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06/07/2020 | FRANCE | N°18VE02609

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 06 juillet 2020, 18VE02609


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) SATGS a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise de mettre à la charge de l'État la somme de 808 963 euros à titre d'intérêts moratoires, en application de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales, assortie des intérêts de retard.

Par un jugement no 1605031 du 4 juillet 2018, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 20 juillet 2018, l

a SAS STAGS, représentée par Me A..., demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement attaqué ;

2...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) SATGS a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise de mettre à la charge de l'État la somme de 808 963 euros à titre d'intérêts moratoires, en application de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales, assortie des intérêts de retard.

Par un jugement no 1605031 du 4 juillet 2018, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 20 juillet 2018, la SAS STAGS, représentée par Me A..., demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement attaqué ;

2° d'annuler la décision de rejet partiel de sa réclamation en date du 15 avril 2016 ;

3° de mettre à la charge de l'État la somme de 808 963 euros au titre des intérêts moratoires qui lui sont dus à raison du dégrèvement prononcé par l'administration fiscale à hauteur d'un montant de 6 037 039 euros, assortie des intérêts de retard.

4° de mettre à la charge de l'État la somme de 7 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La SAS STAGS soutient que :

- sa requête, présentée devant le Tribunal administratif, était recevable, dès lors qu'elle était redevable de l'impôt et qu'en cette qualité, elle a intérêt à agir pour contester les droits dus et pour solliciter le versement d'intérêts moratoires, lesquels constituent l'accessoire du montant du dégrèvement obtenu ;

- les intérêts moratoires sont dus à la date du versement sur la totalité de la somme remboursée le 9 mars 2015, et sur une période décomptée à partir du 22 mai 2012, pour réparer le préjudice financier subi, le montant du dégrèvement décidé par l'administration fiscale n'ayant jamais été remis en cause ; l'administration a sollicité des associés, par ailleurs, le paiement d'intérêts de retard.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- les articles 7 et 12 de l'ordonnance n° 2020-305 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif modifiée par les ordonnances n° 2020-405 du 8 avril 2020, n° 2020-427 du 15 avril 2020 et n° 2020-558 du 13 mai 2020 ;

- le code de justice administrative.

En application de l'article 7 de l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020, les parties ont été régulièrement informées de la tenue d'une audience partiellement dématérialisée.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Beaujard, président,

- les conclusions de Mme Méry, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. La société STAGS, société par actions simplifiée, exerçant une activité de gestion de fonds, a bénéficié d'un dégrèvement d'un montant de 6 037 039 euros. Elle n'a pas perçu à cette occasion un montant d'intérêts moratoires correspondant à la totalité du dégrèvement prononcé. Elle demande l'annulation du jugement du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise rejetant se demande de versement des intérêts moratoires correspondant à la somme totale restituée de 6 037 039 euros.

Sur les fins de non-recevoir opposées par le ministre de l'action et des comptes publics :

2. La demande présentée par la société STAGS tend au paiement d'intérêts moratoires. Son recours présente exclusivement un caractère de plein contentieux. Par suite, ses conclusions en annulation dirigées contre la décision de rejet partiel de sa réclamation, tendant au versement des mêmes intérêts, sont irrecevables et doivent, en conséquence, être rejetées.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Aux termes de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales : " Quand l'Etat est condamné à un dégrèvement d'impôt par un tribunal ou quand un dégrèvement est prononcé par l'administration à la suite d'une réclamation tendant à la réparation d'une erreur commise dans l'assiette ou le calcul des impositions, les sommes déjà perçues sont remboursées au contribuable et donnent lieu au paiement d'intérêts moratoires dont le taux est celui de l'intérêt de retard prévu à l'article 1727 du code général des impôts. Les intérêts courent du jour du paiement. Ils ne sont pas capitalisés. ".

