Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... C... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 9 mars 2016 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a, après avoir retiré sa décision implicite de rejet né du silence gardé sur le recours hiérarchique formé par la société TNT Express International, annulé la décision de l'inspecteur du travail en date du 24 juillet 2015 et autorisé son licenciement.
Par un jugement n° 1603399 du 20 décembre 2016, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette requête.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire récapitulatif enregistrés le 20 février 2017 et le 16 mai 2019, M. C..., représenté par Me E..., avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montreuil du 20 décembre 2016 ;
2° d'annuler la décision du 9 mars 2016 ;
3° de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision du ministre est insuffisamment motivée s'agissant du lien avec le mandat ;
- le motif économique à son licenciement n'est pas établi dès lors que le ministre n'a pas pris en compte, à la date de sa décision, le rachat de TNT par Fedex et que le groupe TNT n'est pas en difficulté ;
- l'appréciation du motif économique n'est pas possible dès lors que le secteur d'activité de la société n'a pas été suffisamment défini ;
- l'obligation de reclassement n'a pas été respectée, les offres de reclassement qui lui ont été proposées ne l'étaient pas aux meilleures conditions possibles ; les postes étaient moins bien rémunérés, avec des responsabilités moindres, dans une catégorie inférieure ; il n'y a pas eu d'effort de formation et d'adaptation le concernant de la part de l'entreprise ;
- son licenciement est en lien avec le mandat syndical.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme F...,
- les conclusions de M. Bouzar, rapporteur public,
- et les observations de Me E... pour M. C..., et de Me D..., substituant Me A..., pour la société FedEx Express FR, venant aux droits de la société TNT Express International.
Considérant ce qui suit :
1. La société TNT Express France, qui exerce une activité de transport express de plis et colis, a sollicité, après la mise en place d'un plan de sauvegarde de l'emploi validé et homologué par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi Rhône-Alpes le 5 juin 2014, l'autorisation de licencier pour motif économique M. C..., embauché le 20 décembre 2004, lequel occupait en dernier lieu un poste de conseiller service après-vente et détenait les mandats de membre de délégué du personnel et membre du comité d'entreprise. Par décision du 24 juillet 2015, l'inspecteur du travail de la 1ère unité de contrôle de l'unité territoriale de la Seine-Saint-Denis a refusé d'autoriser ce licenciement. Par une décision du 9 mars 2016, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a retiré sa décision implicite de rejet du recours hiérarchique née le 25 janvier 2016, a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 24 juillet 2015, au motif que, contrairement à ce que ce dernier avait estimé, les difficultés économiques du groupe TNT étaient établies et sa compétitivité était menacée, et a ainsi accordé l'autorisation de licencier ce salarié. M. C... relève régulièrement appel du jugement n° 1603399 du 20 décembre 2016 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa requête tendant à l'annulation de cette dernière décision d'autorisation de son licenciement.
Sur le fond du litige :
2. En premier lieu, M. C... reprend en appel, à l'identique, le moyen soulevé en première instance tiré de l'insuffisance de motivation de la décision en litige s'agissant du défaut de lien avec le mandat. Il ressort toutefois de cette décision qu'elle énonce les mandats syndicaux exercés par M. C.... Elle détaille, d'une part, les éléments sur la base desquels la réalité de la cause économique et de la suppression du poste de celui-ci sont retenus et, d'autre part, les démarches de la société pour satisfaire à son obligation de recherche d'un reclassement. Si elle en déduit que la demande d'autorisation de licenciement n'a pas de lien avec le mandat, elle n'avait pas à détailler davantage ce point alors que l'intéressé a pu le contester au fond.
3. En deuxième lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 1233-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable à la date de la décision en litige : " Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques ".
4. En vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des délégués syndicaux et des membres du comité d'entreprise, qui bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle, est subordonné à une autorisation de l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Lorsque l'employeur sollicite une autorisation de licenciement pour motif économique fondée sur le refus du salarié d'accepter une modification de son contrat de travail, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si cette modification était justifiée par un motif économique. Si la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise peut constituer un tel motif, c'est à la condition que soit établie une menace pour la compétitivité de l'entreprise, laquelle s'apprécie, lorsque l'entreprise appartient à un groupe, au niveau du secteur d'activité dont relève l'entreprise en cause au sein du groupe. En outre, la légalité de la décision par laquelle le ministre, après avoir annulé la décision de l'inspecteur du travail, statue sur la demande présentée par l'entreprise, doit être appréciée au regard des circonstances de fait et de droit prévalant à la date de la décision ministérielle.
