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07/07/2020 | FRANCE | N°16VE02731

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 07 juillet 2020, 16VE02731


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Exo Emma SARL a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise de condamner la commune d'Ermont à lui verser la somme de 73 196,25 euros en réparation des préjudices résultant de neuf mois de fermeture administrative illégale.

Par une ordonnance n° 1602440 du 23 juin 2016, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté la requête de la société Exo Emma SARL pour tardiveté.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 22 août 2016, la SARL

Exo Emma, demande à la Cour :

1° d'annuler l'ordonnance, en toutes ses dispositions, rendue le 2...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Exo Emma SARL a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise de condamner la commune d'Ermont à lui verser la somme de 73 196,25 euros en réparation des préjudices résultant de neuf mois de fermeture administrative illégale.

Par une ordonnance n° 1602440 du 23 juin 2016, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté la requête de la société Exo Emma SARL pour tardiveté.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 22 août 2016, la SARL Exo Emma, demande à la Cour :

1° d'annuler l'ordonnance, en toutes ses dispositions, rendue le 23 juin 2016 par le Président de la 10ème chambre du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise et ayant rejeté la requête indemnitaire pour irrecevabilité ;

2° de condamner la commune d'Ermont à lui verser la somme de 73 196,25 euros en réparation des préjudices résultant de neuf mois de fermeture administrative illégale ;

3° de condamner la commune d'Ermont à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'ordonnance attaquée est entachée d'une erreur de droit, en ce qu'elle méconnaît les articles R. 421-1, R. 421-2 et R. 421-4 du code de justice administrative ;

- les arrêtés municipaux litigieux ayant prononcé la fermeture administrative de son commerce, annulés comme étant illégaux, ont causé des préjudices graves et insurmontables ;

- il existe un lien de causalité directe entre l'illégalité des deux arrêtés municipaux de fermeture administrative et le préjudice subi par la SARL Exo Emma ;

.......................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- les conclusions de Mme Bruno-Salel, rapporteur public,

- et les observations de Me B... pour la commune d'Ermont.

Et connaissance prise de la note en délibéré enregistrée le 16 juin 2020 présentée par la commune d'Ermont.

Considérant ce qui suit :

1. La société Exo Emma SARL, enregistrée au registre du commerce et des sociétés de Pontoise, a exploité un fonds de commerce à partir du 22 janvier 2014, situé au 19 Mail Auguste Rodin sur le territoire de la commune d'Ermont (95120). Suite à plusieurs plaintes de riverains dénonçant des troubles à l'ordre public en raison d'attroupements de personnes alcoolisées en soirée sur la place et Mail Auguste Rodin, le maire de la commune a pris un arrêté le 18 mars 2014 interdisant la vente d'alcool entre 20h et 8h du matin à l'ensemble des commerces situés sur ladite place. Par une déclaration de main courante datée du 15 décembre 2014, une riveraine s'est plainte de faits de tapage nocturne répétés par des individus installés devant le commerce exploité par la SARL Exo Emma. Par un courrier daté du 12 janvier 2015 et adressé au maire de la commune, le commissaire de police compétent soulignait " [qu'il] ressort clairement des déclarations des résidents que les jeunes parviennent toujours à s'approvisionner auprès de l'épicerie " EXO-EMMA " sise au n° 19, Mail Auguste Rodin. " La société requérante ne se conformant pas à l'interdiction de vente d'alcool entre 20h et 8h prononcée par l'arrêté municipal du 18 mars 2014, le maire de la commune d'Ermont a, par arrêté du 14 janvier 2015, prononcé la fermeture administrative du commerce exploité par la SARL Exo Emma pour une durée initiale de trois mois, prolongée par un arrêté du 13 avril 2015, pour une durée identique. La SARL Exo Emma a demandé d'annuler ces deux arrêtés des 14 janvier 2015 et 13 avril 2015 au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, qui par un jugement n° 1501506 et 1505147 du 17 mai 2018, les a annulés. La société a alors demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise de condamner la commune d'Ermont à lui verser la somme de 73 196,25 euros en réparation des préjudices résultant de neuf mois de fermeture administrative illégale. Par une ordonnance du 23 juin 2016 dont la société relève régulièrement appel, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté cette requête pour tardiveté.

