Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E... C... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler le titre exécutoire émis à son encontre le 6 juillet 2016 en vue du recouvrement par la commune de Bobigny d'une somme de 29 304 euros et de mettre à la charge de la commune de Bobigny une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1607098 du 1er décembre 2017, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande en annulation de ce titre exécutoire.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés respectivement le 1er février 2018 et le 24 juillet 2019, M. C..., représenté par Me D..., avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2°d'annuler ce titre exécutoire ;
3° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'ordonnateur ne pouvait prendre le titre exécutoire litigieux après avoir accordé délégation de signature à un tiers à cet effet et alors que le bordereau était signé par une autre personne ;
- les montants de la créance sur le bordereau et sur le titre exécutoire en litige diffèrent ;
- une autorisation de cumul d'activités créatrice de droit n'est pas nécessairement expresse et peut être révélée par le versement de sommes d'argent ou d'avantage à l'agent public;
- la demande de reversement de la somme en litige procède au retrait d'une décision créatrice de droit au-delà du délai de 4 mois ;
- l'action en répétition des rémunérations de l'agent était prescrite au regard des dispositions de l'article 37-1 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet1983 ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A... ;
- et les conclusions de Mme Méry, rapporteur public ;
- les observations de Me D... pour M. C... ;
- et les observations de Me B... pour la commune de Bobigny.
Considérant ce qui suit :
1. M. C... relève appel du jugement du 1er décembre 2017 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté son recours en annulation du titre exécutoire émis le 6 juillet 2016 par la commune de Bobigny, tendant au recouvrement d'une créance d'un montant de 29 304 euros, correspondant aux rémunérations versées à l'intéressé par la société d'économie mixte d'équipement collectif (SEMECO) de Bobigny, entre les mois de novembre 2011 et de mai 2014.
Sur la régularité formelle du titre en litige :
2. Aux termes, d'une part, de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales : " (...) Une ampliation du titre de recettes individuel ou de l'extrait du titre de recettes collectif est adressée au redevable (...) / le titre de recettes individuel ou l'extrait du titre de recettes collectif mentionne les nom, prénoms et qualité de la personne qui l'a émis (...) / Seul le bordereau de titres de recettes est signé pour être produit en cas de contestation. ". Aux termes du second alinéa de l'article 4 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, codifié depuis lors au premier alinéa de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration : " (...) / Toute décision prise par l'une des autorités mentionnées à l'article 1er comporte, outre la signature de son auteur, la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci ".
3. Il résulte des dispositions citées au point 2, d'une part, qu'un titre de recettes doit mentionner les nom, prénoms et qualité de l'auteur de cette décision, au sens des dispositions citées au point 2, de même, par voie de conséquence, que l'ampliation adressée au redevable, et d'autre part, qu'il appartient à l'autorité administrative de justifier en cas de contestation que le bordereau de titre de recettes comporte la signature de cet auteur. Lorsque le bordereau est signé non par l'ordonnateur lui-même mais par une personne ayant reçu de lui une délégation de compétence ou de signature, ce sont, dès lors, les noms, prénoms et qualité de cette personne qui doivent être mentionnés sur le titre de recettes, de même que sur l'ampliation adressée au redevable.
4. Si les mentions du bordereau accompagnant le titre de recettes litigieux diffèrent de celles portées sur ce titre, cette circonstance est en l'espèce sans influence sur la légalité de celui-ci, M. C... ayant pu vérifier la compétence du maire de la commune par laquelle il était précédemment employé pour établir ce titre. A défaut de priver l'intéressé d'une garantie effective, la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales et de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration n'a pu vicier la régularité formelle du titre litigieux.
5. Si, d'autre part, le bordereau ne détaille que les montants des années 2011 et 2012, le montant total du reversement de rémunération de 29 304 euros figure tant dans le bordereau que dans le titre, de sorte que les mentions en cause ne vicient pas davantage la régularité formelle de ce dernier.
Sur le bien-fondé du titre de perception :
6. En vertu des dispositions de l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, les créances résultant de paiements indus effectués par les personnes publiques en vue de rémunérer leurs agents ne peuvent être répétées que dans un délai de deux années à compter du premier jour du mois suivant celui de la date de mise en paiement du versement erroné, y compris lorsque ces créances ont pour origine une décision créatrice de droits irrégulière devenue définitive. Et aux termes de l'article 2224 du code civil : " Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. " ;
7. Comme il a été dit, la somme de 29 304 euros en litige correspond à des rémunérations versées à M. C... pour ses fonctions de directeur général de la société d'économie mixte d'équipement collectif (SEMECO) de Bobigny qu'il a exercées du mois de novembre 2011 au mois de mai 2014, en plus de l'emploi qu'il occupait au sein de la commune de Bobigny, avant son licenciement. Il suit de là que la somme mise en recouvrement par le titre de recettes en litige correspond à la rémunération d'une activité accessoire dans le cadre d'un cumul, mais non à la rémunération d'un emploi principal, à laquelle seule s'applique la prescription biennale mentionnée à l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000 visée ci-dessus. Par suite, la demande de reversement de cette somme n'était soumise qu'à la prescription quinquennale prévue par les dispositions de l'article 2224 du code civil, dont il est constant qu'elle n'était pas atteinte à la date de notification du titre exécutoire en date du 6 juillet 2016. Le moyen tiré de la prescription de la créance à l'origine du titre de recettes ne peut qu'être écarté.
