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22/06/2020 | FRANCE | N°18VE03842

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 22 juin 2020, 18VE03842


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCA Foncière des Murs a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des suppléments de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, de taxe additionnelle à cette cotisation, ainsi que des pénalités et des frais de gestion correspondants qui lui ont été mis à sa charge au titre des années 2010, 2011, 2012, 2013 et 2014.

Par un jugement n°s 1704216, 1706177 du 20 septembre 2018, le Tribunal administratif de Montreuil a constaté un non-lieu à statuer sur les co

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCA Foncière des Murs a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des suppléments de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, de taxe additionnelle à cette cotisation, ainsi que des pénalités et des frais de gestion correspondants qui lui ont été mis à sa charge au titre des années 2010, 2011, 2012, 2013 et 2014.

Par un jugement n°s 1704216, 1706177 du 20 septembre 2018, le Tribunal administratif de Montreuil a constaté un non-lieu à statuer sur les conclusions de la société Foncière des Murs à concurrence des sommes ayant fait l'objet de dégrèvements en cours d'instance, condamné l'État au versement d'une somme de 1 500 euros eu titre de dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et rejeté le surplus des conclusions de ses demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 20 novembre 2018, la société COVIVIO HÔTELS (anciennement dénommée SCA Foncière des Murs), représentée par Me C... et Me B..., doit être regardée comme demandant à la Cour :

1° d'annuler ce jugement en tant qu'il rejette le surplus des conclusions de sa demande ;

2° de prononcer la décharge des impositions correspondantes à hauteur des sommes restant en litige ;

3° de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'activité de location d'immeubles nus, dont le caractère professionnel n'a été reconnu qu'en 2010, n'entrait pas dans le champ de la taxe professionnelle ainsi qu'il ressort des travaux préparatoires de la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009, d'une réponse apportée par le ministre de l'économie de l'industrie et de l'emploi à la question écrite n° 65984 publiée au Journal Officiel du 3 août 2010 et de la jurisprudence ;

- le dispositif transitoire institué par la loi s'applique à toutes les sociétés foncières qu'elles aient été ou non soumises à la taxe professionnelle avant 2010, le seul critère légal étant la nature de l'activité, ainsi que le confirme la doctrine fiscale référencée BOI-IF-CFE-10-20-30-20140630 ;

- son activité de bailleur ne traduit aucune immixtion dans l'activité de ses locataires ; l'indexation des loyers sur le chiffre d'affaires des preneurs ne suffit pas, à elle-seule, à caractériser une immixtion dans la gestion de l'exploitation de son locataire.

Vu le jugement attaqué.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- les articles 7 et 12 de l'ordonnance n° 2020-305 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif modifiée par les ordonnances n° 2020-405 du 8 avril 2020, n° 2020-427 du 15 avril 2020 et n° 2020-558 du 13 mai 2020 ;

- le code de justice administrative.

En application de l'article 7 de l'ordonnance n°2020-305 du 25 mars 2020, les parties ont été régulièrement informées de la tenue d'une audience partiellement dématérialisée.

Ont été entendus au cours de l'audience publique partiellement dématérialisée :

- le rapport de Mme A... via un moyen de télécommunication audiovisuelle,

- et les conclusions de Mme Méry, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société COVIVIO HÔTELS, dénommée SCA Foncière des Murs à l'époque des faits, est une société d'investissements immobiliers cotée dont l'activité consiste à acquérir des murs dont elle assure la gestion auprès de sociétés exploitantes, puis à leur louer ces bâtiments dans le cadre de baux commerciaux de longue durée, lesdits exploitants conservant la propriété des fonds de commerce attachés à ces lieux. Elle a fait l'objet de deux procédures de vérification de comptabilité à l'issue desquelles l'administration fiscale a mis à sa charge des suppléments de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises au titre des périodes du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2014, en lui refusant le bénéfice des mesures transitoires d'atténuation de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises prévues par les dispositions du II de l'article 1586 sexies du code général des impôts. Postérieurement à l'introduction des demandes de la société COVIVIO HÔTELS devant le Tribunal administratif de Montreuil, l'administration fiscale a prononcé le dégrèvement des suppléments de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, portant sur les loyers perçus en application de baux ne comportant pas d'indexation sur les loyers ne comportant pas de clause d'indexation sur le chiffre d'affaires ou les résultats du preneur. Par la présente requête, la société COVIVIO HÔTELS relève appel du jugement du 20 septembre 2018 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions correspondantes à hauteur des sommes restant en litige.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. D'une part, aux termes du I de l'article 1447 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux impositions en litige : " La taxe professionnelle est due chaque année par les personnes physiques ou morales qui exercent à titre habituel une activité professionnelle non salariée. ". La location d'un immeuble nu par son propriétaire ne présente pas le caractère d'une activité professionnelle au sens de ces dispositions sauf dans l'hypothèse où, à travers cette location, le bailleur ne se borne pas à gérer son propre patrimoine mais poursuit, selon des modalités différentes, une exploitation commerciale antérieure ou participe à l'exploitation du locataire