Sur l'exception de non-lieu présentée par la commune d'Ermont :

2. La commune d'Ermont fait valoir que la requête de la SARL Exo Emma, enregistrée le 22 août 2016, est dépourvue d'objet, la société ayant été radiée d'office du registre du commerce et des sociétés de Pontoise le 30 septembre 2016 et Mme A..., ancienne gérante de la société, n'ayant pas été désignée pour la représenter en tant que mandataire ad hoc.

3. Aux termes de l'article L. 210-6 du code du commerce : " Les sociétés commerciales jouissent de la personnalité morale à dater de leur immatriculation au registre du commerce des sociétés ". Aux termes de l'article R.123-136 du code de commerce : " Lorsque le greffier a porté au registre une mention de cessation d'activité en application de l'article R. 123-125, il radie d'office la personne qui n'a pas régularisé sa situation, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de l'inscription de cette mention. ". Toutefois, la radiation d'une société du registre du commerce et des sociétés n'entraine pas la disparition de la personnalité morale de ladite société. Une telle disparition ne peut être constatée que lorsque la société a été dissoute ou liquidée.

4. Il ne résulte pas de l'instruction que si la SARL Exo Emma a, après enregistrement de sa requête le 22 août 2016, été radiée d'office du registre du commerce et des sociétés de Pontoise le 30 septembre 2016 en application des dispositions de l'article R. 123-136 du code de commerce, elle aurait été dissoute ou liquidée. Sa gérante pouvait dès lors agir en son nom, ainsi que cela ressort de l'ordonnance du président du tribunal de commerce de Pontoise du 30 mars 2017. Il y a lieu, par suite, de statuer sur la requête de la société.

Sur l'ordonnance attaquée :

5. La demande présentée par la société requérante devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a été rejetée pour tardiveté.

6. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, dans sa rédaction applicable au litige : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article R. 421-3 du même code, également dans sa rédaction applicable au litige : " Toutefois, l'intéressé n'est forclos qu'après un délai de deux mois à compter du jour de la notification d'une décision expresse de rejet : / 1° En matière de plein contentieux ; (...) ".

7. Il résulte de l'instruction que la société a demandé à la commune d'Ermont réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi par courrier du 14 septembre 2015, dont la commune a accusé réception par un courrier du 21 septembre 2015, reçu le 1er octobre 2015 par la société. Toutefois, en l'absence de décision expresse de rejet, la décision implicite de rejet n'était pas susceptible, en application des dispositions précitées alors applicables, de faire naître le délai de recours contentieux. Par suite, la société requérante est fondée à soutenir que c'est à tort que le Président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa requête pour tardiveté, et est, pour ce motif, fondée à en demander l'annulation.

8. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la SARL Exo Emma devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise.

Sur la faute de la commune d'Ermont :

9. En principe, toute illégalité commise par l'administration constitue une faute susceptible d'engager sa responsabilité, pour autant qu'il en soit résulté un préjudice direct et certain. La responsabilité de l'administration ne saurait être engagée pour la réparation des dommages qui ne trouvent pas leur cause dans cette illégalité mais découlent directement et exclusivement de la situation irrégulière dans laquelle la victime s'est elle-même placée, indépendamment des faits commis par la puissance publique, et à laquelle l'administration aurait pu légalement mettre fin à tout moment.

10. IL résulte de l'instruction que, par un jugement n° 1501506 et 1505147 du 17 mai 2018, devenu définitif, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé les deux arrêtés des 14 janvier 2015 et 13 avril 2015, au motif que les fermetures prononcées étaient inadaptées et disproportionnées. La prise de tels arrêtés était donc fautive et était de nature à entraîner la responsabilité pour faute de la commune.