8. Aux termes de l'article 25 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée portant droits et obligations des fonctionnaires : " (...) Les fonctionnaires et agents non titulaires de droit public peuvent toutefois être autorisés à exercer, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, à titre accessoire, une activité, lucrative ou non, auprès d'une personne ou d'un organisme public ou privé, dès lors que cette activité est compatible avec les fonctions qui leur sont confiées et n'affecte pas leur exercice. (...) ". Aux termes du VI de l'article 25 septies de la même loi : " Sans préjudice de l'engagement de poursuites disciplinaires, la violation du présent article donne lieu au reversement des sommes perçues au titre des activités interdites, par voie de retenue sur le traitement ". Aux termes de l'article 4 du décret du 2 mai 2007 relatif au cumul d'activités des fonctionnaires, des agents non titulaires de droit public et des ouvriers des établissements industriels de l'Etat, alors en vigueur : " Le cumul d'une activité exercée à titre accessoire (...) avec une activité exercée à titre principal est subordonné à la délivrance d'une autorisation par l'autorité dont relève l'agent intéressé. (...) ". Aux termes de l'article 5 du même décret : " Préalablement à l'exercice de toute activité soumise à autorisation, l'intéressé adresse à l'autorité dont il relève qui lui en accuse réception, une demande écrite (...) ". Et aux termes de l'article 6 de ce décret : " L'autorité compétente notifie sa décision dans un délai d'un mois à compter de la réception de la demande. / Lorsque l'autorité compétente estime ne pas disposer de toutes les informations lui permettant de statuer sur la demande, elle invite l'intéressé à la compléter dans un délai maximum de quinze jours à compter de la réception de sa demande. Le délai prévu au premier alinéa est alors porté à deux mois. / En l'absence de décision expresse écrite contraire dans le délai de réponse mentionné aux premier et deuxième alinéas, l'intéressé est réputé autorisé à exercer l'activité accessoire. (...) ".
9. M. C... soutient qu'en l'avisant par lettre du 6 juillet 2016 de l'émission d'un titre de recettes tendant au reversement des rémunérations qui lui avaient été versées en sa qualité de directeur général de la SEMECO, la commune de Bobigny a retiré au-delà du délai de quatre mois un acte créateur de droits. Toutefois, invité par le greffe du Tribunal administratif de Montreuil, à produire une décision de la commune l'autorisant à exercer une activité accessoire au sein de la SEMECO durant les années 2011 à 2014 ou, à défaut, toute demande de sa part tendant à être autorisé à exercer une telle activité, M. C... n'a pu produire aucun document en ce sens. Il s'est borné à se prévaloir d'une communication relative au fonctionnement de la SEMECO faite au cours de la séance du conseil municipal en date du 10 novembre 2011, par laquelle le maire informait les membres de l'assemblée du dessaisissement de la directrice de la SEMECO de ses fonctions par le conseil d'administration de cette société et de la nomination de M. C... en qualité de directeur général par intérim. Ni cette information donnée au conseil municipal, ni le versement mensuel d'une somme de 800 euros par la SEMECO, personne morale de droit privée distincte de la commune, ne sauraient s'analyser comme une autorisation d'exercice par cette dernière d'une activité accessoire. Au surplus, le requérant n'établit ni même n'allègue avoir présenté la demande écrite d'autorisation de cumul prescrite par l'article 5 du décret du 2 mai 2007. Il suit de là que le titre exécutoire litigieux n'a pas procédé au retrait d'une décision créatrice de droit et que la commune était fondée, en application de dispositions du VI de l'article 25 septies de la loi du 13 juillet 1983, à rappeler les sommes mentionnées dans le titre de recettes litigieux.
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761 -1 du code de justice administrative :
10. Ces dispositions font obstacle à ce que la commune de Bobigny qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, verse à M. C... la somme qu'il réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de
M. C..., une somme de 1 500 euros, que la commune de Bobigny demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : M. C... versera à la commune de Bobigny une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la commune de Bobigny est rejeté.
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N°18VE00397