3. D'autre part, aux termes de l'article 1586 ter du code général des impôts dans sa rédaction alors applicable : " I. - Les personnes physiques ou morales ainsi que les sociétés non dotées de la personnalité morale qui exercent une activité dans les conditions fixées aux articles 1447 et 1447 bis et dont le chiffre d'affaires est supérieur à 152 500 euros sont soumises à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. / II. - 1. La cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises est égale à une fraction de la valeur ajoutée produite par l'entreprise, telle que définie à l'article 1586 sexies. (...) 2. La fraction de la valeur ajoutée mentionnée au 1 est obtenue en multipliant cette valeur ajoutée par un taux égal à 1, 5 %. (...) ". Aux termes de l'article 1586 sexies du même code : " (...) II. Par exception au I, les produits et les charges mentionnés au même I et se rapportant à une activité de location ou de sous-location d'immeubles nus réputée exercée à titre professionnel au sens de l'article 1447 ne sont pris en compte, pour le calcul de la valeur ajoutée, qu'à raison de 10 % de leur montant en 2010, 20 % en 2011, 30 % en 2012, 40 % en 2013, 50 % en 2014 (...) ". Il résulte des travaux parlementaires de l'article 2 de la loi du 30 décembre 2009 susvisée qu'en précisant que le dispositif transitoire ne s'appliquait qu'aux activités de location " réputées " exercées à titre professionnel au sens de l'article 1447 du code général des impôts, le législateur a entendu exclure de ce dispositif transitoire les activités de location exercées à titre professionnel par nature au sens des anciennes dispositions applicables à la taxe professionnelle pour le réserver aux activités constituant une simple gestion passive du patrimoine privé.

4. Il résulte de ces dispositions que, d'une part, est assujettie à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, comme elle l'était à la taxe professionnelle avant l'année de sa suppression en 2010, l'activité de location d'un immeuble nu qui présente par nature un caractère professionnel lorsque, à travers cette location, le bailleur ne se borne pas à gérer son propre patrimoine mais poursuit, selon des modalités différentes, une exploitation commerciale antérieure ou participe à l'exploitation du locataire et, d'autre part, sont assujetties progressivement à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, à compter de l'année 2010, toutes les autres activités de location ou de sous-location d'immeubles nus, à l'exception de celles à usage d'habitation, dans la mesure où elles sont désormais réputées exercées à titre professionnel.

5. Il s'en déduit que le mécanisme de lissage de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises prévu par l'article 1586 sexies du code général des impôts ne s'applique qu'aux activités réputées exercées à titre professionnel et ne concerne ainsi pas celles ayant par nature un caractère professionnel.

6. En l'espèce, la société CONVIVIO HÔTELS exerce une activité de location nue de locaux commerciaux à usage hôtelier dans le cadre de baux conclus avec le groupe Accor, dont les stipulations contractuelles prévoient, ainsi que le soutenait sans être contredite l'administration fiscale devant les premiers juges, une indexation des loyers sur le chiffre d'affaires du preneur, une obligation du preneur d'informer la bailleresse, en cas de baisse durable du chiffres d'affaires d'un établissement hôtelier, des actions à réaliser à court terme pour rehausser ce chiffre d'affaires, notamment en matière de réalisation de travaux, repositionnement commercial ou changement d'enseigne, à lui communiquer le chiffre d'affaires trimestriel et annuel HT, le résultat brut opérationnel, le taux d'occupation, le prix moyen par chambre, le revenu par chambre disponible, ainsi que des éléments prévisionnels en matière de chiffre d'affaires et de positionnement des différentes enseignes, enfin à solliciter un agrément préalable et formel en cas de transfert d'un fonds de commerce hôtelier à une société extérieure au groupe Accor. Ces stipulations contractuelles ne sont cependant pas de nature à traduire une immixtion du bailleur dans l'exploitation commerciale que le preneur réalise à travers son activité. Il s'ensuit que, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, la société requérante qui ne participe pas à l'exploitation commerciale du locataire n'exerce pas une activité professionnelle par nature. Dans ces conditions, cette activité désormais réputée exercée à titre professionnel au sens au II de l'article 1586 sexies du code général des impôts bénéficie du dispositif de lissage de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises que cette disposition prévoit.

7. Il résulte de ce qui précède, que la société COVIVIO HÔTELS est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté le surplus des conclusions de sa demande tendant à la décharge des rappels de cotisations sur la valeur ajoutée des entreprises à laquelle elle a été assujettie au titre au titre des périodes du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2014, à hauteur des sommes restant en litige.

Sur les frais du litige :

8. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société COVIVIO HÔTELS dans la présente instance.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1704216, 1706177 du Tribunal administratif de Montreuil en date du

20 septembre 2018 est annulé en tant qu'il a rejeté le surplus de la demande de la société COVIVIO HÔTELS.

Article 2 : : La société COVIVIO HÔTELS est déchargée des suppléments de cotisations sur la valeur ajoutée des entreprises auxquels elle a été assujettie au titre des périodes du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2014, à hauteur des sommes restant en litige.

Article 3 : L'Etat versera à la société COVIVIO HÔTELS la somme de 1 500 (mille cinq cents) euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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N° 18VE03842


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18VE03842
Date de la décision : 22/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Contributions et taxes - Impositions locales ainsi que taxes assimilées et redevances - Taxe professionnelle - Professions et personnes taxables.

Contributions et taxes - Impositions locales ainsi que taxes assimilées et redevances.


Composition du Tribunal
Président : M. BEAUJARD
Rapporteur ?: Mme Alice DIBIE
Rapporteur public ?: Mme MERY
Avocat(s) : CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-06-22;18ve03842 ?
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