Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... D... a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision du 10 octobre 2013 du ministre du travail retirant sa décision de rejet implicite du 26 août 2013, annulant la décision de l'inspecteur du travail en date du 12 décembre 2012 et autorisant la société Fiducial Private Security à procéder à son licenciement pour motif économique.
Par un jugement n° 1310014 du 31 mars 2016, le Tribunal Administratif de Cergy-Pontoise a fait droit à sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 31 mai 2016, la société Fiducial Private Security, SAS, représentée par Me Thomas, avocat, demande à la Cour d'annuler ce jugement en ce qu'il a annulé la décision du ministre du travail du 10 octobre 2013.
Elle soutient que l'obligation de reclassement pesant sur l'entreprise cédante qui a été entamée le 18 juillet 2012 a été respectée ; le salarié en ne retournant pas un questionnaire sur sa mobilité à l'étranger a compromis toute possibilité de rechercher un éventuel poste disponible ; aucun salarié relevant de la catégorie d'emploi supprimée dans le cadre de la cession partielle par la décision rendue par le Tribunal de commerce de Paris revêtue de l'autorité de la chose jugée, ne lui a été transféré.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- les conclusions de M. Bouzar, rapporteur public,
- les observations de Me A... pour M. D....
Considérant ce qui suit :
1. M. D... a été recruté en février 2000, par la société Neo Security, en qualité de contrôleur. Le 11 octobre 2012, l'administrateur judiciaire désigné par le Tribunal de commerce de Paris dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire avec poursuite d'activité de l'entreprise Neo Security a demandé à l'inspecteur du travail l'autorisation de licencier M. D..., salarié protégé au titre d'un mandat de délégué syndical et de candidat aux élections du comité d'entreprise-délégués du personnel. L'inspecteur du travail a, par une décision du 12 décembre 2012, refusé de faire droit à cette demande au motif que la catégorie d'emploi de contrôleur n'avait pas été supprimée au sein de l'agence Ile-de-France et qu'ainsi des critères d'ordre de licenciement auraient dû trouver à s'appliquer. Par un courrier du 24 avril 2013, la société Fiducial Private Security, entreprise cessionnaire de la société Neo Security, a formé un recours hiérarchique contre cette décision. Par une décision du 10 octobre 2013, le ministre du travail a annulé la décision de l'inspecteur du travail et accordé à la société Fiducial Private Security l'autorisation de licencier M. D.... La société Fiducial Private Security relève appel de l'article premier du jugement du 31 mars 2016 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé cette autorisation.
Sur les interventions :
2. La société Neo Security et Me E..., en qualité de mandataire liquidateur de la société Neo Security, d'une part, et la ministre du travail, d'autre part, ont intérêt à l'annulation du jugement attaqué. Ainsi leurs interventions au soutien de la requête de la société Fiducial Private Security sont recevables.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. En vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions envisagées d'effectifs et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise ou au sein du groupe auquel appartient cette dernière.
4. Aux termes de l'article L. 1233-4 du code du travail dans sa version applicable : " Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient. / Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure. / Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises. ". Il résulte de ces dispositions que, pour apprécier si l'employeur a satisfait à son obligation en matière de reclassement, l'autorité administrative doit s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, qu'il a procédé à la recherche des possibilités de reclassement du salarié dans les entreprises dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent avec elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie de son personnel.
5. Par un jugement du 3 août 2012, le Tribunal de commerce de Paris a arrêté un plan de cession de la société Neo Security au profit de la société Fiducial Private Security avec effet au 1er septembre 2012 qui ne prévoyait aucune reprise de poste sur la qualification professionnelle de contrôleur emportant ainsi la suppression des 12 postes occupés dont celui de M. D.... Dès lors que le licenciement du salarié en cause faisait partie des licenciements prévus par le plan de cession de la société Neo Security à la société Fiducial Private Security qui ne faisait pas partie du groupe Neo Security, l'obligation de reclassement de M. D... incombait à la société Neo Security. Toutefois cette dernière n'a proposé aucune offre de reclassement individuel à M. D.... Si la pénurie d'emplois à proposer au sein du groupe alléguée par l'employeur ressort effectivement des termes du plan de sauvegarde de l'emploi commun aux sociétés Neo Security et Neo Croissance, les entités du groupe n'offrant " aucune perspective crédible de reclassement à la mesure des suppressions de postes envisagées au sein de Neo Security ", il n'est cependant pas établi, notamment, en l'absence de toute recherche individualisée au sein du groupe, qu'aucun emploi équivalent à celui de contrôleur ou à défaut d'emploi équivalent, un emploi d'une catégorie inférieure n'était disponible dans le groupe avant de procéder à un licenciement économique. Enfin, la circonstance, au demeurant non établie, que M. D... n'aurait pas retourné un questionnaire portant sur sa mobilité pour un éventuel reclassement au Maroc adressé le 30 août 2012 n'exonérait pas l'entreprise de son obligation à lui proposer des offres de reclassement précises et personnalisées, notamment au sein de la société Neo Security Maroc qui offre des prestations similaires à celles de la société Neo Security. Par suite, la société Fiducial Private Security n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal s'est fondé sur ce que l'employeur n'avait pas respecté les obligations de reclassement individuel lui incombant pour annuler l'autorisation litigieuse.
6. Il résulte de tout ce qui précède que la société Fiducial Private Security n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé la décision du ministre du travail du 10 octobre 2013 l'autorisant à licencier M. D....
7. Par voie de conséquence, les conclusions de la société Neo Security et de Me E..., en qualité de mandataire liquidateur de la société Neo Security tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, en tout état de cause, qu'être rejetées. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros à M. D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Les interventions de la société Neo Security et Me E... et de la ministre du travail sont admises.
Article 2 : La requête de la société Fiducial Private Security est rejetée.
Article 3 : L'Etat versera à M. D... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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N° 16VE01627