4. La société STAGS, qui avait versé la somme de somme de 6 037 039 euros en sa qualité de redevable du prélèvement forfaitaire libératoire, et des prélèvements sociaux correspondant, dus par ses associés au titre de l'exercice 2012, en application du 6° de l'article 112 du code général des impôts, avait qualité pour contester le montant de l'imposition, même en l'absence de mandat conventionnel de la part de ses associés. Dès lors, la requérante avait également qualité pour contester l'accessoire de l'obligation principale que constituent les intérêts moratoires versés en application des dispositions du livre des procédures fiscales citées au point 3 ci-dessus, en cas de dégrèvement de l'imposition. Il s'ensuit que la société STAGS est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande comme irrecevable au motif qu'elle n'avait pas intérêt ni qualité pour agir. Le jugement du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise en date du 4 juillet 2018 doit, dès lors, être annulé.

5. Il y a lieu, par suite, d'examiner les conclusions de la société STAGS dans le cadre de l'évocation.

Sur le bien-fondé de la demande de la société STAGS :

6. Si les dispositions précitées de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales n'autorisent pas l'administration fiscale, lorsqu'elle rétablit, par une nouvelle décision, des impositions pour lesquelles elle estime avoir consenti un dégrèvement à tort, à exiger du contribuable la restitution des intérêts moratoires que l'Etat lui a versés à l'occasion de ce dégrèvement, il n'en va pas de même lorsque le dégrèvement prononcé n'était pas le résultat d'une méprise, l'administration n'ayant pas eu d'autre choix que de prononcer un tel dégrèvement avant non pas de le rétablir, mais de conférer à la matière imposable une autre qualification à l'égard d'autres redevables.

7. La société STAGS a acquitté, au titre de l'exercice 2012, dans le cadre d'une opération de rachat d'actions par ses actionnaires, le prélèvement forfaitaire libératoire pour lequel ils avaient opté, dans le cadre des dispositions de l'article 117 quater du code général des impôts, l'imposition ayant été établie conformément aux dispositions du 6° de l'article 112 du même code pour un montant de 6 037 039 euros. Par une décision du Conseil constitutionnel du 20 juin 2014, n° 2014-404, les dispositions du 6° de l'article 112 du code général des impôts ont été déclarées contraires à la Constitution. L'administration a en conséquence prononcé le dégrèvement de l'intégralité des sommes versées au titre du prélèvement forfaitaire libératoire et des prélèvements sociaux correspondants, et mis à la charge, non plus de l'établissement payeur, mais des associés bénéficiaires des distributions, une imposition fondée sur le régime des plus-values de cessions, pour un montant de 2 920 299 euros.

8. En procédant ainsi, l'administration n'a pas prononcé à tort le dégrèvement du prélèvement libératoire, qu'elle était au contraire tenue d'accorder. Elle n'a pas plus rétabli cette imposition, les nouveaux droits ne pouvant être établis que sur des fondements légaux différents, en l'espèce les plus-values de cession, et à l'encontre de redevables différents, à savoir les actionnaires de la société. C'est ainsi à bon droit qu'elle n'a accordé aux actionnaires de la société STAGS, qui auraient supporté en définitive la charge finale du prélèvement libératoire par imputation de ce prélèvement sur les sommes à eux versées par la société, des intérêts moratoires compensant le seul préjudice réellement subi par eux, soit des intérêts moratoires portant sur la différence entre les montants de 6 037 039 euros et de 2 920 299 euros. Contrairement à ce que soutient la société requérante, l'administration ne pouvait opter pour le versement de la totalité des intérêts moratoires tout en assortissant l'imposition sur les plus-values d'intérêts de retard, aucun retard ne pouvant être imputé aux actionnaires bénéficiaires des versements, qui avaient acquitté en temps utile l'imposition dont ils étaient redevables, fut-ce sous la forme d'un prélèvement libératoires reconnu par la suite inconstitutionnel.

9. Il résulte de ce qui précède que la demande de la société STAGS doit être rejetée, y compris ses conclusions accessoires, et notamment ses conclusions portant sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n°1605031 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise du

4 juillet 2018 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par la société STAGS devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise et ses conclusions tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

2

N° 18VE02609


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18VE02609
Date de la décision : 06/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt - Dégrèvement.

Contributions et taxes - Généralités - Recouvrement - Paiement de l'impôt - Questions diverses.


Composition du Tribunal
Président : M. BEAUJARD
Rapporteur ?: M. Patrice BEAUJARD
Rapporteur public ?: Mme MERY
Avocat(s) : SCP BENICHOU ET RONTCHEVSKY

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-07-06;18ve02609 ?
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