnaires civils et militaires, tous les employés et ouvriers de toutes administrations publiques ont droit à la communication personnelle et confidentielle de toutes les notes, feuilles signalétiques et tous autres documents composant leur dossier, soit avant d'être l'objet d'une mesure disciplinaire ou d'un déplacement d'office, soit avant d'être retardé dans leur avancement à l'ancienneté ".
3. Il ressort des pièces du dossier qu'à la suite du mouvement social des personnels de l'administration pénitentiaire du centre pénitentiaire de Rémire-Montjoly, qui a eu lieu du 11 au 16 juin 2015, et de la mutinerie qui a suivi, l'inspection générale des services judiciaires a établi un rapport concernant le fonctionnement de ce centre pénitentiaire et les événements qui s'y sont déroulés au mois de juin 2015. Si M. A... soutient que seules 47 des 51 pages que comporte ce rapport, qui ne fait pas partie de son dossier individuel, lui ont été communiquées, il ressort des pièces du dossier que les pages 48 à 51 ne concernaient pas les actes reprochés à M. A... et étaient sans incidence sur sa capacité à présenter sa défense. Il ressort, en outre, des pièces du dossier que les membres du conseil de discipline appelés à rendre un avis sur la sanction de M. A... ont reçu le même extrait que lui dudit rapport. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la procédure suivie à son encontre aurait méconnu le droit à communication de son dossier ou le principe des droits de la défense.
4. Il ne ressort d'aucune des pièces du dossier et il n'est d'ailleurs pas soutenu que M. A... aurait demandé que le témoignage recueilli auprès du directeur du centre pénitentiaire fût joint à son dossier et lui fût communiqué. Faute d'une telle demande, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le défaut de communication de cette pièce constituerait une irrégularité viciant la procédure disciplinaire menée à son encontre.
5. Ni le décret du 25 octobre 1984 susvisé, ni aucune autre disposition, législative ou réglementaire, ni aucun principe général ne prévoit la communication préalable au fonctionnaire du rapport établi par l'autorité investie du pouvoir disciplinaire sur les faits reprochés à cet agent, par lequel le conseil de discipline est saisi et qui est lu en séance. Dès lors qu'il a pu consulter son dossier et qu'il connaissait les faits qui ont motivé la convocation du conseil de discipline, et alors qu'il n'est pas démontré que le rapport de saisine aurait contenu des éléments nouveaux qui n'auraient pas été portés à sa connaissance, M. A... n'est pas fondé à soutenir que les principes du contradictoire ou des droits de la défense auraient été méconnus.
6. Il ne résulte d'aucune disposition législative ou réglementaire que le procès-verbal du conseil de discipline doive être communiqué à l'agent intéressé avant le prononcé de la sanction. Par suite, le moyen tiré de ce que c'est irrégulièrement que le procès-verbal du conseil de discipline réuni le 24 mars 2016 n'a pas été transmis à M. A... doit être écarté.
7. Il ressort des termes de la décision attaquée qu'elle a été signée le 25 mars 2016 au vu de l'avis émis le 24 mars 2016 par le conseil de discipline. L'assertion suivant laquelle l'administration ne démontre pas que la sanction litigieuse a été effectivement décidée après l'intervention du conseil de discipline est formulée de manière purement hypothétique et dépourvue de tout commencement de preuve et ne peut donc qu'être écartée.
8. Il ressort des pièces du dossier que l'avis du conseil de discipline rendu le 24 mars 2016 précise les éléments de fait retenus à l'encontre de M. A... ainsi que les textes dont il fait application. De même, la décision litigieuse en date du 25 mars 2016, après avoir visé les textes applicables et les pièces du dossier de M. A..., précise les considérations de fait et de droit qui motivent le prononcé de la sanction de déplacement d'office permettant d'en contester utilement le bien-fondé. Par suite, le moyen tiré de ce que l'avis du conseil de discipline et l'arrêté litigieux sont insuffisamment motivés manque en fait.
Sur la légalité interne :
9. Il ressort des pièces du dossier qu'à l'occasion du conflit social survenu en juin 2015 au centre pénitentiaire de Rémire-Montjoly, un barrage bloquant a été installé du 11 au 16 juin 2015 devant l'accès au centre pénitentiaire et que des agents de l'administration pénitentiaire se sont livrés à la représentation d'une scène parodique faisant figurer le chef d'établissement sous les traits d'un colon esclavagiste.
