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22/06/2020 | FRANCE | N°18VE00330

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 22 juin 2020, 18VE00330


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... C... a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise de condamner solidairement la communauté d'agglomération Argenteuil-Bezons et la commune de Bezons à lui verser la somme de 20 000 euros en réparation du préjudice qu'elle allègue avoir subi.

Par un jugement n° 1508134 du 22 novembre 2017, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 23 janvier 2018, Mme D... C..., représentée par Me E

..., demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement attaqué ;

2° de condamner solidairement la...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... C... a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise de condamner solidairement la communauté d'agglomération Argenteuil-Bezons et la commune de Bezons à lui verser la somme de 20 000 euros en réparation du préjudice qu'elle allègue avoir subi.

Par un jugement n° 1508134 du 22 novembre 2017, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 23 janvier 2018, Mme D... C..., représentée par Me E..., demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement attaqué ;

2° de condamner solidairement la communauté d'agglomération Argenteuil-Bezons représentée par son liquidateur et la commune de Bezons à lui verser la somme de 20 000 euros en réparation du préjudice au titre du harcèlement moral qu'elle estime avoir subi ;

3° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Mme C... soutient que :

- elle a été victime dès son recrutement en juin 2014 d'agissements de harcèlement moral émanant du directeur de cabinet du maire de Bezons, consistant en des reproches publics, des remarques humiliantes sur son physique, sa manière de se comporter et ses compétences professionnelles puis en une mise à l'écart du service et la privation de missions effectives ;

- ces agissements de harcèlement moral engagent la responsabilité solidaire de la commune de Bezons et de la communauté d'agglomération Argenteuil-Bezons qui, bien qu'alertées par ses soins, les ont laissés se poursuivre ;

- le préjudice subi du fait de ce harcèlement moral pourra être évalué à la somme de 20 000 euros.

Vu le jugement attaqué.

Par un mémoire en défense enregistré le 19 octobre 2018, la commune de Bezons, représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la requérante la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- les conclusions indemnitaires sont irrecevables en ce qu'elles excèdent la somme de 15 000 euros mentionnée dans la demande préalable du 16 juillet 2015 ;

- les difficultés relationnelles rencontrées par la requérante dans le cadre de ses fonctions de collaboratrice de cabinet sont étrangères à tout harcèlement et liées au comportement professionnel inadapté de l'intéressée ;

- la responsabilité de la commune de Bezons et de la communauté d'agglomération Argenteuil-Bezons, qui ont pris des mesures à la suite des doléances de Mme C..., n'est pas susceptible d'être recherchée ;

- le préjudice allégué, d'ordre purement financier, n'est pas établi.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 87-1004 du 16 décembre 1987 ;

- le décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;

- les articles 7 et 12 de l'ordonnance n° 2020-305 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif modifiée par les ordonnances n° 2020-405 du 8 avril 2020, n° 2020-427 du 15 avril 2020 et n° 2020-558 du 13 mai 2020 ;

- le code de justice administrative.

En application de l'article 7 de l'ordonnance n°2020-305 du 25 mars 2020, les parties ont été régulièrement informées de la tenue d'une audience partiellement dématérialisée.

Ont été entendus au cours de l'audience publique partiellement dématérialisée :

- le rapport de Mme A... via un moyen de télécommunication audiovisuelle,

- les conclusions de Mme Méry, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., pour la commune de Bezons.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... a été recrutée à compter du 2 juin 2014 en qualité de collaboratrice de cabinet par la communauté d'agglomération Argenteuil-Bezons afin d'assurer le suivi des questions quotidiennes et des dossiers relevant de la compétence de la communauté d'agglomération sur le territoire de la commune de Bezons, en matière de voirie (usages et travaux), de logements et de transports, auprès de M. Lesparre, conseiller communautaire de la communauté d'agglomération Argenteuil-Bezons et maire de Bezons. S'estimant victime d'agissements de harcèlement moral dès son recrutement en juin 2014 de la part du directeur de cabinet du maire de Bezons, Mme C... a adressé le 16 juillet 2015 un courrier au président de la communauté d'agglomération Argenteuil-Bezons par l'intermédiaire de son conseil, par lequel elle sollicitait la rupture anticipée de son contrat de travail ainsi qu'une indemnité de 15 000 euros en réparation du préjudice subi. Par la présente requête, Mme C... relève appel du jugement du 22 novembre 2017 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à la condamnation solidaire de la communauté d'agglomération Argenteuil-Bezons et de la commune de Bezons à lui verser la somme de 20 000 euros en réparation de son préjudice.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ". Il appartient à un agent public, qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. En revanche, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l'existence d'un harcèlement moral est établie, qu'il puisse être tenu compte du comportement de l'agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui. Le préjudice résultant de ces agissements pour l'agent victime doit alors être intégralement réparé.

