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26/06/2020 | FRANCE | N°18VE02507

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 26 juin 2020, 18VE02507


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... C... a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler le courrier du président du conseil départemental des Hauts-de-Seine du 23 septembre 2015 la mettant en demeure de prendre ses nouvelles fonctions à compter du 15 octobre 2015 au sein du service sécurité incendie, de condamner le département des Hauts-de-Seine à lui verser la somme de 5 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis, et de mettre à la charge du département des Hauts-de-Seine la somme de 3 50

0 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... C... a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler le courrier du président du conseil départemental des Hauts-de-Seine du 23 septembre 2015 la mettant en demeure de prendre ses nouvelles fonctions à compter du 15 octobre 2015 au sein du service sécurité incendie, de condamner le département des Hauts-de-Seine à lui verser la somme de 5 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis, et de mettre à la charge du département des Hauts-de-Seine la somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1510189 du 22 mai 2018, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement le 22 juillet 2018 et le

10 juin 2020, Mme C..., représentée par Me D..., avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° d'annuler cette mesure ;

3° de condamner le département des Hauts-de-Seine à lui verser la somme de

4 150 euros en réparation de ses préjudices ;

4° de mettre à la charge du département des Hauts-de-Seine la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier, dès lors que la minute n'est pas signée, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;

- il est insuffisamment motivé ;

- il est entaché d'une erreur de droit, d'erreur de fait et d'erreur dans la qualification juridique des faits ;

- elle a été mise en demeure d'occuper un poste dont la vacance n'a fait l'objet d'aucune mesure de publicité, en méconnaissance des dispositions des articles 14 et 41 de la loi du 26 janvier 1984 ;

- elle n'a reçu aucun arrêté d'affectation ;

- la décision attaquée n'est pas une mesure d'ordre intérieur ; elle porte atteinte à sa situation professionnelle dès lors qu'elle a occupé de 2011 à 2016 les fonctions de secrétaire du chef du service des huissiers et de secrétaire du directeur de la logistique et des moyens communs ; elle entraîne une perte de responsabilités et de rémunération ;

- elle constitue une sanction déguisée ; l'intention de la sanctionner est manifeste ; la décision porte atteinte à sa situation professionnelle ;

- elle a subi un préjudice financier qui doit être réparé à hauteur de la somme de 2 150 euros, ainsi qu'un préjudice moral qui doit être réparé à hauteur de la somme de 2 000 euros.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de M. Cabon, rapporteur public,

- et les observations de Me D..., pour Mme C..., et celles de Me E..., substituant Me A..., pour le département des Hauts-de-Seine.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., née le 9 mars 1968, est adjoint administratif titulaire au sein des services du département des Hauts-de-Seine. Elle a exercé les fonctions de secrétaire du chef du service " accueil-huissiers " de la direction de la logistique et des moyens communs. Par un courrier daté du 23 septembre 2015, le directeur général adjoint du pôle ressources humaines et financières du département des Hauts-de-Seine l'a mise en demeure d'occuper, à compter du 15 octobre suivant, les fonctions de secrétaire du chef de l'unité sécurité incendie. Mme C... relève appel du jugement du 22 mai 2018 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette mesure et à la réparation de ses préjudices.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ".

3. Il ressort des pièces du dossier de première instance que la minute du jugement attaqué comporte, conformément aux dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative, les signatures du président de la formation de jugement, du rapporteur et du greffier de l'audience. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement méconnaîtrait les dispositions précitées manque en fait et doit être écarté.

4. En deuxième lieu, alors même qu'il ne détaille pas les raisons pour lesquelles il estime qu'" il résulte de la comparaison de [la] dernière fiche de poste [de la requérante] avec celle correspondant à sa nouvelle affectation que les responsabilités confiées présentent un caractère équivalent ", le jugement attaqué est suffisamment motivé dans son point 4, s'agissant des raisons ayant conduit les premiers juges à considérer que la décision contestée présente le caractère d'une mesure d'ordre intérieur insusceptible de recours.

5. Enfin, si Mme C... soutient que les premiers juges ont commis une erreur dans la qualification juridique des faits, une erreur de droit ou une erreur de fait, de tels moyens, qui se rattachent au bien-fondé du raisonnement suivi par le Tribunal administratif, ne sont pas de nature à entacher ce jugement d'irrégularité.

Au fond :

6. Les mesures prises à l'égard d'agents publics qui, compte tenu de leurs effets, ne peuvent être regardées comme leur faisant grief, constituent de simples mesures d'ordre intérieur insusceptibles de recours. Il en va ainsi des mesures qui, tout en modifiant leur affectation ou les tâches qu'ils ont à accomplir, ne portent pas atteinte aux droits et prérogatives qu'ils tiennent de leur statut ou à l'exercice de leurs droits et libertés fondamentaux, ni n'emportent perte de responsabilités ou de rémunération. Le recours contre une telle mesure, à moins qu'elle ne traduise une discrimination, est irrecevable, alors même que la mesure de changement d'affectation aurait été prise pour des motifs tenant au comportement de l'agent public concerné.

7. Mme C... soutient que le courrier contesté du 23 septembre 2015 ne saurait être qualifié de mesure d'ordre intérieur, dès lors qu'il a entraîné pour elle une perte de responsabilités et de rémunération. Elle fait en particulier valoir qu'elle exerçait jusqu'alors non seulement les fonctions de secrétaire du chef du service des huissiers, mais également celles de secrétaire du directeur de la logistique et des moyens communs.

8. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, en particulier du compte-rendu de son évaluation au titre de l'année 2010 signé par le chef du service des huissiers que Mme C... n'assurait qu'un " appui ponctuel [au] secrétariat du directeur ". En outre, sa fiche de poste, établie le 1er juillet 2011, ne mentionne que le secrétariat administratif du service des huissiers. En outre, il ne ressort pas des organigrammes versés au dossier que Mme C... aurait assuré en permanence les fonctions de secrétaire du directeur de la logistique et des moyens communs. Par ailleurs, si Mme C... produit deux attestations établies les 6 et 8 juin 2020 par deux agents du département des Hauts-de-Seine, lesquels déclarent qu'elle assurait de manière permanente les fonctions de secrétaire du directeur de la logistique et des moyens communs, ces documents, postérieurs au jugement attaqué, sont insuffisamment probants. Il ressort au contraire d'une note du directeur des moyens communs du 8 décembre 2011 que celui-ci s'opposait à ce que la requérante, compte tenu de son comportement, occupe comme elle le demandait les fonctions en question. Ainsi, la mesure contestée du 23 septembre 2015 n'est, en tout état de cause, pas entachée d'erreur de fait en ce qui concerne la nature des fonctions exercées jusque là par Mme C.... Par ailleurs, il ne ressort, ni de la fiche de poste de secrétaire du chef du service de la sécurité incendie, mise à jour le 4 août 2015, ni des autres pièces du dossier, en particulier d'un courrier d'une organisation syndicale du 10 novembre 2015, que les nouvelles fonctions confiées à Mme C... ont emporté une quelconque perte de responsabilités ou une dégradation de ses conditions de travail résultant notamment de ce qu'elle aurait été mise en demeure de s'installer dans un bureau ne comportant pas l'équipement nécessaire ou que ce bureau n'aurait pas présenté des garanties d'hygiène et de sécurité suffisantes.

9. En outre, si la requérante soutient que son changement d'affectation s'est traduit par une baisse de ses revenus, les bulletins de paie des mois de novembre et décembre 2016 qu'elle produit sont de nature à établir qu'elle a conservé après sa nouvelle affectation son traitement indiciaire ainsi que l'ensemble de ses indemnités, en particulier la nouvelle bonification indiciaire, qu'elle percevait antérieurement. D'ailleurs, sa rémunération nette au titre du mois de décembre 2016 est supérieure à celle qu'elle a perçue au titre des mois de novembre 2014 et mai 2015. Si Mme C... produit également des bulletins de paie de 2018 sur lesquels ces indemnités ne figurent plus, cette situation est en tout état de cause postérieure de près de trois années par rapport à la mesure en litige et n'est pas de nature à établir que cette dernière a entraîné une baisse de sa rémunération.

10. Dans ces conditions, le courrier contesté, qui n'a pas porté atteinte aux droits et prérogatives statutaires de Mme C... et à l'exercice de ses droits et libertés fondamentaux, n'a emporté aucune perte de responsabilités ou de rémunération, et ne traduit aucune discrimination, constitue une mesure d'ordre intérieur insusceptible de recours.

11. Enfin, la mise en demeure en litige ne traduit pas l'intention de l'administration de sanctionner Mme C... et ne porte pas atteinte, ainsi qu'il a été dit précédemment, à sa situation professionnelle. Il ressort d'ailleurs des termes d'un courrier de l'administration du 7 août 2015, dont les termes ne sont pas sérieusement contestés, que le poste occupé jusque là par Mme C... ne répondait plus à un besoin du département. Dès lors, la mesure litigieuse ne constitue pas une sanction déguisée. Par suite, c'est à bon droit que le tribunal a rejeté comme irrecevables les conclusions de Mme C... tendant à l'annulation de la mise en demeure du 23 septembre 2015.

12. Cette mesure n'étant pas susceptible de recours, il n'y a pas lieu de répondre aux moyens tirés de ce que Mme C... a été mise en demeure d'occuper un poste dont la vacance n'a fait l'objet d'aucune mesure de publicité en méconnaissance des dispositions des articles 14 et 41 de la loi du 26 janvier 1984, et de ce qu'elle n'a reçu aucun arrêté d'affectation.

13. Par voie de conséquence, et sans qu'il soit besoin d'examiner leur recevabilité, les conclusions indemnitaires présentées par Mme C... doivent être rejetées.

14. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Sur les frais liés à l'instance :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées sur ce point par Mme C..., partie perdante. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par le département des Hauts-de-Seine à ce même titre.

D É C I D E :

Article 1er : La requête présentée par Mme C... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le département des Hauts-de-Seine au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

N° 18VE02507 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18VE02507
Date de la décision : 26/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Actes législatifs et administratifs - Différentes catégories d'actes - Actes administratifs - notion - Instructions et circulaires - Recevabilité du recours pour excès de pouvoir.

Fonctionnaires et agents publics - Positions - Affectation et mutation - Affectation.


Composition du Tribunal
Président : M. CAMENEN
Rapporteur ?: M. Thierry ABLARD
Rapporteur public ?: M. CABON
Avocat(s) : MENARD

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-06-26;18ve02507 ?
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