Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D... E... a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise :
- d'annuler la décision implicite par laquelle la COMMUNE DE MONTLIGNON a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie ainsi que l'article 2 de l'arrêté du 15 septembre 2016 la plaçant à demi-traitement pour la période du 16 avril 2016 au 15 avril 2017 inclus ;
- d'enjoindre à la COMMUNE DE MONTLIGNON de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie et de lui verser l'intégralité de son traitement durant la période d'arrêt de travail ayant débuté le 16 avril 2016 ;
- de condamner la COMMUNE DE MONTLIGNON à lui verser la somme de 20 000 euros en réparation de l'ensemble de ses préjudices.
Par un jugement n° 1508112, 1610648 du 7 décembre 2017, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé la décision du maire de la COMMUNE DE MONTLIGNON refusant la reconnaissance de l'imputabilité au service de la maladie de Mme E... ainsi que l'article 2 de l'arrêté du 15 septembre 2016 la plaçant à demi-traitement pour la période du 16 avril 2016 au 15 avril 2017 inclus, a enjoint au maire de la COMMUNE DE MONTLIGNON de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie pour laquelle Mme E... a été placée en congé de longue maladie puis de longue durée à compter du 16 avril 2013, de procéder au versement de l'équivalent du plein traitement de l'intéressée pour la période du 16 avril 2016 au 15 avril 2017 inclus et au réexamen de sa situation au-delà de cette date dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, et a condamné la COMMUNE DE MONTLIGNON à verser à Mme E... une somme de 10 000 euros en réparation du préjudice subi et une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 8 décembre 2017, la COMMUNE DE MONTLIGNON, représentée par Me F..., demande à la Cour :
1° d'annuler le jugement susmentionné ;
2° de rejeter les demandes présentées par Mme E... devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise ;
3° de mettre à la charge de Mme E... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761 1 du code de justice administrative.
La COMMUNE DE MONTLIGNON soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;
- l'imputabilité au service de la pathologie de Mme E... n'est pas établie ;
- aucun élément ne permet de faire présumer un harcèlement moral ; l'état dépressif de la requérante est dépourvu de lien avec son activité professionnelle au sein de la commune.
- par voie de conséquence, aucune réparation ne doit être allouée à Mme E....
Vu le jugement attaqué.
......................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;
- le décret n°87-602 du 30 juillet 1987 pris pour l'application de la loi n° 84-53 du
26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif à l'organisation des comités médicaux, aux conditions d'aptitude physique et au régime des congés de maladie des fonctionnaires territoriaux ;
- les articles 7 et 12 de l'ordonnance n° 2020-305 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif modifiée par les ordonnances n° 2020-405 du 8 avril 2020, n° 2020-427 du 15 avril 2020 et n° 2020-558 du 13 mai 2020 ;
- le code de justice administrative.
En application de l'article 7 de l'ordonnance n°2020-305 du 25 mars 2020, les parties ont été régulièrement informées de la tenue d'une audience partiellement dématérialisée.
Ont été entendus au cours de l'audience publique partiellement dématérialisée :
- le rapport de Mme B... via un moyen de télécommunication audiovisuelle,
- les conclusions de Mme Méry, rapporteur public,
- et les observations de Me A..., substituant Me F... pour la COMMUNE DE MONTLIGNON et de Me C... pour Mme E....