5. D'une part, il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision de refus de l'inspecteur du travail, ainsi qu'à la date de la décision du ministre autorisant le licenciement, la société TNT Express France faisait partie du groupe TNT, dont l'ensemble des entreprises oeuvraient dans le même secteur d'activité du transport express de colis, documents et fret. Il ressort des pièces du dossier, qu'à la suite notamment d'une baisse des tarifs du secteur due notamment à un marché très concurrentiel, le groupe enregistrait un résultat net déficitaire de 2012 à 2015. En outre, si le groupe TNT était alors le 4ème opérateur mondial dans son domaine d'activité, son chiffre d'affaires était significativement inférieur à celui de ses trois premiers concurrents, qui connaissent des résultats nets excédentaires, cette situation ayant conduit le groupe TNT à élaborer un plan de redressement et un plan de sauvegarde de l'emploi afin d'ajuster ses effectifs et de faire évoluer son organisation.
6. A ce titre, si le rapport d'expertise comptable réalisé dans le cadre de l'assistance apportée au comité d'établissement, soulignait la rentabilité positive du groupe, la solidité de sa structure financière et le versement ou le provisionnement de dividendes, il ne contredit pas les éléments précités au point 5 et mentionne que ces indicateurs proviennent notamment de la pression sur les prix malgré l'augmentation du volume de l'activité. Ni la circonstance que l'autorité de la concurrence ait infligé en 2015 une forte amende au groupe TNT estimant qu'elle n'avait pas de soucis financiers ni celle que le groupe fasse état dans un document du 25 avril 2016 de l'amélioration des résultats économiques et financiers pour le premier trimestre 2016, ne sont de nature à modifier l'appréciation portée par les premiers juges sur la menace de la compétitivité du groupe TNT.
7. D'autre part, si le requérant soutient que l'autorité administrative aurait dû tenir compte du projet de rachat par la société Fedex, il ressort des pièces du dossier qu'à la date à laquelle le ministre a décidé d'autoriser le licenciement, la société Fedex avait lancé une offre publique d'achat de la société TNT qui avait obtenu l'accord de la commission européenne mais que ce rachat n'était pas encore effectif. Enfin, en se bornant à de simples allégations générales, le requérant n'établit pas que la réorganisation de l'entreprise décidée par le groupe TNT n'aurait pas eu pour but une sauvegarde de sa compétitivité mais une opération préalable aux négociations en vue de son rachat par la société Fedex. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la réalité du motif économique de son licenciement, lié à la nécessité de sauvegarder la compétitivité du groupe, n'était pas établie à la date de la décision en litige.
8. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision du ministre autorisant le licenciement, la société TNT Express France faisait partie du groupe TNT, dont l'ensemble des entreprises oeuvraient dans le même secteur d'activité du transport express de colis, documents et fret et que l'administration a, comme elle y était tenue, fait porter son examen sur l'ensemble de la situation économique et financière du groupe TNT. La circonstance qu'un livre comptable du groupe emploie des notions différentes pour définir son activité et que le rapport d'expertise précité indique que les éléments de comparaison avec les entreprises concurrentes les qualifient tantôt d'" intégrateurs ", tantôt d'" opérateurs de colis " est sans incidence sur cette appréciation du secteur d'activité du transport de colis qui n'est pas sérieusement remise en cause par M. C....
9. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 1233-4 du code du travail : " Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l'entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l'entreprise fait partie. Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure. Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises. ".
10. Il ressort des pièces produites que M. C... s'est vu proposer successivement par son employeur plusieurs dizaines de poste dont certains en CDI et localisés sur le site de Villepinte où il exerçait. Le requérant a refusé ces offres. Si des postes de catégorie inférieure lui ont été soumis, c'est en l'absence de toute possibilité de reclasser l'intéressé, à l'intérieur des entreprises du groupe, dans un emploi équivalent à celui qu'il occupait antérieurement. M. C... n'établit pas qu'un reclassement à de meilleures conditions était possible ni que les postes proposés offraient une rémunération inférieure. Il n'établit pas davantage que les postes ainsi proposés nécessitaient une formation qui lui aurait été refusée, ni d'ailleurs qu'il aurait, pendant la durée de son contrat, sollicité en vain des formations. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que le ministre chargé du travail n'a pas commis d'erreur d'appréciation en estimant que la société TNT Express France devait être regardée comme ayant satisfait à l'obligation de reclassement qui lui incombait.
11. En cinquième et dernier lieu, M. C... soutient que la décision en litige présente un lien avec l'exercice de ses mandats syndicaux dès lors qu'il a subi une dispense d'activité contrainte avec de multiples conséquences sur sa rémunération et que sa messagerie a été supprimée. Toutefois, à les supposer établis, ces éléments ne sont pas suffisants pour établir que son licenciement et les conséquences précitées présentent un lien avec ses mandats syndicaux et non avec la restructuration du groupe.
12. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions de M. C... doivent être rejetées y compris les conclusions accessoires qu'il présente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il n'y a pas davantage lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la société TNT Express International tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ni à celles présentées au titre de l'article R. 761-1 du même code, aucun dépens n'ayant été exposé.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la société TNT Express International est rejeté.
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N° 17VE00517