10. M. A... conteste, contrairement à ce qui est affirmé par l'arrêté litigieux, avoir été présent de façon constante sur le barrage bloquant et soutient qu'il était en position de congé le 11 juin 2015 et qu'il a pris son service normalement les jours suivants. Cependant, la participation " active de façon constante " au barrage reprochée à M. A... n'implique pas qu'il se serait nécessairement abstenu d'effectuer ses heures de service mais qu'il a pu chaque jour, en dehors de ses horaires de travail, participer à l'installation et à l'animation du barrage.
11. Si M. A... conteste le caractère raciste, diffamatoire et injurieux de la parodie visant le chef d'établissement, il ressort des pièces du dossier que cette représentation, diffusée sur internet, consistait en une mise en scène destinée à faire apparaitre le chef d'établissement comme un fonctionnaire colonialiste d'un autre temps recourant à des méthodes assimilées à de l'esclavage. La relaxe dont a bénéficié le requérant au Tribunal correctionnel de Cayenne relative au caractère raciste et discriminatoire de cette mise en scène par un jugement au demeurant frappé d'appel ne peut être utilement invoquée par le requérant, eu égard à l'indépendance des procédures judiciaire et disciplinaire, pour contester l'exactitude des faits retenus par le ministre de la justice pour prononcer la sanction litigieuse.
12. Enfin, il ressort des pièces du dossier, particulièrement du rapport établi par l'inspection générale des services judiciaires, que M. A... a tenu un rôle de leader dans l'installation et le maintien du barrage devant le centre pénitentiaire et que le but de ce barrage était de bloquer l'accès au centre pénitentiaire et pas seulement de filtrer les véhicules. Il n'est pas contesté que les membres du personnel du centre pénitentiaire ont dû laisser leurs véhicules le long d'une voie rapide pour prendre leur service, que les extractions de détenus pour raisons médicales ont dû être suspendues, que l'approvisionnement régulier du centre en médicaments et produits de " cantinage " a été interrompu et que ces circonstances ont conduit à une mutinerie sein du centre pénitentiaire le 16 juin 2015.
13. Il ressort de ce qui vient d'être dit aux points 9 à 12 ci-dessus que M. A... n'est pas fondé à soutenir que la sanction litigieuse serait entachée d'une erreur de fait s'agissant des griefs retenus à son encontre.
14. Aux termes de l'article 66 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes. / Premier groupe : - l'avertissement ; - le blâme. / Deuxième groupe : - la radiation du tableau d'avancement ; - l'abaissement d'échelon ; - l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de quinze jours ; - le déplacement d'office. / Troisième groupe : - la rétrogradation ; - l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de trois mois à deux ans. / Quatrième groupe : - la mise à la retraite d'office ; - la révocation (...) ".
15. La baisse de la notation ne figure pas dans la liste des sanctions que peut prendre l'administration à l'égard des ses agents. Par suite, M. A... ne peut se prévaloir de la circonstance que sa notation au titre de l'année 2015 a fait l'objet d'une baisse pour soutenir qu'il aurait été illégalement sanctionné deux fois pour les mêmes faits en violation du principe non bis in idem.
16. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.
17. Les faits énumérés aux points 9 à 12 du présent arrêt constituent, eu égard aux menaces qu'ils ont fait peser sur la sécurité et l'approvisionnement du centre pénitentiaire de Rémire-Montjoly et à la circonstance que les graves mises en cause de la direction du centre, relayées par les réseaux sociaux, ont outrepassé le droit d'expression des agents de l'administration pénitentiaire, fussent-ils représentants syndicaux comme M. A..., doivent être regardés comme des fautes commises par cet agent de nature à justifier une sanction disciplinaire. Il ressort des pièces du dossier que, compte tenu du contexte dans lequel ont été commis ces graves manquements, la sanction du déplacement d'office appliquée à M. A... n'apparait pas, dans les circonstances de l'espèce, disproportionnée. La situation familiale de M. A... est, en tout état de cause, sans influence sur cette appréciation.
18. Le détournement de pouvoir allégué, tiré de la volonté supposée de l'administration de porter atteinte à la liberté syndicale et au fonctionnement du syndicat FO pénitentiaire en Guyane, n'est pas établi.
19. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
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N° 18VE03092