3. Mme C... soutient, en premier lieu, que le directeur de cabinet du maire de Bezons a exprimé des remarques humiliantes sur son physique, sa manière de se comporter et ses compétences professionnelles, et qu'il l'a menacée physiquement au cours d'un repas au restaurant municipal. Il résulte en effet de l'instruction, en particulier de l'attestation de la directrice de la communication de la commune de Bezons et d'une stagiaire accueillie au sein du cabinet du maire de de Bezons durant le mois de juin 2015, ainsi que l'ont retenu les premiers juges, que le directeur de cabinet du maire de Bezons a tenu à plusieurs reprises des propos déplacés et blessants sur les tenues, la coiffure ou l'attitude de Mme C... en présence d'autres personnes, qu'il a tenu des propos déplacés au cours d'un repas pris en commun au restaurant municipal, et qu'il a en outre remis en cause ses compétences professionnelles devant la directrice de la communication et décrit ses missions de façon peu valorisante devant la stagiaire accueillie au sein du cabinet. Ces faits dont la matérialité n'est pas contestée par la commune de Bezons, sont susceptibles de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral. Toutefois, la commune de Bezons fait valoir que ces faits sont intervenus dans un contexte de relations de travail excédant le cadre strictement professionnel et qu'ils sont dès lors étrangers à tout harcèlement. Il ressort en effet tant de l'attestation de la stagiaire accueillie au sein du cabinet, des attestations de deux autres membres du cabinet que des nombreux échanges de courriels produits par la commune qu'une grande liberté de ton régnait dans les échanges entre les membres de ce cabinet, qui entretenaient entre eux des relations excédant le cadre strictement professionnel, à l'occasion notamment des déjeuners et autres moments conviviaux en dehors des horaires de travail auxquels participaient régulièrement Mme C.... Il ressort également de l'attestation de l'un des membres du cabinet présents lors du déjeuner au restaurant municipal au cours duquel les propos rapportés ont été prononcés par le directeur de cabinet, que lesdits propos ont été prononcés dans le cadre d'un vif échange ayant opposé Mme C... au directeur de cabinet, et que cette menace constituait en fait une réplique à une attitude et à des propos eux-mêmes excessifs de la part de la requérante. Dans ce contexte, les propos incriminés ne sauraient constituer une menace physique, et leur caractère humiliant ne peut être considéré comme établi. Enfin, il ressort des deux attestations produites par la requérante que les remarques relatives à ses compétences et la description peu valorisante de son poste ont été formulées dans un cadre informel sans volonté de son auteur de dévaloriser l'intéressée ou de porter atteinte à sa réputation, et sans qu'un tel effet ne puisse être établi. Il résulte de ce qui précède que la commune de Bezons établit que les agissements dénoncés par Mme C... sont étrangers à tout harcèlement.

4. Mme C... soutient, en second lieu, avoir fait l'objet d'une mise à l'écart du service puis d'une véritable ostracisation. Elle soutient ne pas avoir été associée à la rédaction d'un communiqué de presse commun des maires d'Argenteuil, Cormeilles, Sartrouville et Bezons sur un sujet relevant de ses missions au sein de la communauté d'agglomération, et que les membres du cabinet du maire de Bezons seraient partis régulièrement déjeuner sans elle. Toutefois, ces agissements ne permettent pas faire présumer l'existence d'un harcèlement moral. Elle dénonce ensuite s'être retrouvée sans missions à la suite de ses accusations de harcèlement moral à l'encontre du directeur de cabinet et reproche à la communauté d'agglomération Argenteuil-Bezons et à la commune de Bezons qui, bien qu'alertées par ses soins, de les avoir laissés se poursuivre jusqu'au terme de son contrat le 31 décembre 2015. Si ces agissements dont la matérialité est établie et n'est pas contestée par la commune de Bezons, sont susceptibles de faire présumer l'existence d'agissements de harcèlement moral, la commune établit en défense que la requérante s'est elle-même ostracisée par son comportement, ses accusations non fondées, et surtout par son refus d'être affectée sur un poste de chargée de mission sur un projet culturel au sein de la communauté d'agglomération afin de l'éloigner du cabinet du maire de Bezons et ainsi préserver sa santé, conduisant le conseiller communautaire à faire transiter les dossiers par la directrice de cabinet de la communauté d'agglomération puis à la dessaisir de ses dossiers. Ainsi, eu égard à son comportement et son refus de changement d'affectation, Mme C... ne peut sérieusement se plaindre d'avoir été écartée de ses missions puis ostracisée. Il résulte de ce qui précède que la commune de Bezons établit que les agissements dénoncés par Mme C... sont étrangers à tout harcèlement.

5. Il résulte de ce qui a été dit aux points 3 et 4 que ni la responsabilité de la commune de Bezons ni celle de la communauté d'agglomération Argenteuil-Bezons ne peut être engagée.

6. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir partielle opposée par la commune de Bezons en défense, que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation solidaire de la communauté d'agglomération Argenteuil-Bezons représentée par son liquidateur et de la commune de Bezons à lui verser la somme de 20 000 euros en réparation du préjudice au titre du harcèlement moral qu'elle estime avoir subi.

Sur les conclusions présentées en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y pas lieu à cette condamnation ".

8. La commune de Bezons n'étant pas la partie perdante, les conclusions de Mme C... tendant à ce que soit mise à sa charge une somme en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent être rejetées. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de Mme C... le versement à la commune de Bezons d'une somme de 1 000 euros en application de ces mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Mme C... versera à la commune de Bezons la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2

N° 18VE00330


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18VE00330
Date de la décision : 22/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-13-03 Fonctionnaires et agents publics. Contentieux de la fonction publique. Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : M. BEAUJARD
Rapporteur ?: Mme Alice DIBIE
Rapporteur public ?: Mme MERY
Avocat(s) : SEBIHAT

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-06-22;18ve00330 ?
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