Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... A... a demandé au Tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 9 juillet 2018 par lequel le préfet de l'Essonne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, d'enjoindre au préfet de l'Essonne de réexaminer sa situation au regard de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou, à défaut au regard de l'article L. 314-11 2° de ce code, et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Par un jugement n° 1807790 du 29 janvier 2019, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 23 octobre 2019, Mme A..., représentée par Me Ngeleka, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° d'annuler cet arrêté ;
3° d'enjoindre au préfet de l'Essonne de procéder au réexamen de sa demande, dès la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 120 euros par jour de retard ;
4° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;
- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé ;
- il est entaché d'un vice de procédure car le collège des médecins ne l'a pas convoquée à une expertise médicale contradictoire ;
- l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration n'est pas conforme aux prescriptions de l'article R. 4127-76 du code de la santé publique et méconnaît, en l'absence d'expertise médicale contradictoire et d'avis d'organisations telles que l'OMS, Médecins du Monde, Médecins Sans Frontières, les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- cet avis est en contradiction avec les constatations médicales de son médecin traitant et ne démontre pas que le défaut de prise en charge médicale n'entrainerait pas des conséquences d'une exceptionnelle gravité ;
- le collège des médecins aurait dû se renseigner sur sa capacité à accéder aux soins médicaux dans son pays d'origine ;
- le préfet de l'Essonne a méconnu les dispositions des articles R. 313-23, R. 313-26 et L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il a méconnu les dispositions des articles L. 313-11 7°, L. 313-14 et L. 314-11 2° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il a méconnu les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et commis une erreur manifeste d'appréciation ;
- il aurait dû, malgré tout, procéder à la régularisation de sa situation.
----------------------------------------------------------------------------------------------------------
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de la santé publique ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet1991 ;
- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante sénégalaise née le 1er janvier 1957, relève appel du jugement du 29 janvier 2019 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Essonne du 9 juillet 2018 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire dans le délai de trente jours et fixant le pays de renvoi.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. ". Il ressort de l'examen du jugement attaqué que celui-ci est suffisamment motivé tant en fait qu'en droit. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation du jugement attaqué doit être écarté.
Au fond :
3. En premier lieu, l'arrêté attaqué énonce de manière suffisante les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Il est, par suite, suffisamment motivé.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat ". Aux termes de l'article R. 313-22 de ce code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. Les orientations générales mentionnées à la quatrième phrase du 11° de l'article L. 313-11 sont fixées par arrêté du ministre chargé de la santé. ". Aux termes de l'article R. 313-23 du même code : " Le rapport médical visé à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre (...) Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. (...) Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège (...) ". Aux termes de l'article R. 4127-76 du code de la santé publique : " L'exercice de la médecine comporte normalement l'établissement par le médecin, conformément aux constatations médicales qu'il est en mesure de faire, des certificats, attestations et documents dont la production est prescrite par les textes législatifs et réglementaires. Tout certificat, ordonnance, attestation ou document délivré par un médecin doit être rédigé lisiblement en langue française et daté, permettre l'identification du praticien dont il émane et être signé par lui. Le médecin peut en remettre une traduction au patient dans la langue de celui-ci ".
5. Il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un étranger qui en fait la demande au titre des dispositions du 11° de l'article L. 313-11, de vérifier, au vu de l'avis mentionné à ce même article, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.
6. L'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 12 mars 2018 indique que si l'état de santé de la requérante nécessite une prise en charge médicale, son défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité.
7. Si la requérante soutient que l'avis susmentionné est entaché d'un vice de procédure dès lors que le collège des médecins de l'OFII ne l'a pas convoquée à une expertise médicale contradictoire, aucune disposition légale ou réglementaire n'impose une telle convocation. De la même manière, aucun texte applicable en l'espèce n'impose au collège des médecins de l'OFII de recueillir, au préalable, l'avis de l'Organisation mondiale de la santé, d'organisations non gouvernementales ou de firmes pharmaceutiques.
8. En se bornant à soutenir que l'avis du collège des médecins de l'OFII n'est pas conforme aux dispositions précitées de l'article R. 4127-76 du code de la santé publique, la requérante n'assortit pas ce moyen des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé.
9. Si la requérante soutient que le préfet de l'Essonne s'est fondé à tort sur l'avis susmentionné, dès lors que celui-ci serait en contradiction avec les constatations médicales de son médecin traitant et ne démontrerait pas que le défaut de prise en charge médicale n'entrainerait pas des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle ne produit aucun élément médical au soutien de cette allégation. Dans ces conditions, et sans que la requérante puisse utilement se prévaloir des stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, elle n'est pas fondée à soutenir que les dispositions citées au point 4 auraient été méconnues.
10. En troisième lieu, la requérante ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle aurait également présenté une demande de titre de séjour sur le fondement de ces dispositions.
11. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si la présence de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public, la carte de résident est délivrée de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour : (...) 2° A l'enfant étranger d'un ressortissant de nationalité française si cet enfant est âgé de dix-huit à vingt et un ans ou dans les conditions prévues à l'article L. 311-3 ou s'il est à la charge de ses parents ainsi qu'aux ascendants d'un tel ressortissant et de son conjoint qui sont à sa charge, sous réserve qu'ils produisent un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois (...) ". Si la requérante soutient que les dispositions précitées ont été méconnues, il est constant qu'entrée en France sous couvert d'un visa Schengen valable du 19 janvier 2015 au 9 février 2015, elle est dépourvue du visa de long séjour exigé par ces dispositions.
12. En cinquième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger (...), qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. (...) ".
13. Mme A... fait valoir qu'elle réside en France depuis 2015, qu'elle réside chez sa fille, laquelle possède la nationalité française, qu'elle est à sa charge, que ses autres enfants vivent également en France, et qu'elle est veuve et dépourvue d'attaches dans son pays d'origine. Toutefois, si l'intéressée produit à l'appui de ses allégations des attestations établies par ses enfants, il ressort des pièces du dossier qu'entrée en France en 2015 à l'âge de cinquante-neuf ans, elle n'est pas dépourvue d'attaches dans son pays d'origine où réside sa fratrie. Dans ces conditions, et alors que la requérante ne justifie pas d'une insertion particulière au sein de la société française, l'arrêté attaqué n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a été édicté. Par suite, le moyen tiré de ce que cet arrêté aurait été pris en méconnaissance des textes cités au point 12 ne peut qu'être écarté. Pour les mêmes motifs, le préfet de l'Essonne n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation au regard de la situation personnelle et familiale de la requérante.
14. En sixième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en ne faisant pas usage de son pouvoir discrétionnaire pour délivrer à la requérante un titre de séjour, le préfet de l'Essonne aurait commis une erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle et familiale de l'intéressée.
15. Enfin, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture, ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ".
16. Si la requérante soutient qu'en raison de son état de santé, un retour dans son pays d'origine méconnaîtrait les stipulations précitées, ce moyen, qui n'est d'ailleurs opérant qu'à l'encontre de la seule décision fixant le pays de renvoi, doit être écarté pour les motifs exposés au point 9.
17. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées, ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
N° 19VE03500 2