Considérant ce qui suit :
1. Mme E..., adjoint administratif de deuxième classe, employée par la COMMUNE DE MONTLIGNON depuis le 1er septembre 2006, en charge du service de l'état civil et de l'accueil du public et exerçant des fonctions de régisseur, a fait l'objet d'un changement d'affectation et s'est vu confier la responsabilité des assurances et la gestion du cimetière communal par une décision du 21 mai 2012. Par une décision du 12 novembre 2012, elle a été sanctionnée d'un blâme. Ces deux décisions ont été annulées par des jugements du 22 septembre 2014 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise. À compter du 16 avril 2013, Mme E... a été placée en congé de longue maladie puis en congé de longue durée pour dépression. Par un courrier du 27 avril 2015, Mme E... a formé une demande préalable d'indemnisation des préjudices qu'elle estimait avoir subi à raison de ces agissements qu'elle qualifie de constitutifs de harcèlement moral, et qu'elle chiffrait à 20 000 euros. Cette demande a été explicitement rejetée par la COMMUNE DE MONTLIGNON le 29 juillet 2015. À la suite des avis favorables rendus les 16 mai et 7 juillet 2016 par la commission de réforme, Mme E... a demandé au maire de la COMMUNE DE MONTLIGNON de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie. Par un arrêté du 15 septembre 2016, le maire de la COMMUNE DE MONTLIGNON a implicitement rejeté cette demande en la maintenant en congé de longue durée à demi-traitement pour la période du 16 avril 2016 au 16 avril 2017. Par un jugement du 7 décembre 2017, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a fait droit aux demandes de Mme E... en reconnaissant l'imputabilité au service de sa pathologie ainsi que l'existence d'agissements de harcèlement moral, et a condamné la COMMUNE DE MONTLIGNON à verser à Mme E... une somme de 10 000 euros en réparation du préjudice moral qu'elle a subi. Par la présente requête, la COMMUNE DE MONTLIGNON relève appel de ce jugement.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En vertu des dispositions de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements doivent être motivés ". Il résulte des motifs du jugement entrepris que les premiers juges, après avoir cité les dispositions de l'article 57 de la loi du 26 juillet 1984 et l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 ont longuement exposé les raisons pour lesquelles ils reconnaissaient l'imputabilité au service de la pathologie de Mme E... ainsi que l'existence d'agissements de harcèlement moral dont elle a été la victime et d'un préjudice moral, tout en écartant l'existence d'un préjudice financier, en se fondant sur des éléments de fait précis. Ainsi le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées du code de justice administrative ne peut qu'être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne l'imputabilité au service de la pathologie de Mme E... :
3. Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) / 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident, même après la date de radiation des cadres pour mise à la retraite. / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales. / 3° A des congés de longue maladie d'une durée maximale de trois ans dans les cas où il est constaté que la maladie met l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions, rend nécessaires un traitement et des soins prolongés et présente un caractère invalidant et de gravité confirmée. Le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement pendant un an ; le traitement est réduit de moitié pendant les deux années qui suivent. L'intéressé conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. / Le fonctionnaire qui a obtenu un congé de longue maladie ne peut bénéficier d'un autre congé de cette nature s'il n'a pas auparavant repris l'exercice de ses fonctions pendant un an. / Les dispositions des deuxième, troisième et quatrième alinéas du 2° du présent article sont applicables aux congés de longue maladie ; / 4° A un congé de longue durée, en cas de tuberculose, maladie mentale, affection cancéreuse, poliomyélite ou déficit immunitaire grave et acquis, de trois ans à plein traitement et de deux ans à demi-traitement. Le fonctionnaire conserve ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. / Si la maladie ouvrant droit à congé de longue durée a été contractée dans l'exercice des fonctions, les périodes fixées ci-dessus sont respectivement portées à cinq ans et trois ans. (...) ".
4. Il ressort des pièces du dossier que pour contester l'imputabilité au service de la pathologie de Mme E... retenue devant les premiers juges, la COMMUNE DE MONTLIGNON soutient qu'elle n'est pas liée par l'avis de la commission de réforme, qu'il ne ressort d'aucune pièce du dossier que l'état de santé de Mme E..., à savoir la dépression, trouve son origine dans les événements de 2012 tels que décrits par l'intéressée, celle-ci ne s'étant jamais plainte d'une quelconque souffrance au travail avant avril 2012 alors qu'elle a été recrutée en 2006, et enfin qu'elle présente un état préexistant, à savoir un état déjà fragilisé par le décès de son père en novembre 2012 et des antécédents familiaux. Toutefois, et contrairement à ce qu'elle soutient, les pièces versées au dossier de première instance par Mme E... et notamment les deux avis favorables de la commission de réforme des 19 mai et 7 juillet 2019 ainsi que le rapport d'un médecin agréé-praticien hospitalier du 13 octobre 2015, nonobstant la mention qu'il existe des antécédents d'états dépressifs dans sa famille, et celle dans un précédent rapport du 25 octobre 2013 que l'intéressée a été fragilisée par le décès de son père en novembre 2012, suffisent à établir, à défaut d'élément contradictoire produit par la COMMUNE DE MONTLIGNON, le lien direct entre la pathologie développée par Mme E... et ses conditions d'exercice professionnel. En outre, la circonstance que le maire ne soit pas lié par l'avis de la commission de réforme n'est pas de nature à établir l'absence de lien avec le service. Il en est de même de la circonstance que Mme E... n'a fait état d'aucune souffrance au travail entre 2006 et 2012,. Il s'ensuit que le moyen tiré de ce que l'imputabilité au service de la maladie de Mme E... ne serait pas établie doit être écarté.