11. Toutefois, l'arrêté du 14 janvier 2015 était motivé par les nombreuses plaintes des habitants du quartier des Passerelles relatives aux nuisances sonores et autres gênes, en soirée comme en journée, provoquées par des attroupements. L'arrêté constatait également que ces faits étaient notamment dus à la consommation de boissons alcoolisées à emporter vendues par le commerce Exo-Emma. Le maire de la commune d'Ermont a étayé ces motifs par la production de deux rapports d'information de la police municipale en date des 2 octobre et 17 décembre 2014, d'une déclaration de main courante en date du 15 décembre 2014 ainsi que d'une pétition des riverains de la place Bartholdi et des environs relatant les nuisances sonores, la vente d'alcool en provenance de l'épicerie qui génère des rixes mais également le stationnement d'individus devant le 19 mail Rodin débutant en milieu d'après-midi et se poursuivant jusque tard dans la nuit. Le jugement du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 17 mai 2018, devenu définitif, considérait que les nuisances sonores dont l'origine était bien antérieure à l'ouverture de l'épicerie étaient provoquées par le passage incessant des livreurs de pizza jusqu'à tard le soir, et que les désordres étaient amplifiés depuis l'ouverture de l'épicerie qui offrait à ses usagers un accès à un poste de télévision, ce qui générait des attroupements, les riverains ayant également constaté qu'il y avait des rassemblements importants à proximité immédiate de la pizzeria ou en face sous les coursives jouxtant la bibliothèque annexe, que cette situation existait depuis au moins 2006, et qu'elle avait justifié la prise de deux arrêtés de fermeture temporaire des 18 septembre 2006 et 18 mars 2014.

12. Il résulte également d'un courrier du 12 janvier 2015 rédigé par le commissaire de police compétent et adressé au maire de la commune d'Ermont que la société requérante ne s'est pas conformée à l'interdiction de vente d'alcool prononcée à l'encontre des commerces situés place et Mail Auguste Rodin par l'arrêté municipal du 18 mars 2014 et renouvelée durant l'année 2015. L'absence de respect de cette interdiction de vente d'alcool par la société requérante constitue une faute de nature à exonérer de sa responsabilité la commune d'Ermont à hauteur de 50%.

Sur les préjudices :

13. La société requérante demande en premier lieu l'indemnisation des pertes d'exploitation subies. Pour établir ses pertes, elle se borne toutefois à produire un compte de résultat et un bilan comptable non certifiés, dont la commune d'Ermont critique en défense la valeur probante. En l'absence d'éléments permettant de considérer le préjudice allégué comme certain, les conclusions tendant à l'indemnisation de ce chef de préjudice doivent être rejetées.

14. La société Exo Emma demande ensuite l'indemnisation des salaires versés à sa gérante au cours des six mois de fermeture, ainsi que des loyers versés au cours de cette même période. Toutefois, elle ne produit pas d'éléments permettant de considérer comme établis les versements de ces loyers et salaires. Le préjudice invoqué est donc dépourvu de caractère certain, et sera, pour ce motif, écarté.

15. Enfin, la société demande l'indemnisation des achats de denrées alimentaires réalisés deux jours avant la fermeture prononcée par le maire de la commune d'Ermont. Toutefois elle ne produit aucune facture acquittée, mais qu'un bordereau de livraison des produits en date du 11 janvier 2015, ne permettant pas de considérer qu'elle se serait acquittée de la somme réclamée à ce titre. Les conclusions tendant à l'indemnisation de ce chef de préjudice doivent, par suite, être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

16. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune d'Ermont qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que demande la SARL Exo Emma au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la société Exo Emma la somme demandée à ce titre par la commune d'Ermont.

DÉCIDE :

Article 1er : L'ordonnance n° 1602440 du 23 juin 2016 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulée.

Article 2 : La demande présentée par la SARL Exo Emma devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de la commune d'Ermont présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

N° 16VE02731 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 16VE02731
Date de la décision : 07/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

49-05-04 Police. Polices spéciales. Police des débits de boissons.


Composition du Tribunal
Président : Mme LE GARS
Rapporteur ?: Mme Diane MARGERIT
Rapporteur public ?: Mme BRUNO-SALEL
Avocat(s) : DJOUKA

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-07-07;16ve02731 ?
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