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09/07/2020 | FRANCE | N°17VE01080

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 09 juillet 2020, 17VE01080


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au Tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision en date du 9 mai 2014 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi et du dialogue social a annulé la décision de l'inspecteur du travail en date du 13 novembre 2013 refusant d'autoriser son licenciement pour motif disciplinaire et a accordé cette autorisation à son employeur, la société Caprest.

Par un jugement n° 1405178 du 2 février 2017, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et deux mémoires, enregistrés le 3 avril ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au Tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision en date du 9 mai 2014 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi et du dialogue social a annulé la décision de l'inspecteur du travail en date du 13 novembre 2013 refusant d'autoriser son licenciement pour motif disciplinaire et a accordé cette autorisation à son employeur, la société Caprest.

Par un jugement n° 1405178 du 2 février 2017, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et deux mémoires, enregistrés le 3 avril 2017, le 4 octobre 2018 et le 24 janvier 2020, M. C..., représenté par Me Affane, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° d'annuler, pour excès de pouvoir, cette décision ;

3° de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. C... soutient que :

- la société Caprest ayant reconnu avoir eu connaissance des griefs reprochés dans la deuxième quinzaine de juin 2013, les faits étaient prescrits à la date d'ouverture de la procédure disciplinaire le 29 août 2013 ;

- le prestataire informatique de la société Caprest n'avait aucun droit à vérifier l'usage fait des matériels par les salariés et les moyens ainsi utilisés par la société pour établir les griefs qui lui sont reprochés sont déloyaux et abusifs ;

- il n'est pas établi que la consultation de sites pornographiques ait eu lieu pendant les horaires de travail et sur le lieu de travail ;

- le caractère abusif de la consultation de sites non professionnels n'est établi ni par la durée de ces consultations ni par leur fréquence ;

- son maintien au sein de la société répond à un motif d'intérêt général de préservation de la représentation du personnel ;

- la demande d'autorisation de licenciement est liée à ses fonctions représentatives et à l'imminence de la création d'une section syndicale dont il était le secrétaire et qui était contestée devant les instances juridictionnelles par l'employeur.

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- et les conclusions de M. Bouzar, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... C... a été recruté en qualité de commercial en 2009 au sein de la société Caprest. Il a été désigné le 14 janvier 2013 en qualité de conseiller du salarié du département de Paris. La société Caprest, après avoir découvert que M. C... utilisait de façon intensive son ordinateur professionnel pour se connecter à des sites internet étrangers à sa vie professionnelle, a engagé une procédure de licenciement pour faute. L'inspecteur du travail a, le 13 novembre 2013, refusé d'accorder à la société Caprest l'autorisation de licencier M. C.... Sur recours hiérarchique de la société Caprest, le ministre chargé du travail a annulé cette décision et délivré l'autorisation de procéder à ce licenciement. M. C... relève appel du jugement en date du 2 février 2017 du Tribunal administratif de Versailles rejetant sa demande tendant à l'annulation de cette dernière décision.

2. En vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi.

3. Aux termes des dispositions de l'article L. 1332-4 du code du travail : " Aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales. ".

4. Il ressort des pièces du dossier que la société Caprest a été informée des consultations répétées par M. C... de sites non professionnels en juin 2013. Toutefois, l'ampleur et le détail de ces faits n'ont été réellement connus de la société qu'après le constat d'huissier de justice effectué le 11 juillet 2013. Ainsi, à la date à laquelle la société Caprest a engagé la procédure de licenciement, le 29 août 2013, les faits reprochés à M. C... dans leur ensemble n'étaient pas atteints par la prescription énoncée par les dispositions précitées du code du travail.

5. L'employeur a le droit de contrôler et de surveiller l'activité de ses salariés pendant le temps du travail. Seul l'emploi de procédés clandestins de surveillance est illicite.

6. Il n'est pas contesté que c'est à l'occasion d'une intervention de la société Vit's, chargée de la maintenance du parc informatique de la société, que la consultation intense et répétée par M. C... de sites internet étrangers à son activité et ayant, pour leur majorité, un caractère pornographique a été décelée. Dès lors que ce type de consultations est susceptible d'avoir une incidence sur le fonctionnement des ordinateurs au regard des dysfonctionnements et des virus informatiques qui sont susceptibles de les affecter, M. C..., qui ne démontre ni même n'allègue que la société Vit's aurait accédé à des données strictement privées le concernant, ne peut valablement soutenir que la société de maintenance aurait outrepassé sa mission de maintenance et que les preuves des griefs qui sont formulés à son encontre auraient été obtenues par des procédés abusifs ou déloyaux.

7. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du constat d'huissier établi le 11 juillet 2013, que M. C... a utilisé son ordinateur personnel pour consulter de façon intensive et répétée des sites internet non professionnels et qu'ainsi, pour la période comprise entre le 28 mars et le 11 juin 2013, 640 connexions ont été établies avec des sites principalement à caractère pornographique lors des heures de travail. M. C... n'établit pas comment d'autres salariés auraient pu avoir accès à son ordinateur pendant d'aussi longues périodes. Ainsi la matérialité des faits est établie.

8. Il est également établi que la consultation de sites extra-professionnels par M. C... s'est déroulée pendant ses horaires de travail. Le caractère intense de cette utilisation d'un outil de travail est en elle-même de nature à compromettre l'exécution du contrat de travail au sein d'une entreprise dont M. C... était le seul commercial. En outre, il n'est pas contesté que la nature des connexions internet en cause est susceptible de nuire à l'intégrité et au bon fonctionnement de l'outil informatique confié par la société Caprest à son salarié. Par suite, M. C... n'est pas fondé à soutenir que le caractère de gravité des griefs qui lui sont reprochés n'est pas suffisant pour justifier son licenciement.

9. Si M. C... soutient que son licenciement est lié à la création par ses soins d'une section syndicale au sein de son entreprise, il n'apparait pas que l'entreprise, qui a découvert les fautes commises par ce salarié pas l'intermédiaire d'un prestataire de services, aurait entrepris de le licencier à raison de ses fonctions syndicales.

10. Il n'est pas contesté que la société Basilic, société mère de la société Caprest à la date du licenciement litigieux, comportait en son sein une représentation syndicale. En outre, M. C... n'établit pas qu'un mauvais climat social régnait au sein de la société Caprest qui comprenait 11 salariés. Par suite, le moyen tiré de ce que l'autorité administrative aurait dû faire usage de son pouvoir d'appréciation pour refuser l'opportunité du licenciement doit être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de M. C... la somme de 2 000 euros à verser à la Selarl JSA en sa qualité de mandataire liquidateur de la société Caprest sur le fondement des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : M. C... versera à la Selarl JSA en sa qualité de mandataire liquidateur de la société Caprest la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

4

N° 17VE01080


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 17VE01080
Date de la décision : 09/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07 Travail et emploi. Licenciements.


Composition du Tribunal
Président : M. GUÉVEL
Rapporteur ?: Mme Sophie COLRAT
Rapporteur public ?: M. BOUZAR
Avocat(s) : AFFANE

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-07-09;17ve01080 ?
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