En ce qui concerne l'établissement d'agissements de harcèlement moral :
5. Aux termes de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ". Il appartient à un agent public, qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. En revanche, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l'existence d'un harcèlement moral est établie, qu'il puisse être tenu compte du comportement de l'agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui. Le préjudice résultant de ces agissements pour l'agent victime doit alors être intégralement réparé.
6. Mme E... faisait valoir devant les premiers juges avoir été victime d'agissements de harcèlement moral de la part du maire et du directeur général des services de la COMMUNE DE MONTLIGNON à compter d'avril 2012, après qu'elle a signalé des irrégularités dans la gestion des régies confiées à l'une de ses collègues. Elle dénonçait au nombre de ces agissements, sa mutation d'office illégale requalifiée par le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise de sanction déguisée, et une sanction de blâme injustifiée, sa mise à l'écart sans raison de certaines fonctions, le retrait des clés de la mairie dont elle disposait, la tenue à plusieurs reprises par le maire de propos dévalorisants et d'accusations injustifiées à son encontre en présence de certains de ses collègues, et le refus par le maire de saisir pour avis la commission de réforme sur l'imputabilité au service de sa maladie. Elle ajoute que ces agissements ont eu un retentissement sur ses conditions de travail et sa santé, puisqu'elle a dû être hospitalisée pour dépression à compter d'avril 2013 du fait de ce harcèlement et qu'elle est en arrêt de travail depuis cette date.
7. La COMMUNE DE MONTLIGNON, qui ne conteste pas en appel la matérialité des faits exposés aux points 11 à 14 du jugement attaqué et partiellement rappelés au point 1 du présent arrêt, soutient que les faits en cause ne sont pas constitutifs de harcèlement moral. A l'appui de son moyen, la commune, qui n'allègue pas que ces faits sont justifiés par des causes étrangères à l'existence de tout harcèlement, se borne à faire valoir qu'ils ne sont pas répétés, et que leurs conséquences sur les conditions de travail et la santé de Mme E... ne sont pas démontrées. Toutefois, il résulte de l'instruction, ainsi que l'ont retenu les premiers juges, que l'intéressée, qui s'est vue mise à l'écart du public, retirée les clés d'accès aux bureaux, et cantonnée à des responsabilités moindres, a connu une dégradation injustifiée de ses conditions de travail. En outre, le lien entre son état de santé, marqué par un syndrome dépressif, et ses conditions de travail a été mis en évidence par les certificats médicaux versés au dossier et les avis de la commission de réforme. Il s'ensuit que le moyen tiré de ce que les faits en cause ne seraient pas constitutifs de harcèlement moral doit être écarté.
En ce qui concerne le préjudice :
8. La COMMUNE DE MONTLIGNON qui ne critique pas le montant de la réparation allouée à Mme E... au titre du préjudice moral, se borne à en contester le principe en se fondant sur l'absence de faute. Dès lors, il convient, en conséquence de qui a été dit au point 7 d'écarter le moyen ainsi soulevé.
9. Il résulte de tout ce qui précède que la COMMUNE DE MONTLIGNON n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de
Cergy-Pontoise a annulé la décision refusant la reconnaissance de l'imputabilité au service de la maladie de Mme E... ainsi que l'article 2 de l'arrêté du 15 septembre 2016 la plaçant à demi-traitement pour la période du 16 avril 2016 au 15 avril 2017 inclus, lui a enjoint de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie pour laquelle Mme E... a été placée en congé de longue maladie puis de longue durée à compter du 16 avril 2013, de procéder au versement de l'équivalent du plein traitement de l'intéressée pour la période du 16 avril 2016 au 15 avril 2017 inclus et au réexamen de sa situation au-delà de cette date, et l'a condamnée à verser à Mme E... une somme de 10 000 euros en réparation du préjudice subi.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y pas lieu à cette condamnation ".
11. Mme E... n'étant pas la partie perdante, les conclusions la COMMUNE DE MONTLIGNON tendant à ce que soit mise à sa charge une somme en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent être rejetées. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge la COMMUNE DE MONTLIGNON le versement à Mme E... d'une somme de 1 500 euros en application de ces mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la COMMUNE DE MONTLIGNON est rejetée.
Article 2 : La COMMUNE DE MONTLIGNON versera à Mme E... la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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N° 17VE03694